jeudi 3 décembre 2009

Revenant de visite…




« Curieusement les pasteurs d’ancien régime n’étaient pas censés visiter régulièrement leurs paroissiens », écrit Bernard Reymond (Le protestantisme et ses pasteurs, Labor & Fides, 2007, p. 66).

C’est le « curieusement » qui aujourd’hui semble étonnant ! Comment en est-on arrivé là ? Certes, il n’est pas exclu pour autant, précise Reymond, que le pasteur se rende chez des paroissiens, à l’occasion d’une invitation expresse, comme auprès d’un malade gravement affecté ou proche de la mort.

Mais rien de systématique dans « la visite » !


Cette pratique est d’invention récente, rappelle B. Reymond. On peut en faire remonter les premiers linéaments au XVIIIe siècle. « Dans une lettre du 30 janvier 1712 […], J.F. Ostervald annonçait », concernant Neuchâtel, avoir partagé la ville par quartiers et commencé la « visite des familles » ; initiant une « nouveauté dont les familles en question ne manquent pas d’être surprises », note Reymond, et pas toujours agréablement, loin s’en faut ! (cf. p. 68.)

Les choses en sont restées là jusqu’au XIXe siècle, où la pratique fait école. « Et les pasteurs s’y sont si bien mis que, surtout dans les régions protestantes, les paroissiens en sont venus à considérer leur visite à domicile comme un dû, jugeant sévèrement ceux qui ne s’y adonnent pas régulièrement » (p. 68).

On a oublié alors que, comme le résume le BIP (Bulletin d'information protestant 1652/1653 - juillet 2007, p. 13) faisant la recension du livre de B. Reymond : « la visite pastorale est une invention récente. Elle n'est ni une obligation, ni un dû ». Cet oubli marque depuis l’image pré-établie du rôle du pasteur.

D’où le « curieusement » qui étonne aujourd’hui, quand on ne sait plus que cette tradition récente était ignorée des Réformateurs, et où l’on voit un essentiel, parfois attendu comme mêlé d’un zeste de psychothérapie (sauf qu’un pasteur n’a pas une formation médicale de psychothérapeute !).

Et au jour, où comme le note Reymond (p. 69), la pratique des visites systématiques est devenue de plus en plus difficile, s’y appuie un excellent moyen de pression ! Comment charger la conscience d’un pasteur en vue de le mettre au pli ? Lui reprocher de ne pas faire assez de visites ! Facile, puisque de toute façon, il n’en fera jamais assez : il suffit de faire le calcul du nombre de familles en rapport avec le nombre moyen d’années dans un poste pour mesurer la valeur d’une telle pression… qui a pour seul effet certain de fragiliser le message pour lequel le pasteur est envoyé : seule la grâce sauve !

Avec comme effet secondaire de reporter sur le pasteur la responsabilité évidente des proches de s’occuper de leurs anciens et parents isolés (pour ceux des isolés qui ont des enfants ou des proches) ; et comme effet collatéral de cléricaliser, de sacerdotaliser le pasteur, censé être seul habilité à faire ce qui relève du service commun, d’une tâche diaconale (de service) partagée, service à l’égard de tous et plus particulièrement des isolés.




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