lundi 17 novembre 2014

Le Préexistant




Le Christ, le Ressuscité — « premier né d'entre les morts » (Col 1, 18) — est reçu dans le Nouveau Testament comme préexistant, c'est-à-dire comme existant avant ce temps, avant la Création du monde — « tout a été créé par lui, dans les cieux et sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles » (Col 1, 16).

Colossiens 1
15 Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toute création ;
16 car c'est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, le visible et l'invisible, trônes, seigneuries, principats, autorités ; tout a été créé par lui et pour lui ;
17 lui, il est avant tout, et c'est en lui que tout se tient ;
18 lui, il est la tête du corps — qui est l’Église. Il est le commencement, le premier-né d'entre les morts, afin d'être en tout le premier.
19 Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude
20 et, par lui, de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.



Le Prologue de Jean le reçoit comme la Parole créatrice de la Genèse en vis-à-vis de Dieu — parallèle à « l’image de Dieu » de l’épître aux Colossiens (v.1). Le grec reprend les mots de la Bible de LXX dans les Genèse : en arkhe — au commencement —, logos — parole, raison — pour parler de la précédence de cette parole par rapport au temps : « la Parole était Dieu », Le symbole de Nicée-Constantinople rendra cette affirmation par « de même essence » que le Père.

Jean 1
1 Au commencement était la Parole ; la Parole était auprès de Dieu ; la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement auprès de Dieu.
3 Tout est venu à l'existence par elle, et rien n'est venu à l'existence sans elle. Ce qui est venu à l'existence
4 en elle était vie, et la vie était la lumière des humains.
5 La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres n'ont pas pu la saisir.
[...]
9 La Parole était la vraie lumière, celle qui éclaire tout humain ; elle venait dans le monde.
10 Elle était dans le monde, et le monde est venu à l'existence par elle, mais le monde ne l'a jamais connue.
11 Elle est venue chez elle, et les siens ne l'ont pas accueillie ;
12 mais à tous ceux qui l'ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu — à ceux qui mettent leur foi en son nom.
13 Ceux-là sont nés, non pas du sang, ni d'une volonté de chair, ni d'une volonté d'homme, mais de Dieu.
14 La Parole est devenue chair ; elle a fait sa demeure parmi nous, et nous avons vu sa gloire, une gloire de Fils unique issu du Père ; elle était pleine de grâce et de vérité.



Selon le même évangile de Jean, Jésus affirme sa propre éternité préexistante : « Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, je suis. » (Jean 8, 58)

Le « devenir chair » (Jn 1, 14) de cette parole rejoint la notion de préexistence du Ressuscité de l'épître aux Colossiens, le Ressuscité étant celui qui a pris chair dans le temps. Cela renvoie à l'idée de préexistence telle qu'elle est connue par ailleurs à l'époque du Nouveau Testament, relevant d'un enracinement de la créature dans la pensée de Dieu avant qu'elle ne soit produite dans notre temps. C'est ainsi que la parole éternelle et incréée, image éternelle de Dieu créatrice de toutes choses, est déjà manifestée avant le temps comme « premier-né de toute création » (Col 1, 15) : cela est dévoilé dans la résurrection, qui parle donc aussi, outre sa préexistence éternel, comme Dieu auprès de Dieu, d'une préexistence du Christ comme appelé à devenir chair, comme créature humaine donc.


Ce monde préexistant où il es question de Fils de l'Homme qui est dans les cieux — auquel le Christ est identifié dans le Nouveau Testament — apparaît dans la Bible hébraïque, notamment au livre de Daniel (cf. aussi Ezéchiel). (Cf. Daniel Boyarin, Le Christ juif, éd. du Cerf, 2013))

Daniel 10
5 Levant les yeux, je vis un homme vêtu de lin avec une ceinture d'or d'Ouphaz autour des reins.
6 Son corps était comme de chrysolithe, son visage comme l'aspect de l'éclair, ses yeux comme un feu flamboyant, ses bras et ses jambes comme l'éclat du bronze poli, et sa voix comme un tumulte.
7 Moi, Daniel, je vis seul la vision ; les hommes qui étaient avec moi ne virent pas la vision, mais ils furent saisis d'une grande frayeur et s'enfuirent pour se cacher.
8 Je restai, moi seul, et je vis cette grande vision ; les forces me manquèrent, mon visage pâlit et fut décomposé, et je n'eus plus aucune force.
9 J'entendis sa voix ; et comme j'entendais sa voix, je fus frappé de torpeur, face contre terre.
10 Alors une main me toucha et me mit, tout tremblant, sur mes genoux et sur mes mains.
11 Puis il me dit : Daniel, homme bien-aimé, sois attentif aux paroles que je vais te dire, et tiens-toi debout à la place où tu es ; car je suis maintenant envoyé vers toi. Lorsqu’il m’eut ainsi parlé, je me tins debout en tremblant.
12 Il me dit : Daniel, ne crains rien ; car dès le premier jour où tu as eu à cœur de comprendre, et de t’humilier devant ton Dieu, tes paroles ont été entendues, et c’est à cause de tes paroles que je viens.
13 Le chef du royaume de Perse m’a résisté vingt et un jours ; mais voici, Micaël, l’un des principaux chefs, est venu à mon secours, et je suis demeuré là auprès des rois de Perse.
14 Je viens maintenant pour te faire connaître ce qui doit arriver à ton peuple dans la suite des temps ; car la vision concerne encore ces temps-là.
15 Tandis qu’il m’adressait ces paroles, je dirigeai mes regards vers la terre, et je gardai le silence.
16 Et voici, quelqu’un qui avait l’apparence des fils de l’homme toucha mes lèvres. J’ouvris la bouche, je parlai, et je dis à celui qui se tenait devant moi : Mon seigneur, la vision m’a rempli d’effroi, et j’ai perdu toute vigueur.



Apparaît ici un monde préexistant... un monde angélique dont participe l'humain et notamment cette figure du Fils de l'Homme auquel Jésus s'identifie dans le Nouveau Testament. L’Apocalypse suggère cette préexistence jusqu'en toute la réalité de son vécu dans le temps, envisageant l'éternité de l'événement de la croix, proche de ce que l’apparition du Ressuscité à Thomas (Jean 20), nous en montre les plaies. Selon une lecture possible du texte, « l'agneau de Dieu » est « immolé depuis la fondation du monde ».

Apocalypse 13, 8
Tous les habitants de la terre, ceux dont le nom n'a pas été inscrit sur le livre de la vie de l'agneau immolé depuis la fondation du monde, se prosterneront devant elle [la bête].


La théologie chrétienne de l'Antiquité — avec notamment le théologien Origène (IIe IIIe s.) — , rejoignant une idée juive et grecque, considère que tous les êtres humains participent de cette préexistence comme créatures. Cette théologie trouve des enracinements possibles dans le Nouveau Testament.

Romains 8
29 Ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi destinés d'avance à être configurés à l'image de son Fils, pour qu'il soit le premier-né d'une multitude de frères.
30 Et ceux qu'il a destinés d'avance, il les a aussi appelés ; ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.


Éphésiens 1
4 Avant la création du monde, Dieu nous a choisis dans le Christ pour que nous soyons saints et sans défaut devant ses yeux. Dieu nous aime
5 et, depuis toujours, il a voulu que nous devenions ses fils par Jésus-Christ. Il a voulu cela dans sa bonté.



Ici, le Christ préexistant auquel nous sommes assimilés par la foi nous fait accéder au statut de créatures préexistant avant la Création du monde dans la pensée de Dieu.


RP
« Qui dites-vous que je suis ? »
Un parcours non-exhaustif de la perception de Jésus


Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2014-2015
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2) 18 et 20 novembre - Le Préexistant (PDF)


lundi 10 novembre 2014

Sarah ; Rébecca ; Léa et Rachel (vs Lilith)



Genèse 11
29 Abram et Nachor prirent des femmes: le nom de la femme d’Abram était Saraï, et le nom de la femme de Nachor était Milca, fille d’Haran, père de Milca et père de Jisca.
30 Saraï était stérile : elle n’avait point d’enfants.
31 Térach prit Abram, son fils, et Lot, fils d’Haran, fils de son fils, et Saraï, sa belle-fille, femme d’Abram, son fils. Ils sortirent ensemble d’Ur en Chaldée, pour aller au pays de Canaan. Ils vinrent jusqu’à Charan, et ils y habitèrent.

Genèse 12
5 Abram prit Saraï, sa femme, et Lot, fils de son frère, avec tous les biens qu’ils possédaient et les serviteurs qu’ils avaient acquis à Charan. Ils partirent pour aller dans le pays de Canaan, et ils arrivèrent au pays de Canaan. [...]
11 Comme il était près d’entrer en Égypte, il dit à Saraï, sa femme : Voici, je sais que tu es une femme belle de figure.
12 Quand les Égyptiens te verront, ils diront : C’est sa femme ! Et ils me tueront, et te laisseront la vie.
13 Dis, je te prie, que tu es ma sœur, afin que je sois bien traité à cause de toi, et que mon âme vive grâce à toi.
14 Lorsque Abram fut arrivé en Égypte, les Égyptiens virent que la femme était fort belle.
15 Les grands de Pharaon la virent aussi et la vantèrent à Pharaon ; et la femme fut emmenée dans la maison de Pharaon.
16 Il traita bien Abram à cause d’elle ; et Abram reçut des brebis, des bœufs, des ânes, des serviteurs et des servantes, des ânesses, et des chameaux.
17 Mais l’Éternel frappa de grandes plaies Pharaon et sa maison, au sujet de Saraï, femme d’Abram.

Genèse 16
1 Saraï, femme d’Abram, ne lui avait point donné d’enfants. Elle avait une servante Egyptienne, nommée Agar.
2 Et Saraï dit à Abram : Voici, l’Éternel m’a rendue stérile ; viens, je te prie, vers ma servante ; peut-être aurai-je par elle des enfants. Abram écouta la voix de Saraï.
3 Alors Saraï, femme d’Abram, prit Agar, l’Égyptienne, sa servante, et la donna pour femme à Abram, son mari, après qu’Abram eut habité dix années dans le pays de Canaan.
4 Il alla vers Agar, et elle devint enceinte. Quand elle se vit enceinte, elle regarda sa maîtresse avec mépris.
5 Et Saraï dit à Abram : L’outrage qui m’est fait retombe sur toi. J’ai mis ma servante dans ton sein ; et, quand elle a vu qu’elle était enceinte, elle m’a regardée avec mépris. Que l’Éternel soit juge entre moi et toi !
6 Abram répondit à Saraï : Voici, ta servante est en ton pouvoir, agis à son égard comme tu le trouveras bon. Alors Saraï la maltraita ; et Agar s’enfuit loin d’elle.

Genèse 17
15 Dieu dit à Abraham : Tu ne donneras plus à Saraï, ta femme, le nom de Saraï ; mais son nom sera Sara.
16 Je la bénirai, et je te donnerai d’elle un fils ; je la bénirai, et elle deviendra des nations ; des rois de peuples sortiront d’elle.
17 Abraham tomba sur sa face ; il rit, et dit en son cœur : Naîtrait-il un fils à un homme de cent ans ? et Sara, âgée de quatre-vingt-dix ans, enfanterait-elle ?
18 Et Abraham dit à Dieu : Oh ! qu’Ismaël vive devant ta face !
19 Dieu dit : Certainement Sara, ta femme, t’enfantera un fils ; et tu l’appelleras du nom d’Isaac. J’établirai mon alliance avec lui comme une alliance perpétuelle pour sa postérité après lui.

Genèse 18
1 L’Éternel lui apparut parmi les chênes de Mamré, comme il était assis à l’entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour.
2 Il leva les yeux, et regarda : et voici, trois hommes étaient debout près de lui. Quand il les vit, il courut au-devant d’eux, depuis l’entrée de sa tente, et se prosterna en terre.
3 Et il dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe point, je te prie, loin de ton serviteur.
4 Permettez qu’on apporte un peu d’eau, pour vous laver les pieds ; et reposez-vous sous cet arbre.
[...]
9 Alors ils lui dirent : Où est Sara, ta femme ? Il répondit : Elle est là, dans la tente.
10 L’un d’entre eux dit : Je reviendrai vers toi à cette même époque ; et voici, Sara, ta femme, aura un fils. Sara écoutait à l’entrée de la tente, qui était derrière lui.
11 Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge : et Sara ne pouvait plus espérer avoir des enfants.
12 Elle rit en elle-même, en disant : Maintenant que je suis vieille, aurais-je encore des désirs ? Mon seigneur aussi est vieux.
13 L’Eternel dit à Abraham : Pourquoi donc Sara a-t-elle ri, en disant: Est-ce que vraiment j’aurais un enfant, moi qui suis vieille ?
14 Y a-t-il rien qui soit étonnant de la part de l’Éternel ? Au temps fixé je reviendrai vers toi, à cette même époque ; et Sara aura un fils.

Genèse 20
2 Abraham disait de Sara, sa femme : C’est ma sœur. Abimélec, roi de Guérar, fit enlever Sara. [...]
13 Lorsque Dieu me fit errer loin de la maison de mon père, je dis à Sara : Voici la grâce que tu me feras ; dans tous les lieux où nous irons, dis de moi : C’est mon frère.
14 Abimélec prit des brebis et des bœufs, des serviteurs et des servantes, et les donna à Abraham ; et il lui rendit Sara, sa femme. [...]
16 Et il dit à Sara : Voici, je donne à ton frère mille pièces d’argent ; cela te sera un voile sur les yeux pour tous ceux qui sont avec toi, et auprès de tous tu seras justifiée.
18 Car l’Éternel avait frappé de stérilité toute la maison d’Abimélec, à cause de Sara, femme d’Abraham.

Genèse 21
1 L’Éternel se souvint de ce qu’il avait dit à Sara, et l’Éternel accomplit pour Sara ce qu’il avait promis.
2 Sara devint enceinte, et elle enfanta un fils à Abraham dans sa vieillesse, au temps fixé dont Dieu lui avait parlé.
3 Abraham donna le nom d’Isaac au fils qui lui était né, que Sara lui avait enfanté. [...]
6 Et Sara dit : Dieu m’a fait un sujet de rire ; quiconque l’apprendra rira de moi.
7 Elle ajouta : Qui aurait dit à Abraham: Sara allaitera des enfants ? Cependant je lui ai enfanté un fils dans sa vieillesse. [...]
12 [...] Accorde à Sara tout ce qu’elle te demandera ; car c’est d’Isaac que sortira une postérité qui te sera propre.

Genèse 23
1 La vie de Sara fut de cent vingt-sept ans : telles sont les années de la vie de Sara.
2 Sara mourut à Kirjath-Arba, qui est Hébron, dans le pays de Canaan ; et Abraham vint pour mener deuil sur Sara et pour la pleurer.
19 Après cela, Abraham enterra Sara, sa femme, dans la caverne du champ de Macpéla, vis-à-vis de Mamré, qui est Hébron, dans le pays de Canaan.

Genèse 24
1 Abraham était vieux, avancé en âge ; et l’Éternel avait béni Abraham en toute chose.
2 Abraham dit à son serviteur, le plus ancien de sa maison, l’intendant de tous ses biens : Mets, je te prie, ta main sous ma cuisse ;
3 et je te ferai jurer par l’Éternel, le Dieu du ciel et le Dieu de la terre, de ne pas prendre pour mon fils une femme parmi les filles des Cananéens au milieu desquels j’habite,
4 mais d’aller dans mon pays et dans ma patrie prendre une femme pour mon fils Isaac.
[...]
59 Et ils laissèrent partir Rebecca, leur sœur, et sa nourrice, avec le serviteur d’Abraham et ses gens.
60 Ils bénirent Rebecca, et lui dirent: O notre sœur, puisses-tu devenir des milliers de myriades, et que ta postérité possède la porte de ses ennemis !
61 Rebecca se leva, avec ses servantes ; elles montèrent sur les chameaux, et suivirent l’homme. Et le serviteur emmena Rebecca, et partit. [...]
63 Un soir qu’Isaac était sorti pour méditer dans les champs, il leva les yeux, et regarda ; et voici, des chameaux arrivaient.
64 Rebecca leva aussi les yeux, vit Isaac, et descendit de son chameau.
65 Elle dit au serviteur : Qui est cet homme, qui vient dans les champs à notre rencontre ? Et le serviteur répondit: C’est mon seigneur. Alors elle prit son voile, et se couvrit.
66 Le serviteur raconta à Isaac toutes les choses qu’il avait faites.
67 Isaac conduisit Rebecca dans la tente de Sara, sa mère ; il prit Rebecca, qui devint sa femme, et il l’aima. Ainsi fut consolé Isaac, après avoir perdu sa mère.

Genèse 29
10 Lorsque Jacob vit Rachel, fille de Laban, frère de sa mère, et le troupeau de Laban, frère de sa mère, il s’approcha, roula la pierre de dessus l’ouverture du puits, et abreuva le troupeau de Laban, frère de sa mère.
11 Et Jacob embrassa Rachel, il éleva la voix et pleura. [...]
16 Or, Laban avait deux filles : l’aînée s’appelait Léa, et la cadette Rachel.
17 Léa avait les yeux délicats ; mais Rachel était belle de taille et belle de figure.
18 Jacob aimait Rachel, et il dit : Je te servirai sept ans pour Rachel, ta fille cadette.
19 Et Laban dit : J’aime mieux te la donner que de la donner à un autre homme. Reste chez moi !
20 Ainsi Jacob servit sept années pour Rachel : et elles furent à ses yeux comme quelques jours, parce qu’il l’aimait.
21 Ensuite Jacob dit à Laban : Donne-moi ma femme, car mon temps est accompli : et j’irai vers elle.
22 Laban réunit tous les gens du lieu, et fit un festin.
23 Le soir, il prit Léa, sa fille, et l’amena vers Jacob, qui s’approcha d’elle.
24 Et Laban donna pour servante à Léa, sa fille, Zilpa, sa servante.
25 Le lendemain matin, voilà que c’était Léa. Alors Jacob dit à Laban : Qu’est-ce que tu m’as fait ? N’est-ce pas pour Rachel que j’ai servi chez toi ? Pourquoi m’as-tu trompé ?
26 Laban dit : Ce n’est point la coutume dans ce lieu de donner la cadette avant l’aînée.
27 Achève la semaine avec celle-ci, et nous te donnerons aussi l’autre pour le service que tu feras encore chez moi pendant sept nouvelles années.
28 Jacob fit ainsi, et il acheva la semaine avec Léa ; puis Laban lui donna pour femme Rachel, sa fille.
29 Et Laban donna pour servante à Rachel, sa fille, Bilha, sa servante.
30 Jacob alla aussi vers Rachel, qu’il aimait plus que Léa ; et il servit encore chez Laban pendant sept nouvelles années.
31 L’Éternel vit que Léa n’était pas aimée ; et il la rendit féconde,

Genèse 49:31 Là [dans la caverne de Macpéla] on a enterré Abraham et Sara, sa femme ; là on a enterré Isaac et Rebecca, sa femme ; et là j’ai enterré Léa.

*

Au delà de la trivialité qui apparaît là, celle d'une vie matrimoniale chargée d'aléas, avec des femmes vouées à « servir leur seigneur » dans le cadre d'une réalité qui oblitère aisément désir et passion, désir et passion n'en transparaissent pas moins, notamment avec la figure de Rachel. Une autre réalité, qui travaille l’âme et l'inconscient, et qui donne naissance à une autre figure de la féminité, une féminité rêvée, mythique, où se rejoignent aspiration des femmes et crainte des hommes. Figure éminente, au nom ignoré de la Bible (sauf un verset d' Esaïe), Lilith...

Lilith, absente du récit de la Genèse, première femme d'Adam dans les traditions juives, est porteuse de ce qui fait le côté obscur de la féminité aux yeux de plusieurs : rébellion face à l'autorité, sexualité active, désir de liberté... "Je suis la première Eve. L’autre ne fut que l’ombre de toi-même, car tu pris peur homme !" (Alice Yvernat, "Reflets Éternels", in Lilith et ses sœurs)

Le nom de Lilith n’apparaît, désignant une figure de spectre nocturne, que dans un seul verset de la Bible hébraïque, au livre du prophète Esaïe (ch. 34, v. 14)...

Esaïe 34
9 Les oueds d'Edom seront changés en goudron et sa poussière en soufre ; sa terre sera comme du goudron qui brûle.
10 Elle ne s'éteindra ni la nuit, ni le jour, la fumée s'en élèvera toujours ; elle restera en ruine de génération en génération, à tout jamais personne n'y passera.
11 Le pélican et le hérisson en prendront possession. La chouette et le corbeau y demeureront. On y tendra le cordeau du chaos et le niveau du vide.
12 Ses notables ne seront plus là pour proclamer un roi, tous ses princes ne seront plus.
13 Les épines pousseront dans ses palais, les orties et les ajoncs dans ses forteresses ; ce sera le domaine des chacals, un emplacement pour les autruches.
14 Les habitants du désert y rencontreront les hyènes, et les boucs s'y appelleront les uns les autres ; là le spectre de la nuit [Lilith] séjournera tranquille, il trouvera son lieu de repos...

« Dans ce passage, Lilith fait partie des douze bêtes sauvages qui envahiront le pays dévasté d’Édom [...]. L’Encyclopédie du judaïsme nous la décrit comme "un démon femelle" qui serait le second personnage du trio démoniaque assyrien Lilu, Lilit et Ardat Lilit. »

Le décalage entre Genèse 1 et Genèse 2 originerait le mythe supposant Lilith comme première femme d'Adam, antérieure à Ève. Adam s’écrie à la découverte d'Eve : « Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! » (Gn 2, 23). Y a t-il eu une autre fois ?

« Lilith étoit, disent les rabbins, la première femme d’Adam qui se sépara de son mari ; et ne voulut plus retourner avec lui, quoique Dieu lui eût envoyé deux anges pour l’y contraindre. [...] Isaïe (XXXIV.14) fait mention de Lilith et saint Jérôme la traduit par Lamia, et les Septante par Onocentaure. Nous croyons que ce terme signifie un oiseau nocturne, et de mauvaise augure [...]. Lilith en hébreu signifie la nuit. » (Dictionnaire historique de la Bible d'Augustin Calmet, 1722).

Trace allusive au Psaume 91, v. 5-6 ? « Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, Ni la flèche qui vole de jour, Ni la peste qui marche dans les ténèbres, Ni la contagion qui frappe en plein midi ».

Ou en Proverbes 2, 16-19 ? « Pour te sauver de la femme étrangère, de l’étrangère qui use de paroles flatteuses, qui abandonne le guide de sa jeunesse, et qui a oublié l’alliance de son Dieu ; – car sa maison penche vers la mort, et ses chemins vers les trépassés : aucun de ceux qui entrent auprès d’elle ne revient ni n’atteint les sentiers de la vie ».

Au fond, « [...] Elle est l’incarnation de l’Éros perturbé, quand l’homme est séparé de sa partie féminine extériorisée, et qu’il voit devant lui. Avant elle faisait partie de lui, l’Adam androgyne. Donc à partir de là, la plainte de Lilith, dans la tradition, qui se défend parfaitement : qu’aviez-vous à me reprocher ? Je suis aussi divine qu’Adam. J’ai été créée en même temps. Je suis du Feu, et ce Feu m’a été donné à l’incarnation, à la naissance, au moment de la création humaine ». (A.D. Grad).

« Pourquoi devrais-je être sous toi ? » demanda-t-elle à Adam, « J’ai été créée de la poussière, et suis par conséquent ton égale. »

« C’est l’homme qui reçoit une tache à chaque nouvelle lune. Car Lilith ne le laisse jamais en paix, mais à chaque nouvelle lune elle vient visiter tous ceux qu’elle a emmenés et elle joue avec eux ; c’est à ce moment que l’homme reçoit la tache ». (Zohar)

« Au delà de l’image misogyne habituelle, on découvre en fait une femme libre, indépendante, refusant l’ordre établi [...], une révélatrice de nos pulsions les plus enfouies. »

(En italique ci-dessus, des extraits de l'article de Spartakus FreeMann, "Lilith au sein du mysticisme juif". Voir aussi l'article de Vanessa Rousseau, "Lilith, une androgynie oubliée".)


RP
Du féminin et de quelques
figures féminines dans la Bible


Église protestante unie de France / Poitiers
Etude biblique 2014-2015
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
2) 11 & 13 novembre 2014 - Sarah ; Rébecca ; Léa et Rachel (vs Lilith) (PDF)