lundi 19 mai 2014

Des Psaumes au « Notre Père »



Les cinq livres des Psaumes sont reçus dans le judaïsme comme correspondant aux cinq livres de la Torah — chacun des livres des Psaumes à un de ces livres d'enseignement de la liberté. Les Psaumes prient ainsi l'espérance de la délivrance de la captivité, de toutes les captivités, l'espérance de la Terre promise.

Le Notre Père en serait-il comme un condensé ? Le Notre Père aussi, comme en écho aux cinq livres de la délivrance de la captivité et de l'esclavage, et comme en écho aux cinq livres des Psaumes, se déploie en cinq demandes (chez Luc — dont deux sont dédoublées chez Mathieu : les cinq demandes en devenant donc sept, ou cinq dont deux dédoublées).

Le Notre Père est lui aussi une demande de délivrance adressée au Dieu dont la sainteté de son Nom (1ère demande / cf. Ézéchiel 36) sera ainsi dévoilée, par la venue de son Règne (2ème demande), jusqu'à la délivrance totale du mal (5ème demande / 7ème chez Mathieu).

« Que ton Règne vienne » peut ainsi rassembler l'espérance de l'Exode, deuxième livre des Psaumes (qui pour le judaïsme correspond au livre de l'Exode) — qui se clôt par le Psaume 72...


Psaume 72
1 De Salomon.
Dieu, confie tes jugements au roi,
ta justice à ce fils de roi.
2 Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
et tes humbles selon le droit.

3 Grâce à la justice, que montagnes et collines
portent la prospérité pour le peuple !
4 Qu’il fasse droit aux humbles du peuple,
qu’il soit le salut des pauvres, qu’il écrase l’exploiteur !

5 Que l’on te craigne,
tant que soleil et lune brilleront, jusqu’au dernier des siècles !

6 Qu’il descende comme l’averse sur les regains,
comme la pluie qui détrempe la terre !
7 Pendant son règne, que le juste soit florissant,
et grande la prospérité, jusqu’à la fin des lunaisons !

8 Qu’il domine d’une mer à l’autre,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !
9 Les nomades s’inclineront devant lui,
ses ennemis lécheront la poussière.
10 Les rois de Tarsis et des Îles enverront des présents ;
les rois de Saba et de Séva paieront le tribut.
11 Tous les rois se prosterneront devant lui,
toutes les nations le serviront.

12 Oui, il délivrera le pauvre qui appelle,
et les humbles privés d’appui.
13 Il prendra souci du pauvre et du faible ;
aux pauvres, il sauvera la vie :
14 Il les défendra contre la brutalité et la violence,
il donnera cher de leur vie.

15 Qu’il vive ! On lui donnera l’or de Saba,
on priera pour lui sans relâche, on le bénira tous les jours !

16 Qu’il y ait dans le pays, au sommet des montagnes, des champs de blé
dont les épis ondulent comme le Liban, et de la ville, on ne verra qu’un pays de verdure.

17 Qu’il se fasse un nom éternel, qu’il le propage sous le soleil,
afin qu’on se bénisse l’un l’autre en le nommant et que toutes les nations le disent bienheureux.

18 Béni soit le SEIGNEUR Dieu, le Dieu d’Israël,
le seul qui fasse des miracles !
19 Béni soit à jamais son nom glorieux !
Que toute la terre soit remplie de sa gloire !
Amen et amen !

20 Fin des prières de David, fils de Jessé.

*

… Un Psaume, une prière, qui nous dit l’espérance universelle de la justice — et qui promet la justice universelle. Un Psaume qui nous rejoint au cœur de notre désespérance de ce que cette promesse semble ne jamais advenir.

Quand on sait que les Psaumes étaient les prières de Jésus, on ne peut s'empêcher de penser que Jésus pleurant sur Jérusalem le faisait en écho à ce Psaume — Jérusalem ville du Messie, roi de justice, qui semble ne voir jamais advenir la justice remise par Dieu pour la ville et pour la terre entière à ce roi de justice espéré.

Cette espérance dont on désespère, celle d'un règne universel de la justice, d'un règne où tout est repris de ce que font les empires et leur paix universelles imposées par la force et la violence, par le viol de la justice. Ici la paix universelle viendra par la justice. Lécheront la poussière, de honte, ceux qui s'y opposés par la violence, tandis que les ressources et les biens, les traditions et les richesses de tous les peuples serviront avec joie ce règne de justice, apportés comme pour une offrande, comme reconnaissance de ce qu'il ne peut y avoir de règne universel que dans la justice.

Au temps de Jésus, cela n'est jamais advenu en sa plénitude, Jésus en pleure sur Jérusalem ; depuis Jésus, ce n'est non plus jamais advenu au sein des nations, pas même celles sur lesquelles son nom pourtant a été invoqué. Mais celui qui a porté cette espérance et qui en donne la promesse est plus vrai que nos désespérances, puisqu'il a vaincu jusqu'à la mort même. Christ ressuscité ne meurt pas. Avec nous jusqu'à la fin du monde, il est celui qui nous envoie — nous nourrissant de sa promesse qui a vaincu toutes les désespérances.

*

« Enseigne-nous à prier », ont demandé les disciples. « Voici comment vous devez prier : quand vous priez, dites... Père... », répond Jésus. Voilà qui nous place dans l’intimité de Dieu — Père / « Abba », selon ce que rapportent de l’araméen Marc (14, 36 : Jésus au Gethsémané) et Paul (Romains 8, 15 ; Galates 4, 6). Intimité : souvenons-nous que Matthieu précise : « entre dans ta chambre, ferme la porte. » Où l’on reçoit du Père la loi clamée publiquement de la chaire, déjà au Sinaï, après en avoir reçu un nom. Et en écho la prière liturgique publique, le « Notre Père », donc. « Toute famille dans les cieux et sur la terre tire son nom du Père », rappelle l'Épître aux Éphésiens (3, 14-15).

« Que ton nom soit sanctifié », sanctifié c'est-à-dire mis à part, considéré avec un respect infini, jamais prononcé en vain, et donc, au fond, reconnu comme indicible. «Que ton nom soit sanctifié». D'autant plus que négliger le nom du Père, nous qu'il adopte comme ses enfants, c'est ne pas percevoir l’ouverture d'avenir qui s’y trouve. « Honore ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent sur la terre » dit la Loi. D'emblée donc, la prière du Seigneur nous ouvre tout un programme, et un avenir, ce qui fait rejoindre un des thèmes de cette sanctification du Nom dans les livres prophétiques : cet aspect qui concerne l’avenir : la venue du Royaume — du Règne où Dieu sanctifie lui-même son nom en accomplissant sa promesse.

*

Et effectivement cette première demande est suivie de la demande de la venue du Règne de Dieu, par l’accomplissement de la volonté de Dieu jusque sur cette terre en désordre.

Les disciples ne savent pas qu'ils viennent de poser à Jésus une question très délicate, aux conséquences périlleuses pour eux-mêmes. Mais c'est par là, par cette prière, que viendra le Royaume, le Règne de Dieu. En cinq demandes. Sept chez Matthieu — la troisième et la septième de Matthieu étant une extension de la seconde et de la sixième demande («que ton règne vienne» s'y commente en « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » et « ne nous soumets pas à la tentation » s’y commente en « délivre-nous du mal »).

Cinq demandes donc, qui risquent fort si nous y prenons garde, de nous mener où nous ne voudrions pas, à savoir au Règne de Dieu dont nous demandons pourtant qu'il vienne. Aller où nous n'aurions pas prévu, ou du moins d'une façon que nous n'aurions pas prévue, comme Pierre à la fin de l'évangile de Jean (21, 18) : « un autre te mènera où tu ne voudras pas ».

*

« Donne-nous, chaque jour, notre pain pour ce jour »… ? L'abondance à laquelle tous aspirent vient de Dieu seul. Lui seul est riche : des biens spirituels, du pain du ciel, et du pain qui nourrit le ventre de façon à ouvrir les oreilles. Cela dit, le pain de ce jour pour lequel nous prions est plus que la simple nourriture périssable. Le terme choisi l’indique clairement. Il est la manne. Il est la nourriture éternelle qui est d'être pardonné et accepté, d'avoir trouvé un père... Notre Père, disent les disciples.

Arrêtons-nous donc sur la plus troublante de ces cinq demandes : celle concernant le pardon : «pardonne-nous nos péchés, comme nous pardonnons aussi à qui nous offense».

Ce mot rendu dans Luc par « péché », ou « offense », ou « manquement » peut aussi être rendu par « dette », selon le parallèle de Matthieu — le sens « péché » étant une dimension spirituelle de la dette. En ce sens, le mot peut relever non pas tant de la faute que de la création : même sans faute, nous sommes en dette envers Dieu comme on l'est à l'égard d'un père (ou d’une mère) — «Notre Père» — sans lequel nous ne serions pas, celui par qui nous sommes, non pas tant parce qu'il a donné la semence qui nous origine, mais parce qu'il nous a donné un nom, son nom. Cette dette-là ne peut être payée : son prix est infini. Le reconnaître entraîne une attitude de pardon, de remise des dettes. La remise des dettes est donc effectivement incontournable ; elle est la condition de la prolongation de nos êtres jusqu'à la venue du Règne, en lien étroit avec la demande précédente, celle du don du pain de ce jour. Si le plus puissant, le Père, exige le remboursement de la dette, il en vient à terme à écraser l'enfant.

Mieux qu’un père, Dieu donne ce qui est bon à ses enfants. L'instauration de son Règne est une remise de dettes par Dieu à notre égard. D'autant plus, au fond, que la dette est donc trop infinie pour être remboursée.

C'est sur cela qu'est établie l'institution biblique de la loi du Jubilé, par lequel s'inaugure le Royaume. Rappelons-nous que le Jubilé est ce que prévoit la Torah : cette remise des dettes obligatoire tous les cinquante ans. Jésus (cf. Luc 4) inaugure son ministère messianique par la proclamation du Jubilé. Cette libération, remise des dettes par Dieu, se signifie dans nos remises de dettes. C’est le sens du « comme nous remettons ». Nous sommes appelés à la suite du Christ à faire un don gratuit de nous-mêmes, n’aurait-il en retour que de l'ingratitude.

*

Précédée de la demande du pain, lieu par excellence de la dette à Dieu, la prière pour la remise des dettes et le pardon des offenses est suivie de : «Ne nous laisse pas entrer en tentation» — «ne nous expose pas dans l'épreuve». Pourquoi Dieu se tait-il face aux prières de son peuple, pourquoi tarde-t-il à instaurer son Règne ?

Face au silence céleste, ce silence qui dure, où Dieu qui est censé être notre Père nous apparaît pourtant si dur, impitoyable, nous donnant essentiellement une Loi, alors qu'on ne voit pas venir de consolation, et à plus forte raison la consolation du Règne de Dieu — on sera tenté de dire : ces maux qui nous adviennent, fussent-ils de notre faute, ne sont-ils pas le signe que Dieu se désintéresse de nous ? Où l'épreuve dont nous demandons que nous n'y sombrions pas devient tentation de se dire que ce Dieu est finalement méchant. Et que de fois l'a-t-on entendu à propos du Dieu dit « de l'Ancien Testament », oubliant que c'est ce Dieu que Jésus appelle son Père ? Tentation de rejeter ce Dieu qui donne la Loi, et avec elle son silence. Or c'est là son rôle de Père : donner la Loi et nous apprendre à patienter, à recevoir le plaisir plus tard. Se séparer un jour du plaisir immédiat du sein maternel. Le père disant la loi et privant ainsi du plaisir immédiat.

C'est de la sorte que Dieu nous conduit au Règne qui lui appartient avec la puissance et la gloire, ce Règne qui vient pour nous à la mesure où nous recevons avec joie la volonté de Dieu, sa Loi.

C'est le temps d'un passage douloureux, celui de l'apprentissage, qui précède la liberté et la joie. C'est encore la leçon de Paul : comme pour la douleur d'un enfantement, Dieu a soumis la Création à la vanité et à la douleur, avec une espérance : sa libération, comme la naissance (Romains 8, 20-22). La tentation serait de se laisser abattre et de se dire que face à une telle situation, une telle douleur, celle qui est la nôtre, le Royaume ne viendra pas, la naissance n'aura pas lieu. C'est face à cette tentation que Jésus appelle à la persévérance dans la confiance en Dieu qui nous délivre du mal.

*

Face à ce présent lourd, accablant, ou face à notre mauvaise volonté, — il s’agit de persévérer, de requérir la justice de la foi, prête à se manifester, dans sa splendeur et sa liberté ; il n'est qu'à exiger ce que Dieu promet, exiger son Règne. Persévérer dans la prière, comme l'ami qui demande du pain. Dieu finira par répondre, autrement que prévu peut-être, par le don imprévu de l'Esprit saint, qui mène au Royaume par des chemins auxquels l’on ne s'attend pas. Persévérer dans la prière est dangereux : c'est risquer de se voir transformé, dépossédé de soi et de ses biens, de sa vision du monde — qui sait ? Persévérer dans la prière transforme.

Apprendre à regarder le monde par les yeux de Dieu. Et explorer tous les possibles des chemins de son Règne... Car c’est « à toi qu’appartiennent le Règne,… » dès aujourd'hui.


RP
Une prière qui engage

Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2013-2014
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
7) Mardi 20 & jeudi 22 mai 2014 - Des Psaumes au « Notre Père » (PDF)


lundi 12 mai 2014

En vue de ce qui vient




Dernières recommandations : Hébreux 12,14 – 13,25.


Hébreux 12, 14-17
14  Recherchez la paix avec tous, et la sanctification sans laquelle personne ne verra le Seigneur.
15  Veillez à ce que personne ne se prive de la grâce de Dieu; à ce qu’aucune racine d’amertume ne produise des rejetons et ne cause du trouble, et que plusieurs n’en soient infectés.
16  Veillez à ce que personne ne soit débauché ni profanateur comme Ésaü, qui pour un seul plat vendit son droit d’aînesse.
17  Vous savez que plus tard, quand il voulut hériter de la bénédiction, il fut rejeté, car il ne trouva pas moyen d’amener son père à changer d’avis, bien qu’il l’ait cherché avec larmes.


Ce n’est pas le moment de se décourager. L’auteur vient de le dire. Au contraire, sur la base de la promesse, sur la certitude la fidélité de Dieu, il faut se serrer les coudes et supporter les dernières épreuves du chemin de l’Exode vers le Royaume.

Parole appuyée par les références aux promesses messianiques des prophètes. Ici (ch. 12, v. 12-13) l’évocation d’Ésaïe est sensible : « le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. Des eaux jailliront dans le désert, des torrents dans la steppe. La terre brûlante se changera en lac, la région de la soif en sources jaillissantes. Dans le repaire où gîte le chacal, l’herbe deviendra roseau et papyrus. Là on construira une route qu’on appellera la voie sacrée » (És 35, 6-8a). Et de même : « Réconfortez, réconfortez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem et proclamez à son adresse que sa corvée est remplie, que son châtiment est accompli, qu’elle a reçu de la main du SEIGNEUR deux fois le prix de toutes ses fautes. Une voix proclame: "Dans le désert dégagez un chemin pour le SEIGNEUR, nivelez dans la steppe une chaussée pour notre Dieu. Que tout vallon soit relevé, que toute montagne et toute colline soient rabaissées, que l’éperon devienne une plaine et les mamelons, une trouée ! » (És 40, 1-4).

Autant de textes dont on sait la signification quant à la promesse du Royaume et de la paix. La dimension du Royaume est clairement collective : la paix bien sûr, et la sanctification, c’est-à-dire la consécration à Dieu de chacun, qui a valeur pour tous : « la sanctification sans laquelle personne ne verra le Seigneur ». Ici encore le peuple croyant est présenté comme l’avant-garde l’humanité en marche vers sa paix, vers son héritage.

La grâce, la faveur de Dieu, est le fondement de ce qui vient et qu’annonce la communauté par son comportement jusqu’au cœur de la persécution.

Seulement cet avenir, cette promesse, ne doivent pas être perdus de vue. Il s’agit donc de ne pas abandonner, ne pas abandonner l’héritage promis — comme l’avait fait Ésaü —, car il n’y a nul salut hors cela.


Hébreux 12, 18-24
18  Vous ne vous êtes pas approchés, en effet, d’une montagne qu’on pouvait toucher et qui était embrasée par le feu, ni de l’obscurité, ni des ténèbres, ni de la tempête,
19  ni du retentissement de la trompette, ni d’une clameur de paroles telle que ceux qui l’entendirent demandèrent qu’on ne leur adresse pas un mot de plus.
20  Car ils ne supportaient pas cette injonction: Même si une bête touche la montagne, elle sera lapidée.
21  Et le spectacle était si terrifiant que Moïse dit: Je suis épouvanté et tout tremblant.
22  Mais au contraire vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades d’anges;
23  de la réunion et de l’assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux; de Dieu, juge de tous; des esprits des justes parvenus à la perfection;
24  de Jésus, médiateur d’une nouvelle alliance; et du sang de l’aspersion qui parle mieux que celui d’Abel.


Comme le Tabernacle terrestre est l’image du Tabernacle céleste et éternel, la montagne du Sinaï est une réalité terrestre qui en signifie une autre, céleste et éternelle : la Sion spirituelle, celle de la Jérusalem céleste, cité du Dieu vivant.

La mise en parallèle du Sinaï et de Sion pour mettre en Lumière la distinction entre le fait terrestre et son fondement spirituel et éternel est en quelque sorte un classique, déjà utilisé par l’Épître de Paul aux Galates.

Cette distinction signifie ici à quel point le but, l’accomplissement de la promesse est en vue. La réalité éternelle promise depuis Abraham est à portée de main. Réalité céleste qui fonde jusqu’à la Révélation du Sinaï.

L’Épître rappelle alors la dimension redoutable et sainte de la Révélation du Sinaï, avec toute la pédagogie qui entoure l’exigence de respect de cette sainteté : les signes terrifiant, la proximité de la mort qui vaut jusque pour les bêtes. On a vu précédemment que le thème - figuratif - de la lapidation avait fonction pédagogique : dire la gravité et le sérieux de ce qui est vaut en théorie la sanction de la lapidation (qui, du fait de l’imperfection de la sainteté de quiconque, n’avait pas à être appliquée littéralement !).

L’auteur reprend cela pour dire le poids de ce qui s’approche, la réalité céleste, quand l’image de cette réalité, au Sinaï, a eu un tel poids.

La réalité éternelle, infiniment proche de nos êtres qu’elle fonde, est en effet à présent dévoilée comme telle par Jésus, médiateur de cette alliance éternelle, d’une justice plus significative encore que celle du juste assassiné, Abel. Ainsi, les portes de la Cité éternelle, certes redoutables, sont ouvertes toutefois, éternellement infiniment proches. Nos intelligences peuvent le savoir pleinement désormais.


Hébreux 12, 25-29
25  Prenez garde! ne repoussez pas celui qui vous parle. Car si ceux qui repoussèrent celui qui sur la terre les avertissait, n’ont pas échappé, à bien plus forte raison ne pourrons-nous échapper nous-mêmes, si nous nous détournons de celui qui, des cieux, nous avertit.
26  Sa voix ébranla alors la terre, et maintenant il nous a fait cette promesse: Une fois encore, je ferai trembler non seulement la terre, mais aussi le ciel.
27  Ces mots: Une fois encore montrent que les éléments ébranlés seront mis à l’écart, en tant que créés, afin que subsiste ce qui n’est pas ébranlé.
28  C’est pourquoi, puisque nous recevons un royaume inébranlable, ayons de la reconnaissance, en rendant à Dieu un culte qui lui soit agréable, avec piété et avec crainte.
29  Car notre Dieu est aussi un feu dévorant.


Une réalité fragile, qui passe, la réalité créée, celle dans laquelle nous cheminons. Et une réalité éternelle, inébranlable, qui n’est pas de cette création, et qui procède de Dieu.

Voilà la dualité dans laquelle nous place l’Épître aux Hébreux, nous permettant à la fois de ne pas nous étonner des épreuves et des malheurs qui adviennent, fût-ce la destruction du cœur symbolique du monde, le Temple. Cela est inéluctable puisque relevant de ce qui passe. Cela est donc, de ce fait, perçu comme autant d’avertissements dont les menaces, comme celles d’un « feu dévorant », se réalisent. C’est la voix même de Dieu qui porte les avertissements prophétiques concernant un monde propre à être ébranlé, à trembler, de par sa nature-même — et cela jusqu’aux cieux créés.

Fragilité évidente des choses créées d’un côté, éternité inébranlable en laquelle nous sommes invités à placer notre confiance de l’autre — mais non pas comme en un arrière-monde de toutes sortes d’illusions souhaitées, mais comme en une réalité dont le point d’ancrage est au cœur de la fragilité même qui nous atteint et que le Christ a partagée.

L’humanité trouve le cœur de sa réalité non pas dans quelque évanescence éthérée, mais dans sa nature passagère-même qui en désigne la profondeur et la vérité où le Christ nous a rejoints. C’est de la que se célèbre le culte de Dieu qui lui est agréable.


Hébreux 13, 1-14
1  Que l’amour fraternel demeure.
2  N’oubliez pas l’hospitalité, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges.
3  Souvenez-vous de ceux qui sont en prison, comme si vous étiez prisonniers avec eux, de ceux qui sont maltraités, puisque vous aussi, vous avez un corps.
4  Que le mariage soit honoré de tous et le lit conjugal sans souillure, car les débauchés et les adultères seront jugés par Dieu.
5  Que l’amour de l’argent n’inspire pas votre conduite; contentez-vous de ce que vous avez, car le Seigneur lui-même a dit: Non, je ne te lâcherai pas, je ne t’abandonnerai pas!
6  Si bien qu’en toute assurance nous pouvons dire: Le Seigneur est mon secours, je ne craindrai rien; que peut me faire un homme?
7  Souvenez-vous de vos dirigeants, qui vous ont annoncé la parole de Dieu; considérez comment leur vie s’est terminée et imitez leur foi.
8  Jésus Christ est le même, hier et aujourd’hui; il le sera pour l’éternité.
9  Ne vous laissez pas égarer par toutes sortes de doctrines étrangères. Car il est bon que le cœur soit fortifié par la grâce et non par des aliments, qui n’ont jamais profité à ceux qui en font une question d’observance.
10  Nous avons un autel dont les desservants de la tente n’ont pas le droit de tirer leur nourriture.
11  Car les corps des animaux, dont le grand prêtre porte le sang dans le sanctuaire pour l’expiation du péché, sont brûlés hors du camp.
12  C’est la raison pour laquelle Jésus, pour sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert en dehors de la porte.
13  Sortons donc à sa rencontre en dehors du camp, en portant son humiliation.
14  Car nous n’avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous sommes à la recherche de la cité future.


Les recommandations morales finales de l’Épître aux Hébreux s’inscrivent dans le cadre de la certitude qui la traverse : « nous n’avons pas ici-bas de cité permanente ».

En revanche, « Jésus Christ est le même, hier et aujourd’hui; il le sera pour l’éternité ».

Notre comportement s’établit à l’aune de ces deux certitudes. Hors du monde, en quelque sorte, puisque étant au fait de ce que nous sommes de passage, immigrants en ce monde. Cela fonde une éthique, en résonance à celle du premier immigrant de cette même foi, Abraham. D’emblée l’allusion est claire : « Que l’amour fraternel demeure. N’oubliez pas l’hospitalité, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges ».

Abraham : fidélité de Dieu aussi, qui fonde nos fidélités, depuis la fidélité conjugale jusqu’à la fidélité à Dieu en passant par les égards envers ses porte-paroles.

Statut passager qui vaut persécution aussi, avec nécessaire solidarité avec les emprisonnés. Statut passager qui veut défiance envers les valeurs passagères, depuis les idoles religieuses, jusqu’à l’idole monétaire, l’argent.

C’est cela aussi être en route vers la rencontre du Christ, « en dehors du camp, en portant son humiliation », « à la recherche de la cité future ».


Hébreux 13, 15-25
15  Par lui, offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom.
16  N’oubliez pas la bienfaisance et l’entraide communautaire, car ce sont de tels sacrifices qui plaisent à Dieu.
17  Obéissez à vos dirigeants et soyez-leur dociles; car ils veillent personnellement sur vos âmes, puisqu’ils en rendront compte. Ainsi pourront-ils le faire avec joie et non en gémissant, ce qui ne tournerait pas à votre avantage.
18  Priez pour nous, car nous avons la conviction d’avoir une conscience pure avec la volonté de bien nous conduire en toute occasion.
19  Faites-le, je vous le demande instamment, afin que je vous sois plus vite rendu.
20  Que le Dieu de la paix qui a fait remonter d’entre les morts, par le sang d’une alliance éternelle, le grand pasteur des brebis, notre Seigneur Jésus,
21  vous rende aptes à tout ce qui est bien pour faire sa volonté; qu’il réalise en nous ce qui lui est agréable, par Jésus Christ, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen!
22  Frères, je vous engage à supporter ce sermon! D’ailleurs, je ne vous envoie que quelques mots.
23  Apprenez que notre frère Timothée a été libéré. S’il vient assez vite, j’irai vous voir avec lui.
24  Saluez tous vos dirigeants et tous les saints. Ceux d’Italie vous saluent.
25  La grâce soit avec vous tous!


Le Temple détruit, que l’on se console, par le Christ crucifié, sacrifié, le sacrifice à Dieu devient « le fruit de lèvres qui confessent son nom ».

Un non qui se « confesse » aussi, autre forme de « sacrifice », par les actes de solidarité.

Solidarité aussi avec ceux qui accomplissent d’autres tâches, à commencer par les dirigeants ; à soutenir plutôt qu’à dénigrer ! — ce qui d’ailleurs tournerait au tort de chacun !

Solidarité aussi dans la prière.

La bénédiction finale donne explicitement la parole de la résurrection du Christ, sous-jacente dans toute l’Épître dans la conviction de sa préexistence. En lui est fondé ce qui se réalise au nom de Dieu, en lui est fondé tout avenir. Après la mention la communauté d’où écrit l’auteur, en Italie, ultime parole de confiance en guise de dernière salutation : « La grâce soit avec vous tous ! »


RP
Une lecture de l’Épître aux Hébreux

Étude biblique 2013-2014
Église protestante unie de France / Poitiers
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
8) Mardi 13 & jeudi 15 mai 2014 | VII. La charité : 12,14 – 13,21. | Billet d'envoi : 13,22-25. (PDF).