jeudi 8 septembre 2011

Cioran et grosse fatigue



Voilà que je trouve un courrier commentant un texte publié sur un de mes blogs, où je tentais de défendre Cioran face à ses juges l’attaquant sur son passé fasciste.

Et oh surprise, ce courrier me fait le grief de « faire un peu vite le procès de Cioran » (sic) !

Où je me sens fatigué, et par là plus proche de Cioran que jamais. Mon commentateur, pressé de faire valoir son « humble avis », pense apparemment un tel bien dudit « humble avis » que l’urgence de le promouvoir semble le dispenser de lire ce pourquoi il se met à son clavier...


Et puisqu'il me renvoie à Sylvie Jaudeau, je ne peux résister au besoin de citer à ce propos ce que lui confiait Cioran (Entretiens avec Sylvie Jaudeau, José Corti 1990) sur les gens « obstinés à produire », à se produire — et sur ce qui en sépare Cioran, la fatigue : « si je n’écris plus c’est parce que j’en ai assez de calomnier l’univers ! Je suis victime d’une sorte d’usure. La lucidité et la fatigue ont eu raison de moi – j’entends une fatigue philosophique autant que biologique – quelque chose en moi s’est détraqué. On écrit par nécessité et la lassitude fait disparaître cette nécessité. Il vient un temps où cela ne nous intéresse plus. En outre, j’ai fréquenté trop de gens qui ont écrit plus qu’il n’aurait fallu, qui se sont obstinés à produire […] ».

Car ainsi se clôt une œuvre de Cioran : « On en est tellement excédé, qu’on n’a plus le courage d’y ajouter une seule virgule, fût-elle indispensable. Ce qui décide du degré d’achèvement d’une œuvre, ce n’est nullement une exigence d’art ou de vérité, c'est la fatigue et, plus encore, le dégoût » (De l’inconvénient d’être né).

Au-delà de ma réponse fatiguée… Pourquoi tant de commentateurs frénétiques, pressés de placer leur mot après une lecture rapide ? Un autre, sur les cathares cette fois, que je découvre le même jour, me reproche de ne pas avoir redit assez fort ce que j’ai dit cent fois (y compris dans l’article qu'il commente !), avec tant d’autres, et qui est devenu un lieu commun : les « cathares » ne s’appelaient pas eux-mêmes ainsi…

Se produire à tout prix, fût-ce au prix de contresens ! Comme cet autre, historien, écrivant un article-pamphlet dans lequel il me reprochait de soutenir ce contre quoi je mettais en garde ! (Précisions ici.)

On se prend à rêver de silence… Quitte à être là aussi interprété de travers. Cioran tenait alors à préciser : « le nirvâna, oui, mais pas sans café » (Aveux et anathèmes).



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