jeudi 11 octobre 2018

Sur l’Épître de Paul aux Galates




La Galatie et l’Épître aux Galates

L'essentiel de nos renseignements sur la Galatie est dû à Strabon (Géographie XII, 5 sq.) : territoire au centre de l'Asie mineure, et, depuis 25 av. J.C., province romaine — plus large que le territoire galate proprement dit — incluant notamment la Pisidie, la Lycaonie, et une partie de la Pamphylie au Sud ; et une partie du Pont au Nord.

La date de 25 av. J.C. à laquelle la Galatie devient province romaine, est celle de la mort de son dernier roi, Amyntas. À cette date, les Galates avaient conquis de larges territoires sur leurs voisins, certains repris aux anciens conquérants phrygiens.

La présence de Galates en Asie mineure remonte à 278-277 av. J.C., lors des invasions celtiques (Galates = Galataï ou Galloï, Gaulois).

Jusqu'à leur unification, sous Dejoratus, en 63 av. J.C., les Galates étaient divisés en trois tribus : Trocmes, Tectosages, Tolistobogii, y compris après avoir été défaits par les Romains en 189, puis être devenus leurs alliés.

À l'époque du Nouveau Testament, la Galatie est cette province romaine avec Ancyre pour capitale, comprenant en outre les territoires conquis auparavant.

Cette distinction dès lors possible entre territoire galate et province de Galatie a entraîné des débats entre critiques sur la question de savoir où étaient les Églises de Galatie auxquelles écrivait Paul.

Dès l'époque des Pères et jusqu'au XIXe siècle, on s'accordait à les situer en territoire galate proprement dit. Mais l'évêque danois Mynster, au XIXe siècle, avait proposé d'y voir des Pisidiens et des Lycaoniens, ces habitants du Sud de l'Asie mineure rattachés administrativement à la province de Galatie. On en est venu à parler depuis de "Sud-Galatie", que l'on distingue du territoire galate proprement dit, désigné ainsi comme "Nord-Galatie" ou "Galatie ethnique".

Pour cette hypothèse, dite "sud-galatique", la Galatie proprement dite pourrait ne pas intéresser le Nouveau Testament plus que par ses brèves mentions d'Actes 16:6 et 18:23.

W. R. Ramsay, au tournant du XXe s., en est même venu à nier qu'il soit question en ces textes de la région de Galatie, arguant que l'on peut lire en Actes 16:6 "Phrygie galate" au lieu de "Phrygie et Galatie". Mais cette lecture est plus difficile à soutenir pour Actes 18:23. En outre ce territoire, peut-être toutefois en partie arraché aux Phrygiens par les Galates, est plutôt appelé Pisidie par les Actes, avec Antioche de Pisidie pour capitale.

L'argument qui consiste à dire que le Nouveau Testament emploie les dénominations provinciales de l'administration romaine plutôt que des désignations territoriales ne vaut pas pour Luc : le même passage d'Actes 16, celui cité par Ramsay, parle de la Mysie où Paul se rend, et qui, comme la Phrygie, n'est pas une province romaine, mais un territoire de la province d'Asie, dans laquelle Asie (donc le territoire) Paul ne se rendra pas !

Quant au fait que la première mention d'une Église galate hors Nouveau Testament — relevée par Eusèbe de Césarée relatant l'histoire de la crise montaniste (Hist. Eccl. V, xvi) —, date des années 190 env., ce qui trouble les "sudistes", il demeure peu probant : le cas est loin d'être unique.

Ce texte d'Eusèbe suscite d'ailleurs une autre question : y a-il eu une Phrygie galate ? Eusèbe y parle bien (ibid.) de Phrygiens en Galatie, mais au Nord, à Ancyre !

Si elle n'est pas sans faille, l'hypothèse "sud-galatique" garde toutefois son intérêt. Elle a même connu un accroissement de son succès en ce qu'elle a été reprise par les tenants d'une haute date pour la rédaction de l'Épître aux Galates (Ga), avant la venue de Paul en Galatie proprement dite selon Actes 16 et 18 ; c'est ainsi que l'exégète catholique Valentin weber, qui, au tournant du XXe siècle, était sensible aux conclusions de l'école de Tübingen jugeait Actes 15 et Ga 2 inconciliables. Peu enclin à suivre l'école de Tübingen pour remettre en question la fiabilité historique d'Actes, Weber, dans cette perspective, situait donc Ga 2 avant Actes 15, considérant les voyages de Paul en Galatie comme correspondant à ses voyages dans les régions du Sud de l'Asie mineure mentionnés dans le livre des Actes. L'hypothèse — et la controverse en son entier — reste largement spéculative, on le comprend: on ne peut pas exclure la possibilité de visites de Paul — en Galatie ou ailleurs — non mentionnées par le livre des Actes ! C'est ainsi, par exemple, que Calvin, qui ne connaissait pas d'hypothèse "sud-galatique" datait l'Épître aux Galates d'avant Actes 15 et donc avant les visites de Paul en Galatie d'Actes 16 et 18.

Il appartenait à Lightfoot, au XIXe, de se faire l'avocat de la géographie classique, celle de l'hypothèse ancienne à laquelle la plupart des critiques sont revenus depuis, celle d'une Épître aux Galates adressée aux Galates (3:1) proprement dits.


Authenticité paulinienne de l’Épître

Pour les Pères, l'authenticité paulinienne de l'Épître ne fait pas problème. Elle ne sera pas remise en question avant le XIXe siècle, par B. Bauer, puis par Loman et l'école dite hollandaise, en contre-pied de l'école de Tübingen.

Admettant qu'Actes 15 et Galates 2 relataient le même événement, et les jugeant inconciliables, l'école de Tübingen , avec F. C. Baur. avait remis en question la fiabilité historique du livre des Actes des Apôtres (Ac). Bauer et Loman, assumant l'idée de l'inconciliabilité des deux textes aboutissaient à une conclusion différente: l'Épître aux Galates y était perçue comme un écrit marcionite du lIe s., qui, professant un paulinisme outré et exclusif, voulait durcir le conflit, que relatait plus fidèlement Actes, entre Paul et Jérusalem. L'Épître n'a pas connu d'autre contestation de son authenticité.


Date et lieu de rédaction

À part les courants Bauer et Loman, qui la datent du lIe siècle, tous admettant l'authenticité paulinienne de l'Épître, on fixe le terminus ad quem dans les années 60 (captivité et mort de Paul). Elle aurait alors pu être rédigée à Rome.

Le terminus a quo peut être remonté jusque vers 48 env. (pour qui admet que l'Épître est antérieure au concile d'Ac 15). Dans cette hypothèse, l'Épître aurait pu être écrite l'Antioche ou de Jérusalem.

On a parfois proposé une origine en Macédoine. en 52 env. (juste après Ac 5 ).

La provenance la plus classiquement admise, dès l'ère patristique, est Éphèse. L'Épître y aurait été rédigée en 55 environ.


La relation Actes 15 - Galates 2

La question sous-jacente à celle de la datation est celle de la relation entre Ga 2 et Ac 15.

La position classique ne remettait pas en cause l'idée qu'il pouvait s'agir, dans les deux récits, du même événement. Calvin est le premier à avoir remis en question cette unanimité : pour lui les divergences entre les deux récits sont trop profondes pour qu'il soit possible d'y voir bien le même événement. Il suppose donc une première rencontre des Apôtres à Jérusalem, avant le concile d'Ac 15. C'est cette rencontre que rapporterait Paul en Ga 2.

La question en est restée là jusqu'au XIXe s., quand F. C. Baur était arrêté comme Calvin par les divergences des récits, mais contre lui il jugeait qu'ils étaient toutefois trop ressemblants pour qu'on puisse admettre qu'ils référaient à des événements différents. Les Actes étaient perçus comme un récit visant à arrondir les angles d'un conflit, dont Galates ne cachait pas la virulence, entre Pierre et Paul.

Outre la réponse de Bauer, contestant l'authenticité de Galates, l'école de Tübingen sera contredite par l'exégète catholique Valentin Weber : comme les précédents il juge les deux récits inconciliables. Il en vient à une conclusion similaire à celle de Calvin : Actes et Galates ne parlent pas de la même chose. Weber appuie son hypothèse sur la théorie "sud-galatique" : ce n'est pas aux deux visites en Galatie d'Ac 16 et 18 que Paul fait allusion en Ga 4 mais à ses passages au Sud de l'Asie mineure relatés en Ac 13 et 14.

Enfin, majoritaires sont les exégètes contemporains qui jugent que les deux récits, parlant du même événement, ne sont nullement inconciliables (Lightfoot, Lagrange, Bonnard,…).


Destinataires

Jusqu'au XIXe s., on admettait unanimement que l'Épître était adressée aux Galates proprement dits (3:1) — ou "du Nord" (cf. supra). Cette approche, contestée au XIXe s. par Mynster, a vu son succès décroître au XIXe s. Ramsay niera même que Paul soit jamais venu en Galatie au sens strict.

Pour la nouvelle théorie,"sud-galatique", il faut entendre par la Galatie la province romaine de Galatie, et comprendre que les destinataires de l'Épître sont les habitants du Sud de cette province, à savoir les Pisidiens, Lycaoniens ou Pamphiliens, de cette région que Paul visitait souvent.

Les avocats de l' hypothèse classique font remarquer que Paul s'adresse à des Galates (3:1), pas simplement à la province de Galatie. Pour la majorité de ces derniers — dont se sépare Calvin — l'Épître a été rédigée après Ac 15, les deux visites mentionnées par Paul (Ga 4:13) pouvant correspondre à Ac 16:6 et 18:23.


L’occasion de la rédaction de l’Épître

Un enseignement s’est répandu dans les Églises de Galatie, composées principalement de chrétiens d' origine païenne, enseignement selon lequel ces chrétiens devraient pratiquer les prescriptions de la Loi de Moise, notamment ses cérémonies, et particulièrement la circoncision.

On ne peut que penser à un parallèle avec Ac 14, où il est question de chrétiens de tradition pharisienne qui veulent imposer aux chrétiens païens la circoncision.

Selon les exégètes préférant une date pré-conciliaire de rédaction de l'Épître, le problème galate aurait été définitivement réglé par la décision d'Ac 15. La rencontre mentionnée dans l’Épître précédant, pour cette option, celle d'Ac 15, — malgré un certain accord entre Paul et Jérusalem — n'aurait pas pleinement tranché le débat.

Du côté de ceux qui optent pour une datation post-conciliaire — et qui reconnaissent en Ga 2 le même événement qu'en Ac 15 —, pour d'aucuns (Lagrange) les adversaires de Paul ne tiennent tout simplement pas compte des décisions du concile. Mais alors ce qui semble être de leur part une subtile revendication de l'appui de Jérusalem — rendant plus laborieuse l'argumentation de Paul —, s'explique difficilement.

C'est ainsi que pour d'autres (comme Cornely), les décisions de Jérusalem n'ont pas mis fin à tout débat, ceci expliquant le ton et les difficultés de Paul dans sa défense. Les partisans de la circoncision des païens reviendraient à la charge, présentant la pratique du rituel mosaïque comme passage à une étape supérieure de la vie chrétienne, sorte de "conseils spirituels."

Elle pourrait même être recommandée par Jacques, si l'on en croit Loisy, qui trouve ce conseil raisonnable et juge Paul sectaire. Mais Paul semble bien revendiquer son accord avec Jacques.

Pour l'école de Tübingen, suite à Baur, c'était Pierre qui était l'adversaire de Paul, Pierre qui ne saisirait pas l'enjeu de l'exigence radicale de Paul.

Mais Paul est de fait très proche des positions qu'il reproche à Pierre (cf. Ga 2, 1 Co 10, Ro 14). Le problème de Pierre est vraisemblablement en ce qu'il n'a pas encore arrêté de position quant à un comportement pratique sur le plan de la communion avec les païens. Paul lui reproche plutôt l'ambiguïté que manifestent ses hésitations que sa position théologique. Car concrètement, Paul lui-même invite les païens à s'abstenir de nourriture non-casher, à son exemple (Ro 14). C'est ainsi que par le biais de sa réflexion théologique, il en vient à la pratique concrète recommandée par Jacques.

C'est probablement du fait de la souplesse de la décision de Jérusalem, et donc de Jacques, que le conflit a pu prendre le tour qu'il a pris.

En effet, si l'on considère attentivement l'accord de Jérusalem (Ac 15:21), on remarque qu'il ne fait que reprendre l'enseignement synagogal à l'égard des craignant-Dieu, sans donner de précision supplémentaire. Cela correspond vraisemblablement à ce que l'on appelle la loi de Noé, dont la pratique seule est requise des craignant-Dieu, dont la conversion totale au judaïsme sera toutefois bien accueillie.

Car il n'est pas exclu pour les craignant-Dieu de devenir prosélytes à part entière. C'est là, dans le judaïsme, passage à une étape supérieure dans la vie religieuse.

Les partisans de l'intégration plénière des païens chrétiens à la communauté juive pouvaient probablement par là introduire une subtilité du genre : certes les païens ne sont pas obligés de se faire circoncire, mais s'ils le font, c'est mieux. En quelque sorte, ils durciraient en "conseil spirituel" ce que Jacques se contente de ne pas exclure.

Subtile façon de ré-avancer ce que Jacques rejetait, d'où la difficulté qu'a Paul à s'appuyer sur l'accord de Jérusalem. Qu'il revendique toutefois.


L’enjeu du débat

On pourrait se demander avec Loisy si Paul ne chipote pas. En fait pour lui, l'enjeu est capital : il y va de l'avenir de la mission auprès des païens. Si, en effet, les païens chrétiens en viennent à considérer leur situation comme inférieure, et donc, préférablement provisoire, la large ouverture que permet la dispense du passage par les rites difficiles du judaïsme, et notamment la circoncision, est ruinée : devenir chrétien équivaut ultimement à devenir juif, avec toutes les difficultés rituelles traditionnelles pour les nouveaux venus. D'où l'ardeur de Paul à défendre sa cause.


Les conséquences théologiques

La combat de Paul a des conséquences théologiques considérables : il lui permet de développer dans toute sa rigueur son enseignement sur la justification par la foi. C'est là le cœur de l'alliance, déjà pour Abraham. C'est par la confiance aux promesses de Dieu que s'obtient la justice, indépendamment de la pratique légale. C’est si vrai que cela concerne aussi ceux qui observent le cérémonial mosaïque, les juifs, comme Paul lui-même, ainsi que Pierre (Céphas). L'observance de la Loi n'ajoute rien à leur justice, semblable à celle d'Abraham et scellée dans le Messie.

Il faut préciser, comme l'a compris Martin Luther, que cela ne concerne pas seulement les dispositions cérémonielles de la Loi, mais la Loi sous tous ses aspects : chez Paul, n'apparaît pas la distinction qu'a faite la théologie chrétienne ultérieure entre aspect moral et aspect cérémoniel.

Le fait qu'il n'y ait pas d'indices permettant de dire que Paul faisait une distinction moral/cérémoniel quant à la Loi soulève une difficulté : Paul serait-il antinomien ?

C'est là un des arguments des opposants de Paul : "Christ serait-il serviteur du péché ?" Et c'est vraisemblablement une des raisons des développements moraux des ch. 5 et 6 : réponse anticipée à l'objection d'encouragement au laxisme (inutile d'y voir trace d'un autre groupe d'adversaires de Paul).

Paul a, en fait, une approche de la Loi qui lui est propre, riche et nuancée. Il en retient surtout la valeur pédagogique, "pour conduire au Christ". Cela pourrait faire croire que pour lui la Loi est reléguée dans le passé. Il n'en est rien. Cette fonction pédagogique n'est pas abolie dans l'histoire avec la venue du Messie, ni même pour l'individu avec sa conversion au Messie : le Christ est toujours notre avenir, et notre péché persistant, que révèle toujours la Loi, est toujours notre passé à surmonter dans la foi en Dieu.

En outre. pour fonctionner, cette dimension pédagogique de la Loi doit supposer de la part du croyant une prise au sérieux de son enseignement, et donc une valeur normative de Loi. C'est ici que se place la difficulté majeure: comment reconnaître la valeur normative de la Loi, tout en enseignant que les chrétiens païens sont dispensés d'en pratiquer les dispositions ?

C’est ici que prend place la distinction, délicate, de la lettre et de l'esprit: la lettre de la Loi porte un enseignement, moral, qu’il s’agit de discerner, en usant de raison. Enseignement qui n'est pas sans rapprocher de l'idée de loi naturelle et qui fondera la distinction ultérieure entre aspect moral et aspect cérémoniel. Pour Paul, la Tora n'en demeure pas moins l'expression de la Vérité, qui norme notre comportement. Elle n'est nullement abolie. Dans la foi qui reçoit la justification. est abolie la condamnation que fait peser la Loi sur celui Qui la transgresse. Paul invite les païens à user de la Loi pour dégager le cœur de son enseignement, l'amour du prochain, mais les dispense de sa pratique littérale.

C'est dans cette perspective qu'il faut considérer sa comparaison, qui autrement, serait incompréhensible, entre la Loi mosaïque et les rites du paganisme ! (Ga 4:8-10.) C’est dans cette perspective aussi qu'il faut percevoir la leçon allégorique du ch. 4. Juifs comme Grecs dépendent, quant à leur filiation abrahamique, de la foi en la promesse de Dieu scellée dans le Christ, et non d'un héritage naturel (cf. Jean-Baptiste. ou Jésus). Il n'est nullement question ici d'un rejet d'Israël et de Jérusalem, mais d'un rejet de l'enseignement de qui ne voudrait reconnaître de filiation que naturelle. et plus précisément rituelle : c'est là, et là seulement, "l'esclavage" à bannir. (Inutile de s'arrêter sur le fait qu'il est encore plus aberrant de vouloir y voir les Arabes ou l'islam — comme a été tentée de le faire la polémique chrétienne depuis l'Hégire — ainsi Jean Damascène).

C’est à travers cette riche pensée théologique que Paul. par la controverse, met en place son message : la justification par la foi seule, indépendamment de toute pratique légale, pour une libération en vue de la consécration au service de Dieu, pour le prochain. C'est là le cœur de l'enseignement de la Loi (le double commandement) et le seul Évangile, Évangile qui permet à Paul de proclamer en Christ l'égalité des juifs et des païens (Ga 3:28).

RP


Bibliographie

Strabon, Géographie, XII, 5, Paris, Belles lettres, 1981 (t. IX)
Lightfoot, The Epistle of S. Paul to the Galatians, (London, 1865) Grand Rapids, 1957.
W. R. Ramsay, A Historical Commentary on the S. Paul Epistle to the Galatians, London, 1900.
M. Luther, Commentaire de l'Épître aux Galates, Œuvres t. XV ; Labor & Fides, (1538) 1969.
J. Calvin, Commentaires sur le Nouveau Testament, l'Épître aux Galates, Labor & Fides, (1548) 1958.
M. J. Lagrange, S.Paul, Épître aux galates, Paris. Gabalda, 1918, 1925.
Bonnard, L'Épître de S. Paul aux Galates, Neuchâtel, Delachaux & Niestlé. 1953.
H. D. Betz, Galatians, Philadelphia, U.S.A., Fortress Press, (1979) 1984.
Simon Légasse, L'Épître de Paul aux Galates, Cerf, 2000.
Paul-Dominique Dognin, « La foi étant venue… » L'épître aux Galates, coll. Connaître la Bible, no 25, Bruxelles, Lumen Vitae, 2001.
Alain Gignac, « Une approche narratologique de Galates. État de la question et hypothèse générale de travail. », Science et Esprit, 58, 2006.


RP
Épître de Paul aux Galates

Église protestante unie de France / Poitiers
Étude biblique 2018-2019
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
1) 9 & 11 octobre — Introduction à l’Épître


mercredi 10 octobre 2018

À propos de Paul




« Conversion » d’un envoyé du Temple

Shaoul/Paul vit quelque chose de décisif à l'occasion du moment relaté par le livre des Actes des Apôtres : chargé par les autorités de Jérusalem d'un mandat de poursuite des disciples du Crucifié, perçus par les Romains comme un groupe subversif qui semble donc représenter une menace pour l'existence juive, Shaoul/Paul est saisi par sa perception intime du Ressuscité pour un changement de perspective radical : l'irruption du Royaume universel espéré ici et maintenant — ouvrant dès lors sur la possibilité d'un changement d'attitude chez des Romains menaçants pour l'intégrité d'Israël.

Le livre des Actes des Apôtres parle de « zèle », parfois traduit par jalousie, à propos de l’attitude des autorités judéennes que partage leur envoyé, Shaoul/Paul. « Zèle » compréhensible, mentionné aussi dans les évangiles concernant Jésus, explicitement chez Jean : s’il continue, les Romains viendront détruire notre nation. Ça vaut pour Jésus, ça vaut pour ses disciples, les nazaréens. Cf. Actes 5, 17 et le « zèle » du sanhédrin.

Or pour Shaoul/Paul, l'événement du chemin de Damas ouvre sur une mission facilitée auprès des goïm, quant à la possibilité pour eux d'entrer dans la mouvance juive sans les rites qui leur font obstacle. Effet de l'imminence de la présence du Règne universel. Dans cette perspective, non seulement la secte des disciples n'est pas menaçante pour Israël, mais peut en faciliter la compréhension via des goïm qui s'en rapprochent.

Lorsque, suite à l’événement du chemin de Damas, il cesse d’avoir la conviction que la secte des disciples de Jésus est menaçante (conviction qui n’a rien d’illégitime !), Shaoul/Paul ne cesse pas pour autant d’être pleinement juif revendiqué. Actes 5 nous avait prévenus que Gamaliel avait demandé la prudence (Ac 5, 34) quant à la conviction plus commune qui était aussi celle de Paul avant le moment chemin de Damas. Paul, qui on le sait se revendique de l’enseignement de Gamaliel (Ac 22, 3), s’inscrit désormais dans la ligne de la remarque du maître, convaincu pour sa part (un pas plus loin que le maître) que la secte des nazaréens vient bien de Dieu.

S’il y a conversion de Shaoul/Paul, ce n’est en aucun cas un changement de religion, mais un mouvement de techouva au sein de son judaïsme dont il considère désormais que la mission historique arrive à son terme prochainement avec l’avènement du Règne de Dieu manifesté déjà pour lui dans celui qu’il rencontre sur le chemin de Damas comme le Ressuscité.

À l’instar du conseil de Gamaliel, et a fortiori puisqu’il est des nazaréens désormais, il juge à présent inopportun de persécuter une secte en laquelle il ne voit plus rien de subversif pour son peuple, au contraire ! Il se fera désormais le témoin du Royaume tout proche auprès des nations : le temps annoncé par les prophètes où toutes les nations viennent adorer à Jérusalem est imminent.

Envoyé aux nations, d’où l’usage privilégié désormais de son nom romain, Paul, plutôt que de son nom hébreu, Shaoul, puisqu’il porte les deux, étant citoyen romain de naissance (Ac 22, 25-28). Cela n’implique pas forcément un changement de nom. Mais un changement de vis-à-vis exprimé dans l’usage de son nom romain — de naissance tout autant que son nom juif.


Conviction eschatologique

En tout cela, une conviction eschatologique : le Règne de Dieu est proche — qui fonde son attitude et son apostolat. En regard des promesses prophétiques : la montée de toutes les nations à Jérusalem, il est urgent de faire connaître le Nom de Dieu, et de celui par qui il fait venir le Royaume, à toutes les nations. Établissement du Règne, ou plus précisément restauration du Règne de Dieu via Israël (cf. Actes 1, 6). Restauration, mais restauration élargie aux nations, ce qui ne fut pas le cas auparavant.

Dans ce processus, Israël a connu un échec considérable, qui est l’exil, advenu au tournant des VIe-Ve siècles av. JC, avec la domination babylonienne, situation jamais pleinement résolue. C’est là la « chute », « la défaite » littéralement, dont il est question en Romains 11 (cf. Ro 11, 11-12). Défaite avec sa face… « positive », un effet imprévu : le Nom de Dieu proclamé parmi les nations, effet déjà amorcé auparavant, mais que Paul, au regard de l’urgence, prend en charge activement.

Il n’est pas question pour lui de rejeter quoi que ce soit de la Loi, qu’il observe lui-même, mais de ne pas en faire un obstacle à l’élargissement du fruit de l’Alliance aux nations. D’où sa négociation de la Loi noachide à Jérusalem en Actes 15, d’où sa grande prudence (dans sa perspective eschatologique) visant à ne pas faire de la Loi un obstacle et sa vigilance à lutter contre l’exigence de certains d’y conduire les non-juifs. D’où l’imprégnation de loi noachide aussi de ses conseils aux Corinthiens, en parallèle avec les conseils qu’il leur donne (1 Co 8-10), pour ne pas rompre d’avec Israël, d’observer la cacherout, même si, selon ses propos, ils ne seraient théoriquement pas forcément tenus de le faire, conseils qu’il donne aussi aux non-juifs de l’Église de Rome (Ro 14).

En lien avec tous ces conseils, la conviction de l’imminence eschatologique, liée à celle que le Messie de ce Règne imminent est Jésus, porteur du Nom de Dieu : cela explique l’impression d’un christocentrisme exclusiviste (l’invocation du Nom du Seigneur, Ro 10, 13, i.e. pour Paul, Christ) en parallèle avec l’affirmation d’un salut sans exclusive de « tout Israël » (Ro 11, 26). Point de contradiction si l’on comprend que le salut est fonction de l’Alliance, que Dieu déploie dans l’Histoire, Alliance scellée avec Israël et irrévocable, et à présent élargie par la venue du Messie du Règne imminent à quiconque l’invoque (Ro 10, 13, cf. Jo 2, 32 et reprise en Ac 2, 21). Conviction d’une imminence qui est celle de l’Église primitive en son ensemble, dont Paul et ses disciples. Paul l’affirme explicitement, cf. 1 Thessaloniciens 4, mais aussi 1 Corinthiens (ch. 15) et Romains 9-11, et ça reste vrai tout au long du Nouveau Testament, de quelque époque que l’on date ses livres, où on lie en outre l’avènement du Règne imminent aux menaces sur Jérusalem, en fonction d’une relecture du Livre de Daniel, relecture que l’on trouve dans les évangiles (Mt 24, Mc 13, Lc 21), dans 2 Thess. ou l’Apocalypse, de quelque époque que l’on date ces livres.

La conviction qui a animé la mission de Paul restera vraie pour ses disciples et ceux des autres Apôtres avant comme après la destruction du Temple de 70… Puis s’estompera progressivement jusqu’à la conversion de l’Empire romain, occasionnant une lecture non-eschatologique autant que non-juive de la mission de Paul, qui a fini par prévaloir et devenir filtre incontournable, jusqu’aux redécouvertes récentes de l’importance et de l’eschatologie et du référentiel de la tradition juive.

À suivre ici : Romains 9 à 11, ou lire le sens de deux fidélités


RP
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