samedi 4 août 2012

Effluves de peau de Cologne



Une affaire de circoncision à Cologne. Des affaires, faudrait-il dire, puisque l'Allemagne n'est pas la seule, loin s'en faut. Exemple : un blog.

Les autres pays du nord de l’Europe ne sont pas en reste dans le sens du tribunal allemand : si cette affaire, concernant une famille musulmane, a fait tant de bruit à partir de l’Allemagne, c’est peut-être à cause d’un certain passé quant aux relations avec le judaïsme… Ce qui vaut peut-être aussi le moratoire Merckel. Jusqu’à quand ?

Des courants libéraux du judaïsme américain ne pratiquent plus la circoncision.

Voilà qui participe d'un état d'esprit général lié à une conception radicalement individualiste de la démocratie moderne.

Au plan ecclésial, c’est la même conception qui conduit immanquablement, concernant les chrétiens, au refus du baptême des enfants. Logique ultime de l’argument : l’enfant choisira lui-même, plus tard.

Au plan des traditions du pouvoir, cela conduit à la disparition des traditions non-radicalement démocratiques : peut-on imposer à un enfant (ou jeune adulte) britannique (ou autre) d’être roi ou soumis à un tel protocole (cf. Diana) sous le seul prétexte qu’il est né (ou a épousé quelqu’un) à tel rang ? Refus (éventuel) radicalement individualiste démocratique.

C’est sans doute jusqu’où les inventeurs de la démocratie moderne ne voulaient pas aller — cf. la quantité de monarchies constitutionnelles qui imposent aux enfants royaux de se soumettre à leur royale tâche (y compris dans des pays scandinaves où on conteste la circoncision).

C’est la même logique qui impose la nécessité du mariage entre personnes du même sexe : conception radicalement individualiste de la démocratie moderne.

Quand s’ajoute à cela la dimension de la mutilation, l’approche actuelle des choses va incontestablement dans le sens des anti-circoncision. Le parallèle avec l’excision est invoqué immanquablement.

Les auto-"mutilations" (genre piercing) posent beaucoup moins de problèmes : c’est mon corps ! C’est peut-être le seul fait de la non-irréversibilité qui fait que la pose de boucles d’oreilles aux petites filles (non consentantes) n’a (à ma connaissance) jusqu’à présent pas fait problème.

C’est la même logique démocratique individualiste dominante dont la relative nouveauté explique qu’auparavant on n’a pas fait grand cas (aux temps coloniaux du XXe siècle) du problème (réel) de l’excision (début XXe la psychanalyste Marie Bonaparte était très pour !).

Dorénavant les choses sont autres : on dénonce à juste titre ce qui est une véritable mutilation : on en a les moyens intellectuels via l’individualisme — qui est donc à ce point, et sous plusieurs angles, incontestablement heureux.

Mais il faut savoir garder la moyenne ! Le prépuce n’est pas l’équivalent des petites lèvres, ni du clitoris ! Quoiqu’en disent les anti-circoncision qui font évidemment jouer cette fausse analogie.

Cela dit, si la modernité démocratique individualiste présente des avantages certains, elle est marquée aussi de sa limite — contre sa toute-puissance —, comme toutes choses sous le soleil !

La limite essentielle est à mon sens ici l’optimisme quasi béat qui la sous-tend. C’est précisément cela que la circoncision met en question (de façon plus criante que le baptême qui du coup se corrige en se lisant comme connotant péché originel — pas très optimiste !). La circoncision pose ce questionnement au cœur de l’expression du vouloir vivre : le sexe masculin en tant qu’organe de la reproduction marqué comme non tout-puissant (un aspect trop peu souligné dans les sociétés machistes pratiquant la circoncision) — marqué donc d’un pessimisme qui va à l’encontre de l’individualisme tout-puissant, et ce dès les premiers jours de la vie.

C’est probablement là que se produit le choc culturel qui fait (encore et toujours) du judaïsme (et à ce plan des traditions similaires — pas seulement l’islam) le grain de sable dans les rouages bien huilés des sociétés policées (hier police des totalitarismes durs, aujourd’hui police de la pensée unique molle)…

RP


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