lundi 16 février 2015

Le Christ de la Parousie




« Le ciel se retira comme un livre qu’on roule. » (Apocalypse 6, 14)
«  On verra le Fils de l’homme venant sur les nuées
avec une grande puissance et avec gloire »
(Marc 13, 26)


Le mot « parousie » vient du grec ancien παρουσία / parousía qui signifie « présence » (ou encore « arrivée », « venue »). Le mot désignait dans le monde gréco-romain la visite officielle d'un prince. Les premiers écrits chrétiens, notamment ceux de Paul, emploient ce mot pour désigner la prochaine venue du Christ, son avènement glorieux inaugurant, à la fin de l'ère, les temps messianiques.

Matthieu 24
21 alors, la détresse sera si grande qu’il n’y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais. [...]
29 Aussitôt après ces jours de détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées.
30 Alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire.
31 Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre.
32 Instruisez-vous par une comparaison tirée du figuier. Dès que ses branches deviennent tendres, et que les feuilles poussent, vous connaissez que l’été est proche.
33 De même, quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l’homme est proche, à la porte.
34 Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera point, que tout cela n’arrive.
35 Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.
36 Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul.


Marc 13
25 les étoiles tomberont du ciel, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées.
26 Alors on verra le Fils de l’homme venant sur les nuées avec une grande puissance et avec gloire.


Luc 21
26 les hommes rendant l’âme de terreur dans l’attente de ce qui surviendra pour la terre ; car les puissances des cieux seront ébranlées.
27 Alors on verra le Fils de l’homme venant sur une nuée avec puissance et une grande gloire.
28 Quand ces choses commenceront à arriver, redressez-vous et levez vos têtes, parce que votre délivrance approche.


(Délivrance : cf. Ro 8, 18 sq. : 18 J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous.
19 Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu.
20 Car la création a été soumise à la vanité, — non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise, (8-21) avec l’espérance
21 qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu.
22 Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement.
23 Et ce n’est pas elle seulement ; mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps.
)

1 Pierre 3, 22 : Il est à la droite de Dieu, depuis qu’il est allé au ciel, et que les anges, les autorités et les puissances, lui ont été soumis.

* * *

70 : destruction du Temple – superposée à l'avènement de l'ère nouvelle attendue, scellant de fait le « déjà » et le « pas encore », pas encore l'ère à venir, pour déjà là ! « Le royaume au milieu de Vous ».

Cf. Jean 2 :
19 Jésus leur répondit: Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.
20 Les Judéens dirent : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras !
21 Mais il parlait du temple de son corps.

Où la Parousie, la présence du Christ, est en rapport sa résurrection, son omniprésence corporelle, mais jusqu'alors non-visible par tous… L’Église primitive attend sa manifestation glorieuse inaugurant le rétablissement du Royaume pour Israël (cf. Actes 1). De nombreux courants parleront rapidement d'un règne de mille ans (cf. Apocalypse 20). L’histoire verra les relectures se démultiplier. (Pour le retour des lectures millénaristes – « pré-millénaristes » (le Christ glorieux paraissant avant l’inauguration d'un Royaume millénaire) – à l'époque moderne et contemporaine, voir exemple ici.

*

Un moment symbolique significatif d'un nouveau déploiement de la compréhension de la parousie est-il à trouver en 312 avec la vision de Constantin – inaugurant bientôt le futur empire chrétien ? (Cf. Matthieu 24, 30 : le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel.) Un Royaume entrant dans l’histoire avant la Parousie ? Certains théologiens contemporain parlent à ce propos de « post-millénarisme ». Vu la déception quant à la dimension « paradisiaque » qu'entraînent tour à tour les pouvoirs « chrétiens », la position qui finira par devenir commune consiste à ne pas attendre de Royaume terrestre, historique, et à reporter la plénitude paradisiaque à un au-delà (position appelée parfois aujourd’hui « a-millénariste » : pas de Royaume millénaire à attendre.
La présence universelle du Christ est alors à percevoir comme relevant dans l’histoire d'un processus de déploiement intérieur du « Dieu sera tout en tous » de 1 Corinthiens 15. Une révélation de la présence universelle du Christ incarnant Dieu dans le temps...

*

Les 20 derniers siècles ont vu bien des réflexions sur la fonction révélatrice de l' histoire. Des moments célèbres de ces lectures peuvent être signalés, comme l’œuvre de Joachim de Flore au Moyen Age, ou plus récemment Hegel et son héritage, entre autre marxiste.

Il est toujours stimulant dans cet héritage de relire la prophétie concernant l' an 70 et la destruction du temple dans la perspective de la perte de la présence de Dieu qui se signifiait au Temple comme point d'insertion terrestre de la hiérarchie des cieux symbolisée par les sphères célestes.

*

À titre de réflexion deux moments symboliques de l'histoire de moderne et du bouleversement qui s'en est suivi quant à notre vision du monde :

1609 – Matthieu 24, 29 : les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées.
Galilée, Sidereus nuncius (traduit en français sous le titre Le Messager des étoiles) est un court traité d'astronomie, écrit en latin par Galilée en mars 1610 suite à ses observations de 1909, et publié le mois suivant.

Effondrement littéral de la dimension spatiale des puissances des cieux, avec les répercutions symboliques quand à la compréhension « des cieux ».


1859 – Apocalypse 6, 14 : Le ciel se retira comme un livre qu’on roule.
Charles Darwin, De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la Préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie (titre anglais original : On the origin of species by means of natural selection, or the Preservation of favoured races in the struggle for life), publié le 24 novembre 1859.

Fermeture de la porte historiale de l'ouranien (= céleste) : dans la réflexion sur l’origine de l'homme dans l'histoire et la pré-histoire (l'historial), ne subsiste que la perspective chtonienne (= terrestre – le mot a donné « autochtone » : l'homme est désormais radicalement autochtone à la terre) ; avec les répercutions symboliques de la lecture de ce qu'est l'homme. Tout un tragique en est issu dans l'histoire ultérieure en termes d’autochtonie et de « cieux fermés » – cf. le tableau de Picasso « Guernika »…
Tandis que la philosophie s'attache depuis à retrouver au-delà de ce tournant la dimension céleste de l'homme – pensons à l’œuvre de Henri Bergson et aux réflexions qui en sont issues, sur l'esprit empruntant les voies chtoniennes de l’évolution jusqu'à l’auto-compréhension de sa présence comme source divine – sorte de « parousie » donc…
On pourrait alors penser à un retour du discours symbolique dans la psychologie des profondeurs (de Freud à Jung) et les courants de pensées qui directement ou indirectement, en héritent, jusqu'à René Girard proposant de lire au cœur de l'anthropologie des choses cachées dévoilées par le Christ, rendues présentes par sa révélation...


RP
« Qui dites-vous que je suis ? »
Un parcours non-exhaustif de la perception de Jésus


Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2014-2015
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
5) 17 & 19 février 2015 - Le Christ de la Parousie (PDF)


lundi 9 février 2015

Histoires de Ruth et Bathshéva




(Pour Ruth, lire le livre de Ruth)

Batshéva :

2 Samuel, 11, 2-27
2 Un soir, David se leva de son lit et alla se promener sur le toit en terrasse de la maison du roi ; de là il aperçut une femme qui se baignait ; elle était très belle. 3 David envoya prendre des informations sur cette femme. On lui dit : C'est Bethsabée, fille d'Eliam, femme d'Urie, le Hittite. 4 David envoya des messagers la chercher. Elle se rendit auprès de lui, et il coucha avec elle alors qu'elle se consacrait pour se purifier de son impureté ; puis elle rentra chez elle. 5 La femme fut enceinte ; elle fit dire à David : Je suis enceinte.
6 Alors David fit dire à Joab : Envoie-moi Urie, le Hittite ; et Joab envoya Urie à David. 7 Urie se rendit auprès de David, qui lui demanda comment allait Joab, comment allait le peuple et comment allait la guerre. 8 Puis David dit à Urie : Descends donc chez toi te laver les pieds. Urie sortit de la maison du roi, suivi d'un présent du roi. 9 Mais Urie se coucha à l'entrée de la maison du roi, avec tous les hommes de la garde, et il ne descendit pas chez lui. 10 On vint dire à David : Urie n'est pas descendu chez lui. Alors David dit à Urie : N'arrives-tu pas de voyage ? Pourquoi n'es-tu pas descendu chez toi ? 11 Urie répondit à David : Le Coffre, Israël et Juda habitent dans des huttes, mon maître Joab et les hommes campent en rase campagne, et moi, je rentrerais chez moi pour manger et boire et pour coucher avec ma femme ! Par ta propre vie, je ne ferai pas une chose pareille ! 12 David dit à Urie : Reste encore ici aujourd'hui, et demain je te renverrai. Urie resta à Jérusalem ce jour-là et le lendemain. 13 David l'invita à manger et à boire devant lui et il l'enivra ; le soir, Urie sortit et se coucha avec les hommes de la garde, mais il ne descendit pas chez lui.
14 Au matin, David écrivit une lettre à Joab et l'envoya par l'intermédiaire d'Urie. 15 Il écrivit dans cette lettre : Placez Urie à la pointe du combat le plus violent et retirez-vous derrière lui, afin qu'il soit frappé et qu'il meure.
16 Joab, qui avait observé la ville, plaça Urie à un endroit où il savait qu'il y avait des adversaires aguerris. 17 Les hommes de la ville firent une sortie pour combattre Joab ; il en tomba parmi la troupe, parmi les hommes de David, et Urie, le Hittite, mourut aussi. 18 Joab envoya un messager faire un rapport à David sur tout ce qui s'était passé lors du combat. 19 Il donna cet ordre au messager : Quand tu auras achevé de raconter au roi tous les détails du combat, 20 si la fureur du roi éclate et qu'il te dise : « Pourquoi êtes-vous allés combattre si près de la ville ? Ne savez-vous pas qu'on lance des projectiles du haut de la muraille ? 21 Qui a tué Abimélek, fils de Yeroub-Bésheth ? N'est-ce pas une femme qui a lancé sur lui, du haut de la muraille, une meule de moulin ? N'est-ce pas ainsi qu'il est mort à Tébets ? Pourquoi vous êtes-vous approchés de la muraille ? » Alors tu diras : « Ton serviteur Urie, le Hittite, est mort aussi. »
22 Le messager partit. A son arrivée, il fit un rapport à David sur tout ce pour quoi Joab l'avait envoyé. 23 Le messager dit à David : Ces hommes ont eu l'avantage sur nous ; ils ont fait une sortie contre nous, à l'extérieur, et nous les avons repoussés jusqu'à l'entrée de la porte de la ville ; 24 on a lancé des projectiles sur tes hommes du haut de la muraille, et certains de tes hommes sont morts ; ton serviteur Urie, le Hittite, est mort aussi. 25 David dit au messager : Tu parleras ainsi à Joab : « Que cela ne te déplaise pas ; l'épée dévore tantôt l'un, tantôt l'autre. Attaque courageusement la ville et rase-la ! » Et toi, encourage-le.
26 La femme d'Urie apprit que son mari était mort, et elle se mit à se lamenter sur son époux. 27 Quand le deuil fut passé, David l'envoya chercher et la recueillit chez lui. Elle devint sa femme et lui donna un fils. Ce que David avait fait déplut au SEIGNEUR.


*

Cf. les développements talmudiques et cabalistiques. Un intéressant aperçu dans Tobie Nathan, Le philtre d'amour, éd. Odile Jacob, 2013, p. 155-169 (extraits) :

[…] Depuis lors, les juifs ne cessent de commenter le comportement inouï de leur roi le plus sacré. Alors, comment cela ? L'homme désigné par Dieu pour diriger son peuple, cet homme gratifié de tous les dons, celui de la guerre et celui de la sainteté, ce poète inspiré à qui l'on attribue la rédaction des psaumes, cet homme serait allé sans hésiter un instant, se débarrasser de son rival pour lui ravir sa femme? En agissant ainsi, il avait non seulement commis les deux crimes les plus odieux, les plus sévèrement condamnés par la loi, l'adultère et le meurtre, mais il avait de plus usé de son pouvoir discrétionnaire pour ce faire. Et c'était cet homme au comportement pervers que l'on présentait au peuple comme modèle, plus encore, comme guide? Les juifs ont toujours pensé qu'il devait se cacher là un mystère.
Le texte biblique s'appesantit néanmoins sur la faute de David. Et les commentaires d'affluer en ce sens. […] C'est même, on le sait, le contenu du Psaume 51, qu'on attribue à David lui-même :
« Lorsque Nathan, le prophète, vint à lui, après que David fut allé vers Batshéva...
Ô Dieu ! Aie pitié de moi dans ta bonté ; selon ta grande miséricorde, efface mes transgressions ;
Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché.
Car je reconnais mes transgressions, et mon péché est constamment devant moi »
(Psaume 51, 2-4).
Si le récit de son repentir laisse place à des idées pieuses sur l'obligation de reconnaître sa propre faute, dressant très tôt le modèle d'une morale absolue, qui ne tolère aucune exception, même s'il s'agit des puissants, il n'explique l'acte en rien. Le mystère reste donc entier. Quelle force, plus puissante que la crainte de Dieu dont David était entièrement habité, s'était-elle emparée de lui ? Le Talmud a évidemment traité de cette question à de nombreuses reprises.
[...] Oui, David était préparé à sa chute, répète [le commentateur Rabba], mais il ne pouvait l'éviter. Il lui était impossible de résister, soumis à une puissance, un magnétisme, infiniment plus fort que sa volonté. Car, nous apprend Rabba, « Batshéva était destinée à David depuis la création du monde », et il ajoute : « Mais c'est avec la souffrance qu'elle est arrivée jusqu'à lui » (Talmud Bavli, traité Sanhedrin, 107 A). » […] [Elle] « lui était destinée depuis la création du monde », autrement dit [elle est] son âme sœur. […]
Si l’on est mis en présence de son âme sœur […], rien ne pourra alors s’opposer à l’élan qui nous portera vers elle, ni la loi, ni la morale, ni le regard des autres, ni même la parole de Dieu. […] D’après [Joseph Gikatila (1248-1325), Le secret du mariage de David et Bethsabée, éd. de L’Éclat, 2003.], David ne pouvait échapper à la force qui s’était emparée de lui car il avait reconnu Batshéva, sa jumelle, son épouse parfaite […]. Ce que ressentit David ? À la fois une douleur, une tension et un élan, puisqu’il avait perçu dans le même temps son incomplétude intrinsèque et la promesse de la combler (Tobie Nathan, p. 161-162). […]
« Et quand un mâle est créé, nécessairement, sa partenaire féminine est créée en même temps que lui, parce que l'on ne fabrique jamais d'en haut une demi-forme, mais seulement une forme entière. » [...] On pourrait la résumer ainsi : les hommes, les femmes ne sont que des demi-êtres. Leur inquiétude à vivre, cette inquiétude à la fois philosophique et morale que Kierkegaard appelait l' « angoisse », provient de leur incomplétude primordiale. En ignorant sa cause, ils se condamnent à une existence perpétuellement tourmentée. La seule possibilité qui leur est offerte de se constituer en être total est la rencontre avec leur âme sœur, leur moitié. […] Si la prémisse de cette théorie est stupéfiante, ses conséquences sont capitales et se ressentent jusqu'à l'expression des amours modernes.


RP
Du féminin et de quelques
figures féminines dans la Bible


Église protestante unie de France / Poitiers
Etude biblique 2014-2015
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
5) 10 & 12 février 2015 - Ruth ; Batshéva (PDF)