tag:blogger.com,1999:blog-1553290232459144052024-03-18T17:26:25.735+01:00Propos de toile ... (cirée). Ou : questions de cuisine<br>... dans le cours d'un temps qui passe...Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.comBlogger371125tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-13274386963250760702024-03-18T16:43:00.006+01:002024-03-18T17:25:53.953+01:00Calvin, la tolérance et la concordance des temps<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="2015" data-original-width="1952" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhveSNcey2Xv_YIcPTtfYgs_MiWG1RetcuiBORVC4nqA2g4FR13EMj2I9siMLqilOJh572LfiqsOL9vYmCN6yVOfvirueIeaSTHqEZ5e6S3mQ_N2BU2h8HSZBj_G_4CTAOPRNYNl-YYgryDdCcBobbw9Hb4snnkcfSAgj50Bz0tE_S6gwG5sIMGuKPS5pk/s2015/jl%20gasc.jpg" title="Montségur - photo Jean-Louis Gasc" width="580" /></div><span style="font-size: x-small;"><div style="text-align: right;">Montségur - photo Jean-Louis Gasc</div></span><div style="text-align: right;"><br /></div><br />
Après l'écoute du portrait à charge de Calvin infligé aux auditeurs de <i>France-Culture</i> ce 16 mars 2024 (par ailleurs 780e anniversaire du bûcher de Montségur) — émission <i>Concordance des temps</i>, présentée par Jean-Noël Jeanneney, dont les propos massifs sont à peine nuancés par l'historien Olivier Christin — … envie de relire le <i>Calvin</i> de Bernard Cottret (Payot [1995], 1998).
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Bernard Cottret est cet excellent historien et biographe de Calvin, un des rares à s'efforcer vraiment (cit. p. 216-217) <i>“[…] d’écarter tout anachronisme de nos jugements. La tolérance ? Ni le mot, ni le concept n'existent au XVIe siècle […]. La tolérance naît dans les années 1680, à l'orée des Lumières ; elle s'inscrit dans un espace singulier, celui de l'Europe du Nord-Ouest, Angleterre et Provinces-Unies</i> [influencées l’une comme les autres par… le calvinisme !]. <i>Enfin, elle est l'œuvre d'un homme en particulier, John Locke, auquel le XVIIIe siècle voue un culte constant.</i> [Locke marquant un débouché de la période puritaine anglaise, au cours de laquelle les mouvements issus du calvinisme inventent ce que reprendra le pasteur français Rabaut St-Etienne lors de la troisième révolution puritaine (après la seconde, américaine), la révolution française : la liberté de conscience, qui ouvrira plus tard à la laïcité.]
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<i>La tolérance, donc, n'existe pas au XVIe siècle. Bien plus, elle apparaît comme impie. En veut-on un exemple ? Thomas More, auteur de </i>l'Utopie<i>, qui fut jusqu'au bout fidèle à son idéal d'humaniste catholique en préférant la mort ignominieuse d'un traître au reniement de ses principes, le grand Thomas More admettait le bûcher des hérétiques. Il ne voyait même pas très bien ce que l'on pouvait faire d'autre avec des hérétiques que de les brûler !
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Calqués sur le latin, les mots français « tolérer » et « tolérance » ne s'appliquent pas au départ à la dissidence religieuse. Ils désignent une mesure provisoire de conciliation, plus pragmatique que philosophique. Tolérer, c'est souffrir et permettre, à la limite, ce qu'on n'arrive pas à extirper. En bref, la tolérance est un moindre mal, elle ne jouit d'aucune valeur positive.
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[…] Il serait fallacieux également de voir systématiquement, chez tous les adversaires de Calvin, « des champions déclarés de la tolérance, de la liberté individuelle et des droits de la société civile ». Certes, à défaut de tolérance, au sens philosophique, plusieurs attitudes conciliatrices demeuraient en théorie possibles : la « concorde ecclésiastique », l'irénisme ou valorisation de la paix entre les chrétiens, l'indifférence enfin, qui permet la coexistence. Mais précisément, ni la mansuétude, ni la douceur, ni la lassitude, ni l'indifférence ne méritent le nom de tolérance. […]
Théodore de Bèze souligne la clémence de Calvin : une seule exécution d'hérétique, celle de Servet. Le calvinisme se révèle sur ce plan nettement moins performant que l'Église romaine, voire que les autres confessions protestantes :</i> [si Calvin ne s’est certes pas opposé à l’exécution de Servet (il n’a demandé, sans l’obtenir qu’un châtiment moins cruel : la décapitation), il n’est pas l’auteur de son exécution. C’est l'autorité civile qui avait ce pouvoir et qui a fait exécuter la peine, approuvée par les autres cantons suisses, les Réformateurs réputés doux, comme Melanchton, et par-dessus tout l'Eglise romaine qui l’avait fait brûler en effigie.]
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Pas de tolérance donc, à l’époque, mais au mieux la <i>clémence</i>, que Théodore de Bèze souligne chez Calvin. Le successeur du Réformateur sait évidemment que le premier travail de Calvin, comme humaniste, portait sur le <i>De Clementia</i> de Sénèque, qu’à bien y regarder Calvin s’est efforcé de pratiquer !
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Naîtront beaucoup plus tard toute une lignée d’héritiers de Calvin, pétris de mauvaise conscience, pour se réclamer de ses adversaires de façon parfaitement anachronique, à commencer par se réclamer de Servet, et de Castellion, qui ne manquait pas dans son libelle, de dénoncer en passant chez Calvin son amitié pour les juifs ! Curieuse et anachronique “tolérance”… Aussi on serait bien inspiré de suivre le conseil de Cottret et de se garder de l'anachronisme. Calvin, en effet, n’a pas trouvé d’ennemis plus acharnés que chez les siens, jusqu’au pasteur Schorer qui au XXe siècle sollicite son ami Stefan Zweig, pour un livre jugé excellent par ceux qui ne savent pas que Zweig a renié ce livre, le faisant passer au pilon, et demandant qu’on ne le traduisit pas en français (cf. <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-histoire-des-religions-2006-1-page-3.htm" target="_blank">Frank Lestringant</a>), lorsqu’il a compris qu’en pleine période nazie, il avait attaqué un des rares défenseurs des juifs…
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Il y aurait une étude à mener sur cette façon de se dédouaner anachroniquement en accablant le Réformateur, cette façon de se placer dans ce qui est devenu le “camp du bien”… Façon de “meurtre du père”, d’autant plus troublante que les dénonciateurs s’essayent à une psychanalyse de Calvin, parlant de ses “obsessions”, notamment bien sûr à l’égard des femmes, au prix de l’invention qu’il aurait requis des châtiments plus sévères pour elles que pour les hommes, pour les mêmes fautes… Et de se demander s’il ne serait pas proche des talibans et des mollahs iraniens !!! Et d’oublier que sa mise en cause de certaines mœurs de son temps vise avant tout les bourgeois de Genève (qui lui en ont beaucoup voulu) qui se croyaient tout permis vis-à-vis des femmes à leur merci du fait de leur pouvoir. Le recours à la Bible vaut ici pour la défense des victimes (méthode protectrice d’alors — pour ne pas tomber dans l’anachronisme qui y verrait déjà du #metoo ou dénoncerait le fait de ne pas l’y trouver !).
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Mieux vaut citer Calvin, qui en son temps, est quand même un des rares à reconnaitre et approuver le plaisir féminin : <i>“ce que Dieu permet à une jeune femme de s’éjouir avec son mari est une approbation de la bonté et de la douceur infinie du mariage”</i> (<i>Comm. Deut.</i> 24, 5). Qu’on nous permette de douter de la correspondance d’un tel propos avec ceux des fanatiques islamistes contemporains. Que l’on sache par ailleurs, les réfugiés persécutés n'affluent pas en Afghanistan où en Iran comme dans la Genève du XVIe s. qui a vu plus que doubler sa population suite à son accueil des réfugiés…
Calvin est toutefois bien un homme de son temps, empreint de la reconnaissance de sa faiblesse et de ses fautes, ce qui semble échapper aujourd’hui aux adhérents du “camp du bien”.<br /><br />
Pour conclure, deux textes, l’un extrait d’un manuel scolaire contemporain annonçant présenter la “pensée” de Calvin (<i>sic</i>) :
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<i>« Nul ne doit jurer ni blasphémer le nom de Dieu, sous peine la première fois de baiser terre, la seconde fois de baiser terre et payer trois sous, et la troisième fois d’être mis en prison trois jours. […] »</i> (D’après Calvin, <i>Ordonnances sur les mœurs</i>, 1539 / <i>Manuel scolaire de 5e, Histoire-Géographie</i>, coll. Martin Ivernel, Hatier, 2005, p. 163.)
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2e texte — qui n’apparaît pas dans le manuel scolaire ! — la loi qui, à la même époque que les ordonnances calviniennes genevoises citées ci-dessus, est en vigueur en France :
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<i>« […] Tous ceux qui diraient paroles, injures et blasphèmes contre notre Créateur et ses œuvres, contre la glorieuse vierge Marie, sa mère bénie, ses saints et saintes, ou qui jureraient sur eux, seront mis pour la première fois, au pilori où ils demeureront de une heure jusqu’à neuf heures, on pourra leur jeter aux yeux de la boue ou autres ordures, sauf des pierres ou choses qui pourraient les blesser. Après ils demeureront un mois entier en prison au pain et à l’eau. A la seconde fois, on leur fendra la lèvre supérieure avec un fer chaud jusqu’à ce que leurs dents leur paraissent, à la troisième fois la lèvre inférieure ; et à la quatrième fois les deux joues ; et si par malheur, il leur arrivait de mal faire une cinquième fois, l’on leur coupe la langue en entier, qu’ainsi ils ne puissent plus dire de pareilles choses. […] »</i> (<i>Ordonnance royale</i>, donnée par Charles VI le 7 mai 1397, renouvelée régulièrement jusqu’en juillet 1666).
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Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-54729448167412203582024-02-09T18:28:00.000+01:002024-02-09T18:28:00.833+01:00L'Historien Jules Isaac, de l'enseignement du mépris à l'enseignement de l'estime<br /><div style="text-align: center;"><iframe allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen="" frameborder="0" height="435" src="https://www.youtube.com/embed/rhEHzC1FJ-E" title="L'Historien Jules Isaac, de l'enseignement du mépris à l'enseignement de l'estime" width="580"></iframe></div>
<br><br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-45282113287556130912024-01-22T09:04:00.032+01:002024-02-26T07:49:54.367+01:00"Jésus et Israël", déplacement et ouverture exégétiques<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="501" data-original-width="700" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgxAiZZVPTG36m2hTRWsYq8m9L_IFpGcn5cu_sO9eyFXOWDKbwOGZWKtK5OanOzaEdy7rGMTCSpxk745hmzV5N4U-1wS5Ykrt4gYYyujPpjjpOVtMkvJcoha7ZzwPS2SccHzRTG1PnmG9F-fwHbWGfaRAs9uITX39AXUGM-Z8nOePnjJtAtPDOHJOwFhoo/s700/SaintHelenaFindingtheTrueCross-700x501.jpg" title="Sainte Hélène découvrant la vraie croix (Illustration dans Sylvie Teper, 'Les juifs au Moyen Âge, une histoire surprenante')" width="580" /></div>
<br /><br /><div style="text-align: right;"><b><i>Journée d'étude Jules Isaac, entre histoire, théologie et exégèse</i>, UCLy, Lyon 22.01.2023</b>
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Version complète (version courte <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2024/02/jesus-et-israel-deplacement-et.html" target="_blank">ICI</a>)</div>
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Quelques mots d’explication du titre en guise d'introduction : Jules Isaac a opéré un net déplacement exégétique par rapport à ce qui se faisait en son temps, suscitant une ouverture toujours féconde. Jusqu’à son <i>Jésus et Israël</i>, on lisait communément les Évangiles comme christianisme face au judaïsme. Or un christianisme constitué n'existait pas au temps des Évangiles. En historien, Jules Isaac discerne là un anachronisme, d'autant plus redoutable que s’y fonde la théologie de la substitution du christianisme à Israël, source de <i>l'enseignement du mépris</i>. En historien, il opère ce déplacement essentiel : lire les Évangiles comme textes juifs du premier siècle, retrouver Jésus et les disciples comme juifs plutôt que comme chrétiens. Ce déplacement a eu de la difficulté à être reçu par nombre d'exégètes. Ce déplacement est toujours à l’ordre du jour, et même à ouvrir plus avant. La méthode exégétique ouverte par Jules Isaac a encore à apporter, à ouvrir, concernant, au-delà de Jésus, Paul par exemple, voire aussi, plus loin, la lecture du Coran, l’islam comme le christianisme s’étant développé comme théologie de la substitution, en l’occurrence à tous les cultes antécédents, juifs, chrétiens, et autres. Or tous les antisémitismes modernes s'enracinent dans le terreau religieux qui les a précédés et nourris. Ce que Jules Isaac a clairement mis en lumière concernant l’enracinement en christianisme de l’antisémitisme européen vaut aussi plus largement. En arrière-plan constant, le couple abolir/accomplir.
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<b>Abolir/accomplir</b>
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Matthieu 5, 18-19 (lsg) : <i>« je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. — Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui les observera, et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. »</i>
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C’est ce qui suit le propos de Jésus disant <i>« ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir »</i> (Matthieu 5, 17). Où il apparaît qu’accomplir la Loi ne l’abolit pas ! Contrairement à la tentation commune qui revient à considérer que Jésus ayant accompli la Loi, il n’y aurait plus à l’observer ! Or ici le mot grec pour “accomplir” est <i>pleroo</i>, qui signifie non pas mettre un terme comme dans “tout est accompli” (<i>teleo</i>) (Jean 19, 30), mais <i>“observer pleinement” : “je ne suis pas venu abolir, mais observer pleinement”</i>, ce qui permet de comprendre les fameux <i>“mais moi je vous dis”</i> qui suivent, non pas comme “antithèses”, mais comme commentaire approfondi en vue d'une pleine observance.
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Ce à quoi Jésus s’oppose, c’est à une interprétation accommodante, voire laxiste, de la Torah. Comme à l’idée que l’amour du prochain qu’elle commande s’arrêterait aux frontières de la nationalité, de la religion, que sais-je encore. C’est à cela que Jésus s’oppose, et pour ce faire, c’est à la Torah qu’il renvoie. De même concernant sa compréhension du shabbat qui ne relève en aucun cas de la transgression. Jésus se veut non pas innovateur inventant une autre Torah, mais tenant d’un judaïsme que certains, à ses yeux, ne prenaient pas assez au sérieux.
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Ainsi, la Loi se trouve aussi bien dans le Nouveau Testament, Loi qui est la même que la Torah de la Bible hébraïque ; et par ailleurs l’Évangile sous l’angle où ce mot désigne le salut par la foi, se trouve aussi dans la Bible hébraïque, où il est le même que celui du Nouveau Testament. L’Évangile est au cœur de la Loi. Sous un certain angle il est la Loi elle-même.
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Accomplir, observer pleinement, nous parle de pérennité de l’alliance — l’idée de nouvelle alliance n’étant pas “autre alliance”, mais, comme en Jérémie 31 ou Ézéchiel 36, pleine observance, intériorisée, de la même alliance, inscrite dans les cœurs.
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Bref, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la Torah un seul iota ou un seul trait de lettre.
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Pour donner une illustration de la difficulté chrétienne à vraiment recevoir cela, même aujourd’hui, une anecdote : ayant été, récemment, invité à intervenir dans une rencontre œcuménique sur la relation des chrétiens et des juifs, je m'attachais à expliquer, dans la ligne de Jules Isaac, que contrairement à ce que l’on entend encore trop souvent, Jésus (comme ses disciples juifs du Nouveau Testament) n’a jamais cessé de pratiquer tous les préceptes du judaïsme, y compris les rites alimentaires, et d'enseigner à ses disciples de faire de même. En clôture de la réunion, le modérateur, manifestement troublé par ce qu’il avait entendu, de citer dans sa traduction classique la remarque attribuée à Jésus après un débat sur les rites autour des repas en Marc 7, faisant dire à ce texte (qui ne parle pas des nourritures pures ou impures), dans des mots (au v. 19) par ailleurs inexistants dans les plus anciens manuscrits, qu’ « il déclarait purs tous les aliments » (<i>sic</i> !), témoin d’un glissement initial, oubliant la fidélité juive de Jésus — quand littéralement en grec, dans ce texte qui reste peu sûr, ce n’est pas Jésus, mais les latrines qui purifient les aliments ! Trait d’ironie tout au plus…
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Ce faisant ce que j’avais tenté d’expliquer se trouvait balayé d’un revers de main final par une traduction fort douteuse d’un texte où, à y regarder de près, et si on le retient malgré son inexistence dans les plus anciens manuscrits, Jésus donne dans l’humour en expliquant que la controverse entre ses disciples et quelques pharisiens se clôt, après le repas, aux latrines, lesquelles “purifient tous les aliments”... Jésus, qu’il s'agit de ne pas confondre avec les latrines, expliquant alors, non pas qu’il faut transgresser les rites alimentaires, mais que c’est ce qui sort de l'homme qui le souille. On trouvera les réflexions de Jules Isaac sur ce texte Marc 7 aux pages 113-116 de <i>Jésus et Israël</i>.
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Il se trouve par ailleurs, que Maïmonide (que n'a pas cité Jules Isaac — son œuvre reste à prolonger) — Maïmonide donne indirectement un éclairage indispensable sur ce texte de Marc (qu'il n'a peut-être pas connu) : «<i> La pureté des habits et du corps, écrit Maïmonide, en se lavant et en enlevant la sueur et la saleté constitue aussi une des raisons de la loi, mais si c’est lié avec la pureté des actes, et avec un cœur libéré des principes inférieurs et des mauvaises habitudes. Il serait extrêmement mal pour quelqu’un de s’efforcer de laver son apparence extérieure en se lavant et en nettoyant ses vêtements tout en étant voluptueux et sans retenue dans les aliments et la luxure… Ils paraissent propres à l’extérieur mais leurs cœurs se soumettent à leurs désirs et à la jouissance corporelle, et ceci est contraire à l’esprit de la Torah. [...] Ceux qui lavent leurs corps et nettoient leurs vêtements tandis qu’ils restent sales de leurs mauvaises actions et [de leurs mauvais] principes, sont décrits par Shlomo (Salomon) comme : ‘une génération pure à ses propres yeux et qui n’est pas lavée de son ordure une génération,… que ses yeux sont hautains, et ses paupières élevées !’ (Proverbes 20, 12-13). »</i> (Maïmonide, <i>Guide des égarés</i>, XXXIII.) Bref, pour Maïmonide, ce serait hypocrisie ! Jésus n'a pas dit autre chose. Où il apparaît, mais on le savait déjà, que les invectives des évangiles parlant de « pharisiens hypocrites » relèvent d’une polémique interne à une même famille, polémique dont la vigueur même est indicative de ce que, comme plus tard Maïmonide, Jésus se réclame de ladite famille ! Les quelques mots du v. 19 de Marc nous situent bien autour d'un repas agrémenté d’une vive discussion de famille, dont sont aussi Jésus et ses disciples, parmi lesquels « quelques-uns » (v. 2) ne se lavent pas les mains. Le débat dans ce texte, comme dans tant d'autres des Evangiles, est entre Judéens et Galiléens, pas entre juifs et chrétiens (qui n’existent pas encore). Judéens et Galiléens sont juifs les uns comme les autres, ce qui pose la question de nos traductions du mot grec ioudaïoi, qui peut signifier aussi bien juifs que Judéens. Le problème, on le sait, est criant dans l'Évangile de Jean.
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<b>Juifs et Judéens</b>
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Si Jules Isaac ne parle pas de la question juifs/Judéens, il a contribué à l’ouvrir en soulignant fortement que Jésus est juif et qu’il n’est en aucun cas en rupture avec les autres juifs, ni eux avec lui.
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Une illustration du problème, partant de la <i>Passion selon saint Jean</i> du protestant J.-S. Bach : quoi de plus chrétien, quoi de plus insoupçonnable a priori que cette œuvre et que le texte de l’Évangile qui l’a inspirée, Jean, qui a pu être intitulé Évangile de l’amour, tant ce thème y est souligné ? L’écrivain Emil Cioran note dans ses <i>Cahiers</i> une expérience qu’il a vécue lors de la semaine sainte 1965 en l'église protestante parisienne des Billettes. Je cite Cioran : <i>« Hier soir à l'église des Billettes, la Passion selon saint Jean. On lit avant l’Évangile de Jean où, tout au moins à partir de l’arrestation de Jésus, on n'entend qu'une diatribe contre les Juifs. L'antisémitisme chrétien est le plus virulent de tous, car le plus profond et le plus ancien. On se demande comment on peut lire des textes pareils en public. »</i> (Cioran, <i>Cahiers 1957-1972</i> [10 mars 1965], Paris, Gallimard, 1977, p. 269.)
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Qui de plus pertinent que Cioran pour soulever le problème ?, lui dont le passé antisémite, passé qu’il hait et exècre à partir des années 1940, fait un témoin particulièrement pertinent de ce passé collectif européen plein d’un antisémitisme qui, c’est le propos de Jules Isaac, s’est nourri de l’anti-judaïsme séculaire du christianisme (catholique ou protestant). Pas plus que Cioran (d’origine roumaine orthodoxe), nul n’a à pavoiser ! Cioran fait cette remarque en 1965, vingt ans après 1945, et on n’a évidemment pas cessé depuis : on lit toujours Jean en public, sans explication, dans des traductions bien douteuses. Ce qui scandalise Cioran est la simple lecture de la passion telle qu’on la trouve en Jean, dans nos traductions françaises les plus classiques (si la question des traductions, notamment du mot <i>ioudaioi</i> — juifs ou Judéens ? — est heureusement posée de nos jours, elle n’a pas été posée par Jules Isaac ni par les chrétiens de son temps ! Voilà quoiqu’il en soit qui ouvre, comme une entrée redoutable, sur la question de notre lecture du Nouveau Testament, de notre prédication et de notre enseignement de protestants, catholiques, chrétiens en général, concernant la parole néotestamentaire et sa traduction. Où nous ne sommes, souvent, pas beaucoup plus avancés que nos prédécesseurs.
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La question des mots que l’on emploie, fût-ce en citant les Évangiles, est au cœur de la question que nous a posée Jules Isaac, mettant en lumière en considérant concrètement le racisme antisémite, ce qui concerne toute l’humanité, à savoir cette racine principale du racisme, « l’enseignement du mépris ». (<i>« Le racisme, c’est quand ça ne compte pas »</i>, dira Romain Gary). Jusqu’au milieu du XXe siècle (mais cela, même atténué, n’a pas toujours disparu de nos jours, loin s’en faut), le mépris dont parle Jules Isaac affleure encore hélas très souvent dans l’enseignement chrétien — sans doute, heureusement, moins qu'à l'époque. L’œuvre de Jules Isaac est passée par là mais elle a encore du chemin à faire, le déplacement qu’il a posé, l’ouverture qu’il a ménagée est à prolonger (selon l’invitation de Jules Isaac lui-même. Cf. dans sa réédition de 1959, les notes de fin de volume portant sur les nuances qu’il propose).
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<b>1 Thessaloniciens 2, 14</b>
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Chaque mise en cause évangélique des « ioudaioi » se situe de fait dans le cadre des polémiques interrégionales, et en aucun cas dans le cadre d’une polémique entre deux religions — dont la seconde n’existe pas ! Les tensions autour de Jésus et de ses disciples sont de l’ordre des tensions avec le pouvoir : Rome ultimement, et médiatement le lieu de son pouvoir, exercé directement (Pilate) ou indirectement (les Hérodiens et le Temple) ; dans les deux cas, évoquant la Judée. Ce faisant le Nouveau Testament est tout simplement dans la ligne des anciens prophètes juifs, qui n’étaient pas toujours tendres avec le centre du pouvoir. Ainsi, dans les évangiles, la mise en cause des « ioudaioi » par un groupe d’origine galiléenne est tout simplement la mise en cause du pouvoir romano-hérodien et de ses émules. Et il en est clairement de même, concernant les persécutions des chrétiens et la mort du Christ, dans la première épître aux Thessaloniciens (1 Thess 2, 14 - tob / modifié) : <i>« vous avez imité les Églises de Dieu qui sont en Judée, dans le Christ Jésus, puisque vous aussi avez souffert, de vos propres compatriotes (Thessaloniciens), ce qu’elles ont souffert de la part des Judéens »</i>, i.e. leurs propres compatriotes, et non pas, évidemment, des juifs en général ! Idem, pour revenir aux évangiles, concernant une parabole comme celle des vignerons homicides.
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<b>Vignerons homicides</b>
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Matthieu 21, 33-43 (tob)<br />
<i>33 "Écoutez une autre parabole. Il y avait un propriétaire qui planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour ; puis il la donna en fermage à des vignerons et partit en voyage.<br />
34 Quand le temps des fruits approcha, il envoya ses serviteurs aux vignerons pour recevoir les fruits qui lui revenaient.<br />
35 Mais les vignerons saisirent ces serviteurs ; l’un, ils le rouèrent de coups ; un autre, ils le tuèrent ; un autre, ils le lapidèrent.<br />
36 Il envoya encore d’autres serviteurs, plus nombreux que les premiers ; ils les traitèrent de même.<br />
37 Finalement, il leur envoya son fils, en se disant: Ils respecteront mon fils.<br />
38 Mais les vignerons, voyant le fils, se dirent entre eux : C’est l’héritier. Venez ! Tuons-le et emparons-nous de l’héritage.<br />
39 Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.<br />
40 Eh bien ! lorsque viendra le maître de la vigne, que fera-t-il à ces vignerons-là ?"<br />
41 Ils lui répondirent : "Il fera périr misérablement ces misérables, et il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui lui remettront les fruits en temps voulu."<br />
42 Jésus leur dit : "N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, c’est elle qui est devenue la pierre angulaire ; c’est là l’œuvre du Seigneur : Quelle merveille à nos yeux. [Ps 118, 22-23 ; És 28, 16]<br />
43 Aussi je vous le déclare : le Royaume de Dieu vous sera enlevé, et il sera donné à un peuple qui en produira les fruits.</i>
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Il n’y a dans ce texte aucun rejet d’Israël en faveur de l’Église, comme cela a hélas été souvent pensé par une lecture terrible et fausse du v. 43 !
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Derrière les vignerons, ceux qui sont visés sont clairement, et ils ne s'y sont pas trompés, ceux qui sont au pouvoir (tout le chapitre de Mt 21 parle du Temple, des autorités judéennes du Temple, des sadducéens et de leurs alliés y compris certains pharisiens, pourtant pour la plupart plutôt résistants) ; autorités qui préfèrent la force des puissants, des empires (le Sacerdoce allié de Rome) — tandis que le peuple pâtit de l’incurie de ceux qui sont à sa tête (cf. Mt 21, 43). C’est une vigne enfin donnée à la nation qui est annoncée, pour voir enfin des fruits de justice (Mt 21, 43).
<br /><br />
V. 41 : “autres vignerons”, v. 43 : “une nation”, où on entend assez fréquemment “une autre nation”, ce que ne dit pas Jésus (le mot autre n’est pas dans ce verset). L'explication est donnée dans la parabole suivante, celle des invités à la noce, qui, en refusant l'honneur, se voient préférés les miséreux des bords des chemins. Or cette autre parabole est donnée comme explication de celle des vignerons, c’est-à-dire une mise en cause des dirigeants en faveur du peuple, la nation, qui leur est confiée, et pas la création d’une “autre nation” ! — Ch. 21, 45 - 22, 2 sq.
<i>“Après avoir entendu ses paraboles, les principaux sacrificateurs et les pharisiens comprirent que c’était d’eux que Jésus parlait,<br />
et ils cherchaient à se saisir de lui ; mais ils craignaient la foule, parce qu’elle le tenait pour un prophète. <br />
Jésus, prenant la parole, leur parla de nouveau en paraboles, et il dit :<br />
Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit des noces pour son fils.”</i> Etc.
<br /><br />
Pas de nouvelle nation ni de nouveau peuple ici, pas de “nouvelle alliance” au sens de “autre alliance”.
<br /><br /><br />
<b>Nouvelle alliance ?</b>
<br /><br />
C’est ce qu’à contre courant en son temps, Calvin note déjà au XVIe siècle : il n’y a qu’une seule alliance. Je le cite : <i>« L’Alliance faite avec les Pères anciens est si semblable à la nôtre, qu’on la peut dire une même avec elle. Seulement elle diffère en l’ordre d’être dispensée »</i> (Calvin, <i>Institution de la religion chrétienne</i>, II, X, 2).
<br /><br />
Cela sur la base d’une lecture des Écritures selon la formule réformatrice <i>Scriptura sui ipsius interpres</i> — l’Écriture est sa propre interprète. Sur ce point précis, le Réformateur, sur la même base que Jules Isaac, les Écritures, esquisse ce que fera l’initiateur de l’Amitié judéo-chrétienne.
<br /><br />
Se pose très tôt, suite à cette proposition de Calvin, la question de l'organisation de cette unique alliance, et de la façon dont elle se déploie dans l’histoire biblique. Au XVIIe s., le théologien calviniste néerlandais Johannes Cocceius développe l’idée d’une suite de renouvellements de l’alliance en plusieurs dispensations. Au XIXe s., l’anglican J.-N. Darby développera dans cette ligne ce qui deviendra le fameux “dispensationalisme” voué à un grand succès dans les milieux évangéliques américains — cf. <a href="https://www.academia.edu/36530976/Isra%C3%ABl_occupant_ou_occup%C3%A9_La_projection_psycho_politique_du_substitutionnisme_chr%C3%A9tien_et_post_chr%C3%A9tien" target="_blank">Kalman J. Kaplan et Paul Cantz, <i>Israël : « occupant » ou « occupé » ? La projection psycho-politique du substitutionnisme chrétien et post-chrétien</i></a> (trad. par M. Macina) : les auteurs posent la question de l’antisionisme comme forme de la théologie de la substitution. À l'inverse le dispensationalisme, maintenant l'idée d'une alliance juive non-caduque à côté du christianisme, apparaît à l'origine du sionisme chrétien, avec l'ambiguïté d’une eschatologie attendant la conversion des juifs au Christ. Ce qui fait qu'a subsisté ici comme dans les autres courants du christianisme, les protestants comme les autres, l'attitude séculaire négative à l'égard des juifs — comme Jules Isaac l’a justement noté à plusieurs reprises.
<br /><br />
Posant la notion de “voie spécifique de salut” concernant le judaïsme, la concorde luthéro-réformée de Leuenberg (1974) n'est pas sans analogie avec cette perspective, mais en refusant l’attente d’une conversion des juifs.
<br /><br />
Le poids de la tradition de lecture antécédente, de la théologie de la substitution, reste considérable, qui entraîne toujours à nouveau des lectures considérant le christianisme comme “supérieur”, correspondant à l'alliance éternelle espérée par Jérémie (ch. 31). Une lecture projetée notamment sur l'Épître aux Hébreux… qui ne dit pas cela…
<br /><br /><br />
<b>Hébreux 8, 13 et la “nouvelle alliance”</b>
<br /><br />
<i>“En parlant d’une alliance nouvelle, il a rendu ancienne la première ; or ce qui devient ancien et qui vieillit est près de disparaître.”</i> (tob)
<br /><br />
Face à l'alliance éternellement nouvelle (scellée d'éternité dans les cœurs), la forme temporelle de l'alliance, avec ses rites, qu'ils soient juifs, chrétiens, etc, est renvoyée à sa temporalité, à sa réalité passagère. Or, pour l’Épître aux Hébreux, la manifestation de l'alliance éternelle est advenue — en ces jours qui sont les derniers (cf. Hé 1, v. 2). Dès lors, ce temps étant à son terme, scellé en 70, avec la destruction du Temple, tout ce qui se déploie dans le temps – y compris les rites (qu'ils soient juifs, chrétiens ou autres), qui ne sont que l'ombre du modèle céleste et éternel, est près de disparaître.
<br /><br />
Si le “pas encore” subsiste encore provisoirement, le “déjà” est tout proche, qui verra disparaître ce qui relève de ce temps.
<br /><br />
L’Alliance nouvelle n'est pas le christianisme, et ne date pas du moment de l'épître ou du Nouveau Testament en général, ni de celui de Jérémie (cf. Jr 31). Elle est la signification éternelle de tout rite (cf. la réalité ultime signifiée par "le modèle sur la montagne" du Sinaï – Exode 25, 40). Le christianisme a des rites terrestres, comme baptême, cène (etc.), qui signifient une réalité éternelle, comme les rites juifs. Les uns comme les autres étant terrestres et symboliques, sont “anciens”, relèvent de l'ancien monde.
<br /><br />
La distinction que fait l’épître aux Hébreux, écrite avant l'instauration du christianisme et de son rituel (et donc la nouvelle alliance n'est pas le christianisme), n'est pas entre alliance juive et alliance chrétienne, mais entre alliance temporelle (sous forme juive ou chrétienne), dotée de rites symboliques, et alliance éternelle, sans rite terrestre aucun.
<br /><br /><br />
<b>Paul et l’alliance</b>
<br /><br />
Actes 15, 19-21 (lsg) : <i>« je suis d’avis, dit Jacques, qu’on ne crée pas des difficultés à ceux des païens qui se convertissent à Dieu, mais qu’on leur écrive de s’abstenir des souillures des idoles, de l’impudicité, des animaux étouffés et du sang. Car, depuis bien des générations, Moïse a dans chaque ville des gens qui le prêchent, puisqu’on le lit tous les jours de sabbat dans les synagogues. »</i> — Voilà une Église juive accueillant des « craignant Dieu » non-juifs appelés à observer la loi noachide, loi de Noé, concernant les non-juifs mais relevant de la judéité, puisque la loi de Noé est dans la Bible juive (Genèse 9).
<br /><br />
Cette position d’Actes 15 est aussi celle de Paul (cf. Ro 14 et 1 Co 8 et 10), malgré les réflexions qu’il introduit (ibid ) - sur la base, me semble-t-il, de la distinction juive <i>houkim/mishpatim</i>. Cela dit apparaît aussi la distance qui va se creuser entre les chrétiens issus des nations et la Loi de Moïse — question qui va devenir le porte-à-faux au jour où l’Église va, de plus en plus, estimer avoir remplacé Israël, et interpréter la notion de nouvelle alliance comme parlant du christianisme, rétro-projetant sur le Nouveau Testament un débat juifs-chrétiens ultérieur.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<b>Le tournant Jésus et Israël</b>
<br /><br />
<i>Jésus et Israël</i> (1948) a failli n’être pas publié — du fait la difficulté à le recevoir. Venait de paraître chez Fayard (1945) le livre à succès de Henri Daniel-Rops, <i>Jésus en son temps</i>, qui avait reçu <i>nihil obstat</i> du célèbre exégète jésuite Joseph Huby et <i>imprimatur</i> du vicaire général Mgr Leclerc le 17 avril 1944 — date marquant une troublante inconscience de ce qui se vient de se passer et se passe alors encore en Europe…
<br /><br />
Jules Isaac entreprend de répondre à ce livre par une lettre restée sans réponse, suite à quoi il en fait une lettre ouverte, refusée par la revue <i>Esprit</i>. Suivent une série d'articles en faveur de Jules Isaac, publiés dans le premier <i>Cahier d’études juives</i> de la revue <i>Foi et vie</i> dirigée par le pasteur Fadiey Lovsky, et dans la <i>Revue du christianisme social</i>, dirigée par le pasteur Jacques Martin (cf. Carol Iancu, « Les réactions des milieux chrétiens face à Jules Isaac », dans <i>Revue d’Histoire de la Shoah</i> 2010/1 n° 192, p. 157-193 et P. Cabanel, <i>Juifs et protestants en France, les affinités électives</i>, Fayard, p. 284 sq.). Moment catalyseur d’un travail déjà commencé auparavant par Jules Isaac sur les liens entre la tradition chrétienne et l’antisémitisme. Le succès public du livre de Daniel-Rops a rendu urgente, aux yeux de l’historien, cette démarche qu’il a déjà entreprise : son travail de recherche aboutit à la rédaction de son œuvre maîtresse, Jésus et Israël, donc, livre commencé en 1943 alors qu’il est réfugié au village du Chambon-sur-Lignon. Le livre sera achevé en 1946. Refusé par Hachette, son éditeur, il ne paraît qu’en 1948, grâce à l’aide que lui a apportée le pasteur Charles Westphal, alors vice-président de la Fédération Protestante de France, qui l’introduit chez Albin Michel.
<br /><br />
Toujours dans la Revue du christianisme social, le pasteur Jean-Jacques Bovet s’adresse à Jules Isaac, disant de son livre : <i>« l'essentiel s’y trouve de ce qui doit être répondu aux innombrables Daniel-Rops qui sommeillent (ou qui veillent !), – avec souvent une merveilleuse bonne conscience, – dans chacune de nos Églises… Ce n’est pas pour en dire plus que vous, que j’écris cet article : c’est pour qu’une voix chrétienne vienne s’unir à la vôtre, dans le même cri de douleur et d’authentique piété… Dans une confession ou l’autre, nous appartenons, chrétiens, à une Église dont il est malheureusement légitime de dire qu’elle a fourni jadis à l’antisémitisme des excitants hideux et efficaces. »</i>
<br /><br />
Ces aléas sont en lien, en cette année 1948, avec ce que Jules Isaac y fonde aussi l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, avec — parmi d'autres fondateurs, juifs et chrétiens — Edmond Fleg et les mêmes Jacques Martin et Fadiey Lovsky, lequel initie ce qui est aujourd’hui la commission protestante des relations avec le judaïsme.
<br /><br />
Cela rappelé sans négliger toutefois que côté protestant aussi, on trouve — le pasteur Bovet l’a rappelé — des traces prégnantes du mépris qui sommeille, ou qui veille, voilà quand même un nombre significatif, et non-exhaustif, de protestants qui ont contribué à la publication difficile de <i>Jésus et Israël</i>. Or, on peut avoir des raisons de penser que ce n’est pas un hasard théologique…
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<b>Une citation de Calvin par Jules Isaac</b>, à propos du verset terrible de Matthieu (27, 25) : <i>“Son sang soit sur nous et sur nos enfants”</i>. Jules Isaac cite le commentaire qu’en fait Calvin pour montrer que sa lecture est similaire à celle qui est unanime en son temps. Je lis cette citation de Calvin (<i>Harmonie évangélique</i> p. 700) par Jules Isaac (<i>Jésus et Israël</i>, p. 471) : <i>« Le zèle inconsidéré [des Juifs] les précipite jusque-là, que commettans un forfait irréparable, ils adjoustent quant et quant une imprécation solennelle, par laquelle ils se retranchent toute espérance de salut… Qui est-ce donc qui ne diroit que toute la race est entièrement retranchée du royaume de Dieu ? Mais le Seigneur par leur lascheté et desloyauté monstre tant plus magnifiquement et évidemment la fermeté de sa promesse. Et afin de donner à cognoistre que ce n'est pas en vain qu'il a contracté alliance avec Abraham, ceux qu'il a éleus gratuitement, il les exempte de ceste damnation universelle. »</i> Jules Isaac ne s'arrête pas à ces tous derniers mots qu’il cite, mots pourtant décisifs pour mettre en question l’antijudaïsme chrétien. On y reviendra.
<br /><br />
Cela dit, le Réformateur, tenu par le texte évangélique, ici celui de Matthieu, le lit dans le cadre d’une “harmonie évangélique”, recevant le vocable “les juifs”, traduisant alors <i>ioudaioi</i>, comme dans Jean, lieu commun souvent jusqu’à nos jours.
<br /><br />
N’en reste pas moins que <i>« L’Alliance faite avec les Pères anciens est si semblable à la nôtre, qu’on la peut dire une même avec elle. Seulement elle diffère en l’ordre d’être dispensée »</i>, écrit Calvin, qui place l'Ancien Testament au même niveau que le Nouveau. En clair, au XVIe siècle, le Réformateur soutient que l’alliance juive donc, est au fond la même que celle des chrétiens. Les rites diffèrent, l'alliance est commune : elle n’est donc pas abrogée. Si Calvin lui-même n’en tire pas dès son époque toutes les conséquences, et longtemps ses successeurs non plus, voilà une conviction propre à être opposée à l’enseignement du mépris — ce que Jules Isaac, qui s’en tient au portrait courant d'un Calvin “intransigeant”, n’a pas perçu. Il en a cite pourtant, p. 471, l’affirmation que nous avons lue, selon laquelle <i>l’“alliance avec Abraham exempte ceux qu’il a élus de la damnation”</i>.
<br /><br />
C’est un observateur catholique récent qui note <i>« que lors de son voyage à Mayence en 1980, le pape Jean-Paul II a provoqué la surprise en citant pratiquement Calvin : “l’alliance avec Israël n'a jamais été révoquée par Dieu !” »</i> J’ai cité l’Abbé Alain-René Arbez. Alors responsable catholique des relations avec le judaïsme en Suisse, il écrit cela le 8 février 2009.
<br /><br />
Or l’idée inverse, à savoir que l’alliance avec Israël ait pu être révoquée, est précisément le nœud de l'enseignement du mépris. Cette idée se traduit de diverses façons, depuis l’affirmation que l'Église aurait été substituée à Israël, jusqu’à celle, qui se veut plus nuancée (mais ça revient au même), qui voudrait que l'alliance chrétienne accomplisse celle du Sinaï, ou la dépasse. L'idée de fond, des plus redoutables, est que Dieu abrogerait, ou corrigerait, ou donnerait pour dépassé ce qu’il a pu dire auparavant !
<br /><br />
C’est ce point qui est insupportable à Calvin, pour qui Dieu ne peut se renier lui-même (cf. 2 Ti 2, 13 - lsg : <i>« si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même »</i>). Quel est en effet ce Dieu qui abrogerait ce qu’il a promulgué ? Quelle serait sa fiabilité ? Qu’est-ce qui garantirait, dès lors, qu’il n’irait pas abroger ce que les chrétiens tiennent pour nouvelle alliance éternelle ? Une telle idée, qui est derrière la théologie du changement d’alliance, implique de ne tolérer que de façon au fond méprisante ce qui est réputé caduc ; et en outre de ne pas tolérer ce qui, ultérieur, est perçu comme hérésie ou schisme — voué donc à la persécution, car cela remet en question l’affirmation que la foi remplaçante est, elle seule, inabrogeable.
<br /><br />
Cette tolérance méprisante de ce qui est réputé caduc est le fruit de la conviction, longtemps partagée par les chrétiens de toutes confessions, que Calvin a commencé à mettre en question en affirmant que l’alliance est inabrogeable. C’est cette idée de dépassement qui est au cœur de ce que Jules Isaac a appelé l'enseignement du mépris : idée reprise, hélas, par la modernité dans les philosophies du dépassement, et hélas aussi, par l’islam, ayant mis en place une théorie de l’abrogation des textes antérieurs et de la tolérance de ceux dont l’alliance est ainsi censée avoir été dépassée, les juifs et les chrétiens — ces derniers organisant pour leur part en chrétienté la tolérance des juifs.
<br /><br /><br />
<b>Après le 7 octobre</b>
<br /><br />
On a évoqué la thèse de Kaplan-Gantz sur l'antisionisme comme forme de la théologie de la substitution. Thèse à considérer à nouveau après le 7 octobre. Le pogrom du 7 octobre n’est pas sans lien avec la théologie de la substitution en islam. Comme le christianisme a considéré unanimement jusqu'à il y a peu que l'Église aurait été substituée à Israël, mutatis mutandis, l'islam a fait de même, considérant s'être substitué au judaïsme et au christianisme. La méthode de Jules Isaac de lecture des Évangiles pourrait retrouver du service dans la lecture du Coran. Comme suite à Jules Isaac on apprend en christianisme à lire les Évangiles dans leur contexte juif et non à partir du christianisme constitué par la suite, l'islam devra apprendre à lire le Coran dans son cadre historique initial (c'est la méthode proposée par Le Coran des historiens). Ainsi on doit pouvoir lire la guerrière (apparemment) Sourate 9 du Coran non à l’aune de textes tardifs comme la <i>Sira</i> d’Ibn Hichâm ou de hadiths guerriers et tardifs, mais en regard du contexte judéo-chrétien de l’islam en gestation…
<br /><br />
Ibn Hichâm écrit : <i>« [...] le Prophète ordonna de tuer tous les hommes des Banu Quraydha [tribu juive], et même les jeunes [...]. <br />
Le Prophète ordonna de faire descendre de leurs fortins les Banû Quraydha et de les enfermer dans la maison de Bint al-Hârith. Il alla ensuite sur la place du marché de Médine, la même que celle d'aujourd'hui (du temps d'Ibn Hichâm), et y fit creuser des fossés. Puis il fit venir les Banû Quraydha par petits groupes et leur coupa la gorge sur le bord des fossés. Parmi eux, il y avait Huyayy ibn Akhtab, l'ennemi de Dieu, et Ka'b ibn Asad, le chef des Quraydha. Ils étaient six cents à sept cents hommes. On dit huit cents et même neuf cents. Pendant qu'ils étaient amenés sur la place par petits groupes, certains juifs demandèrent à Ka'b, le chef de leur clan :<br />
- Que va-t-on donc faire de nous ? <br />
- Est-ce-que cette fois vous n'allez pas finir par comprendre ? Ne voyez-vous pas que le crieur qui fait l'appel ne bronche pas et que ceux qui sont partis ne reviennent pas ? C'est évidemment la tête tranchée ! <br />
Le Prophète ne cessa de les égorger jusqu'à leur extermination totale. »</i> (Ibn Hichâm, <i>Sira</i>, trad. Wahib Atallah, <i>La biographie du Prophète Mahomet</i>, éd. Fayard p. 277, chapitre « Le “jihad” contre les juifs... » — <i>Sira</i>, II, 240-241.)
<br /><br />
Ainsi, Sourate 9, At-Tawba, v. 5 (trad. Blachère) : <i>« Quand les mois sacrés seront expirés, tuez les Infidèles quelque part que vous les trouviez ! Prenez-les ! Assiégez-les ! Dressez pour eux des embuscades ! [...] »</i> — ne peut-il être lu que comme invitation au meurtre ? (Cela sur le modèle de la razzia antéislamique. NB : les infidèles ici désignent probablement les “idolâtres” — mais l’idée peut s’entendre aussi des juifs, chrétiens ou musulmans non islamistes, donc “apostats”.)
<br /><br />
Proposition dans la lignée de Jules Isaac : les textes difficiles du Coran, comme cette Sourate 9, ne sont pas à lire en regard de la Sira, écrite au 8e ou 9e s., ou des hadiths qui l’inspirent — qui font du prophète de l’islam un massacreur, mais à lire en regard, par ex. d’un texte comme Matthieu 13, 24-43, la parabole de l’ivraie et son explication, où la séparation du bon grain et du mauvais est renvoyée au jugement final. De même, les “mois sacrés” de la Sourate 9 pourraient être à percevoir comme symbole eschatologique (en effet quand les “mois sacrés” expirent-ils puisque leur rythme est cyclique ?). Proposition en regard de Matthieu : et si leur “expiration” était la fin du temps de grâce, du temps de la patience en quelque sorte — symbolisé par les “mois sacrés” ? Si c’était alors seulement après le temps de ce monde qu’intervient le jugement, effectué par les anges ? — auxquels s’adresserait cette parole coranique, selon une clef donnée par ce grand connaisseur de l’islam qu’était Henry Corbin. Je le cite :
<br /><br />
« [...] il n'y a pas des Anges séparés de la matière et des âmes destinées par nature à animer un corps matériel organique. Les uns et les autres sont des <i>substantiae separatae</i> : il y a des Anges demeurés dans le plérôme, et il y a des Anges déchus sur la Terre, des Anges en acte et des Anges en puissance. Ou bien encore cette scission peut s'entendre d'un même être, un <i>unus ambo</i> : le <i>pneuma</i>, l'Esprit ou l'<i>Angelos</i> [...] est la personne ou l'Ange demeuré dans le Ciel, le “jumeau céleste”, tandis que l'âme désigne son compagnon déchu sur Terre, auquel il vient en aide et qui lui sera réuni, s'il sort finalement triomphant de l'épreuve. [...] Si l'âme a pour fonction étymologiquement d'animer, si elle est substance complète indépendamment du corps matériel organique qui la fixe provisoirement, c'est qu'elle a laissé dans le monde de lumière son “vrai corps”, le corps céleste d'une pure matière encore “immatérielle”, ou le vêtement de lumière qu'elle doit revêtir. » (Henry Corbin, T<i>emps cyclique et gnose ismaélienne</i>, éd. Berg, p. 116-117)
<br /><br />
Cf. Matthieu 18,10 : <i>“leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux”</i>.
<br /><br />
La parabole — Matthieu 13, 24-30 — et son explication — Mt 13, 36-40 (tob) :<br />
<i>24 Jésus leur proposa une autre parabole : “Il en va du Royaume des cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ.<br />
25 Pendant que les gens dormaient, son ennemi est venu ; par-dessus, il a semé de la mauvaise herbe en plein milieu du blé et il s’en est allé.<br />
26 Quand l’herbe eut poussé et produit l’épi, alors apparut aussi la mauvaise herbe.<br />
27 Les serviteurs du maître de maison vinrent lui dire : Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de la mauvaise herbe ?<br />
28 Il leur dit : C’est un ennemi qui a fait cela. Les serviteurs lui disent : Alors, veux-tu que nous allions la ramasser ? —<br />
29 Non, dit-il, de peur qu’en ramassant la mauvaise herbe vous ne déraciniez le blé avec elle.<br />
30 Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : <br />Ramassez d’abord la mauvaise herbe et liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, recueillez-le dans mon grenier.<br />
[...]<br />
36 Laissant les foules, il vint à la maison, et ses disciples s’approchèrent de lui et lui dirent : “Explique-nous la parabole de la mauvaise herbe dans le champ.”<br />
37 Il leur répondit : “Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ;<br />
38 le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume ; la mauvaise herbe, ce sont les sujets du Malin ;<br />
39 l’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges.<br />
40 De même que l’on ramasse la mauvaise herbe pour la brûler au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde [...].</i>
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Aune du jugement, la fidélité de Dieu à sa miséricorde — 2 Ti 2, 13 (lsg) : « si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même ».
<br /><br /><b>
Retour sur l’idée de tolérance</b>, comme fait dont nous ne sommes pas dépositaires, sauf à reposer sur la prétention délirante à se croire fidèles plus que les autres ! La tolérance relève de Dieu seul qui demeure fidèle à sa propre bonté, promesse et alliance : nous concernant, la notion de tolérance est parfaitement ambiguë (puisqu’on tolère ce qui n’est au mieux qu'imparfait — au pire exécrable, dans toute son acuité en chrétienté avec le mythe chrétien commun du déicide), c’est cette façon de tolérance, pouvant certes inclure protection, mais protection toujours à la merci des protecteurs, qui a été remise en question dès les révolutions modernes, dites puritaines, d’inspiration en bonne part calvinienne, dans les pays anglo-saxons, puis par la Révolution française, quand, contre la tolérance, le pasteur Rabaut Saint-Étienne, présidant l’Assemblée constituante de 1789, réclamait en France, pour les protestants et les juifs, la liberté et pas seulement la tolérance. Là où l’on doit la liberté, la tolérance est une faute.
<br /><br />
Les faits montrent que partout où il n’y a que tolérance, avec théorie du dépassement (ou corrélativement théorie de l’indépassable de ce qui règne, ce qui viendrait après étant suspect comme ce qui est venu avant), il ne peut y avoir de liberté entière et de dignité pleine. Il ne peut y avoir, au mieux, que condescendance, ou, si les tolérés ne se soumettent pas à leur propre mépris, à leur propre dépassement, à leur propre abrogation, il ne peut y avoir que persécution, expulsions et exil (pensons déjà aux Pères de l'Église, ou à Luther), et au comble, pour l’Europe moderne, volonté d'extermination d’un judaïsme finalement racisé. Idée de dépassement ou taxation d’hérésie sont les prétextes constants des persécutions et des génocides, ce jusqu'à aujourd'hui !
<br /><br />
Persécutions, sang versé, mot biblique pour mise à mort, voilà qui nous ramène au terrible verset de Matthieu (27, 25) et à l’affreux malentendu débouchant sur la lecture historique antisémite de ces mots… Mais celui qui meurt, Jésus, entend-il autre chose qu’une prière en vue du salut, cachée dans ces mots dits devant lui dont la mort se veut solidarisation avec ceux qui meurent et souffrent ? — Calvin nous dit qu’en vertu de l’Alliance les enfants d’Abraham sont exemptés de la malédiction. Ce qui peut conduire un pas plus loin, et appeler les chrétiens, en fonction de leur foi à la vertu salvatrice du sang du crucifié, à faire leurs les mots du vendredi saint : « Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants ! »
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Lyon, UCLy, 22.01.24</div><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-64374496230287771402024-01-01T10:54:00.001+01:002024-01-01T10:54:49.240+01:00Projet<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img width="580" border="0" data-original-height="822" data-original-width="540" height="600" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjfY1d8NAg-mE_o6BbzlSJmL5ffI11Wh9OUtvcPgLrJMKIyTINywog050StP8DVhxftAKS5FhxBDOBG5cVlfvbrrtUQ5rRhsM5czAQ8qSvso9kJizOLTJXaexIrBSf6syGOCFQ2urUc9PIT3Czq08foVzLpCHq7WgwlaNNkTYqTHvKqTyiDO9JiLbp1Obk/s822/tumblr_9e4f51ab57ed1ff4502d3d1a489eef8b_d1690506_640.jpg" /></div>
<br />
« Un descendant du Ba'al-Chem confia un jour à ses proches qu'il mettrait volontiers ses pensées par écrit s'il était assuré d'avoir pour seul but “le plaisir de son Créateur”. Mais, dans son incertitude, il abandonna son projet. »<br />
(<a href="https://rolpoup.wordpress.com/2022/07/08/sod-ha-tora/" target="_blank">Alexandre Safran, <i>La Cabale</i>, ch. 1, “Tradition, Loi et Histoire”</a>)
<br>
<br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-26140819226032638132023-11-05T20:19:00.017+01:002024-03-02T08:18:03.426+01:00Promesse...
<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="570" data-original-width="543" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiEGxaCdFEALbSGMLMCBB74zQDpJmq-6TFGaXRHkxgv9NAMAB-DOfG-_RggTXZuQdF0dDmhaXTIZXwyShy2tZrwQpTS0sxapZk7nTUfSDCQT6vEPRPeM-H-74Gv9jtt_Jdkj4KatUFik_DOLvdVLPPFoUFdwVWsC2YLYruk7L-iIMNu3Ur2kZdxDs9BXzvM/s600/Sculpture%20sur%20le%20portail%20Sainte-Godeberthe%20-%20Cathe%CC%81drale%20Notre-Dame%20de%20Noyon.jpg" width="560" /></div>
<br /><br />
<p>« Ils habiteront chacun sous sa vigne et sous son figuier, et il n’y aura personne pour les troubler ; car la bouche de l’Éternel des armées a parlé. » (Michée 4, 4)</p>
<p>Jusque là… </p>
<p>« L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort. » (Vladimir Jankélévitch, <em>L’Imprescriptible</em>, 1965)</p>
<p class="has-text-align-center" style="text-align: center;">*</p>
<p>« Quand Dieu prend un cœur, écrit al-Hallâj, Il le vide de ce qui n’est pas Lui ; quand Il aime un serviteur, Il incite les autres à le persécuter, pour que ce serviteur vienne se serrer contre Lui seul ». (<em>Akhbâr al-Hallâj</em>. 36. Cité par Louis Massignon, “Étude sur une courbe personnelle de vie : le cas Hallâj, martyr mystique de l’islam”, in <em>Écrits mémorables</em>, I, coll. Bouquins, Robert Laffont, 2009, p. 389). </p>
<p>« <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2023/10/comme-le-papillon.html" target="_blank">Hallâj […] l’exhorte à avancer, à pénétrer dans le feu du vouloir divin jusqu’à en mourir</a>, comme le papillon mystique, et à se “consommer en son Objet” » (Massignon, <em>ibid</em>., p. 394).</p>
<p>Voilà qui rejoint l’affirmation biblique parlant d’un Dieu jaloux !</p>
<p>Louis Massignon rapporte ce témoignage :<br />« Un homme était allé se poster devant al-Hallâj, qui était sur le gibet et avait crié : “Louange à Dieu ! Qui t’a fait exposer là — en exemple aux hommes et aux anges, — en avertissement pour ceux qui regardent !” — Mais voici qu’il sentit par-derrière lui al-Hallâj lui-même, dont la main s’était posée sur son omoplate, — et qui lui récitait (le verset du Qorân sur Jésus) : […]<br />“Non ils ne l’ont pas tué, ils ne l’ont pas crucifié, mais il leur a paru qu’il en avait été ainsi… et ils ne l’ont pas tué véritablement ; mais Dieu l’a enlevé à Lui, car Dieu est puissant et juste…” […]<br />Et c’est là le sens de ce qu’une ancienne légende dit d’al-Hallâj en croix : “Il tourna sa face vers la foule et déclara : “celui qui est visible (ici) a sa profession de foi rejetée : celui qui est (ici) invisible a sa profession de foi agréée (par Dieu) !” [Le mot des anciens : ceci est la moitié d’un homme (…) ]. » (Louis Massignon, “Al-Hallâj le phantasme crucifié des Docètes et Satan selon les Yezidis”, <em>Revue de l’histoire des religions</em>, 1911, in <em>Écrits mémorables</em>, I, coll. Bouquins, Robert Laffont, 2009, p. 505-506.)</p>
<p>Massignon réfère aussi à Manès :<br />« Inimicus quippe, qui eumdem salvatorem judicum patrem crucifixisse se speravit, – ipse est crucifixus , quo tempora aliud ostensum actum est, atque aliud ostensum. » [Trad. : Pour l’ennemi, qui espérait avoir crucifié le même sauveur, le père des juges, — il fut lui-même crucifié, et à cette époque l’acte montré fut accompli, et un autre fut montré.] (Manès, <em>Epistola fundamenti</em>, extrait ap. S. Augustini, <em>De fide contra Manichaeos</em>, XXVIII, PL t. XLIII, 1147 […], in Louis Massignon, <em>ibid</em>., p. 507.)</p>
<p>La proximité d’avec Dieu, terrible en ce monde, est en cela-même signe d’élection, de vie indestructible auprès de Dieu. Témoin à travers les temps, Israël : l’islamologue Christian Jambet note : “Le peuple juif, Israël, dépositaire incontestable de l’élection” (Christian Jambet, Préface à : Louis Massignon, <em>Écrits mémorables</em>, I, coll. Bouquins, Robert Laffont, 2009. p. viii).</p>
<p>« Non, Massignon n’a point milité contre Israël, mais contre la partition de la Terre sainte […]. Israël et Ismaël, les chrétiens, les juifs, les musulmans sont aussi responsables les uns que les autres d’une partition voulue par les grandes puissances, embarrassées des juifs qu’elles ont abandonnés à leurs bourreaux, et rejetant sur les Arabes de Palestine le legs de leurs politiques criminelles. » (Christian Jambet, <em>ibid</em>. p. xiv)</p>
<p>… Regard lucide, repris encore en 2009, ancré en un temps hélas révolu, quand à la cause palestinienne qui en est née se substitue un antisémitisme assumé, n’ayant plus rien à voir avec la cause palestienienne, et désormais dévoilé, au détour d’un immense pogrom, aux yeux de qui ne refuse pas de voir…</p>
<p>7 octobre 2023… </p>
<p>Un <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2023/11/apres-le-pogrom-du-7-octobre.html" target="_blank">pogrom</a> inouï (peut-être est-ce cet inouï qui fait que quelques jours après, on préfère le passer sous silence !) un affreux massacre, <a href="https://k-larevue.com/de-lindifferenciation-a-lindifference-sur-les-viols-de-masse-le-7-octobre-en-israel/?fbclid=IwAR1EIrg01MPIkebeJtBl7m7zSm0TdSbZDmK9ntjR9IJTB-5ZKl6Y7heiNfU" target="_blank">viols de masse</a>, tortures, œuvre de <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2023/11/comprendre-le-7-octobre.html" target="_blank">fanatiques</a>, qui, à l’instar d’autres fanatiques, sévissent contre leur peuple, comme partout où ils sont au pouvoir, quelle que soit leur secte. Actuellement, Afghanistan, Iran, Gaza. Aucune difficulté pour eux dans le génocide des Ouighours ou dans les massacres de musulmans dans le Sahel. Un seul problème, obsessionnel, celui qui heurte leur antisémitisme et leur vaut l’approbation des obsessionnels d’Occident et les actes aveugles des fanatisés (qui ne sont pas à l’abri où leurs chefs se cachent). Ce problème, leur obsession : Israël, les juifs (ainsi que, en perspective, les chrétiens non antisémites, “traîtres” ou “croisés”).</p>
<p>Cioran, qui s’y connait en matière de fanatisme pour y avoir succombé lui-même dans sa jeunesse grevée d’adhésions fascistes qu’il hait par la suite, écrit :<br />“Il me suffit d’entendre quelqu’un […] dire ‘nous’ avec une inflexion d’assurance, d’invoquer les ‘autres’, et s’en estimer l’interprète, — pour que je le considère mon ennemi. J’y vois un tyran manqué, un bourreau approximatif […].<br />Le fanatique, lui, est incorruptible : si pour une idée il tue, il peut tout aussi bien se faire tuer pour elle ; dans les deux cas, tyran ou martyr, c’est un monstre. Point d’êtres plus dangereux que ceux qui ont souffert pour une croyance : les grands persécuteurs se recrutent parmi les martyrs auxquels on n’a pas coupé la tête. Loin de diminuer l’appétit de puissance, la souffrance l’exaspère […]. Excédé du sublime et du carnage, il rêve d’un ennui de province à l’échelle de l’univers, d’une Histoire dont la stagnation serait telle que le doute s’y dessinerait comme un événement et l’espoir comme une calamité…” (Emil Cioran, “Généalogie du fanatisme”, <em>Précis de décomposition, Œuvres</em>, p. 583.)</p>
<p>Si on avait opposé autant de « oui, mais » aux exactions des nazis qu’a côtoyés Cioran qu’aux assassins d’aujourd’hui, la Shoah aurait peut-être été menée à son terme, le révisionnisme l’aurait emporté et Hitler serait peut-être resté au pouvoir !</p>
<p class="has-text-align-center" style="text-align: center;">*</p>
<p>Juillet 1209… </p>
<p>“— Besièrs est tombée voilà trois ou quatre jours. Nul n’y a survécu.”<br />Alaïs tituba vers un banc.<br />“Ils ont tous… trépassé ? bégaya-t-elle, horrifiée. Femmes et enfants ?<br />— Nous touchons là aux confins de la perdition, déclara Pelletier. Si l’on peut perpétrer de telles atrocités sur des innocents…” (Kate Mosse, <em>Labyrinthe</em>, LdP p. 490 — à propos du sac de Béziers, 22 juillet 1209)</p>
<p>“Le diable, l’ayant élevé, montra à Jésus en un instant tous les royaumes de la terre, et lui dit : Je te donnerai toute cette puissance, et la gloire de ces royaumes ; car elle m’a été donnée, et je la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi.” (Luc 4, 5-7)</p>
<p>“Le monde entier gît sous le pouvoir du Mauvais.” (1 Jean 5, 19)</p>
<p>“Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge.” (Jean 8, 44)</p>
<p class="has-text-align-center" style="text-align: center;">*</p>
<p>Il y eut un temps où le mensonge “argumentait”, où le révisionnisme tentait de la sorte de cacher les crimes qu’il voulait nier, ou ce qui gênait sa conception du monde et de l’histoire. Vient le temps où le mensonge ne se donne même plus cette peine !<br />Dix jours après l’innommable massacre antisémite perpétré par les terroristes du Hamas, apparaissent, comble du révisionnisme, des propos tentant, devant la peur de la menace qui pèse sur les assassins cachés derrière les civils et les otages, de passer sous silence les atrocités du 7 octobre dont ils se sont ignoblement vantés ! De sorte que la victime passe pour le coupable quand elle essaye de se défendre !<br />Surprenante inaccessibilité à la compassion pour les victimes de ce pogrom de la part de ceux qui n’en ont pas manqué pour les victimes du Bataclan et qui n’ont alors rien trouvé à redire à la volonté équivalente d’en finir avec Daech. Aucune opposition alors contre les attaques de Mossoul et Raqqa avec leurs victimes civiles. Pour ne rien dire des bombardements indiscriminés au Yémen, des millions d’assassinés au Congo, ou du nettoyage ethnique contre les Arméniens, etc., pas plus qu’en 1970 contre la Jordanie s’en prenant… aux Palestiniens. À croire que les survivants de la Shoah, comme ces grand-mères prises en otage, sont restés quantité négligeable ! (Ignominie supplémentaire des geôliers, “libérant” le 24 octobre pour les entendre dire qu’elles ont été “traitées humainement”, quelques-unes de leurs proies enlevées dans la violence qui massacrait leurs proches !)</p>
<p class="has-text-align-center" style="text-align: center;">*</p>
<p>Entrer dans l’Histoire c’est entrer dans le malheur (“car la gloire de ces royaumes m’a été donnée”, dit le diable en Luc 4, 6), d’autant plus sûrement qu’on est proche de la Source de l’Être — redoutable élection ! Avoir été contaminé par la présence de la Source de l’Être au Sinaï, en avoir contaminé une terre. “Je ferai de Jérusalem une pierre pesante pour tous les peuples ; tous ceux qui la soulèveront seront meurtris” (Zacharie 12, 3). Voir qui s’est approché de la Source de l’Être, ou y aspire, entrer en contradiction avec l’Histoire, au près ou au loin, de Hallâj aux cathares. “Le besoin de pureté du pays occitanien trouva son expression extrême dans la religion cathare, occasion de son malheur.” (Simone Weil, <em>En quoi consiste l’inspiration occitanienne ?</em>, 1942)</p>
<p>Être sorti de l’Histoire, en avoir été chassé, appauvri — ainsi Israël (Ro 11, 12 & 15) — par les empires, Rome et les nations enrichies en l’attente de la plénitude d’au-delà de l’Histoire… jusques à quand ?</p>
<p class="has-text-align-center" style="text-align: center;">*</p>
<p class="has-text-align-center" style="text-align: center;">Psaume 130</p>
<p class="has-text-align-center"></p><div style="text-align: center;">Du fond de ma détresse</div><div style="text-align: center;">Dans l’abîme où je suis,</div><div style="text-align: center;">À toi seul je m’adresse</div><div style="text-align: center;">Et les jours et les nuits ;</div><div style="text-align: center;">Mon Dieu, prête l’oreille</div><div style="text-align: center;">Au cri de ma douleur</div><div style="text-align: center;">Et que ma plainte éveille</div><div style="text-align: center;">Ta pitié, Dieu sauveur.</div><p></p>
<p class="has-text-align-center"></p><div style="text-align: center;">Si tu comptes nos fautes,</div><div style="text-align: center;">Qui pourra subsister ?</div><div style="text-align: center;">Ta justice est trop haute,</div><div style="text-align: center;">Qui pourra résister ?</div><div style="text-align: center;">Mais le pardon se trouve,</div><div style="text-align: center;">Seigneur, auprès de toi</div><div style="text-align: center;">Pour que nos cœurs éprouvent</div><div style="text-align: center;">La crainte de leur Roi.</div><p></p>
<p class="has-text-align-center"></p><div style="text-align: center;">J’espère en ta parole,</div><div style="text-align: center;">Je compte, ô mon Sauveur,</div><div style="text-align: center;">Qu’elle éclaire et console</div><div style="text-align: center;">Mon âme en sa frayeur.</div><div style="text-align: center;">J’attends plus que la garde</div><div style="text-align: center;">N’attend l’aube du jour ;</div><div style="text-align: center;">Mon cœur vers toi regarde</div><div style="text-align: center;">Et cherche ton secours.</div><p></p>
<p class="has-text-align-center"></p><div style="text-align: center;">Qu’Israël sur Dieu fonde</div><div style="text-align: center;">En tout temps son appui ;</div><div style="text-align: center;">En lui la grâce abonde</div><div style="text-align: center;">Et jamais ne tarit.</div><div style="text-align: center;">De toutes nos offenses</div><div style="text-align: center;">Il nous rachètera,</div><div style="text-align: center;">De toutes nos souffrances</div><div style="text-align: center;">Il nous délivrera.</div><p></p>
<p class="has-text-align-center" style="text-align: center;">Clément Marot 1496-1544 / Roger Chapal 1912-1997</p>
<br>
<p style="text-align: right;">RP</p>
<br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-29117031757873362312023-10-19T15:58:00.022+02:002023-11-06T20:25:21.523+01:00À qui profite le crime ?
<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="426" data-original-width="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjPvs8zwlsREInGLpNHzv06iUgekVtyz7BAxHLuIxjf-xVA4vSJKsUDJ4kwt1UvcR_SrdTRl-ZtM7WgCPSBYZ0KRKVttCrUnRZUQWL6V-_rv7B8NqrfKJLcxyMVry6CbdOQeyuP5thj8vyUL2gYDEFtIFDV318PHux6EG6TbsBQCPsud1v9896SfSdpYss/s640/carcass.jpg" title="photo Jean-Louis Gasc" width="580" /></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: 11px;">Carcassonne - photo Jean-Louis Gasc</span><br /></div>
<br><br>
<b>L’assassinat de Pierre de Castelnau et le déclenchement de la Croisade
</b>
<br /><br />
<a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2023/10/rien-de-nouveau-aux-confins-de-la.html" target="_blank">Actualité</a> immédiate – <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/10/lorenzi-schmidt-les-albigeois-les_11.html" target="_blank">écrivant depuis quelques jours sur les “Albigeois”</a> et ce qu’ils ont subi il y a huit siècles – je ne peux m'empêcher de penser aux morts de l'hôpital Al-Ahli Arab de Gaza, me demandant comme beaucoup : <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2023/10/fanatismes-assassins.html" target="_blank">à qui</a> profite le crime ?… En 1209, la croisade déclenchée contre les Albigeois est dans les papiers depuis au moins 30 ans, à savoir depuis le concile de Latran III (convoqué en 1179 par le pape Alexandre III). Il suffit d’en lire <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2019/10/latran-iii-des-cathares-en-languedoc.html" target="_blank">le canon 27, visant les “cathares” infestant “la Gascogne et les régions d’Albi et Toulouse”</a>, pour n'en avoir aucun doute.
<br /><br />
L'idée de Croisade interne à la chrétienté n’a alors plus rien de tabou : même l'Angleterre fut un temps visée, sans oublier la IVe Croisade orientale, celle de 1204, qui débouche sur le sac de Constantinople, présenté comme un “dérapage des Vénitiens”, dérapage regretté par le pape Innocent III, qui n'en crée pas moins un patriarche latin de Constantinople – ce qui ne dénote pas dans un projet de domination romaine universelle et temporelle. Le dérapage des Vénitiens n’en dit pas moins beaucoup sur l’état d’esprit des Latins d’alors. Aussi, quand on entend que la IVe Croisade serait un échec de Rome qui le compenserait en s’en prenant à Toulouse, on reste songeur. Ne manquait qu’un déclencheur pour que le “bâton” s’abatte… Je cite Michel Roquebert :
<br /><br />
<i>« Pour que ce “bâton” qu'Innocent III réclamait en vain depuis bientôt dix ans finît par s'abattre sur le pays cathare, il fallut un événement hors du commun. A l'aube du 14 janvier 1208, Pierre de Castelnau </i>[légat du pape]<i>, qui venait de Saint-Gilles, s'apprêtait à franchir le Rhône, quand il fut assassiné d'un coup de lance dans le dos.
Arnaud Amaury </i>[abbé de Citeau et successeur de Pierre de Castelnau dans la légation pontificale]<i> dénonça immédiatement Raymond VI au Saint-Siège, comme étant l'instigateur du crime le comte, en effet, aurait eu une entrevue houleuse, à Saint-Gilles même, avec Pierre. Ce dernier refusant de lever l'excommunication et l'interdit qu'il avait fulminés en avril précédent, Raymond aurait proféré en public, à son encontre, des menaces de mort. Il avait donc armé le bras de l'assassin... Or tout ce qu'on sait du tempérament du comte de Toulouse incite à penser qu'il n'était pas homme à se livrer à des provocations ni à jeter de l'huile sur le feu – on ne peut pas en dire autant d'Arnaud Amaury, l'avenir va vite le prouver. Les efforts que Raymond va déployer pour éviter la guerre contredisent par ailleurs qu'il ait commandité un acte qui ne pouvait que la déclencher. Au pire, on peut penser au geste quelque peu irresponsable d'un familier trop zélé, voire d'un de ces Occitans qui haïssaient tant le légat qu'il lui avait fallu, on le sait, se cacher plusieurs mois durant pour échapper à la vindicte des foules. Il reste que l'assassinat de Pierre de Castelnau sera, avec la complicité d'hérésie, le grand chef d'accusation retenu contre le comte lors de ses procès successifs »</i> (M. Roquebert, <i>Histoire des cathares</i>, Perrin 1999, p. 121).
<br /><br /><br />
Parallèles historiques :
<br /><br /><br />
<b>L’attentat contre l’amiral de Coligny et le massacre de la Saint-Barthélémy
</b>
<br /><br />
L’historien Jean-Louis Bourgeon a sérieusement mis en question l'accusation, devenue vulgate, mettant en cause Charles IX et Catherine de Médicis pour le massacre de la Saint-Barthélémy. Ce faisant, il nous confronte à la même question : à qui profite le crime ?
<br /><br />
Un résumé du travail de l'historien, <a href="https://region-ouest.epudf.org/actualites/voyage-histoire/la-saint-barthelemy-qui-a-vraiment-donne-lordre-les-scenarios-des-historiens-50001032/" target="_blank">donné par Éric Deheunynck</a> :
<br /><br />
<i>« Jean-Louis Bourgeon internationalise la Saint-Barthélemy. Le commanditaire de l’attentat manqué est le roi Philippe II d’Espagne. Coligny est devenu l’homme à abattre. Non seulement il est revenu en grâce à la cour et reste incontournable dans un royaume réconcilié, mais plus grave il pousse à intervenir aux Pays-Bas espagnols du côté des insurgés. Des huguenots ont déjà franchi la frontière et participent à la révolte de Mons. Éliminer Coligny, c’est non seulement mettre à mal le processus de paix en France mais aussi stopper net toute ingérence française dans la révolte des Pays-Bas. Dans ce scénario l’ambassadeur d’Espagne à Paris, Diego de Zuniga, devient un personnage-clé, le duc de Guise son bras armé. L’échec de l’attentat pousse l’Espagne à organiser le coup de force du 24 août. À côté du duc de Guise, le royaume ibérique peut aussi compter sur le soutien de la ville de Paris. La milice bourgeoise est l’autre acteur du massacre. Dans ce scénario le roi de France a perdu tout contrôle sur sa capitale, ce qui se renouvela en 1588 lors de la journée des barricades. En assumant le massacre Charles IX rétablit néanmoins son autorité, du moins en apparence. » </i>
<br /><br />
Précisions <a href="https://www.lhistoire.fr/rebondissement-sur-la-saint-barth%C3%A9lemy" target="_blank">données par Joël Cornette dans <i>L’Histoire</i> mensuel 408, février 2015</a> :
<br /><br />
<i>« Il faut tenir compte, en effet, de l'accusation d'hérésie portée contre Charles IX et Catherine de Médicis, accusés par les prédicateurs d'avoir fomenté “l'union exécrable”, ce “mariage contre nature” d'Henri de Navarre (un huguenot) avec Marguerite de Valois, soeur de Charles IX, fille d'Henri II et de Catherine. Nous savons en effet que la politique de concorde, consacrée par l'édit de pacification de Saint-Germain en 1570, a déchaîné une haine générale contre les personnes royales.<br />
A lire cette lettre, il est impossible de penser que la royauté ait pu vouloir la Saint-Barthélemy. Il semble bien, au contraire, qu'elle l'a subie frontalement et qu'elle a tout fait pour l'éviter, comme le prouve la mobilisation tardive, par Charles IX, de la milice bourgeoise, arguant de la menace “de ceulx de la Nouvelle Religion” : un prétexte, écrit Jean-Louis Bourgeon, car il s'agissait avant tout de se protéger.<br />
La Saint-Barthélemy a révélé l'ampleur du danger encouru et l'effort pour échapper au pire, c'est-à-dire à “ceulx qui vouldroient gouverner le Roy et le roiaulme à leur fantesye”. Cette accusation sans nom vise les Guises, champions d'un catholicisme intransigeant, dont on sait qu'ils gouvernèrent la France au temps de François II (en 1559-1560) avant d'être écartés du Conseil du roi par Charles IX et qui ne cessèrent alors, notamment avec l'appui de Philippe II d'Espagne, de s'opposer à la politique religieuse de Catherine et de ses fils.<br />
Nous savons déjà, avec certitude, que les Guises furent à l'origine de l'attentat du 22 août 1572 contre l'amiral de Coligny – ce qui déclencha la Saint-Barthélemy. Le Discours du duc de Nevers nous aide à comprendre que Charles IX a craint d'être assailli en son Louvre par toute une population excitée par les Guises et leurs fidèles, liguée contre sa politique fiscale et religieuse. Un an plus tard, la crainte est toujours là. »</i>
<br /><br /><br />
<b>L’assassinat de 10 hommes lors du bombardement de Bouaké et suites</b>
<br /><br />
Parallèle plus récent, le “bombardement de Bouaké” (Côte d’Ivoire) de 2004. Ici, quelque lumière a pu percer un peu plus rapidement, du fait de la facilité contemporaine de la communication, ce qui permet de reconsidérer, au-delà du massacre de la Saint-Barthélémy, mieux fourni en document que le XIIIe siècle, la question du déclenchement de la Croisade contre les Albigeois à l’aune de la même question : à qui profite de le crime ?
<br />
Pour mémoire, il s'agit, parlant dudit bombardement de Bouaké, de l’histoire des avions “Sukhoï” sous couleur ivoirienne bombardant en 2004 le camp français de Bouaké et tuant 9 soldats français et un humanitaire américain : l’avocat des familles des soldats tués à Bouaké, <a href="https://www.babelio.com/livres/Balan-Crimes-sans-chatiment/1189366" target="_blank">Me Jean Balan, clame haut et fort, après enquêtes approfondies, que Laurent Gbagbo n’y est pour rien</a> ! L’avocat rappelle : dès la mort des soldats français et l’atterrissage des avions à Yamoussoukro, les co-pilotes biélorusses ont été appréhendés par les autorités françaises… et exfiltrés vers le Togo. Arrêtés au Togo par les autorités, ils ont été remis aux autorités françaises qui les ont re-exfiltrés vers… (on ne sait où…). Les soldats tués, eux, ont été enterrés avec une précipitation telle que leurs effets (jusqu’aux paquets de cigarettes) étaient encore sur eux, non lavés, et qu’on avait interverti deux corps ! On sait cela parce que la juge aux armées Brigitte Raynaud avait fini par obtenir, à force de pressions, que, comme le demandaient les familles, les cercueils soient ouverts. <br />
À l’époque, immédiatement après le bombardement, le Président Chirac accusait publiquement son homologue Gbagbo d’avoir commandité l’attaque, et présidait devant les cercueils des victimes une solennelle cérémonie aux Invalides, prélude à une tentative de renverser le Président Gbagbo, accusé de tous les maux, plus tard emprisonné dix ans à la CPI qui, ne trouvant rien contre lui après moult reports des délais pour enquêter, l’a lavé, en l’acquittant, des accusations qui le visaient.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Autant d’événements “hors du commun” (expression de Michel Roquebert parlant de l'assassinat de Pierre de Castelnau). La seule question est : <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2023/10/origines-xxe-s.html" target="_blank">à qui</a> profite le crime ?, d'autant plus qu'il est énorme et ruine tous les efforts que faisaient ceux qui ont été accusés sans preuve !
<br /><br />
Retour à l’actualité : le carnage à l'hôpital Al-Ahli Arab de Gaza, dont on pourrait savoir le fin mot plus rapidement encore que pour le bombardement de Bouaké. En attendant, l'événement atroce, hors du commun, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/international/article/frappe-sur-un-hopital-a-gaza-quelles-consequences-dans-la-guerre-en-cours-entre-israel-et-le-hamas_224585.html" target="_blank">ruine tous les efforts d’Israël</a> (même si les jours qui passent voient s’accumuler les preuves que le carnage à l’hôpital n’est pas de son fait) ; l’effet immédiat et sans enquête est de lui aliéner une opinion déjà <i>a priori</i> défavorable tant elle a été travaillée – jusqu’à négliger l’horreur du <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2023/10/sideration.html" target="_blank">pogrom du 7 octobre</a>, empreint d’une haine antisémite qui concrétise le projet, nuisible aux Palestiniens, écrit dans la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_du_Hamas" target="_blank">Charte du Hamas</a>.
<br /><br />
Comme pour l'événement déclencheur de la Croisade de 1209, une question : à qui profite le crime – de 1572, de 2004, de 2023 ? Pas aux accusés sans enquête en tout cas ! Il leur nuit ! Et les accusateurs savaient qu’il leur nuirait ! À qui a profité le crime de 1208 ? À qui a-t-il nui ? Il a été le motif déclencheur de la destruction d’un pays, avant la disparition de sa langue, la langue d’Oc, véhicule de la culture européenne d’alors…
<br /><br />
<i>“L'Histoire est écrite par les vainqueurs, les menteurs, les plus forts et les plus résolus. La vérité se découvre souvent dans le silence et les lieux tranquilles”</i>, écrit la romancière Kate Mosse (<i>Labyrinthe</i>, Livre de poche, p 814).
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP, 19 octobre 2023</div>
<br /><br />Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-65706185276704041802023-10-12T07:31:00.006+02:002024-02-16T17:21:48.600+01:00Lorenzi, Schmidt, les Albigeois & les autres (1)<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="480" data-original-width="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi-hsgQ4bMPc1delDlvyD8k81KZjh_z3UVpMYCiBzjHRVY8Wjn1Z4vS_Npm5rvnevEbMhjsRC3UlKYamy49gbezoArWS9hsjdrkxvPA8K6y26ZESGg35yIZDG5TWncZFE2uYbtOz7YFvIDwToDKiCwhz-wlaV8wVJXMs4KEEfDL9yhftJZzJSOHVdl0aSU/s640/monts%C3%A9gur%20nb.jpg" width="580" /></div>
<br /><br /><div style="text-align: right;"><span style="font-size: 12px;"><span style="font-family: courier;">“Le besoin de pureté du pays occitanien trouva son expression extrême dans la religion cathare, occasion de son malheur.”
(Simone Weil, <i>En quoi consiste l'inspiration occitanienne ?</i>, 1942)<br /><br />
“Entre le bogomilisme et le catharisme, il y a des analogies évidentes […]. Plus tard, au 12e siècle, commencèrent des rapports attestés entre le monde hérétique de l'Orient balkanique et celui de l'Occident, dans lesquels on trouve des réminiscences d'anciennes traditions hétérodoxes, devenues désormais légende, mythe fabuleux, résidu psychologique.”
(Raffaello Morghen, <i>Hérésies et société</i>, Colloque de Royaumont, 1962)</span></span></div>
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<b>1) De quelques inventeurs des cathares, <br />et de quelques pétitions de principe répétées et jamais questionnées…</b>
<br /><br />
<br />
<i><b>Années 1960 - Stellio Lorenzi</b>
</i>
<br /><br />
On nous donne comme moment du lancement du mot “cathares” l'émission télévisée de Stellio Lorenzi, “Les cathares” (série <i>La caméra explore le temps</i>) de 1966 (époque où la télévision encore en noir et blanc entrait dans bien peu de foyers). On nous concède certes que quelques groupes ésotériques utilisaient le mot depuis quelques décennies. Mais au fond, au-delà de ces groupes ultra-minoritaires, Stellio Lorenzi serait un des inventeurs des cathares.
<br /><br />
Simone Weil eût été étonnée de le savoir, elle qui écrivait en 1942, dans <i>En quoi consiste l'inspiration occitanienne ?</i> (<i>Œuvres</i>, Quarto p. 679) : <i>“Le besoin de pureté du pays occitanien trouva son expression extrême dans la religion cathare, occasion de son malheur”</i>. Tiens, elle connaissait donc le mot “cathares” pour désigner un mouvement occitanien médiéval 25 ans env. avant l'émission de Stellio Lorenzi ! Dans une <i>Lettre à Déodat Roché</i>, datée du 23 janvier 1941, elle lui confiait : <i>“Je viens de lire chez Ballard votre belle étude sur l’amour spirituel chez les cathares. J’avais déjà lu auparavant, grâce à Ballard, votre brochure sur le catharisme. Ces deux textes ont fait sur moi une vive impression […]”</i>. La brochure en question date de 1937, et à y regarder de près, Déodat Roché ne vient pas d’inventer le mot, prisé, certes, dans les milieux ésotériques d'alors… qui l’ont repris aux historiens !
<br /><br />
Ce qui nous conduit au second postulat sans cesse répété en dépit des textes : l’historien Charles Schmidt aurait inventé le mot concernant le Midi, en 1849…
<br /><br /><br />
<i><b>Années 1840 — Charles Schmidt</b>
</i>
<br /><br />
À lire son livre, <i><a href="https://books.google.be/books?id=MZsRAAAAIAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false" target="_blank">Histoire et doctrine de la secte des Cathares ou Albigeois</a></i> (1849), on découvre vite que Charles Schmidt est bien informé. Il sait que les polémistes catholiques modernes attaquent les protestants sur leur volonté de considérer les “albigeois” (pris comme titre religieux, avec minuscule, donc) comme des pré-réformateurs, sorte de vaudois… D’où <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2020/01/reformes-du-midi-au-xvie-siecle-et.html" target="_blank">la préférence des protestants d'alors pour ce nom, “albigeois”</a>, non-connoté péjorativement comme le mot “cathares”. Protestant, Schmidt sait, et regrette, que la polémique catholique mette à mal le discours protestant. Parmi les nombreux auteurs qu’il cite, l’évêque Bossuet qui, polémiquant avec le protestant Jurieu, soutient en 1688 que le catholicisme est invariable dans sa vérité contrairement au protestantisme qui compte même des “ancêtres” “manichéens”, “cathares”, notamment en Languedoc médiéval…
<br /><br />
Citons Bossuet : <br />
“LV. […] Caractères du manichéisme dans les cathares.<br />
<i>[…] Ces hérétiques, outre les cathares et les purs, qui étaient les parfaits de la secte, avaient un autre ordre qu’ils appelaient leurs croyants, composé de toutes sortes de gens. […] Renier [Sacconi] raconte que le nombre des parfaits cathares de son temps où la secte était affaiblie,</i> “ne passait quatre mille dans toute la chrétienté ; mais que les croyants étaient innombrables : compte, dit-il, qui a été fait plusieurs fois.” <br />
LVI. Dénombrement mémorable des églises manichéennes. Les albigeois y sont compris. Tout est venu de Bulgarie.
<i>[…] On comptait seize [Églises] dans tout le monde, […]</i> “l’Église de France, l’Église de Toulouse, l’Église de Cahors, l’Église d’Albi ; et enfin l’Église de Bulgarie et l'Église de Dugranicie, d’où, dit [Renier], sont venues toutes les autres”. <i>Après cela, je ne vois pas comment on pourrait douter du manichéisme des albigeois, ni qu’ils ne soient descendus des manichéens de la Bulgarie. […]</i><br />
<i>Nous voyons, dans le même auteur et ailleurs, tant de divers noms de ces hérétiques […]</i>.” (<i>Histoire des variations des Églises protestantes</i>, II, <i>Œuvres</i>, t. XXXIV, § LV & LVI, 1688, p. 248-250.)
<br /><br />
Charles Schmidt (qui ne sait pas encore qu'avec l'apologétique catholique moderne, la scientificité de Bossuet est elle aussi à nuancer !) se rend à regret, dans son <i>Histoire et doctrine de la secte des Cathares ou Albigeois</i>, aux arguments catholiques : <i>“Quelque heureux que nous eussions été de trouver les cathares en accord avec notre foi et de les défendre contre les accusations de leurs adversaires, nous avons dû nous soumettre avant tout à la vérité”</i> (vol. II, p. 270). D’où le titre de son livre, façon de dire : “hélas les albigeois étaient bien cathares”.
<br /><br /><br />
<i><b>Années 1990 — Monique Zerner & alii
</b></i>
<br /><br />
<i>Inventer l’hérésie ?</i> Tel est le titre des Actes d’un colloque de 1998, tenu à Nice, dont on nous assène qu’il aurait découvert (enfin !) la vérité sur les “cathares”, cette invention des inquisiteurs médiévaux (qui ne les appelaient même pas ainsi) que tous les historiens, avant 1998, à commencer par Schmidt, auraient pris au pied de la lettre, sans distance critique. Désormais, quiconque ne se plie pas aux affirmations du colloque de Nice est jugé crédule voire, pire, insultant, les insultes se résumant en un crime de lèse-majesté : ne pas adhérer sans réserve à des conclusions… qui n’ont jamais été avérées ! (Ainsi le colloque qui tenait à ce que la <i>Charte de Niquinta</i> soit un faux s’est vu contredit par les experts qu’il avait désignés et qui ont reconnu l’authenticité de ladite <i>Charte</i> ! — document d’ailleurs sans autre importance que celle d’un découpage de zones épiscopales.)
<br /><br />
Le colloque et ses défenseurs se réclament régulièrement de l’historien italien Raffaello Morghen, qui écrivait en 1953, judicieusement en effet, dans son livre <i>Medioevo cristiano</i>, que l’hérésie cathare était largement une réaction morale contre la hiérarchie ecclésiastique d’alors. Beaucoup mentionné, Morghen semble, hélas, peu lu. Pour lui, en effet, dire que l'hérésie est une réaction morale ne la vide pas de son contenu doctrinal, comme il l’admet lors de sa controverse avec Antoine Dondaine — à l’époque, on ne connaît pas la “cancel culture”, on n’efface pas les autres chercheurs, on s’écoute, on se cite, on s’influence réciproquement. Ainsi, Morghen corrige ses éditions ultérieures de son livre, tenant compte des autres recherches que les siennes, comme il l’a déjà fait au colloque de Royaumont de 1962, <i>Hérésies et société</i>, présidé par Jacques Le Goff.
<br /><br />
Je cite Morghen (qui distingue morale et dogme comme le faisait déjà Schmidt !) : <i>“La prépondérance des motifs éthiques, au commencement de l'hérésie, sur les traditions doctrinales paraît ainsi largement confirmée par les sources du 11e siècle. C'est cela qui constitue spécialement un trait d'union, entre les mouvements cathare et bogomile […]. Entre le bogomilisme et le catharisme, il y a des analogies évidentes, surtout en ce qui concerne la polémique contre la hiérarchie ecclésiastique, l'appel à la parole et à l'esprit de l'Evangile et le rigorisme moral. Plus tard, au 12e siècle, commencèrent des rapports attestés entre le monde hérétique de l'Orient balkanique et celui de l'Occident, dans lesquels on trouve des réminiscences d'anciennes traditions hétérodoxes, devenues désormais légende, mythe fabuleux, résidu psychologique.”</i> ("Problèmes sur l'origine de l'hérésie au Moyen Âge", <i>Hérésies et société</i>, Actes du Colloque de Royaumont, 1962 p. 126-127.)
<br /><br />
À bien le lire, Morghen, prenant acte de l'intensification des rapports bogomilo-cathares au XIIe s., s’accorde sur le fond avec Arno Borst (cf. son livre <i>Die Katharer</i>) !, présent au colloque — ce qui est loin de faire de l’historien italien un tenant des thèses “déconstructivistes” qui se réclament de lui…
<br /><br />
Jean Duvernoy remarquait, avec ironie (ce qui fait peut-être partie des fameuses “insultes”), que les thèses les plus critiques existaient bien avant le colloque de Nice : <i>« “Il n'y a jamais eu de bûcher à Montségur” : c'est ce qu'on pouvait lire sous la plume du Pr. Étienne Delaruelle dans la revue</i> Archeologia <i>de décembre 1967. Celui-ci reprenait sans précaution une thèse plus prudente d'Yves Dossat qui, ayant trouvé la mention d'une femme prise à Montségur et brûlée à Bram, s'était borné à dire en 1944 que “beaucoup de doutes pesaient sur ce bûcher”. Les deux érudits qu'étaient Yves Dossat et Étienne Delaruelle ne faisaient que céder à l'agacement devant une littérature de vulgarisation qui […] parait […] le catharisme de toutes les vertus […]. Mais ils restaient confiants dans les documents provenant de l'Inquisition, du moins de celle du Midi […]. <br />
Pour les adeptes extrêmes de [la] thèse</i> [de Robert Moore, qui, dans un premier temps, soulignait simplement les dérives persécutrices de la société post-grégorienne]<i>, l'hérésie médiévale est une pure création des cisterciens. En France le Pr. Monique Zerner convoqua à Nice des colloques et publia un premier recueil dont le titre était : </i>Inventer l'hérésie ? <i>(1998). Les thèses de Morghen furent reprises en Italie par le professeur Zanella qui en vint à nier le contenu de l'hérésie. Il n'y aurait eu qu'un malaise, un </i>malessere<i>, d'origine évidemment sociale. En France, l'agacement suscité par la prolifération des œuvres de grande diffusion a amené des historiens, particulièrement Jean-Louis Biget et Julien Théry, à se rallier à cette théorie du mal-être, et à “dé-construire” entièrement, en se réclamant de Foucault, la vision traditionnelle du catharisme. Il n'y aurait pas eu de “parfaits”, engagés dans des ordres, mais seulement des Bons hommes, c'est-à-dire des sapiteurs. Il n'y aurait pas eu de hiérarchie, car un Australien nommé Pegg a écrit une thèse dans laquelle il affirme qu'il n'y en a pas dans le manuscrit 609 de la Bibliothèque municipale de Toulouse — on y trouve en fait plus de quarante mentions d'évêques ou diacres. »</i> <i>Histoire et images médiévales</i> n° 05, mai, juin, juillet 2006 (p. 4 et 7).
<br /><br />
Les quelques historiens “déconstructivistes” que mentionne ici Duvernoy représentent, à deux ou trois autres près, le tout des représentants de ce courant, parmi les quelques dizaines d’historiens mondiaux du catharisme et des hérésies médiévales, jamais cités par lesdits “déconstructivistes”.
<br /><br />
C’est ainsi, nous assure-t-on d'autorité, et quoi que disent les sources et les autres chercheurs, que furent inventés les “cathares” — lesquels en Languedoc n’auraient été que des Albigeois arbitrairement décrétés hérétiques…
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP, octobre 2023</div><br /><br />
<b><a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/10/lorenzi-schmidt-les-albigeois-les_11.html" target="_blank">À suivre : 2) Sur le vocable “Albigeois”…</a>
</b>
<br /><br />Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-69840861297292912722023-10-11T14:27:00.013+02:002023-10-19T22:47:28.735+02:00Lorenzi, Schmidt, les Albigeois & les autres (2)<br />
<div class="separator" style="text-align: center; "><img title="Canso - sac de Béziers" border="0" width="580" data-original-height="527" data-original-width="712" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgRUJr58hmFZ5QLEp84IHIGLQfim-LlsxyauOCLptSrKURc5Y5IgywVAmh11cDE6j6TKTH2RbMLHI-SH2Axd6LUy5i8e_vQbESPt8gJgd3YAqv5T6uo9-il2dUk4LkGfl-IUfX-RXQfGykY8F8quyLQDcpvixi3S5oMaQEVPCYeHGC7t2q0Aq50yZpOS-0/s712/Screenshot%202023-10-10%2008.44.59.png"/></div>
<br /><br />
<b>2) Sur le vocable “Albigeois”</b> (voir 1ère partie <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/10/lorenzi-schmidt-les-albigeois-les.html" target="_blank"><b>ICI</b></a>)
<br /><br /><br />
On sait que les comtes de Toulouse sont des catholiques insoupçonnables… mais suspects quand même aux yeux de Rome ! Pourquoi cette suspicion ?
<br /><br />
Pourquoi le <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2019/10/latran-iii-des-cathares-en-languedoc.html" target="_blank">Concile de Latran III</a> (1179), canon 27, texte important s’il en est, étant à portée “œcuménique”, omet-il, au sujet de l'hérésie, le Carcassonnais ? : <i>“puisque dans la Gascogne et les régions d’Albi et Toulouse et dans d’autres endroits l’infâme hérésie de ceux que certains appellent cathares, d’autres patarins, d’autres publicains et d’autres par des noms différents, a connu une croissance si forte qu’ils ne pratiquent plus leur perversité en secret, comme les autres, mais proclament publiquement leur erreur et en attirent les simples et faibles pour se joindre à eux, nous déclarons que eux et leurs défenseurs et ceux qui les reçoivent encourent la peine d'anathème, et nous interdisons, sous peine d'anathème que quiconque les protège ou les soutienne dans leurs maisons ou terres ou fasse commerce avec eux.”</i>
<br /><br />
Pourquoi après la Croisade, qui atteindra Carcassonne, <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2018/10/cathares-indices-convergents-sources.html" target="_blank">le <i>Contra manichaeos</i></a>, contrairement à Latran III, ne comporte plus cet “oubli” ? : <i>“ainsi les manichéens, c’est-à-dire les actuels cathares qui habitent dans les diocèses d’Albi, de Toulouse et de Carcassonne”</i>.
<br /><br />
L’explication rejoint la raison de l’emploi du vocable “Albigeois” pour désigner le cœur de la terre hérétique. Un peu d’histoire politique pour répondre à ces questions…
<br /><br />
Notons en passant que de Latran III au <i>Contra manichaeos</i> (<a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/09/mentions-medievales-du-terme-cathares.html" target="_blank">et ils ne sont pas les seuls documents</a>), quant à la désignation de leur hérésie, les hérétiques du Midi sont appelés (entre autres) “cathares” (alors qu’on nous serine, autre pétition de principe contredite par les textes, que le terme ne concerne jamais le Midi). Ce terme qui apparaît dès la décennie 1160 (en Rhénanie — cf. Duvernoy 1976) (voire avant — <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/09/heretiques-manicheens-et-cathares.html" target="_blank">fin XIe Yves de Chartres</a>) est bien appliqué quelques années après aux hérétiques du Midi par les polémistes et les textes théologiques de leurs adversaires médiévaux.
<br /><br /><br />
<i><b>Toulouse, Aragon, Montfort et l’Albigeois</b></i>
<br /><br />
Décidément suspects, les comtes de Toulouse sont pourtant apparemment insoupçonnables (cf. <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2010/12/a-propos-des-tuniques-doubli.html" target="_blank">R. Poupin, "À propos des tuniques d'oubli"</a>, Colloque de Mazamet 2009, <a href="https://www.loubatieres.fr/?p=227" target="_blank">Loubatières 2010</a>) : ils sont partis en croisade en Orient, et parmi les premiers… Mais on les y trouve… en porte-à-faux total avec le projet romain ! Je cite Runciman, dans son livre sur <i>Les Croisades</i> : <i>« De tous les princes partis en 1096 pour la Première Croisade, Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse et marquis de Provence, avait été le plus riche et le plus renommé [il s’agit de Raymond IV]. Beaucoup s'étaient attendus à ce qu'il fût nommé alors chef de cette entreprise. Cinq ans plus tard, il était parmi les plus déconsidérés des croisés. Il avait été l'artisan de son propre malheur. Bien qu'il ne fût cupide ni plus ambitieux que la plupart de ses pairs, sa vanité rendait ses fautes trop visibles. Sa politique de loyauté envers l'empereur Alexis était essentiellement fondée sur le sens de l'honneur et sur une mentalité d'homme d'État clairvoyant à long terme, mais cela paraissait à ses compagnons ruse et traîtrise […]. »</i> (Steven Runciman, <i>Les Croisades</i>, Cambridge 1951, Paris, Tallandier, 2006, p. 333.)
<br /><br />
On a bien lu : la raison de la déconsidération de Raymond IV est sa loyauté envers l’empereur byzantin (ce sera peut-être la tare originelle de sa dynastie !… mal partie dès la Première Croisade) !
<br /><br />
Car reconnaître la suzeraineté de l’empereur byzantin sur les terres, censées être les siennes, que l’on est parti défendre, heurte tout simplement de front la papauté grégorienne qui lance les croisades comme instance suzeraine universelle — comme développement de l’Histoire sainte dont elle revendique la charge.
<br /><br />
C’est un lieu commun depuis la <i>Donation de Constantin</i> (IXe s.), entériné en droit depuis les <i>Dictatus papae</i> de Grégoire VII ( XIe s.). Dans la logique de Grégoire et de la réforme, grégorienne, qui porte son nom, lorsqu’un pouvoir chrétien conquiert des terres, elles reviennent en théorie au pape, qui en donne la responsabilité à qui il veut. C’est ce qui a valu antan sa dignité à la dynastie carolingienne « restituant » au pape en vertu de la <i>Donation de Constantin</i>, des terres qui n’avaient jamais été siennes jusque là, c’est ce qui a valu à la dynastie normande de Sicile (malgré tous les aléas dans les rapports tempétueux du pouvoir normand avec Rome) — c’est ce qui lui a valu son statut, via la « restitution » au pape de terres jusque là byzantines. Et c’est ce qui vaudra à Simon de Montfort ses acquis en terres d’Oc.
<br /><br />
Le quiproquo est permanent si on ne comprend pas la théologie de l’Histoire comme théologie de la substitution, qui est derrière.
<br /><br />
Il vaut ici de citer quelques points des <i>Dictatus papae</i> :<br>
<i>Seul, le pape peut user des insignes impériaux. (8)<br />
Il lui est permis de déposer les empereurs. (12)<br />
Celui qui n'est pas avec l'Église romaine n'est pas considéré comme catholique. (26)<br />
Le pape peut délier les sujets du serment de fidélité fait aux injustes. (27)</i>
<br /><br />
À l'inverse de cela, si l’on comprend la souveraineté ultime sur la terre comme relevant de l’antécédente d’une présence, une « restitution » à un « non-propriétaire » antérieur, le pape, est aberrante. En revanche, si l’on s’inscrit dans la théologie de l’Histoire telle que scellée dans la réforme grégorienne, c’est Raymond de Toulouse qui est dans l’aberration. En étant loyal au schismatique byzantin, il s’inscrit peut-être dans la continuité historique orientale, mais avant tout il s’inscrit en faux contre le plan divin tel que le revendique la papauté souveraine !
<br /><br />
La « restitution » de terres — à commencer par les terres vaticanes, mais à continuer par toutes les autres — relève non pas de l’antécédence chronologique, mais du plan divin pour l’Histoire !
<br /><br />
C’est ce que l’on va retrouver lors de la création du patriarcat latin de Constantinople. Après le sac de Constantinople lors de la quatrième Croisade (1204), Rome crée un patriarcat latin ! Aberration pour Byzance, Providence pour Rome.
<br /><br />
Voilà donc une dynastie, celle des comtes de Toulouse, qui n’est pas en odeur de sainteté auprès de Rome… et qui en outre, fait preuve d’une intolérable tolérance à l’égard de ses hérétiques, dont la théologie semble corroborer les incompréhensions toulousaines à l’égard du projet romain !
<br /><br />
On sait par ailleurs que parmi les adversaires médiévaux de l’hérésie, certains ont voulu que les Méridionaux aient ramené le catharisme… en revenant de Croisade. Quoique l’on pense d’une telle hypothèse, et a fortiori si on la pense non fondée, ça n’en est que plus troublant.
<br /><br />
Un catharisme qui, avec ses tuniques d’oubli, veut l’histoire comme chute et oubli, est la négation radicale du projet historial grégorien que manifestement la dynastie toulousaine n’a pas compris…
<br /><br />
Pour Toulouse, dans cette perspective, <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/10/a-qui-profite-le-crime.html" target="_blank">l’assassinat de Pierre de Castelnau</a> est le signal total de la chute, signal devenant pour Rome celui de la Providence face à ce conglomérat — sinon complot — anti-papal. Hérétiques, Toulouse… Toulouse dont la dynastie ignore dès le départ le plan divin de rédemption de l’Histoire. C’est bien cette dynastie-là qui, humiliée en 1209 à St-Gilles sous Raymond VI, sera finalement défaite sous Raymond VII, avec sa reddition au traité de Meaux-Paris de 1229.
<br /><br />
D’autant que s’est mêlé à tout cela une — au moins relative — tolérance d’une hérésie dont la conviction est que ces corps de temps et de boue ne sont que tuniques d’oubli, qui font de l’histoire une chute, et non pas le lieu d’une rédemption gérée par Rome.
<br /><br />
En 1209, c’est cette Histoire qui est en marche, les Toulouse ont déjà basculé dans un passé révolu. Pour cette dynastie qui, pour Rome, n’était dès lors pas si fiable qu’elle le prétendait, l’Histoire avait-elle lieu d’être pacifiée ?
<br /><br />
Dès 1179 à Latran III, ce sont les seules terres de suzeraineté toulousaine qui sont visées, dont une, l’Albigeois, est aux mains du vicomte Trencavel, lequel est aussi vicomte de la terre carcassonnaise, revendiquée, elle, par le comté de Barcelone, et donc le roi d'Aragon Pierre II le Catholique, vassal direct du pape, en aucun cas suspect d’hérésie. Comment mettre en cible canonique la terre de Carcassonne dont il est souverain ?
<br /><br />
Or, on le sait, le comte de Toulouse Raymond VI s’est croisé pour rejoindre l’armée qui déferle sur ses terres, qui dès lors, sont censées se trouver à l’abri.
<br /><br />
C’est ici que le terme Albigeois va rendre un service important, alors que ce n’est pas le comté de Toulouse qui est visé, mais sa partie régie par le vicomte Trencavel, l'Albigeois : et à travers l’Albigeois c’est la dynastie vicomtale Trencavel qui est ciblée… emportant aussi Carcassonne, qui va échoir avec toutes les terres Trencavel à Simon de Montfort, champion de la papauté dans la Croisade. D’où un problème, qui transparaît nettement dans la <i>Canso</i>, la <i>Chanson de Croisade</i>.
<br /><br />
Texte en vers occitans, la <i>Canso</i> est considérée par la critique unanime comme étant due à la plume de deux auteurs, Guillaume de Tudèle pour la première partie, un anonyme pour la seconde. Cette dualité d’auteurs sur laquelle la critique est unanime ne doit pas masquer pour autant la réelle unité de l'œuvre, à savoir la fidélité au comte de Toulouse, comme croisé pour la première partie, comme croisé trahi pour la seconde.
<br /><br />
La <i>Canso</i>, comme les autres chroniques de la Croisade (Pierre des Vaux de Cernay et Guillaume de Puylaurens), parle d’Albigeois. C’est bien cette terre-là qui est visée dans la Croisade contre l’hérésie. C'est bien Trencavel qui est dans le collimateur. Mais il l'est comme vassal du comte de Toulouse — qui est resté suspect.
<br /><br />
Ce qui n’empêche pas qu’en attaquant les terres Trencavel, Simon de Montfort a porté atteinte à une terre, le Carcassonnais, relevant du catholique insoupçonnable qu’est le roi d’Aragon — qui dès lors va vouloir reprendre ses droits, en s'alliant au comte de Toulouse, qui, dans la perspective croisée, est illégitimement pris en cible par la Croisade, puisqu'il est lui-même croisé ! C’est ce dont témoigne la deuxième partie de la <i>Canso</i>, sans que cela rompe l’unité du texte, qui se fait autour de la loyauté au comte de Toulouse — croisé loyal dans la première partie, croisé trahi dans la seconde.
<br /><br />
En tout cela, on assiste au choc titanesque de deux catholiques insoupçonnables et concurrents, deux champions du pape : Pierre II d’Aragon et Simon de Montfort. Les chroniques catholiques et cisterciennes soutiennent Simon, la <i>Canso</i> pro-toulousaine (et tout aussi catholique, mais se percevant comme trahie) soutient Raymond de Toulouse et son nouvel allié, Pierre II d’Aragon.
<br /><br />
Point commun quant au vocabulaire : le statut hérétique (la <i>Canso</i> parle de <i>"ceux de Bulgarie"</i>) de l'Albigeois, seul incontestablement hérétique. La mise en cible de l’Albigeois est indubitablement antérieure. Dès lors, à l’unanimité, il devient pour les chroniqueurs unanimes, synonyme d'hérésie cathare en Languedoc.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
On retrouve donc trois termes voués à devenir synonymes : <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/09/heretiques-manicheens-et-cathares.html" target="_blank">hérétiques</a>, terme vague dans la définition de ce qu’est ladite hérésie, terme retenu par les inquisiteurs, <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/09/heretiques-manicheens-et-cathares.html" target="_blank">manichéens (i.e. “dualistes”) ou “cathares”</a>, retenu par les théologiens et polémistes catholiques (y compris pour les terres d’Oc), et Albigeois, retenu par les chroniques, et, en soi, bien plus neutre quant à la qualification de l’hérésie, ce pourquoi il sera préféré par les apologistes protestants, les seuls à s'intéresser à ce qu’ils considèrent comme une pré-réforme… Jusqu’à ce que leurs adversaires catholiques s'attachent montrer par les textes que lesdits Albigeois étaient bien manichéens, i.e. cathares. Schmidt sera le premier protestant à se ranger, à regret, à ce qu'il tient comme irréfutable, d'où son titre, parlant de cathares ou albigeois. De Bossuet, fin XVIIe s., au XXe s., les historiens (y compris, depuis Schmidt, les protestants minoritaires), s’accordent à voir dans le catharisme une hérésie manichéenne. La deuxième moitié du XXe siècle (en accord en cela avec Schmidt qui, déjà, distinguait dans le mouvement dogme et morale) va s’attacher à considérer l'aspect protestation morale. C’est l'insistance de Morghen (1953), qui, dans un second temps (années 1960) (en accord avec Schmidt), reçoit l'apport de Dondaine et ne nie donc pas qu’il y ait bien autre chose que cette essentielle protestation. C’est dans cette ligne que se développent les recherches depuis les années 1970 (1990, contrairement à ce qu’on postule souvent, n’apporte rien de nouveau) : <a href="https://www.babelio.com/livres/Nelli-La-philosophie-du-catharisme/558193" target="_blank">Nelli</a>, <a href="https://www.babelio.com/livres/Duvernoy-La-Religion-des-cathares/212333" target="_blank">Duvernoy</a>, <a href="https://www.babelio.com/livres/Roquebert-LEpopee-Cathare/380639" target="_blank">Roquebert</a>, <a href="https://www.librairiejeancalvin.fr/index.php/ljc/Publications/Les-cathares-enseignement-liturgie-spiritualite_31771" target="_blank">Brenon</a>, etc. C’est sur leurs livres qu’il faut se pencher si l’on veut comprendre quelque chose à l’hérésie cathare connue dans l’Albigeois, mais aussi bien au-delà.
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP, octobre 2023</div>
<br /><br />
Cf. articles sur les cathares <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/search/label/cathares" target="_blank">ici</a>, <a href="https://rolpoup.blogspot.com/search/label/cathares" target="_blank">ici</a>, et <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/search/label/cathares" target="_blank">là</a>.
<br><br><br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-72974323021319228432023-09-24T19:25:00.044+02:002023-09-26T09:35:19.050+02:00Hérétiques, manichéens et cathares<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="857" data-original-width="642" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEijb-VcI5FmsrEAY70p9FHnUHfHx9LcDNyrCfFE8jD-C8OtO9B40z3A94BB1xZePXM9fWl11UJPpjvVeJ1wu1YooYR62U0oG_N987TI2y-NOnuXS4KRLyvbv9gnxvwzsinRG0LKQJ0Cu-G-JEBMzylTRt6u_1ixS6YhKao5bii44xjSkMhcV3iI7xgfrWg/s857/monts%C3%A9g.jpg" title="Montségur - photo Michel Jas" width="580" /></div>
<br /><br /><div style="text-align: right;"><b>Le terme “hérétiques” désigne invariablement, <br />aux XIIe et XIIIe s., des “manichéens”, des “cathares”.</b></div>
<br /><br />
De la deuxième moitié du XIIe siècle au XIIIe siècle, des théologiens ont pris la plume pour des sommes apologétiques visant les adversaires divers de la catholicité romaine.
<br /><br />
Ainsi Alain de Lille, ou de L'Isle (en latin : Alanus ab Insulis), ou de Montpellier (Alanus de Montepessulano), né probablement en 1116 ou 1117 à Lille et mort entre le 14 avril 1202 et le 5 avril 1203 à l'abbaye de Cîteaux, théologien français, aussi connu comme poète. Il assista au IIIe Concile du Latran en 1179. Il habita ensuite Montpellier, vécut quelque temps hors de la clôture monacale et prit finalement sa retraite à Cîteaux, où il mourut en 1202. Il écrit une <i>Somme de la foi catholique (de fide catholica), somme quadripartie</i>, contre les hérétiques (i.e. les cathares — cf. infra), contre les vaudois, contre les juifs, contre les payens (i.e. les musulmans), vers 1200 (1198-1202). Elle est dédicacée à Guilhem VIII, seigneur de Montpellier. Somme savante, universitaire, ne manquant pas d’user de l’argument d'autorité, ou de jugements comme : <i>« Et c'est pourquoi ils condamnent le mariage, qui déclenche le cours de la luxure. D'où vient, à ce qu'on dit, que dans leurs conciliabules ils font des choses très immondes. Ceux-ci, on les appelle "cathares", c'est-à-dire "coulant par leurs vices", de "catha" (sic) qui est l'écoulement ; ou bien "cathari", comme qui dirait "casti", parce qu'ils se font chastes et justes ; <b>ou bien on les dit "cathares" de "catus", car, à ce qu'on dit, ils baisent le derrière d'un chat</b>, etc. »</i> (<i>P.L.</i>, t. 210, c. 366 ; cité par Jean Duvernoy, « "Cathares" ou "Ketter", Une controverse sur l'origine du mot "cathares" », in <i>Annales du Midi</i>, t. 87, n° 123, 1975).
<br /><br />
Présent au <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2019/10/latran-iii-des-cathares-en-languedoc.html" target="_blank">concile de Latran III</a>, qui reprend le vocable présent quinze ans avant en Rhénanie, Alain sait que le terme joue sur l’analogie <i>Ketzer</i> / <i>Katze</i>, i.e. hérétiques / chat.
<br /><br />
Alain, en tout cela, emboîte le pas à l'abbé bénédictin rhénan Eckbert de Schönau, renvoyant à l’analogie entre les hérétiques qu’il confronte en Rhénanie et ceux que décrivait saint Augustin. Comme l’a montré Jean Duvernoy depuis les années 1970, c’est sous la plume d’Eckbert qu’apparaît pour la première fois pour les hérétiques du XIIe siècle l’usage savant du terme antique « cathares » (1163). On peut considérer le vocable comme un intermédiaire entre « hérétiques », vocable le plus fréquent pour désigner le type d’hérétiques visés, mais décidément bien vague, et « manichéens », terme que l’on trouve bien sûr aussi, visant une hérésie désignée invariablement comme « dualiste », à l’instar du manichéisme — car les « hérétiques » des inquisiteurs sont invariablement présentés comme « dualistes » (nonobstant le fait que le terme, “dualistes”, n'existe <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/12/dualisme-monotheisme-des-termes-modernes.html" target="_blank">pas avant la fin du XVIIe siècle, sous la plume de Pierre Bayle</a>, dans son <i>Dictionnaire historique et critique</i> (1697), à propos de… la religion manichéenne, précisément. Au Moyen Âge, pour notre moderne “dualistes”, on dit “manichéens”, ou… “cathares” (ainsi le <i>Contra Manicheos</i> <i>“les manichéens, c’est-à-dire les actuels cathares [latin : moderni kathari] qui habitent dans les diocèses d’Albi, de Toulouse et de Carcassonne”</i>).
<br /><br />
Mais, à l’inverse d’“hérétiques”, retenu par les traités inquisitoriaux, trop imprécis pour les théologiens, le vocable “manichéens” est trop précis : théologiens et polémistes ont perçu que le référent n’est pas Mani. « Cathares » (i.e. “hérétiques” / <i>ketzer-ketter</i>), référé à l’Antiquité est le terme qui a séduit jusqu’au sommet de la hiérarchie romaine, mentionné dès le Concile de Latran III avec donc une signification supra-locale. Cependant, les sphères théologiques ne perdent pas de vue, par exemple en oscillant entre “cathares” et “patares”, que l’acception première en Rhénanie n’est pas son développement savant, mais le vocable “hérétiques” i.e. <i>Ketzer</i>, évoquant <i>Katze</i> (le chat) — avec bientôt son écho en Occitanie chez Alain de Lille/Montpellier.
<br /><br />
(Pour la lignée des développements savants, cf. aussi Julien Théry, « L’hérésie des bonshommes, Comment nommer la dissidence religieuse non vaudoise ni béguine en Languedoc (XIIe-début du XIVe siècle) ? », <i>Heresis</i> n°36-37, 2002, p. 80 : <i>« Le mot “cathare” est utilisé par le canoniste Yves de Chartres dans son Prologue, texte de très large diffusion parmi les clercs à partir de l'extrême fin du XI siècle, bien avant les </i>Sermones contra catharos<i> d'Eckbert de Schönau, datés de 1163 (on doit à J. Chiffoleau cette trouvaille importante). Yves de Chartres reprenait alors un passage d'une lettre d'Innocent I (pape </i>[sic]<i> de 401 à 417) aux évêques de Macédoine au sujet de “his qui nominant seipsos catharos, id est mundos” (“ceux qui se nomment eux-mêmes cathares, c'est-à-dire purs”) ; C'est cette formule que l'on retrouve, mot pour mot, chez Eckbert de Schönau - qui l'avait très vraisemblablement empruntée au Prologue d'Yves de Chartres »</i>.)
<br /><br />
La précision de l’analyse historique de Duvernoy lui a permis de repérer chez Eckbert une volonté de donner une racine patristique à un vocable utilisé auparavant, vocable référant ceux qui sont stigmatisés comme hérétiques… au chat, animal diabolique, cela de la Rhénanie d’Eckert à, bientôt, l’Occitanie d’Alain. L’analyse de Duvernoy est aujourd’hui confirmée à nouveau par Laurence Moulinier (« Le chat des cathares de Mayence et autres "primeurs" d’un exorcisme du XIIe siècle », <i>Retour aux sources. Textes, études et documents d’histoire médiévale offerts à Michel Parisse</i>, Paris, Picard, 2004, p. 699-709). Dans les années 1970, son discernement valait à Duvernoy les <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2018/11/controverses-cathares-et-noms-doiseaux.html" target="_blank">insultes de l’institution historienne officielle</a>. Ainsi la chercheuse Christine Thouzellier (Recension de Jean Duvernoy, <i>Le catharisme : la religion des cathares</i>, in <i>Revue de l’histoire des religions</i>, t. 193, n° 2, 1978), qui nous permet de noter en passant que le terme est déjà utilisé avant qu'Eckbert lui donne sa signification savante : <i>« Une autre divagation de Jean Duvernoy est de prétendre que le nom de "cathare", donné en Rhénanie à ces hérétiques vers 1150 (p. 302-306) et mentionné peu après par Eckhert de Schönau, aurait pour origine le mot allemand Ketter, Ketzer, Katze, le chat : étymologie que semblerait confirmer la remarque burlesque d'Alain de Lille (P.L. 210, 366) : “on les dit 'cathares', de catus, parce qu'ils embrassent le postérieur d'un chat en qui leur apparaît Lucifer”. Pour J. Duvernoy, <b>ces hérétiques “ne sont autres que les gens du Chat, les 'chatistes</b>' dirions-nous” (Annales du Midi, 87, n° 123, 1975, p. 344 ; répét. dans son vol., p. 303). On sourit, malgré soi, d'une telle définition sous la plume d'un amateur historien qui ignore toute la discussion soulevée en Allemagne par l'étymologie du mot dialectal ketter, haut et bas allemand, et <i>ketzer</i> (hérétique) : les deux provenant de catharus, pur, etc. »</i> (Ch. Thouzellier, <i>ibid</i>., p. 348).
<br /><br />
Christine Thouzellier n’en a pas moins repéré que le terme “cathares” apparaît en Rhénanie avant l’explication savante d’Eckbert. Elle fait remonter le terme une dizaine d’années avant : <i>« En l'état actuel de la documentation et jusqu'à preuve du contraire, un jugement tenu à Cologne par l'évêque Arnoul vers 1151/52-1156 et dont fait état une charte rédigée par Nicolas de Cambrai (1164/65-1167) condamne sous le nom de "Cathares" les tenants de l'erreur dualiste. Ainsi attribuée pour la première fois, l'expression réapparaît dans les actes conciliaires du Latran (1179) et sera souvent confondue avec le terme Pathare. »</i> (In <i>Annales du Midi, art. cit.</i>, p. 347-348.)
<br /><br />
Alain de Lille/Montpellier, au fait des controverses théologiques et de leur relai universel conciliaire (Latran III étant pour Rome un concile œcuménique), sait aussi que le vocable est connu auparavant, sans le sens savant qu’il a revêtu. <i>« Au livre III de son Liber Pœnitentialis (1184-1200) paragraphe 29, allusion est faite à ceux qui favorisaient l'hérésie. C'est une reprise des prescriptions du 3e Concile de Latran (1179), c. 27 qui visait explicitement les Cathares, Patarins ou Poplicains, de la Gascogne, des environs d'Albi, de Toulouse, et "autres lieux". Sous les noms divers que prennent les tenants de la secte, suivant les régions semble-t-il, se cache la même hérésie : le catharisme. Qu'Alain ait jugé bon de reprendre cette prescription du concile de 1179 laisse supposer qu'il se trouvait dans une province telle que la Narbonnaise où il pouvait constater les ravages causés par l'hérésie comme aussi les complicités qu'elle rencontrait. Alain insère aussi la condamnation des Aragonais, Navarrais, Gascons et Brabançons, formulée par le même canon du Concile de Latran […] »</i> (<a href="https://www.saintsulpicefrance.fr/actualites/158-un-sulpicien-honore-m-jean-longere-pss-1er-prix-gobert" target="_blank">Jean Longère</a>, <i>Le Liber Pœnitentialis d’Alain de Lille</i>, p. 217-218).
<br /><br />
Dans tous les cas, apparaissent sous la plume des controversistes les mêmes non-catholiques à combattre : pour Alain de Lille et sa <i>Somme quadripartite, Contre les hérétiques, contre les vaudois, contre les juifs, contre les payens</i> – quatre catégories, donc, distinguant les cathares, comme hérétiques, des dissidents notamment vaudois, les païens désignant les musulmans. Juifs, musulmans et vaudois sont fortement caricaturés, lus à travers la grille de compréhension d’Alain. Nul ne doute pour autant de leur existence réelle. Il en est évidemment de même des hérétiques (qu’Alain appelle aussi, entre autres, « cathares »).
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Thomas d’Aquin, dans sa <i>Somme contre les Gentils</i>, vise les mêmes (sauf les vaudois. On va voir pourquoi). Il annonce sa méthode : contre les juifs par l’Ancien Testament, contre les hérétiques, qui croient qu'il y a deux Principes (<i>CG</i> I, xvii) par le Nouveau Testament (<i>CG</i> I, ii), contre les païens (musulmans) par la philosophie naturelle, i.e. celle d’Aristote. Ce sont bien des adversaires concrets que vise Thomas, pas des figures théoriques d’un temps jadis.
<br /><br />
Pour Thomas d’Aquin chacun est combattu au moyen de ce qu’il reconnaît et qui est commun avec les catholiques : Aristote, comme on sait, pour les musulmans, on l’a dit — et Thomas polémique avec Averroès — ; l’Ancien Testament, naturellement, pour les juifs ; et concernant les hérétiques, ce qui permet de reconnaître les cathares (et n’oublions pas qu’il a rejoint un ordre fondé deux décennies avant par Dominique de Guzman pour lutter contre l’hérésie languedocienne, l'Ordre des Prêcheurs, qui deviendra les "dominicains"), Thomas les combat par ce dont il pense qu’ils s’accordent avec lui pour le reconnaître sans difficultés, le Nouveau Testament — et on a retrouvé un Nouveau Testament occitan, traduction cathare, accompagné d’un <i>Rituel occitan</i>, équivalent du <i>Rituel latin</i> de Florence accompagnant le <i>Livre des deux Principes</i>, et du <i>Rituel</i> occitan de Dublin, accompagnant des traités cathares au dualisme moins prononcé que celui du <i>Livre des deux Principes</i> ou du <i>traité anonyme</i> inséré dans le <i>Contra Manicheos</i> — communément attribué à l’ex-vaudois Durand de Huesca ; mais Annie Cazenave a sérieusement remis en question cette attribution. Notons en passant que quoiqu’il en soit, le cas de Durand, ex-vaudois, réconcilié avec Rome, permet de comprendre pourquoi Thomas, dominicain, n’attaque pas, contrairement au cistercien Alain, les vaudois : chez ces derniers, la rupture avec l’Église romaine n’est pas nette comme elle l’est chez les cathares : ils sont plus aisément réconciliables (cela sachant que depuis la Réforme grégorienne au moins, la soumission à Rome devient le critère de ce qui est hérétique et de ce qui ne l’est pas — d'où l'extension ultérieure du terme, dès le XIVe s., aux vaudois, aux franciscains spirituels, etc.). Chez les vaudois de fin-XIIe et XIIIe s., l’acte de soumission à l’Église détentrice de l’<i><a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2020/07/cathares-christologie-et-incarnatio.html" target="_blank">Incarnatio continua</a></i> n’est pas rare. Et les passages sont souvent l’œuvre des frères prêcheurs, les dominicains.
<br /><br />
Et de fait, dominicain du XIIIe siècle, Thomas d’Aquin, par son œuvre, par les effets philosophiques de son œuvre, nous pose une question : pourquoi en plein XIIIe siècle, au cœur de ce qu’on a appelé une société persécutrice, a-t-il pris le risque d’aller chercher chez les ennemis de la chrétienté d’alors, les Arabes, une théologie de la Création ? Pourquoi plus particulièrement chez ces deux Arabes aristotéliciens que sont Averroès, un musulman, et Maimonide, un juif ? — cela non sans les combattre comme théologien de l’Incarnation.
<br /><br />
La théologie nouvelle de Thomas d’Aquin n’a dans un premier temps pas été très bien accueillie, c’est le moins que l’on puisse dire : certaines de ses propositions ont été condamnées en même temps que des propositions averroïstes. Pourquoi donc un tel risque ? Thomas le dit, en introduction de sa <i>Somme contre les Gentils</i> : il a l’intention de combattre, intellectuellement, entre autres les hérétiques. Si l’on ajoute qu’il est dominicain (le mot est anachronique, mais pas plus que le mot « gothique » pour désigner les cathédrales d’alors), au Moyen Âge on dit « Prêcheur » : il entre dans cet ordre fondé par Dominique pour lutter par la prédication contre les hérétiques des terres d’Oc ; il y entre au prix d’un conflit avec sa famille.
<br /><br />
Bref, la question de l’hérésie qui préoccupait Dominique le préoccupe aussi. C’est dans ce cadre qu’il va forger au prix d’emprunts suspects aux Arabes sa théologie de la Création.
<br /><br />
Que reprochent principalement auxdits hérétiques leurs adversaires ? C’est invariable : attribuer la Création visible au diable. Or, la théologie augustinienne, qui est la norme d’alors, avec sa Création perçue comme essentiellement dégradée, fournit peu de moyens pour répondre à ce discours des “hérétiques”, terme qui, invariablement aux XIIe et XIIIe s., désigne des “manichéens”, des “cathares”.
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP</div><br /><br />
Cf. articles sur les cathares <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/search/label/cathares" target="_blank">ici</a>, <a href="https://rolpoup.blogspot.com/search/label/cathares" target="_blank">ici</a>, et <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/search/label/cathares" target="_blank">là</a>.
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Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-18715236525121548292023-09-22T09:04:00.049+02:002023-10-07T18:00:16.489+02:00 Mentions médiévales du terme "cathares"
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<div class="separator" style="text-align: center; "><img alt="" border="0" width="580" data-original-height="315" data-original-width="467" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiM4FLh8Z14DDLypEaEJe4Qpl0uk_Wg2udZB3dAjsuE8ZoJCF0P6t_rNcQ0oGyujCYNU5dikBNMnJZOwSAKurvr6IHE93ma3UpfNdf07kRoOMImxzPPs-Qk54xEGUjG8FqoiBg_TlVoDkNsLK3jpZBXcShR67SBwN5gB2rMBYiTTBDmaAguZB3RotMgMng/s600/560x315_sc_photo-md-3-2.webp"/></div>
<br><br>
Hier (21.09.23) sur France culture, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/heretiques-l-invention-des-cathares-1740738?fbclid=IwAR258zbAhYvNAozJxK0qknK0VQH9IwfNF9mxL3RzUFf0kP0IJUePDD1U-qM" target="_blank"><i>L'invention des "cathares"</i></a>, avec pour seuls invités deux historiens célèbres dans les milieux de la recherche sur les hérésies médiévales pour le choix qu'ils ont fait de rejeter nombre de sources dont on dispose et de <a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2023/03/ce-soir-la-lune-reve.html" target="_blank">traiter les seules qu'ils prennent en compte de façon hypercritique</a> (postulat de base : les "cathares" ne sont qu'une protestation "laïque" érigée en "hérésie" par Rome. Postulat affirmé en dépit des sources, dès lors soit rejetées soit "décontruites")… Étrange choix de France culture !
<br /><br />
Étrange attitude tout au long de l'émission. Exemple parmi tant d'autres : Alessia Trivellone vient de dire qu'au Moyen-Âge personne dans le midi ne parle de cathares, puis elle cite Alain de Lille donnant son explication du terme "cathares"… en omettant de dire que (malgré son titre, "de Lille", qui fait illusion), c'est comme Alain de Montpellier (son autre titre) qu'il écrit depuis le midi pour le midi, nommant "cathares" les hérétiques du midi (cela dans un traité dédicacé à Guilhem VIII de Montpellier)… Et personne ne la reprend. Mauvaise foi ou gober sans aucune distance critique ?"
<br /><br />
Outre cet exemple, il convient de rappeler quelques
<a href="http://rolpoup1.blogspot.com/2018/10/cathares-indices-convergents-sources.html" target="_blank">mentions médiévales</a> du terme « <a href="http://rolpoup1.blogspot.com/2018/03/cathares-indices-convergents.html" target="_blank">cathares</a> » désignant les hérétiques du midi curieusement omises au cours de l'émission. <br><br>
<br>
<b>Quelques mentions médiévales du terme "cathares"</b> <br>(Ordre de « préséance », non-chronologique : 1 - concile ; 2 - pape ; 3 - consultant conciliaire ; 4 - abbé ; 5 - polémiste ; 6 - on mentionnera les sources cathares, qui, si elles, certes, n'usent pas de ce terme polémique adverse, auraient valu d'être signalées) : <br />
<br />
1) <a href="http://rolpoup1.blogspot.com/2019/10/latran-iii-des-cathares-en-languedoc.html" target="_blank">Concile de <b>Latran III</b></a>. Il réunit environ 200 pères conciliaires. Il se tient en trois sessions, en mars 1179. Convoqué par le pape Alexandre III. Pour Rome, XIe concile œcuménique : les 200 pères viennent de toute la chrétienté occidentale (plus l’un d’eux qui est Grec) et sont co-auteurs des canons, témoins donc d’une large connaissance de ce qui y est affirmé sur l’hérésie que le concile (c. 27) nomme, entre autres, « cathare ».<br />
<br />
<u>Canon 27 :</u><br />
<i>« Comme dit saint Léon, bien que la discipline de l’Église devrait se suffire du jugement du prêtre et ne devrait pas causer d’effusion de sang, elle est cependant aidée par les lois des princes catholiques afin que les hommes cherchent un remède salutaire, craignant les châtiments corporels. Pour cette raison, puisque <b>dans la Gascogne et les régions d’Albi et Toulouse et dans d’autres endroits l’infâme hérésie de ceux que certains appellent cathares, d’autres patarins, d’autres publicains et d’autres par des noms différents, a connu une croissance si forte qu’ils ne pratiquent plus leur perversité en secret, comme les autres, mais proclament publiquement leur erreur</b> et en attirent les simples et faibles pour se joindre à eux, nous déclarons que eux et leurs défenseurs et ceux qui les reçoivent encourent la peine d'anathème, et nous interdisons, sous peine d'anathème que quiconque les protège ou les soutienne dans leurs maisons ou terres ou fasse commerce avec eux. […]. »</i><br />
<br />
Mentionnant des termes privilégiés dans d'autres régions (patarins en Italie ; publicains dans le Nord ; voire cathares d'abord en Rhénanie), le concile, à vocation universelle mais visant les terres d'Oc, laisse percevoir que l'hérésie, si elle infeste particulièrement les régions d'Oc, a bien une dimension plus large.
<br /><br />
2) Le 21 avril 1198, le pape <b>Innocent III</b> écrit aux archevêques d’Aix, Narbonne, Auch, Vienne, Arles, Embrun, Tarragone, Lyon, et à leurs suffragants : <i>« Nous savons que <b>ceux que dans votre province on nomme vaudois, cathares (catari), patarins…</b> »</i>. Texte dans Migne, <i>Patrologie latine</i>, t. 214, col. 82, et dans O. Hageneder et A. Haidacher, <i>Die Register Innozens’III</i>, vol. I, Graz/Cologne, 1964, bulle n° 94, p. 135-138. (Cit. Roquebert)<br />
(L’historienne anglaise Rebecca Rist, relevant que les papes dénoncent en conciles et synodes clairement les cathares comme infestant la région de Toulouse, Carcassonne et Albi sans instrumentaliser cette menace dans leurs autres courriers, note que s'ils avaient inventé ce groupe comme une menace, ils auraient utilisé plus fréquemment et plus grossièrement la peur de cette hérésie.)<br />
<br />
3) <b>Alain de Lille</b>, ou de L'Isle (en latin : Alanus ab Insulis), ou <b>de Montpellier</b> (Alanus de Montepessulano), né probablement en 1116 ou 1117 à Lille et mort entre le 14 avril 1202 et le 5 avril 1203 à l'abbaye de Cîteaux, est un théologien français, aussi connu comme poète.<br />
Il assista au IIIe Concile du Latran en 1179. Il habita ensuite Montpellier, vécut quelque temps hors de la clôture monacale et prit finalement sa retraite à Cîteaux, où il mourut en 1202. <br />
<br />
<i>De fide catholica contra hereticos</i> (1198-1202) et <i>Liber Pœnitentialis</i> (1184-1200)<br />
<i>« Au livre III du Liber Pœnitentialis paragraphe 29, allusion est faite à ceux qui favorisaient l'hérésie. C'est une reprise des prescriptions du 3e Concile de Latran (1179), c. 27 qui visait explicitement les Cathares, Patarins ou Poplicains, de la Gascogne, des environs d'Albi, de Toulouse, et «autres lieux ». Sous les noms divers que prennent les tenants de la secte, suivant les régions semble-t-il, se cache la même hérésie : le catharisme. Qu'Alain ait jugé bon de reprendre cette prescription du concile de 1179 laisse supposer qu'il se trouvait dans une province telle que la Narbonnaise où il pouvait constater les ravages causés par l'hérésie comme aussi les complicités qu'elle rencontrait. »</i> (Jean Longère, <i>Le Liber Pœnitentialis d’Alain de Lille</i>, p. 217-218). <br />
<br />
Cf. sa <i>Somme quadripartite, Contre les hérétiques</i> [i.e. pour Alain comme pour les autres polémistes, les cathares, distingués des vaudois], <i>contre les vaudois, contre les juifs, contre les payens</i> – in <i>Patrologie latine</i> t. 195. Cathares = « chatistes » (Jean Duvernoy) – Alain : « <b>on les dit <a href="http://rolpoup0.blogspot.com/2018/11/controverses-cathares-et-noms-doiseaux.html" target="_blank">"cathares" de "catus", parce qu'ils embrassent le postérieur d'un chat</a> en qui leur apparaît Lucifer</b> ». (<i>P. L.</i>, t. 210, c. 366).<br />
<br />
4) En <b>Rhénanie</b> où le terme apparait en premier (Rhénanie mentionnée par l'émission pour nous dire que le terme n'a existé que là et s'est étendu tout au plus à l'Italie) l’on parle aussi d’ « hérétiques » = Ketter // Ketzer / Katze = chat (Duvernoy). Rhénanie où l’abbé bénédictin <b>Eckbert de Schönau</b> écrit ses <i>Sermones contra catharos</i> (1163) — in <i>Patrologie latine</i>, 195, col. 13-106. « Ce sont <b>ceux qu'en langue vulgaire on appelle cathares</b> »… écrit Eckbert, qui est le premier connu à mentionner le vocable « cathares ».<br /> (Tout cela a été mis en lumière par Jean Duvernoy dès 1976. Jean Duvernoy n'est jamais mentionné dans l'émission !)
<br />
Christine Thouzellier faisait remonter le terme une dizaine d’années avant : <i>« En l'état actuel de la documentation et jusqu'à preuve du contraire, un jugement tenu à Cologne par l'évêque Arnoul vers 1151/52-1156 et dont fait état une charte rédigée par Nicolas de Cambrai (1164/65-1167) condamne sous le nom de "Cathares" les tenants de l'erreur dualiste. Ainsi attribuée pour la première fois, l'expression réapparaît dans les actes conciliaires du Latran (1179) et sera souvent confondue avec le terme Pathare. »</i> (In <a href="https://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1975_num_87_123_1608" target="_blank"><i>Annales du Midi</i>, 87, n° 123, 1975, p. 347-348</a>.)<br />
<br />
Eckbert rattache le vocable aux « catharistes » de saint Augustin polémiquant en employant ce nom là contre une des mouvances du manichéisme (plutôt qu’aux « cathares » de l’époque du même Augustin qui renvoient plutôt aux « novatianistes »). Cathares i.e. ici, donc, « manichéens ». Selon Eckbert, ils ont « eux-mêmes assumé cette appellation de purs », selon le sens grec de <i>catharos</i>. Mais peut-être est-ce là aussi une reprise d’Augustin écrivant : <i>« cathari, qui se ipsos isto nomine nominant »</i> (<i>De haeresibus</i>, XXXVIII). Mais, avant Eckbert, en Rhénanie, le terme (<i>ketzer</i>) signifie d'abord "hérétiques", comme dans le Midi, et comme le note pour le Midi Alain de Lille/Montpellier (cf. supra). <br />
<br />
Apparaît ainsi au milieu du XIIe siècle, un terme qui revient à classer l’hérésie dans le « manichéisme » / « catharisme » – où l’on peut noter que des hérétiques sont remarqués sous ce nom, « manichéens », dès l’an mil (chroniqueurs Raoul Glaber, Adhémar de Chabannes, Albéric des Trois Fontaines…). Depuis Arno Borst, on parle le plus souvent pour les hérétiques de l’an mil de pré-catharisme, et l’on fait débuter le catharisme proprement dit au milieu du XIIe siècle.<br />
<br />
5) Dans <b>un « traité anonyme »</b>, reproduit pour réfutation (traité latin attribué à Barthélémy de Carcassonne, daté du début XIIIe ; redécouvert par A. Dondaine et édité en 1961 par Christine Thouzellier) cité en vue de cette réfutation dans un texte, le <i>Liber contra Manicheos</i>, attribué à Durand de Huesca (le « traité anonyme » y est cité avant d'être réfuté : cela se pratique depuis haute époque – pour ne donner qu'un seul autre exemple : on ne connaît Celse que par ses citations par Origène. Je précise que l’attribution à Durand de Huesca du <i>Contra Manicheos</i> a été contestée par Annie Cazenave lors du Colloque de Foix, en 2002).<br />
<br />
Michel Roquebert : « le <i>Liber contra Manicheos</i>, le "Livre contre les Manichéens" attribué à Durand de Huesca. Chef de file des disciples de Valdès qui étaient venus en Languedoc y répandre l’hérésie des "Pauvres de Lyon", Durand revint au catholicisme romain à la faveur de la conférence contradictoire tenue à Pamiers en 1207 et se mit, dès lors, à écrire contre les autres hérétiques languedociens. Son ouvrage est peu ordinaire : c’est la réfutation d’un ouvrage hérétique que l’auteur du <i>Liber</i> prend soin de recopier et de réfuter chapitre après chapitre ; l’exposé, point par point, de la thèse hérétique est donc présenté, et immédiatement suivi de la <i>responsio</i> de Durand. Or le treizième chapitre du <i>Liber</i> est tout entier consacré à la façon dont les hérétiques traduisent, dans les Écritures, le mot latin <i>nichil</i> (<i>nihil</i> en latin classique) ; les catholiques y voient une simple négation : rien ne… Ainsi le prologue de l’évangile de Jean : <i>Sine ipso factum est nichil</i>, "sans lui [le Verbe], rien n’a été fait". Les hérétiques, en revanche, en font un substantif et traduisent : "Sans lui a été fait le néant", c’est-à-dire la création visible, matérielle et donc périssable. Preuve, au passage, de leur dualisme. Mais ce n’est pas ce qui nous importe ici. Laissons la parole à Durand : "Certains estiment que ce mot ‘nichil’ signifie quelque chose, à savoir quelque substance corporelle et incorporelle et toutes les créatures visibles ; <b>ainsi les manichéens, c’est-à-dire les actuels cathares qui habitent dans les diocèses d’Albi, de Toulouse et de Carcassonne</b>… [<i>Quidam estimant hoc nomen ‘nichil’ aliquid significare, scilicet aliquam substantiam corpoream et incorpoream et omnes visiblies creaturas, ut manichei, <b>id est moderni kathari qui in albiensi et tolosanensi et carcassonensi diocesibus commorantur</b>.</i>]" Texte édité par Christine Thouzellier, <i>Une somme anti-cathare : le Liber contra manicheos de Durand de Huesca</i>, Louvain, 1964, p. 217. »<br />
<br />
Voilà un document, le <i>Liber contra Manicheos</i>, où se croisent les <i>cathares</i>, ou <i>manichéens</i>, des polémistes qui les nomment ainsi, et les hérétiques du traité anonyme que le <i>Liber contra Manicheos</i> présente comme traité cathare à réfuter, et dont la théologie correspond à celle d'un autre texte hérétique connu comme le <i>Livre des deux Principes</i> ! Où le <i>Liber contra Manicheos</i> devient comme un pont entre leurs ennemis, qui seuls les nomment cathares, et les hérétiques, cathares, qui eux ne se nomment jamais ainsi mais développement dans le <i>Livre des deux Principes</i>, la même théologie que les polémistes catholiques nomment donc « cathare », ou (c’est ce que signifie pour eux « cathare ») « manichéenne ».<br />
<br />
On pourrait ajouter aussi, entre autres, la <i>Summa de Cathari</i>s de Rainier Sacconi, ancien dignitaire cathare repenti entré chez les Frères Prêcheurs, contenant un paragraphe intitulé « <b>Des Cathares toulousains, albigeois et carcassonnais</b> ».
<br><br>
6) <i>Last but not least</i> des sources omises par l'émission, les <i><b>sources cathares</b></i> (qui elles, n'utilisent pas le terme "cathares" dont se servent leurs ennemis pour les stigmatiser) :
<br />
<br>
— <b>Une traduction en langue d’Oc du Nouveau Testament</b> (conservée à Lyon — début XIVe ; redécouverte en 1883 et éditée en 1887 par Léon Clédat - auparavant, en 1785, l'abbé Sauvage d'Alès connaissait déjà le manuscrit appartenant à Jean-Julien Trélis - cf. Michel Jas, in <i>Cathares et protestants</i>) ; texte si évidemment chrétien qu’on pourrait hésiter à le considérer comme cathare, si ce n’était le Rituel occitan (dit de Lyon) qui l’accompagne, lui-même semblant si peu « dualiste » qu’on pourrait aussi s’interroger, si son équivalent liturgique en latin (dit de Florence, où il a été redécouvert) n’accompagnait un traité intitulé éloquemment <i>Livre des deux Principes</i>.<br />
<br />
— <b>Deux traités de théologie :<br />
</b><br />
- <b>Le <i>Livre des deux Principes</i></b> (XIIIe s. ; redécouvert et édité en 1939 par Antoine Dondaine, o.p., à Florence ; publié et traduit en <i>Sources chrétiennes</i>) (texte en latin, accompagné d’un rituel) ;<br />
- <b>Le « traité anonyme »</b>, reproduit pour réfutation. <br />
<br />
— <b>Trois Rituels</b>, dits :<br />
<br />
- <b>de Lyon</b> (occitan), annexé au Nouveau Testament occitan ;<br />
- <b>de Florence</b> (latin), annexé au <i>Livre des deux Principes</i> ;<br />
- <b>de Dublin</b> (conservé à Dublin, redécouvert et édité en 1960 par Théo Vanckeler) — avec éléments d’accompagnement, ou de préparation, en l’occurrence une glose du <i>Pater</i>, outre notamment une <i>Apologie de la vraie Église de Dieu</i>.<br />
(Trois rituels auxquels on pourrait ajouter cet équivalent bogomile qu'est le <i>Rituel bosniaque de Radoslav</i>.)
<br>
<br />
Ces textes émanent, depuis différents lieux, de ceux que les sources catholiques appellent cathares : des rituels équivalents suite à un Nouveau Testament et suite à un traité soutenant le dualisme ontologique, tout comme le soutient aussi le traité cathare anonyme donné dans un texte catholique contre les cathares !… Textes suffisamment éloignés dans leur provenance (Occitanie, Italie), et dont la profondeur de l’élaboration implique un débat déjà nourri antécédemment au début XIIIe où apparaît le « traité anonyme ».<br />
<br />
À quoi on pourrait ajouter :<br />
<br />
— <b>Deux versions latines de l’<i>Interrogatio Iohannis</i></b>, (XIIIe s.) texte bogomile présent dans les registres occidentaux de l’inquisition concernant les "hérétiques" / i.e. invariablement les cathares (avec fragments bulgares du XIIe s.),<br />
- <b>une conservée à Vienne</b> (témoin le plus ancien, édité depuis 1890) annexée à un Nouveau Testament en latin,<br />
- <b>l’autre trouvée à Carcassonne</b> (éditée dès 1691).<br />
<br />
Ces textes sont édités (outre plusieurs éditions savantes, notamment aux <i>Sources chrétiennes</i> ou dans <i>Archivum Fratrum Praedicatorum</i>) en français in René Nelli – Anne Brenon, <i>Écritures cathares</i>, éd. du Rocher.<br />
Voir aussi, dans le dernier livre d'Anne Brenon, <i>Les cathares</i>, éd. Ampelos, 2022, en traduction plus récente, p. 241 sq., "Les textes cathares originaux".
<br>
<br>
<div style="text-align: center;">*</div><br />
<br />
Le colloque de Carcassonne-Mazamet (2018) <i>Aux sources du catharisme</i> (jamais mentionné par l'émission) présidé par l’historien Peter Biller, qui marque une volonté de retour aux sources (au-delà de la phase hypercritique), débouche sur un accord pour considérer qu’un "catharisme" existe bien, au moins au XIIIe siècle pour l’Occitanie.<br />
<br />
Cela dit, il convient de noter l’évolution terminologique : l’apologétique protestante, à partir du XVIe siècle, préfère le terme régional « albigeois », pour éviter la connotation manichéenne de « cathares » ; puis contre les protestants revendiquant cette ascendance, l’apologétique catholique (Bossuet, 1688) reprend le médiéval « cathares » en synonyme de l’équivalent « manichéens » ; puis l’historien protestant strasbourgeois Charles Schmidt concède la réalité dualiste de l’hérésie et emploie pour sa part comme synonymes les termes « cathares ou albigeois » (1849) – le fait qu’il enseigne à Strasbourg (à la faculté de théologie protestante) a induit depuis quelques années, de façon un peu rapide, l’idée que le terme « cathares » aurait été au Moyen Âge exclusivement rhénan. Le pasteur Napoléon Peyrat reprend le terme « albigeois » (1870). <br />
<br>
Au XXe siècle, alors que la norme universitaire incontestée jusqu'à Nelli et Duvernoy (années 1960-1970) est que les cathares sont une secte importée d'Orient, remontant aux manichéens, ou à la gnose, ou au marcionisme, via une généalogie précise, passant par les pauliciens d'Arménie, etc., s’imposent, pour désigner ces chrétiens médiévaux-là, les termes « cathares », voire parfois simplement « manichéens » (par ex. Runciman) (ces termes sont par ailleurs revendiqués par les néo-cathares) ; cela jusque dans les années 1980-1990, où réapparaît le terme désignant souvent les cathares au Moyen Âge : « hérésie », qui tend à s’imposer en parallèle avec un retour d’ « albigeois ». Les deux dernières décennies renouent avec le mot médiéval cathares, fût-ce, usant de guillemets, en mettant en cause leur existence en ignorant nombre de sources, en "déconstruisant" d'autres de façon hypercritique, attitude correspondant au choix de l'émission de France culture.<br />
<br>
<br /><div style="text-align: right;">RP, 22.09.23</div>
<br><br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-5872165071626458322023-09-17T09:54:00.005+02:002023-09-17T09:55:07.895+02:00Chana tova !<br>
<div class="separator" style="text-align: center; "><img alt="" border="0" width="560" data-original-height="1024" data-original-width="768" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjoM3QcsDOJPS8gJ5SQhZ2pyYxQXyD_9sIjCguGuUs4SCoe7lh_MWx_bZVBZAV3ZG_cRyweEXeqoA_fZJhOb2tpJ1bhxxhZ6rMvj4Gdcp8K8myJDDU_6Yy4N-euVkld_YQ8aTHSzcF7_te1eWWcqoCtoGca46OfjLt6kabL9Eenjb70FaJAJNg5_7-Vbgg/s1024/Affiche-def2-768x1024.jpg"/><br></div>
<br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-38495129958104139312023-09-01T09:00:00.000+02:002023-09-08T09:16:15.782+02:00Ne reste que la gratitude
<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="792" data-original-width="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj0TqETVU-lKBp_L_pjBr_b7Uru4s4s5O4r-qFLBTWnCbryOgfv7FjibLyYhQErZn-LZgEN7Rxdje7h7rs74HyqeAbYHnQb7LeH404cIbijfszNDhbFTOYsJE72sM6mWVFTa22XJnshIF-rPZh30Il_TfqRqLL34c8gLXry9pbItmevDA28yHDCPK_fxJU/s792/Niphsi.jpg" title="photo : Niphsi" width="560" /></div>
<br /><br />
<i>
« Nous sommes tous au fond d’un enfer dont chaque instant est un miracle. »</i> (Cioran, <i>Le mauvais démiurge</i> - aphorisme final -, <i>Œuvres</i> p. 1259.)<br />
Éblouissement de l’existant (il y a quelque chose et non pas rien !) — mais un existant miraculeux atrocement griffé par le mal ; du mal métaphysique au mal moral. Vocation de l’humain : réparer le monde, faire apparaître le bien comme transfiguration — <i>« vous aviez pensé me faire du mal, Dieu l’a pensé en bien »</i> (Gn 50, 20), terme du récit de la Création / Genèse.
<br /><br /><div style="text-align: right;">RP</div>
<br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-78618297695739167772023-08-22T14:40:00.007+02:002023-08-31T08:59:13.186+02:00Bonté et création<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img title="photo : © Kathrin Federer" border="0" data-original-height="619" data-original-width="500" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-ZMenLi-9bPejstcofglP_F-srWjmfTJLZHtjLQqanU32H_pyfQQMOIIfEA5MOvDdoMK_zgKgnWgBsFmvEtubWl6GcCWr6X74gizPF0U-Vku7GJrzsLveHPpu_nhIQIJJU7o_05p8jFlb4QFhMiHGulJAJyvuPLBR7LrYtEOP_aE9wQCx13el870SVuI/s600/tumblr_009720724ae333c4ae5129ad797223fc_2ef8e2c1_500.jpg" width="560" /></div>
<br />
<br>
<i>“La bonté ne crée pas : elle manque d’imagination ; or, il en faut pour fabriquer un monde, si bâclé soit-il. C’est, à la rigueur, du mélange de la bonté et de la méchanceté que peut surgir un acte ou une œuvre. Ou un univers.”</i> (Cioran, <i>Le mauvais démiurge</i>)
<br /><br />
La réflexion de Cioran dans cet essai, <i>Le mauvais démiurge</i>, reprend, comme son titre l’indique, un questionnement très ancien, resté incontournable, remontant aux jours où il se lisait en regard du livre biblique de la création : <i>bereshit</i> en hébreu, <i>genesis</i> en grec. <br />
Ce livre, la Genèse, se termine par cette formule : <i>“vous aviez pensé me faire du mal, Dieu l’a pensé en bien”</i> (Gn 50, 20). Terme du récit de la création, passant par la souffrance portée ici par Joseph vendu par ses frères. Méchanceté inhérente au devenir, d’où est sorti un monde dont la bonté est cachée dans la pensée de Dieu… Révélation de la formule que relit 1 Jn 4, 8 et 16, voyant dans la souffrance de Jésus quelque chose de l’ordre de celle de Joseph: “Dieu est (mystérieusement) amour”. <br />
Passage par le Cantique des Cantiques : <i>“Le monde n’avait ni valeur ni sens avant que le Cantique des Cantiques fût donné à Israël”</i> (Rabbi Aquiba), mystérieux chant d’amour qui transfigure le désir créateur (procréateur) en rêve de gratuité, désir physique éventuellement destructeur (<i>eros</i>) transfiguré en <i>agapè</i> (selon la traduction par la Bible grecque d'amour, <i>hahaba</i> en hébreu).
<br /><br /><div style="text-align: right;">RP</div><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-57604094194546103582023-07-10T10:46:00.001+02:002023-07-31T14:34:41.062+02:00Fin de partie<br>
<div class="separator" style="text-align: center; "><a href="https://rolpoup0.blogspot.com/2017/10/le-surhomme-comme-dernier-reve-du.html" target="_blank"><img title="Samuel Beckett, Fin de partie - mise en scène J.C. Sachot" border="0" width="580" data-original-height="449" data-original-width="670" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhiG0kkAjQuhBMY-53vQtdrLbpG2DBRJKH4NuouNmSturItl18w9tjEP-yfr053QvzpVX2kDM_rtw77N8_iDWBBDyELmaXPLA51JuVHzJ-wpBrgpVAFeCBZB2iuRQRpzx9pC7QZmWMQbRF6X5XPEDYNE75RMd9t8RxOmZkN4P7ZCifZDp-BCMQye78EZlY/s670/fin_de_partie.jpg"/></a></div>
<br>
<br>
<i>« Si je ne m’en vais pas le Consolateur ne viendra pas »</i> (Jean 16, 7).
<br /><br />
<i>« Quelques-uns verront le Règne de Dieu avant même leur mort »</i> (Luc 9, 27) avait dit Jésus parlant de sa Transfiguration. Et voilà que, plus tard, la venue du Règne semble différée…
<br /><br />
Voilà que dans l’Ascension, comme dans la Crucifixion, celui en qui vient le Règne de Dieu est « enlevé » (Actes 1, 2). <i>« Vous ne me verrez plus »</i>, disait Jésus de sa mort, puis <i>« encore un peu de temps et vous me verrez »</i>, disait-il de sa résurrection (Jean 16, 16). <i>« Vous ne me verrez plus »</i> — ce que confirme à nouveau l’Ascension : <i>« une nuée le déroba aux yeux des disciples »</i> (Actes 1, 9). <i>« Puis vous me verrez encore »</i> : bientôt, plus tard, la venue en gloire — dont l’espérance hors de ce temps dit qu’en ce temps, étant <i>« au milieu de vous », « le Royaume de Dieu ne vient pas de façon à frapper les regards »</i>. Aucune légitimité, donc, d’un règne d’une religion ou Église — Église de celui dont le Règne n’est pas de ce temps…
<br /><br />
La Crucifixion et l’Ascension, le départ par la mort et par l’élévation, sont tout d’abord la marque d’une absence : son élévation à la droite de Dieu n’est pas comme un déplacement qui conduirait le Christ à une droite de Dieu « géographique » ! Dieu est dans un au-delà infini : une élévation comme déplacement d’ici à ailleurs durerait indéfiniment ! Et puis Dieu est universellement présent : la « droite de Dieu » est partout, comme les cieux des cieux ne peuvent pas le contenir ! Et le Christ ressuscité emplit lui-même corporellement toutes choses.
<br /><br />
L’Ascension est un départ, déjà signifié par la Croix.
<br /><br />
Dans le départ du Christ, c’est une réalité essentielle de la vie de Dieu avec le monde qui est exprimée : son retrait, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent, il est aussi comme le Père, radicalement absent, caché.
<br /><br />
Et nous le sommes aussi, en lui : <i>« votre vie est cachée avec Christ en Dieu »</i> (Colossiens 3, 3).
<br /><br />
Pour lui, cette absence est aussi signe de son règne — de ce que l’on n’a point de mainmise sur lui —, et de quel genre est son règne. Le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée.
<br /><br />
Et voilà qu’ici-même, en tous ces signes apparemment négatifs, s’est inscrite cette promesse : <i>« il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, l’Esprit promis, le consolateur, ne viendra pas »</i> (Jean 16, 7)…
<br /><br />
<br>
<div style="text-align: right;">RP</div>
<br />
<br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-66970758699556397452023-06-01T06:43:00.002+02:002023-06-16T08:53:44.681+02:00Apocalypse / violences, fléaux, quelle espérance finale ?…<br>
<div class="separator" style="text-align: center; "><img title="Picasso - Guernica" border="0" width="580" data-original-height="900" data-original-width="1600" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8gS4htvXyKjkVljdafhXaKS2w4qPaKFQX6IDlGZyXhTifuYnVNqBoj3NqQ20nmgPS6Yrg6gdQYixOTmoWUSo9PGoghoq5e1qiejJBea2b9GhgotDN6L6V3TB7gDf4L5AtRjiHW7soNwbnmArb7L6PBazKyIGbliTq_U1ug-rkiA5UjLw2oW5w9TQF/s1600/Main_Guernica_BAT-10313.jpg"/></div>
<br><br>
<i>« Notre anxiété fait écho à celle du Voyant</i> [de l'Apocalypse] <i>dont nous sommes plus près que ne le furent nos devanciers, y compris ceux qui écrivirent sur lui, singulièrement l'auteur des</i> Origines du christianisme [<a href="http://rolpoup0.blogspot.com/2019/06/au-bout-du-renoncement-philosophique.html" target="_blank">Renan</a>]<i>, lequel eut l'imprudence d'affirmer : "Nous savons que la fin du monde n'est pas aussi proche que le croyaient les illuminés du premier siècle, et que cette fin ne sera pas une catastrophe subite. Elle aura lieu par le froid dans des milliers de siècles…" L'Évangéliste demi-lettré a vu plus loin que son savant commentateur, inféodé aux <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2023/06/superstitions-modernes.html" target="_blank">superstitions modernes</a>. Point faut s'en étonner : à mesure que nous remontons vers la haute antiquité, nous rencontrons des inquiétudes semblables aux nôtres. La philosophie, à ses débuts, eut, mieux que le pressentiment, l'intuition exacte de l'achèvement, de l'expiration du devenir. »</i> <br />
(Emil Cioran, <i>Écartèlement</i>, Gallimard, 1979, p. 60-61)<br />
<br />
<br />
Apocalypse 6<br />
<blockquote><i>Je regardai, quand l’agneau ouvrit un des sept sceaux, et j’entendis l’un des quatre êtres vivants qui disait comme d’une voix de tonnerre : Viens.<br />
Je regardai, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait avait un arc ; une couronne lui fut donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre.<br />
Quand il ouvrit le second sceau, j’entendis le second être vivant qui disait : Viens.<br />
Et il sortit un autre cheval, roux. Celui qui le montait reçut le pouvoir d’enlever la paix de la terre, afin que les hommes s’égorgeassent les uns les autres ; et une grande épée lui fut donnée.<br />
Quand il ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième être vivant qui disait : Viens. Je regardai, et voici, parut un cheval noir. Celui qui le montait tenait une balance dans sa main.<br />
Et j’entendis au milieu des quatre êtres vivants une voix qui disait : Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures d’orge pour un denier ; mais ne fais point de mal à l’huile et au vin.<br />
Quand il ouvrit le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième être vivant qui disait : Viens.<br />
Je regardai, et voici, parut un cheval d’une couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la mort, et le séjour des morts l’accompagnait. Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la terre, pour faire périr les hommes par l’épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre.<br />
Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et à cause du témoignage qu’ils avaient rendu.<br />
Ils crièrent d’une voix forte, en disant : Jusques à quand, Maître saint et véritable, tardes-tu à juger, et à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ?<br />
Une robe blanche fut donnée à chacun d’eux ; et il leur fut dit de se tenir en repos quelque temps encore, jusqu’à ce que fût complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux.<br />
Je regardai, quand il ouvrit le sixième sceau ; et il y eut un grand tremblement de terre, le soleil devint noir comme un sac de crin, la lune entière devint comme du sang,<br />
et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme lorsqu’un figuier secoué par un vent violent jette ses figues vertes.<br />
Le ciel se retira comme un livre qu’on roule ; et toutes les montagnes et les îles furent remuées de leurs places.<br />
Les rois de la terre, les grands, les chefs militaires, les riches, les puissants, tous les esclaves et les hommes libres, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des montagnes.<br />
Et ils disaient aux montagnes et aux rochers : Tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l’agneau ;<br />
car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister ?</i></blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>Dies Irae</i> (en français : <i>Jour de colère</i>), célèbre poème apocalyptique écrit en langue latine (XIIe - XIIIe s.) sur le thème du Jugement Dernier — rattaché au texte liturgique de la messe de <i>Requiem</i> :
<br /><br />
<table style="margin-left: 0px; margin-right: 0px; text-align: justify;"><tbody align="justify">
<tr><td style="padding: 0cm 05pt; width: 300px;" valign="top"><br />
<div style="text-align: right;"><i>Jour de colère, ce jour-là<br />
réduira le monde en poussière,<br />
David l’atteste, et la Sibylle.<br />
Quelle terreur nous saisira,<br />
lorsque le juge apparaîtra<br />
pour tout scruter avec rigueur !<br />
L’étrange son de la trompette,<br />
se répandant sur les tombeaux,<br />
nous jettera au pied du trône.<br />
La Mort, surprise, et la nature,<br />
verront se lever tous les hommes,<br />
pour comparaître face au Juge.<br />
Le livre alors sera produit,<br />
où tous nos actes seront inscrits ;<br />
tout d’après lui sera jugé.<br />
Lorsque le Juge siégera,<br />
tous les secrets apparaîtront,<br />
rien ne restera impuni.<br />
Dans ma misère, alors, que dire ?<br />
Quel protecteur vais-je implorer,<br />
quand le juste est à peine sûr ?<br />
Roi de majesté redoutable,<br />
qui sauves les élus par grâce,<br />
sauve-moi donc, source d’amour.<br />
Rappelle-toi, Jésus très bon,<br />
c’est pour moi que tu es venu,<br />
ne me perds pas en ce jour-là.<br />
À me chercher tu as peiné,<br />
Par ta Passion tu m’as sauvé,<br /></i></div></td><td style="padding: 0cm 20pt; width: 350px;" valign="top"><br />
<div style="text-align: left;"><i>qu’un tel labeur ne soit pas vain !<br />
Tu serais juste en condamnant,<br />
mais accorde-moi ton pardon<br />
avant que j’aie à rendre compte.<br />
Vois, je gémis comme un coupable<br />
et le péché rougit mon front ;<br />
mon Dieu, pardonne à qui t’implore.<br />
Tu as absout Marie de Magdala<br />
et exaucé le malfaiteur sur sa croix ;<br />
tu m’as aussi donné espoir.<br />
Mes prières ne sont pas dignes,<br />
mais toi, si bon, fais par pitié,<br />
que j’évite le tourment.<br />
Parmi tes brebis place-moi,<br />
me gardant des boucs<br />
et m’élevant à ta droite.<br />
Si les méchants, couverts de honte,<br />
sont voués au tourment,<br />
appelle-moi en bénédiction.<br />
En m’inclinant je te supplie,<br />
le cœur broyé comme la cendre :<br />
prends soin de mes derniers moments.<br />
Jour de larmes que ce jour là,<br />
où surgira de la poussière<br />
le pécheur, pour être jugé !<br />
Daigne, mon Dieu, lui pardonner.<br />
Bon Jésus, notre Seigneur,<br />
accorde-leur le repos. <br>Amen.</i></div></td></tr>
</tbody></table><br />
<br />
<br /><div style="text-align: center;"><iframe allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/L_NYuAU2FwQ" title="Verdi : Dies Irae ( from Requiem) - Valery Gergiev"" width="580"></iframe></div>
<br /><br />
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<br /><br />
<a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023
<br /><br />
<b>Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous
</b><br /><br />
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<br />
Église protestante unie de France / 2022-2023<br />
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)<br />
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)<br />
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)<br />
Apocalypse / temps des nations, violences, fléaux (Apocalypse 6), quelle espérance finale ?…<br>
Poitiers : 6 juin ; Châtellerault : 27 juin
<br /><br /><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-71289767032770587682023-05-02T10:23:00.006+02:002023-05-09T20:21:07.838+02:00Actes 27 / Vers l’Empire romain converti<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="570" data-original-width="543" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgFZaIWvweB077B3YzYp58ne89IZellQGzoqch5fSRyxN2LCSHc_5pwev65xfXbp_nTl2KVEWhm8ho2QJ8wNESw6KO5hLa9u4y32OIUymeS9oD0Zcl6kqgNGG3WLuEqrMtKH5IZtMQkwq2s6Wk3-HcGkmGTZPHyYP9NhX1uFBIuRHcOysjKKCQvhowS/s600/Sculpture%20sur%20le%20portail%20Sainte-Godeberthe%20-%20Cathe%CC%81drale%20Notre-Dame%20de%20Noyon.jpg" title="Sculpture sur le portail Sainte-Godeberthe - Cathédrale Notre-Dame de Noyon" width="580" /></div>
<br /><br />
Voir <b><a href="https://docs.google.com/document/d/1mFoKQnaO8na4j8c7MnXRuSrKx_wKV3Gk2K2CjtdErsc/edit?usp=sharing" target="_blank">ICI</a></b> les questions proposées par Patricia.
<br /><br /><br />
Pour introduction, lire Actes des Apôtres, ch. 27…
<br /><br /><br /><span style="font-family: courier;">
Actes 27… Au cœur d'une violente tempête, où est passé le capitaine ? C’est Paul, prisonnier, captif de l’armée romaine, qui prend les commandes !
<br /><br />
Le livre des Actes des Apôtres parle d’un commencement de la mission, d'un envoi des Apôtres comme <i>« témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »</i> (Ac 1, 8). Le livre se termine à Rome, où l’Apôtre Paul est conduit en bateau comme prisonnier. Un bateau pris dans une tempête (ch. 27), où l’Apôtre se retrouve en position de quasi-capitaine ! maîtrisant les flots déchaînés, nourrissant les passagers et l’équipage avant de les amener à terre sains et saufs. Étrange préfiguration d'un monde romain en perdition conduit par les témoins du Christ. On est quelques siècles avant la conversion de l’Empire romain au christianisme (313), Nouveau départ de l'extension vers les extrémités de la terre de ce qui deviendra la Chrétienté, via croisades, expansion et colonies… Une extension pour un indubitable adoucissement du monde — via des violences inouïes et des humiliations à l’opposé du message du Christ, qui ont accompagné cette extension. Cf. <a href="https://bibliotheque-russe-et-slave.com/Livres/Dostoievski%20-%20Le%20Grand%20Inquisiteur.pdf" target="_blank">la légende du Grand Inquisiteur de Fiodor Dostoïevski</a> in <i>Les frères Karamazov</i>…
<br /><br />
Actes 27, 9-12 : <i>« […] il devenait désormais dangereux de naviguer, puisque le Jeûne [Yom Kippour — septembre : Paul est juif et Actes un texte juif] était déjà passé. Paul a voulu donner son avis : "Mes amis, leur a-t-il dit, j’estime que la navigation va entraîner des dommages et des pertes notables non seulement pour la cargaison et le bateau, mais aussi pour nos personnes." Le centurion néanmoins se fiait davantage au capitaine et au subrécargue [i.e. l’agent de l’affréteur du navire] qu’aux avertissements de Paul [et on peut le comprendre ! Paul, un prisonnier : de quoi se mêle-t-il ?!]. Comme le port, en outre, se prêtait mal à l’hivernage, la majorité a été d’avis de reprendre la mer »</i>.
<br /><br />
Et voilà que plus loin, dans le texte que nous avons entendu, c’est carrément le prisonnier qui prend les commandes. Annonce d’un monde nouveau et pas prise de pouvoir — Paul reste un prisonnier, qui annonce : <i>« aucun d’entre vous n’y laissera la vie ; seul le bateau sera perdu »</i> (ch. 27 v. 22). Condamnés ou sauvés tous ensemble, pour traverser la même tempête, dans le même bateau provisoire. Rassasiés par un même pain rompu, comme au jour de la Pâque, pour la traversée de la mer au jour de l’Exode, la traversée de la mort au jour de la croix : Paul <i>« prit du pain, rendit grâce à Dieu en présence de tous, le rompit et se mit à manger. Tous alors, reprenant courage, s’alimentèrent à leur tour »</i> (ch. 27 v. 35-36).
<br /><br />
Tous dans le même bateau, Actes 27, 30-32 : <i>« comme les marins, sous prétexte de s’embosser [s’attacher] sur les ancres de l’avant, cherchaient à s’enfuir du bateau et mettaient le canot à la mer [i.e. pour se sauver seuls !], Paul a dit au centurion et aux soldats : "Si ces hommes ne restent pas à bord, vous, vous ne pourrez pas être sauvés. Les soldats ont alors coupé les filins du canot et l’ont laissé partir." »</i> Écho à nouveau dans l’Épître aux Hébreux (ch. 12 v. 14) : <i>« sans la sanctification, nul ne verra le Seigneur »</i> — la sanctification des uns vaut ici pour tous : sans elle, personne ne verra le Seigneur…
<br /><br />
Plus loin, au livre des Actes, ch. 27 v. 41-44 : <i>« tandis que la poupe se disloquait sous les coups de mer, les soldats ont eu alors l’idée de tuer les prisonniers, de peur qu’il ne s’en échappe à la nage. Mais le centurion, décidé à sauver Paul, les a empêchés d’exécuter leur projet ; il a ordonné à ceux qui savaient nager de sauter à l’eau les premiers et de gagner la terre. Les autres le feraient soit sur des planches soit sur des épaves du bateau. Et c’est ainsi que tous se sont retrouvés à terre, sains et saufs. »</i> — Saufs ! Sauvés ! Tous…
<br /></span><br />
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<br /><br />
<a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023
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<b>Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous
</b><br /><br />
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<br />
Église protestante unie de France / 2022-2023<br />
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)<br />
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)<br />
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)<br />
Actes / Mission -> vers l’Empire romain converti -> Chrétienté, croisades, expansion et colonies.<br />
Poitiers : 9 mai ; Châtellerault : 23 mai
<br /><br /><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-3612358424925596692023-04-11T22:38:00.017+02:002023-05-08T18:04:59.403+02:00Luc 21 et parallèles / l’Empire romain ennemi – an 70<br /><div style="text-align: center;"><img src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgVRz14mVpviR-tZg9zrXzfpcglEPSKXD1xENRFD27TRXCpezRpM3WcpnzvL8cBfMx_698Harq-zKsN5-YmUr2NCrKpyn4tf_A6IP5gWlJGog_LPOhxZYdboCw_geGc-chLuMhmuB5Mhqw/s640/Pieter+Brueghel+l%2527Ancien+-+Le+Triomphe+de+la+Mort.png" title="Pieter Brueghel l'Ancien - Le Triomphe de la Mort" width="580" /></div>
<br />
<br />
Pour introduction, lire Luc 21…
<br /><br />
<span style="font-family: courier;"><i>« Lorsque vous verrez Jérusalem investie par des armées, sachez alors que sa désolation est proche… En ces jours-là il y aura une grande détresse dans le pays, et de la colère contre ce peuple »</i> (Luc 21, 20 & 23).
<br /><br />
Voilà qui renvoie à des perspectives bien sombres, celles qu’annonçait la prophétie de Sophonie, ch. 1, v. 15 : <i>« Jour de colère que ce jour, jour de détresse et d’angoisse, jour de désastre et de désolation, jour de ténèbres et d’obscurité, jour de nuée et de sombres nuages »</i>. La suite <b><a href="https://rolpoup2.blogspot.com/2018/12/dies-irae-jour-de-colere.html" target="_blank">ICI…</a></b>
<br /><br />
Perspective tragique pour laquelle Jésus pleure (Luc 19, 41).
<br /><br />
<i>« Les hommes rendront l’âme de terreur dans l’attente de ce qui surviendra pour la terre ; car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venant sur une nuée avec puissance et une grande gloire. »</i> (Luc 21, 26-27)
<br /><br />
Quelques jours après, propos de Jésus : <i>« Désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu. »</i> (Luc 22, 69). Propos qui servira de prétexte à sa condamnation : <i>« Alors ils dirent : Qu’avons-nous encore besoin de témoignage ? Nous l’avons entendu nous-mêmes de sa bouche »</i> (Luc 22, 71). À suivre <b><a href="https://rolpoup2.blogspot.com/2023/04/des-tenebres-sur-toute-la-terre.html" target="_blank">ICI…</a></b>
<br /><br /></span><div style="text-align: center;"><span style="font-family: courier;">*</span></div><span style="font-family: courier;"><br />
Contre la violence guerrière et persécutrice, le prophète Zacharie appelait à percevoir l’intervention divine — <i>« ni par la puissance ni par la force, mais par mon Esprit, dit le Seigneur des armées »</i> (Za 4, 6). Voir <b><a href="https://rolpoup2.blogspot.com/2019/04/il-vit-la-ville-il-pleura-sur-elle.html" target="_blank">ICI…</a></b>
<br /><br /></span><div style="text-align: center;"><span style="font-family: courier;">*</span></div><span style="font-family: courier;"><br />
<i>« Quand ces choses commenceront à arriver, redressez-vous et levez vos têtes, parce que votre délivrance approche »</i> (Luc 21, 28).
<br /></span><br /><br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="828" data-original-width="684" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjAsednOv39wqByUalhtw20CLbKB6z-RjFt4Xw4mUs05ZfbFwM_WDVQHcLsH8eAhv--LrDnGXnLpYR_BUUxoeewg1zR7txPt0QyKrZvpKh_tzGfG9tAmxsv-ISBZ56zpokIvFxCM_5bEaLmsOJOZUnXr--UmBf8ePc6SFyNSM5AegCYl8ZyPQdRfXxs/s828/%E2%80%9CTu%20sais%20ce%20qu%27on%20doit%20faire%20%3F%20On%20doit%20foutre%20le%20camp%20de%20l%C3%A0,%20c%27est%20ce%20qu%27il%20faut%20faire.%E2%80%9D.png" title="“Tu sais ce qu'on doit faire ? On doit foutre le camp de là, c'est ce qu'il faut faire.”" width="580" /></div>
<br /><br />
_____________________________
<br /><br />
<a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023
<br /><br />
<b>Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous
</b><br /><br />
<img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4___ohb7Zbc9OvMww8pbN6jHYRQytrTsG6rwIFOK0HWQee-ehsuHNI8V0tuYhfqie_RNRE3gnWvDyIvCNItacMKiOyZKMu35HwJCPi0_i-2LEVqEU7jsbTN2CWJQ3jZBcxlxo9oalEdYnWL_9Ndu16tey1ZLeXB8eVSvcbQ1NBdFvwYS7rtEgp4h0/s750/flat,750x1000,075,f.jpg" width="230" /></a><br />
<br />
Église protestante unie de France / 2022-2023<br />
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)<br />
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)<br />
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)<br />
Luc 21 et parallèles / l’Empire romain ennemi – an 70 <br />
Poitiers : 11 avril ; Châtellerault : 25 avril
<br /><br /><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-64673098414253427902023-04-01T10:00:00.001+02:002023-05-26T18:35:14.070+02:00Violence et guerres<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><img title="Giuseppe Cesari - L'archange Michael et les anges rebelles (ca. 1592)" border="0" class="placeholder" data-original-height="599" data-original-width="600" id="23dc9893d516f" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjLuesQX6bNXQ2O6AkR2VBP5jvZyyXsgWuxzSOB09wTfxTl7Li__ROPsQEiXa1o7rLjWghQOdwGAClc8PEOc_jLkAAHdFBJfuN56DkU57RN-tUpxELAbQxrtAlFVPLem2hTOy-dwojTCTsV68NswJLeuPcGA4x9iCK9kkT_EF0DAh95_pRspJEUni01/s1378/WIKI-San_Michele_2.jpg" width="580" /></div>
<br /><br />
<i>Violence et guerres : la Bible, l'Histoire et nous</i>… Nos études bibliques nous conduisent cette année à des moments bibliques de violence, ouvrant la question : est-ce une bonne chose que cette Création, celle de l’homme en particulier ? — l’homme dont Dieu s’est repenti de l’avoir créé (Gn 6, 6) ! Au plus aigu, cet atroce épisode relaté en Juges 19 — une femme dont on ne sait pas le nom violée à mort collectivement avant d’être démembrée. Ce récit ancien qui résonne tant avec notre actualité nous pose cruellement la question : cette Création valait-elle le coup ?
<br /><br />
Aux origines, avant l’humain : <i>« Que la lumière soit ! Et la lumière fut… Jour Un »</i> (Gn 1, 3). Un débat a existé chez les maîtres du judaïsme pour savoir si le premier moment de la Création est au v. 2 de Genèse 1, ou au verset 3 : <i>« Que la lumière soit ! »</i>… le v. 2, le <i>tohu-bohu</i>, étant alors le substrat posé par Dieu, relevant donc déjà de sa Création, en vue de la Création.
<br /><br />
Un substrat qui pourrait résonner, lui, pour un moderne, avec les 13, 8 milliards d’années depuis le Big bang et avec un univers observable qui compte quelques 2 000 milliards de galaxies de centaines de milliards d'étoiles. Notre seule galaxie, la Voie lactée, une seule de ces 2 000 milliards de galaxies, ayant une extension de l’ordre de 100 000 années-lumière, on perçoit les étoiles lointaines de notre seule galaxie comme elles étaient il y a 100 000 ans. Une parmi les centaines de milliards d’étoiles de cette galaxie parmi 2 000 milliards d’autres, le soleil est l’étoile autour de laquelle tourne la terre.
<br /><br />
Voilà qui met les choses en perspective, et qui semble bien vertigineux ! On pourrait se dire que tout ça est le fait du hasard, que la vie terrestre est un mini-bouillon de culture hasardeux… débouchant sur une civilisation humaine.
<br /><br />
Une tradition du judaïsme envisage qu’avant d’en venir à la Création que nous connaissons, Dieu aurait fait une série d’essais finalement non concluants. Parmi ces essais, certains modernes placent par exemple les dinosaures… On pourrait y voir aussi les 13, 8 milliards d’années de l’univers !… Avec « en amont » en quelque sorte, tous les possibles jamais advenus. La théologie médiévale affirmait que Dieu connaît de toute éternité tous les possibles, même ceux qui ne sont jamais advenus et ceux qui n’adviendront jamais… Et, donc, de toute éternité, il sait aussi l’horreur des violences rapportées par la Bible, l’actualité, ou l’Histoire…
<br /><br />
Le vertige d’un univers immense et chaotique, l’absurde d’un monde trop souvent chargé de violences, causées par les hommes, ou par des hasards naturels, comme le tremblement de terre en Turquie et en Syrie vient de nous le rappeler, nous mettent décidément devant la lancinante question : cela valait-il le coup ?
<br /><br />
Si Dieu connaît tous les possibles, quid de ce monde ? Que fait-il ? Où est-il ? Existe-t-il comme source du bien, finalement ? La mystique juive envisage l’idée qu’il s’est retiré pour que le monde soit. Avec tout le risque de l’infiltration du mal qui est dans ce retrait. Sa connaissance de tous les possibles aurait donc jugé que quelque chose de l’ordre de la beauté et de la lumière valait que ce risque soit pris… Retiré mais présent…
<br /><br />
Où est-il alors ? On connaît la remarque d’Élie Wiesel à Auschwitz : il est avec cet adolescent pendu par les nazis… Écho au serviteur souffrant du livre d’Ésaïe et, pour les chrétiens, à sa présence dans le Crucifié ; et — peut-être est-ce le message silencieux de Juges 19 —, ce Dieu dont on ne saurait prononcer le Nom au-dessus de tout nom est dans la souffrance de la femme anonyme… Dieu rachetant en pleurant, en s’identifiant à elle, ce monde dont il a jugé que sa possibilité était préférable aux ténèbres du non-être. Ce monde de douleur appelé encore aujourd’hui à une vie par laquelle un seul instant de lumière est chargé de la possibilité d’un <i>Oui</i> quand même… <i>« Choisis la vie »</i> (Deut 30, 9).
<br /><br />
<div style="text-align: right;">RP</div><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-91074900829130888162023-03-12T17:51:00.004+01:002023-04-01T23:21:32.304+02:00Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel / Assyrie, Babylone, empires et exils
<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="393" data-original-width="559" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiBrF7mRwhncDg86k-7JeT5laQa2CiLxKHGCkIqIWmzJpoiAyhDU9UEZ0AI1KwvJ0aaMctxNKztXykO1Qx91Ybp12zlM4Ga-Orz_Lsqnyze_b6b-bSxECuSyj61Wi9IMGLMT838rTOmIX71q94SkD2ijeIHp_ggH57a03Tl7Wa8y77VNensMT0_UJM6/s600/chagall%20-%20proph%C3%A9tie%20d%27%C3%A9sa%C3%AFe.jpg" title="Marc Chagall - La prophétie d'Ésaïe" width="580" /></div>
<br /><br />
Au terme d'un parcours qui commence aux deux premiers livres de la section des Prophètes de Bible hébraïque, Josué et Juges, que l'on a considérés précédemment ; après l'instauration de la royauté, puis la division en deux royaumes — et après le déroulement de ce qui s'avère finalement un échec, les deux royaumes prennent fin par l'exil : sous le pouvoir assyrien en 722 av JC pour Samarie, capitale du royaume du Nord (Israël / Ephraïm), et, pour le Royaume du Sud, Juda, avec Jérusalem pour capitale, sous le pouvoir babylonien — selon la tradition juive le 9 du mois d'Av 586 av. JC.
<br /><br /><br>
Cf. le document préparatoire proposé par Patricia Verissimo Sacilotto —
<a href="https://drive.google.com/file/d/1C_xYfwDOBIrQ-W1gR17sVllEBhrkZb94/view?usp=sharing" target="_blank">(clic sur l'image)</a> :<br /><br>
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://drive.google.com/file/d/1C_xYfwDOBIrQ-W1gR17sVllEBhrkZb94/view?usp=sharing" style="display: block; padding: 1em 0px; text-align: center;" target="_blank"><img title="Destruction du Temple de Jérusalem” par Francesco Hayez" border="0" data-original-height="909" data-original-width="637" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiG-tpg2tKO-Ib1lvFYCIX1ys8h9U5y74dB77pn6-C0G4wAqp1NDx5pt249oBKzg8NxraMkU5w5P3spOzb6Mt2FKRIvgNFqUd6fYLAim1QYTTf3VQjtN9iYXbrWHw7LMRtCJQ-qmGhcpnVkBmq1TJpHOct3pcRj8yczKaxry-3Jp1LbxXv-G53cPzmd/s729/Francesco_Hayez_017-729x486.jpg" width="580" /></a></div>
<br /><br />
Cf. aussi, proposition d'interprétation en regard de la relecture par le livre de Daniel (ch. 9) :
<br /><br /><span style="font-family: courier;">
Soixante-dix années sabbatiques, années de repos de la terre surexploitée, n’ont pas été respectées. L’exil correspond au temps qu’il faut pour rendre à la terre son dû, le temps de repos qui lui a manqué. Soixante-dix ans. Soit, puisque les années sabbatiques intervenaient tous les sept ans, les années sabbatiques d’une période de 490 ans… La suite <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2020/10/et-si-esaie-ne-parlait-pas-de-cyrus.html" target="_blank"><b>ICI</b></a>.
<br /></span><br /><br />
_____________________________
<br /><br />
<a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023
<br /><br />
<b>Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous
</b><br /><br />
<img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4___ohb7Zbc9OvMww8pbN6jHYRQytrTsG6rwIFOK0HWQee-ehsuHNI8V0tuYhfqie_RNRE3gnWvDyIvCNItacMKiOyZKMu35HwJCPi0_i-2LEVqEU7jsbTN2CWJQ3jZBcxlxo9oalEdYnWL_9Ndu16tey1ZLeXB8eVSvcbQ1NBdFvwYS7rtEgp4h0/s750/flat,750x1000,075,f.jpg" width="230" /></a><br />
<br />
Église protestante unie de France / 2022-2023<br />
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)<br />
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)<br />
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)<br />
Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel / Assyrie, Babylone, empires et exils (cf. Daniel 9)
Poitiers : 14 mars ; Châtellerault : 28 mars
<br /><br /><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-27198976846788946272023-02-19T12:19:00.007+01:002023-04-09T17:20:55.642+02:00Juges / de l'espérance au chaos - dépeçage et guerre civile<br>
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="582" data-original-width="700" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiXfcGzjcAH95kXYRb8bFHhAt6VIH9VX_-LyU9bPxzce34QwV5l18UtbqFZlMry5VqipKPs3JwTioQ7DdAc6E5VW-BUmwf-_bHxApEyo2HCjRaX7U1iBzhR1fbBtJjocdhj2ucM6WsRG9x558sJnCrweKXF4m7v8U3N8Sc_tU54_F88n4z9ZJNrn_np/s700/La%20femme%20du%20L%C3%A9vite%20viol%C3%A9e,%20Gustave%20Dor%C3%A9.jpg" title="Gustave Doré - La femme du Lévite violée" width="580" /></div>
<br /><br />
Au terme du livre des Juges, allant de l'espérance conçue lors de l'entrée en Terre promise au choas inouï sur lequel débouche cette espérance échouée, ce récit, au ch. 19, moment culminant du pire parmi le pire d'une société détructurée : un viol collectif jusqu'à la mort d'une victime anonyme, débouchant <i>via</i> son démembrement sur une guerre civile vengeresse, vengeance que ce ch. 19 <a href="https://rolpoup2.blogspot.com/2023/02/vous-avez-entendu-quil-ete-dit.html" target="_blank">nous donne à comprendre !</a> Quasi extermination de la tribu des coupables, moment sans issue du <i>lite motive</i> "en ce temps-là, il n'y avait pas de roi en Israël, chacun faisait ce qu'il voulait", ouvrant vers le pis-aller de l'instauration de la monarchie au livre suivant (1 Samuel).
<br /><br />
Pour travail préparatoire, cf. parmi les textes d'introduction proposés par Patricia Verissimo Sacilotto (qui présente l'étude biblique de ce mois), le livre de Corinne Lanoir, <i>Femmes fatales, filles rebelles : figures féminines dans le livre des Juges</i>, Labor et Fides, 2005.
<br>
<br /><br /> Voir aussi, texte suggéré par J.-P. Sanfourche :
<br><br> <a href="https://drive.google.com/file/d/1BJW38VK4mw3zi2O13XMrcpt41mszb3RP/view?usp=sharing" target="_blank">Sébastien Doane, "Gang bang et démembrement. Quatre lectures de Juges 19"</a>, <i>Science et Esprit</i>, 66/2 (2014)
<br>
<br /><br />
Voir aussi <a href="https://rolpoup2.blogspot.com/2023/02/vous-avez-entendu-quil-ete-dit.html" target="_blank"><b>ICI</b></a> :
<br /><br /><span style="font-family: courier;">
Écho au serviteur souffrant du livre d’Ésaïe et, pour les chrétiens, à la présence du Dieu invisible dans le Crucifié ; — peut-être est-ce le message silencieux de Juges 19 — : ce Dieu dont on ne saurait prononcer le Nom au-dessus de tout nom est <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/03/violence-et-guerres.html" target="_blank">dans la souffrance de la femme anonyme</a>… Dieu rachetant en pleurant, en s’identifiant à elle, ce monde dont il a jugé que sa possibilité était préférable aux ténèbres du non-être. (-> <a href="https://rolpoup2.blogspot.com/2023/02/vous-avez-entendu-quil-ete-dit.html" target="_blank">Suite</a>)…
<br /></span><br /><br />
_____________________________
<br /><br />
<a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023
<br /><br />
<b>Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous
</b><br /><br />
<img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4___ohb7Zbc9OvMww8pbN6jHYRQytrTsG6rwIFOK0HWQee-ehsuHNI8V0tuYhfqie_RNRE3gnWvDyIvCNItacMKiOyZKMu35HwJCPi0_i-2LEVqEU7jsbTN2CWJQ3jZBcxlxo9oalEdYnWL_9Ndu16tey1ZLeXB8eVSvcbQ1NBdFvwYS7rtEgp4h0/s750/flat,750x1000,075,f.jpg" width="230" /></a><br />
<br />
Église protestante unie de France / 2022-2023<br />
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)<br />
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)<br />
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)<br />
Juges / de l'espérance au chaos (cf. ch. 19-20 - dépeçage et guerre civile). Vers la royauté : désordre quand même (cf. 2 Samuel 24 / 1 Chroniques 21 – David - le guerrier et la peste)
<br /><br /><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-937819857149956992023-01-14T09:57:00.020+01:002023-03-12T18:02:20.024+01:00"Josué / la conquête : épopée et relectures" <br>
<div class="separator" style="text-align: center; "><img title="Carlo Maratta - Josué arrête la course du soleil" border="0" width="580" data-original-height="6466" data-original-width="5198" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi-ToX-fKQdlFA3NefmSGLpXa1Zyg8OHyeutSGHrlydf6LeaqtyyOavUjxOI9YpGW8JBKIZGMHE83kQvolaYD8kVs6DDQFlRhtSODvt2Yg2zw2HlDkp78ynMnQE75bJxDEAPyyjOAeyJH4gfHoOuKIEp1k6MBxvdGgSdMPQIEhG0BgV3fD1l7h35Mqz/s600/Collection_Motais_de_Narbonne_-_Josu%C3%A9_arr%C3%A8te_la_course_du_soleil_-_Carlo_Maratta.jpg"/></div>
<br><br>
Pour travail préparatoire,
Josué 1 et Deutéronome 7, 1-5
<br><br>
Cf., proposé par Patricia Verissimo Sacilotto (qui présente l'étude biblique de ce mois) :
<br><br>
Par rapport au thème de la guerre :
<br><br>
<a href="https://www.academia.edu/20358218/T_R%C3%B6mer_La_guerre_dans_la_Bible_h%C3%A9bra%C3%AFque_entre_histoire_et_fiction_in_J_Baechler_ed_Guerre_et_religion_LHomme_et_la_Guerre_Paris_Hermann_2015_pp_31_39">Thomas Römer, « La guerre dans la Bible hébraïque, entre histoire et fiction », in J. Baechler (ed.), <i>Guerre et religion (L'Homme et la Guerre)</i>, Paris, Hermann, 2015, pp. 31-39.
</a>
<br><br>
Il y a aussi, par exemples, des livres comme :
<br>
<i>La Bible et l'invention de l'histoire</i> de Mario Liverani (Gallimard, coll. "Folio Histoire") - voir le chap. XIV "Rapatriés et étrangers. L'invention de la conquête" notamment les points 3 et 7 ou bien Le peuple élu et les autres. <i>L'Ancien Testament entre exclusion et ouverture</i> de Thomas Römer (Éditions du Moulin), entre autres.
<br><br>
Cf. aussi, proposé par J.P. Sanfourche :
<br><br>
<a href="https://www.cairn.info/revue-transversalites-2018-4-page-23.htm" target="_blank">Thomas Römer, « Discours bibliques sur la violence ».
</a>
<br><br><br>
<div style="font-family:courier new">Sur Deutéronome 7, 1-5, voir <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/03/le-mal-que-vous-avez-concu-dieu-la.html" target="_blank"><b>ICI</b></a> :<br><br>
Après la libération éclatante de l’Exode et après 40 ans d’errance au désert, va commencer une conquête fondatrice, où <a href="https://rolpoup2.blogspot.com/2021/09/la-creation-dans-lesperance-de-sa.html" target="_blank">comme pour la douleur d'une naissance</a>, celle d’un peuple va se faire dans la violence, qui alors fait suite à la violence de la sortie du pays de l’esclavage. Il n’est dans le temps aucun peuple marquant l’histoire qui ne soit né dans la douleur, la violence et le sang. Chose atroce, mais hélas, plutôt constante. Or, même cela, selon la relecture que fait le livre de Josué après le Deutéronome, n'échappe pas à <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2013/11/dieu.html" target="_blank">Dieu</a>…
(-> <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/03/le-mal-que-vous-avez-concu-dieu-la.html" target="_blank">Suite</a>)…</div>
<br /><br /><br>
_____________________________
<br><br>
<a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023
<br><br>
<b>Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous
</b><br><br>
<img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4___ohb7Zbc9OvMww8pbN6jHYRQytrTsG6rwIFOK0HWQee-ehsuHNI8V0tuYhfqie_RNRE3gnWvDyIvCNItacMKiOyZKMu35HwJCPi0_i-2LEVqEU7jsbTN2CWJQ3jZBcxlxo9oalEdYnWL_9Ndu16tey1ZLeXB8eVSvcbQ1NBdFvwYS7rtEgp4h0/s750/flat,750x1000,075,f.jpg" width="230" /></a><br />
<br>
Église protestante unie de France / 2022-2023<br>
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)<br>
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)<br>
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)<br>
4) Josué / la conquête : épopée et relectures (cf. Josué 1 / Deut 7, 1-5)
Poitiers : 10 janvier 2023 ; Châtellerault : 24 janvier 2023
<br><br><br>
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-81817355722779466512022-12-26T10:22:00.018+01:002023-01-21T10:57:44.004+01:00Fin'amor
<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="932" data-original-width="530" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEix4Nfdpw3R_erj1wV-UAEOJhZgBhUG3YKjHmmKYt5RQvbJJZBq5w06-ogEQVMFvBajgwdWYILQJxxb9OSiDQHeHxuXUnWVdhPz6oLJebFlodF__SnxEO9Kd2FRlNcP6gGcLbgrWVnPE-UOq23I3990FYvZOXJKXQOnnPaST4Z5VMl_un2mdmYeryYV/s1513/1200px-Tristan_et_Iseut_-_la_mort_des_amants.jpg" title="Tristan et Iseut - la mort des amants (musée de Chantilly)" width="580" /></div>
<br /><br /><div style="text-align: left;">Si l’œuvre de Denis de Rougemont sur l’amour provençal, amour courtois, ou <i>fin’amor</i>, selon l’expression occitane pour “amour pur”, est grevée par la méconnaissance des cathares qui prévalait en son temps (sans compter que les troubadours n'étaient pas tous liés aux cercles cathares !), l’essentiel de sa thèse, développée à travers l’analyse du mythe de Tristan et Iseult, demeure pertinent — cf. le titre de son livre : <i>L’amour et l’Occident</i> — : l’Occident est marqué par le mythe médiéval de la passion amoureuse, qui a transformé en Occident l’amour/éros et le mariage en tendant de plus en plus à les confondre. En ignorant ce que sont les deux.
<br /><br />
Sa connaissance insuffisante des cathares (celle de son époque), qui en fait des “manichéens”, ce qu’ils ne sont pas, vient sans doute nourrir le tiraillement de Rougemont (marié) entre une passion qui l’attire et un vécu qui ne s’y confond pas, contrairement au vécu de Søren Kierkegaard — dont il nourrit sa pensée —, du fait que Kierkegaard n’a pas épousé sa bien-aimée, Régine.
<br /><br />
En France, jusqu’à tout récemment — je cite la figure clé du droit français, le doyen Jean Carbonnier : <i>“ce qui fait le mariage, ce n’est pas le couple, c’est la présomption de paternité”</i>. Autrement dit, l’institution n’a rien à savoir de l'amour, <i>a fortiori</i> de l’amour passion. Dans cette perspective, le mariage est en rapport avec la procréation potentielle.<br /><br />
Le mythe courtois a permis de dénoncer, au nom de la passion amoureuse, les mariages arrangés, en général par les parents (cf. Molière, Beaumarchais, les romantiques), appelés, donc, mariages de raison.
<br /><br />
On s’est mis à se marier “parce qu’on est amoureux”, ce qui n’est pas une raison !
<br /><br />
Dans les années 1960-1970, après la séparation théorique entre sexualité et procréation : la contraception orale (postulant une sexualité coïtale, que voulaient éviter les troubadours et parmi eux les adeptes de l’<i>assag</i>, cette épreuve de la chasteté coïtale) — la pilule, donc, ouvre une époque où, de ce fait, le mariage connaît par conséquent une désaffection : “à quoi bon si on s’aime” — i. e. “si on est amoureux”.
<br /><br />
D’étape en étape, on en est venu à considérer que le couple repose sur l’état amoureux / passionnel. Et puisqu’un tel état peut concerner deux hommes ou deux femmes, pourquoi pas aussi ces couples, concernant le mariage, qui devient donc la consécration de l’état amoureux / passionnel, ignorant que celui-ci, consommé, dure au mieux deux ou trois ans — d’où la non-consommation pour la perpétuation du désir dans la <i>fin’amor</i>.
<br /><br />
Aujourd’hui, depuis le “mariage pour tous”, la formule du doyen Carbonnier est “dépassée”, puisque la “présomption de paternité” n’a plus grand sens (en plus on a les tests adn). Ce qui fait que le mariage est devenu ce qu’il n’était pas : le climax de l’état amoureux. C’est le dernier effet, qu’il n’a pas connu à son époque, de ce qu’analyse Rougemont. Or, dit-il, le mariage n’est ni une affaire arrangée (mariage de raison), ni une affaire passionnelle (ce qu’il est devenu), mais un “saut”, un engagement “en vertu de l’absurde” (citant Kierkegaard).
<br /><br />L’engagement, “sauter” pour l’autre, est une contrainte que l’on s’impose, par exemple (avant le tournant récent sur la conception du mariage) en vue d’élever des enfants avant de se séparer, séparation qui, si elle a(vait) lieu, les obligera(it) à des déménagements hebdomadaires par exemple, ceci dit dans le cas où l’on opte pour avoir des enfants. Ce qui n’est évidemment pas le cas de tous, ni obligatoire !, et qui, si ce n’est pas le cas, interroge aussi sur le pourquoi du mariage (quid de la présomption de paternité si on ne veut pas d’enfants ?).
<br /><br />
À notre époque, tout ça est devenu et reste encore flou. Bref, héritage courtois selon Rougemont : on confond mariage (en vertu de l’absurde / Kierkegaard) et amour passion qui ne parle pas de mariage ! L’amour passion heureux s’arrête dans les contes à “ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants” (c’était avant)… Parce qu’après la fin du conte ce n’est plus la passion, mais les couches-culottes (en tout cas pour Blanche-Neige, le Prince charmant, lui, continuant à faire le chevalier : c’est son métier). Ou bien, si pas d’enfants, juste l’entretien d’une passion qui est passée, puisque la passion passe…
<br /><br />
Sauf à vivre “en vertu de l’absurde”, où ce n’est pas la passion, mais la décision de s’engager qui joue. Ici, l’amour (<i>agapè</i>) n’est pas les effluves passionnels, mais l’engagement. Si l’Occident a marqué le monde entier, l’empreinte n’est pas toujours aussi forte. Dans des civilisations moins marquées par le mythe courtois, la preuve d’amour, c’est l’engagement.
<br /><br />
Au fond Kierkegaard et Rougemont rejoignent des conceptions assez classiques et répandues ailleurs que dans la sphère occidentale post-courtoise.
<br /><br />
Or tout ça n’empêche personne d’être ce qu’il est, avec ses désirs, ses fantasmes, etc., qui ne fondent pas un mariage… D’où les trois vies (formule de Gabriel Garcia Marquez) : vie publique, chevalier, ou aujourd’hui (heureusement) chevalière ; vie privée, par ex. en couple, engagé ; vie secrète, fantasmes, désirs de passion, etc., que l’on ne fera pas disparaître parce qu’on déciderait que ce n’est pas éthiquement correct…
<br /><br />
Fantasmes, désirs, etc., une vie secrète, psychologie des profondeurs, ombre intérieure de l’<i>anima</i> (i. e. cette notion jungienne d’un manque enfoui à l’intérieur de soi), réalité ancrée dans le temps au gré d’expériences, dont certaines remontent à l’enfance — réactivées dans la passion, culminant en une quête de l’expérience de la <i>fin’amor</i>, et de la douleur qui va avec ! C’est là que, malgré sa méconnaissance de la théologie cathare, l’intuition de Rougemont rencontre cette théologie dans sa préfiguration des théories de l’<i>anima/animus</i> : ce n’est pas une femme extérieure (ou homme pour les femmes) qui est quêtée au bout du compte, mais l’ombre cachée de soi-même, l’<i>anima/animus</i>.
<br><br>
Les cathares parlaient du mariage spirituel de l’âme (<i>anima</i>), déchue dans la chair, et de l’esprit, resté au ciel de son origine. Deux corollaires à cela : le mythe de la préexistence (nous existons avant de naître) et en parallèle l’enfouissement dans la chair de l’<i>anima</i> (cf. son équivalent en psychologie des profondeurs). La venue dans le temps (la naissance) nous laisse un manque, le manque de la partie de nous-mêmes dont nous perdons la mémoire en naissant (reflétée dans l’<i>anima</i>).
<br><br>
Sachant cela, nous naissons nostalgiques de la partie manquante, signifiée dans l’ombre — en général féminine pour les hommes, masculine pour les femmes. Quête de la trace manquante… Jusqu’à acquérir enfin la certitude qu’elle n’existe pas en dehors de moi-même — en psychologie des profondeurs, la trace manquante est mon <i>anima</i>. Nous restons des êtres de manque. Le paradoxe est que ça donne un certain sens à la vie : un exil depuis la préexistence, mais du coup aussi, une mission : qu’est-ce que je suis censé apporter avant de tirer ma révérence et de réintégrer ce que je suis avant de naître, qu’est-ce que je suis censé apporter du fait que je suis bel et bien né. Pourquoi suis-je né là plutôt qu’ailleurs, quel est le sens de mes rencontres ? Quels sont les symboles de cette quête ? Etc.
</div>
<br>
<br /><div style="text-align: right;"><a href="https://rolpoup0.blogspot.fr/p/blog-page.html" target="_blank">RP</a></div>
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Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-9209989465571741562022-12-18T08:46:00.020+01:002023-12-30T10:32:15.707+01:00Le Cantique des Cantiques, un rêve dans un rêve de Salomon<br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="587" data-original-width="720" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgGsU5EeohY4nl8VcpxTaSkWHN5jUZcD5647ybQjIoYaJRRY3k0e31jn-muC6JoGNRj7_0vQFVdA2pId_eNA3H7kluYAKDIP1vR60VEtfEpDtamVSaCKIt4iMJsZkq_Vn7B9XdUB5j78amYRo6IDc_d6BaMg9mmODFvHHVLEnlMBwDKd0RhjwZErqb8/s720/chagall%20cantique.jpg" title="Marc Chagall - Le Cantique des Cantiques (1960)" width="580" /></div>
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<p style="text-align: right;">En résumé de l’étude biblique 2021-2022</p>
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<a href="https://rolpoup.blogspot.com/2021/10/cantique-des-cantiques.html" target="_blank"><b>Le Cantique des Cantiques</b></a> est attribué traditionnellement, comme l'indique son intitulé, au roi Salomon. À y être attentif, on a tout lieu de penser que le Cantique nous dit comment le grand roi d'Israël a été conduit à réaliser qu'on n'achète pas l'amour : l'amour est plus puissant que tout le pouvoir et toutes les richesses de Salomon. Que l’homme, fût-il le grand roi Salomon, <i>« ne sépare pas ce que Dieu a uni »</i>. Et cela, c'est une jeune paysanne qui l'a conduit à le réaliser. Elle en aime un autre, qui devient pour elle l'image de Dieu, Dieu jamais clairement nommé dans le Cantique ; tandis qu'elle-même devient pour celui qui l'aime l'image du Dieu source de sa beauté. Quatre personnages donc, selon cette perspective : Salomon, la jeune femme, son bien-aimé et le Dieu invisible.
<br /><br />
Lisons les tout premiers versets…
<br /><br />
<b>Cantique des Cantiques 1, 2-4</b>
<i><blockquote>2 Il m'embrassera des baisers de sa bouche… <br />
Car tes amours sont meilleures que le vin ! <br />
3 Pour le parfum d'excellence de tes huiles d'onction <br />
répandant ton Nom sur le « oui » des jeunes filles qui t'aiment, <br />
4 enlève-moi auprès de toi, courons. <br />
(Le roi m’a emmenée dans ses appartements.) <br />
Nous nous égayerons et nous réjouirons en toi ; <br />
nous nous souviendrons de tes amours plus que du vin. <br />
Il est juste que l'on t'aime.</blockquote></i><br />
<i>« Il m'embrassera des baisers de sa bouche… »</i> C'est du bien-aimé, présenté plus loin comme un berger (connotation ambiguë puisque berger/pasteur est aussi un titre des rois d’Israël), c’est de ce berger inconnu qu'il est question, ici à la troisième personne (il m'embrassera). Puis immédiatement la manifestation de Celui dont on ne prononce pas le Nom — invoqué à la deuxième personne : <i>« Car tes amours sont meilleures que le vin ! »</i> Avec allusion au Nom — littéralement : <i>« Pour le parfum d'excellence de tes huiles d'onction répandant ton Nom sur le "oui" des jeunes filles qui t'aiment, enlève-moi auprès de toi, courons. »</i> Pour rejoindre son bien-aimé, une demande adressée à Dieu de l'enlever au <i>« roi qui l'a emmenée dans ses appartements »</i> (v. 4) Le prophète Samuel avait prévenu : <i>« si vous avez un roi, il prendra vos filles »</i> (1 Sam 8, 13).
<br /><br />
En voilà une, qui a plu à Salomon, qui reçoit même son nom (7, 1) : Shulamite (féminin de Salomon), et qui a un bien-aimé, qui n'est pas Salomon, et qui même, au fond, est pour elle la présence du Nom divin. Lui qu'elle espère. Et Salomon, à qui est attribué le poème, le comprend. Au dernier chapitre du poème, évoquant le bien-aimé :
<br /><br />
<b>Cantique des Cantiques 8, 6-7</b>
<blockquote><i>Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras ; Car l’amour est fort comme la mort, la passion comme le séjour des morts ; ses ardeurs sont des ardeurs de feu, une flamme de l’Éternel.<br />
Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour, et les fleuves ne le submergeraient pas ; Quand un homme offrirait tous les biens de sa maison contre l’amour, il ne s’attirerait que le mépris.</i></blockquote>
<br />
Belle leçon donnée à Salomon, et par lui à tous, dans un moment éloquent pour tous ceux qui sont comme lui.
<br /><br />
Leçon donnée à Salomon dans un texte qui a pu légitimement faire penser que son auteur pourrait être une femme (hypothèse retenue par l’exégète André Lacocque).
<br /><br />
Leçon quoiqu’il en soit étonnamment actuelle, où il est question du consentement, et plus que cela… Les tout premiers versets du Cantique des Cantiques (ch. 1, v. 2-3), plus que du consentement féminin (minimum syndical juridique actuel), parlent d'un "oui" qui soit fondé au cœur du désir, promu au plus profond de l'être, suscité comme par une onction divine, son Nom, pour les jeunes filles qui l'aiment… Étonnamment lucide (précurseur ?), comme on peut le remarquer en nos temps de #MeToo ! Une vraie prise en compte du désir féminin dans un texte de haute antiquité, en des termes qui jusqu'à tout récemment, faisaient reculer les traducteurs.
<br /><br />
<b>Cantique des Cantiques 5, 4-5</b> / trad. Jérusalem
<blockquote><i>Mon bien-aimé a passé la main dans la fente, et pour lui mes entrailles ont frémi.<br />
Je me suis levée pour ouvrir à mon bien-aimé, et de mes mains a dégoutté la myrrhe, de mes doigts la myrrhe vierge, sur la poignée du verrou.</i> </blockquote>
<br />
Des versets qui vont un pas plus loin dans la considération concrète du désir féminin et de la réalité féminine, si couramment méprisée, dans la plupart des civilisations. Étonnant dans un texte attribué à un Salomon si patriarcal !
<br /><br />
Le texte poursuit :
<br /><br />
<b>Cantique des Cantiques 5, 6</b>
<blockquote><i>Je me suis ouverte pour mon bien-aimé ; et mon bien-aimé s’en était allé, il avait disparu, mon âme sortie de moi à sa parole. Je l’ai cherché, et je ne l’ai point trouvé ; je l’ai appelé, et il ne m’a point répondu.</i>
</blockquote>
<br />
Le bien-aimé signifie alors pour le désir réel de la jeune femme l’inaccessiblilité de l’ultime, comme désir du désir, à l’image du Nom inaccessible, au-dessus de tout nom. La rencontre espérée des deux amants n'advient jamais dans le Cantique, entre obstacles, fuite et invitation à la fuite.
<br /><br />
Tandis que, libre devant Dieu, la jeune femme, pour son bien-aimé, manifeste elle aussi dans son inaccessibilité l'image du Dieu dont elle reçoit la beauté. C'est aux v. 5-6 du ch. 1, hélas traduit depuis des siècles d'une façon qui en fait disparaître le sens…
<br /><br />
Littéralement :
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<b>Cantique des Cantiques 1, 5-6a</b>
<blockquote><i>Noire je suis, et belle, filles de Jérusalem, comme les tentes de Kédar, comme les tentures de Salomon.
Ne pensez pas que je sois sombre, c'est le soleil qui m’a regardée.</i></blockquote>
<br />
Sa noirceur est sa beauté (pas de « mais », ni en hébreu, ni dans le grec. Heureusement, depuis la version Chouraqui, nos traductions françaises sont généralement fidèles au texte : <i>« <a href="https://quaderna.org/wp-content/uploads/2018/12/PLACIAL-Je-suis-noire-maiset-belle-DEF-1.pdf" target="_blank">noire ET belle</a> »</i>). Sa noirceur est sa beauté, en tant qu'elle se source dans le regard du soleil désirant la contempler — et se contempler en elle (littéralement : <i>« le soleil m'a regardée »</i>), avec en arrière-plan de l'image solaire (cf. Ps 19, 5-6), le regard de Celui qui dans l'éternité est la source de sa beauté, qui pour son bien-aimé, en fait l'image concrète du Dieu invisible — <i>« à l'image de Dieu il créa l'humain, homme et femme il les créa »</i> (Genèse 1, 27).
Allons un peu plus loin dans la découverte de Salomon, de la limite de son pouvoir. Il a beau, selon le Cantique, ch. 6, v. 8, avoir 60 femmes et 80 concubines (le 1er livre des Rois, ch. 11 v. 3, arrondit à 1000 : 700 femmes et 300 concubines), il n'a aucun pouvoir sur l'amour. Ni richesse, ni splendeur, ni prestige — finalement aucune raison, ne peut acheter l'amour. Avec l'amour on touche l'image du Dieu inaccessible, en ce que l'homme et la femme ont d'inaccessible l'un pour l'autre…
<br /><br /><div style="text-align: center;">***</div><br />
<b><i>Eros</i></b>
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Le poète persan Farid al-din Attar (XIIe-XIIIe s.) écrit (dans <i>La Conférence des oiseaux</i>, « Deuxième vallée de l'amour : <i>Ischc</i> ») : <i>« Quand l'amour arrive, la raison s'enfuit aussitôt. Elle ne peut cohabiter avec la folie de l'amour. L'amour n'a rien à faire avec la raison »</i>.
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Cet amour comme folie, disqualifiant tout comportement raisonnable, tout pouvoir, tout prestige royal, toute richesse, s’appelle en grec Eros. Notion superbe — la philosophe Diotime de Mantinée dialoguant avec Socrate (dans <i>Le Banquet</i> de Platon) dit d'Eros qu’il est un grand <i>daïmon</i>, face auquel on est désarmé.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
L’écrivain contemporain franco-marocain Tahar Ben Jelloun dit les choses en ces termes : <i>« La passion est un excès de vie, un excès de lumière, impossible à étaler dans un quotidien »</i> (Tahar Ben Jelloun, Entretien avec Catherine Argand, Magazine <i>Lire</i>, mars 1999).
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Salomon, pour sa part, découvre l'impossibilité de maîtriser la passion au terme de sa volonté échouée de la compenser par sa richesse. Couvrir la jeune femme de bijoux et des déclarations enflammées du Cantique ne peut rivaliser avec le lit de verdure de celui qu'elle nomme le bien-aimé de son âme (Ct 1, 7), et les poutres que sont cèdres et cyprès (Ct 1, 16-17) soutenant la voûte céleste valent mieux que les palais royaux. <i>« Quand un homme offrirait tous ses biens contre l’amour, il ne s’attirerait que le mépris »</i>, constate le Cantique (Ct 8, 7b).
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Quand <i>« Toute l'eau des océans ne suffirait pas à éteindre le feu de l'amour. Et toute l'eau des fleuves serait incapable de le noyer »</i> (Ct 8, 7a).
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Déferlement d’éternité… dit en des mots de poète, dans le Cantique… <i>« Au fond, c'est ça l'amour »</i> — confirme le philosophe Alain Badiou (<i>Éloge de l'Amour</i>, Champs, p. 53-54) — : <i>« une déclaration d'éternité, qui [pourtant] poursuit-il, doit se réaliser ou se déployer comme elle peut dans le temps. »</i> Ce qui lui permet d’affirmer : <i>« Oui, le bonheur amoureux est la preuve que le temps peut accueillir l'éternité. »</i> Alors, <i>« Mets-moi comme un sceau sur ton cœur »</i>, dit le Cantique…
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Car… question : <i>« se déployer comme elle peut dans le temps »</i> — oui, mais comment ?
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Jusqu'à ce déploiement dans le temps — avant un déploiement dans le temps, le Cantique se termine par ces mots de la jeune femme (Ct 8, 14) : <i>« fuis, mon bien-aimé… »</i>, <i>« fuis… »</i> en signe de Celui qu'on ne peut capturer, comme la jeune femme elle-même ne peut être capturée, car <i>« c'est le soleil qui m'a regardée »</i> (Ct 1, 6), signe du Nom qu'on ne peut nommer, dont on ne connait que les parfums, dans les montagnes des aromates (Ct 8, 14), écho aux parfums d'onction qui répandent son Nom (Ct 1, 3), tournement vers montagnes vers où lever les yeux (Ps 121).
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<b><i>Agapè</i></b>
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Quant au quotidien, au temps dans lequel le déferlement d'éternité de l'amour se déploie, un saut est nécessaire, comme un saut de la foi, une folie tout aussi peu raisonnable au fond que le foudroiement de l’Eros… (Saut très bien illustré dans le film <i>Les ailes du désir</i> de Wim Wenders, où un ange décide de devenir homme, c'est-à-dire mortel, pour l'amour d'une femme. Métaphore de l’Incarnation.) Et là, avec le saut dans le temps, on sort du Cantique pour entrer dans une suite qui suppose que le vœu de la jeune femme ait été exaucé : <i>« que n'es-tu comme mon frère que je puisse enfin te rencontrer… »</i> (Ct 8, 1sq.)
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Pour cela, est donc requis un saut, au-delà du foudroiement (qui ne se commande pas — on connaît la formule : « l’amour ne se commande pas », c’est un <i>« puissant daïmon »</i> ! en dit Diotime) ; et pourtant, en regard de ce « saut », à travers ce « saut », contrairement au foudroiement d’amour, voilà un angle où l’amour se commande ! Se décide chaque jour, à commencer par décider de pardonner, toujours et encore… Seul l'amour-agapè sait faire, lui seul a un tel pouvoir, condition de la sentence : <i>« que l'homme [fût-il Salomon] ne sépare pas ce que Dieu a uni »</i>.
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Et en 1 Co 13 (v. 7), <i>« l’amour/agapè excuse tout »</i>. Ou Hannah Arendt : <i>« Le pardon est certainement l’une des plus grandes facultés humaines et peut-être la plus audacieuse des actions, dans la mesure où elle tente l’impossible […] et réussit à inaugurer un nouveau commencement […]. »</i>
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Un saut, pour lequel l’amour se commande, et à partir duquel tout commence… Où pour entrer dans le quotidien, dans le temps, Eros se traduit en Agapè. Agapè est le mot choisi dans la traduction grecque du Cantique des Cantiques. Sachant, c'est au cœur du Cantique, que cela ne disqualifie par Eros ! C'est même sans doute ce pourquoi il n'est pas nommé (la version grecque n'a pas retenu ce mot) : il se révèle être une flamme de Yah, de celui que l'on ne peut nommer, le Nom qui est au-dessus de tout nom.
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Il entre dans le temps, s’y incarne, par un saut (équivalent à ce que Kierkegaard appelle saut de la foi). Saut comme début d’un apprentissage. Car aimer s'apprend, en ce sens — c'est comme un exercice, note C.S. Lewis dans son livre <i>Apprendre la mort</i>. Puisque comme le dit saint Augustin, il n’y a qu’un seul amour — humano-divin, peut-on dire. Conviction que l’on retrouve, développée, sous la plume d’un spirituel persan du XIIe siècle, du nom de Rûzbehân : <i>« Amour humain, amour divin, “il ne s'agit que d'un seul et même amour, et c'est dans le livre de l’amour humain qu'il faut apprendre à lire la règle de l'amour divin.” Il s'agit donc d'un seul et même texte, mais il faut apprendre à le lire. »</i> (Henry Corbin, cit. Rûzbehân Baqlî Shîrâzî, <i>Le Jasmin des fidèles d'amour</i> § 160, Verdier, 1991, p. 176-177).
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<i>« L’amour divin n’est pas le transfert de l’amour à un objet divin ; mais métamorphose du sujet de l’amour humain. »</i> (Henry Corbin, <i>Histoire de la philosophie islamique</i>, folio 1986, p. 280-281.) Autrement dit, la bien-aimée pour le bien-aimé, et réciproquement, sont l'un pour l'autre la manifestation de la présence de Dieu dans l'amour de l'un pour l'autre et réciproquement.
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<b><i>Philia</i></b>
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… Cela pour que de l'éternité naisse dans le temps une amitié/philia d’âmes : <i>« […] en vivant un peu longuement avec la même femme, elle entre peu à peu dans leur paysage le plus intime, dans leurs fibres, dans leur passé, et […] elle devient ainsi inséparable d’eux-mêmes sans qu’ils s’en aperçoivent. Au bout d’un nombre d’années suffisant, ils sont organiquement incapables de se défaire d’elles sans se détruire. »</i> (Benoîte Groult, <i>La Part des choses</i>, Grasset, 1972, p. 316)
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Désir onirique, le rêve du bien aimé répondant au rêve de Salomon, le désir n’en est pas moins concret…
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<b>Cantique des Cantiques 7, 2-11
</b><blockquote><i>Aux courbes de tes cuisses, un joyau façonné au doigté d'un orfèvre <br />
est au bas de ton ventre une coupe en croissant de lune où le vin parfumé ne saurait pas manquer ! <br />
— ton ventre, un mont de blé que parsèment des lys… <br />
Et tes seins, tels deux faons, jumeaux d’une gazelle, <br />
et le port de ton cou, une tour en ivoire ! <br />
Tes yeux, aussi profonds que les lacs de Heshbon, portes de Bath-Rabbim, luisent en ton visage, une tour du Liban qui guette vers Damas. <br />
Couronne de ta tête — altière : un mont Carmel ! —, tes nattes empourprées ont capturé un roi, enchaîné à leurs flots !<br>
Splendeur, ma toute belle, mon amour, mes délices ! <br />
Dressée comme un palmier ! tes seins en sont les fruits. <br />
J'ai voulu mes mains remontant le palmier pour en saisir les fruits, tes seins, "ces grappes de ma vigne" ; le parfum de tes effluves, leur arôme de pommes <br />
m'enivrant de ta saveur comme du meilleur vin… <br />
— … Il se répand pour mon bien-aimé, coulant suavement entre ses lèvres ensommeillées.</i></blockquote>
<br />
C’est au concret du désir — du désir du désir — que se manifeste l’inaccessible, dont le désir n’est donné que dans la réalité temporelle, illuminée de sa lumière d’éternité où l'un pour l’autre deviennent épiphanie de l'amour, amour s’adressant <i>« à une personne qui transcende l'individualité empirique soumise aux conditions empiriques ; ce qu'elle en perçoit est une individualité éternelle »</i> (Henry Corbin, <i>Temps cyclique et gnose ismaélienne</i>, Berg p. 120-123).
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Écho au livre de Qohéleth, attribué au même Salomon, ch. 9, v. 9 : <i>« Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de ta vie de vanité, que Dieu t’a donnés sous le soleil, pendant tous les jours de ta vanité ; car c’est ta part dans la vie, au milieu de ton travail que tu fais sous le soleil. »</i> Cela en laissant la bien-aimée être elle, sans la confondre avec une figure fantasmée qui ne serait jamais que projection de soi-même…
<br /><br />
<i>« Tous les risques d'erreur sont liés à notre amour ; et plus l'amour est passionné, exigeant, singulier, plus grand le risque. Ce que nous croyons aimer en elle, est-ce elle-même ou l'image de notre ange ? Ce que nous avons cru voir en elle, et que nous déifions peut-être à ses dépens, est-ce notre </i>anima<i> projetée ? […] La vue juste imagine au sens fort la personne. […] Non pas éteindre ou dépasser, mais transmuter, transfigurer ! Aimer mieux, c'est apprendre à discerner la raison d'être — donc d'être unique — de l'autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vient animer un mouvement singulier et fascinant de l'être… “Aimer ce que jamais on ne verra deux fois !" »</i> (Denis de Rougemont, <i>Comme toi-même</i>, p. 240-241.)
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Ce que dit d’une autre façon Jésus… Cf. Marc 10, 6-9 :
<blockquote><i>« Au commencement du monde, Dieu les fit homme et femme ;
c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme,
et les deux ne feront qu’une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. </i>[Faisant une seule chair, il n’en restent pas moins deux !]<i>
Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni. »</i></blockquote>
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En arrière plan du propos de Jésus, deux textes de la Genèse — au ch. 1, les v. 26-27 : <i>« Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance » — « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa »</i>. Tel est donc l’humain selon l’image de Dieu, l’humain mâle et femelle, homme et femme. Puis, au ch. 2 v. 21-24, deuxième texte : <i>« Le Seigneur Dieu fit tomber dans une torpeur l’homme qui s’endormit ; prit l’un de ses côtés et referma les chairs à sa place. Le Seigneur Dieu transforma le côté qu’il avait pris à l’homme en une femme qu’il lui amena. L’homme s’écria : "Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair, celle-ci on l’appellera femme car c’est de l’homme qu’elle a été prise." »</i><br />
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En premier un projet de Création de l’humain selon l’image de Dieu, qui est appelé à se réaliser dans la dualité homme-femme. « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa » — à savoir « mâle et femelle ».<br />
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Nous sommes homme et femme. Mais la partie féminine des hommes et la partie masculine des femmes est cachée en quelque sorte. Et pourtant c’est là que se réalise l’image de Dieu.<br />
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C’est-à-dire que c’est là que se dit quelque chose de Dieu comme celui qui est Autre, radicalement différent de ce que nous pouvons en concevoir, sous peine d’être à notre image, d’être une projection de nous-mêmes — autant dire, de ne pas exister ailleurs que dans notre tête !<br />
<br />
Or l’image de Dieu en nous n’est pas cela. L’image de Dieu en nous est en notre dualité homme-femme. Elle est en ce que quelque chose en nous nous échappe totalement. Ce « quelque chose » nous est aussi étranger qu’un homme pour une femme ou une femme pour un homme.<br />
<br />
Et pourtant c’est en nous, c’est même en nous le signe de Dieu qui nous échappe totalement : « à son image il le créa » — et donc homme et femme.<br />
<br />
Voilà ce qu’est l’homme pour la femme, la femme pour l’homme : l’autre côté — plutôt que l’autre côte ! — qui est le signe du Dieu infini.<br />
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Cela pour un devenir (à l'inaccompli en hébreu) une seule chair. Jésus précise : <i>les deux</i> deviendront une seule chair — l’Évangile reprenant ici le grec de la LXX. <i>Les deux</i>, c'est-à-dire que la blessure originelle qui est dans la séparation des deux côtés selon le songe qu'indique le sommeil prophétique dans lequel est plongé l'homme, blessure refermée avec son manque, puisque l'autre côté est hors de chacun, nous manque donc. <i>« Le Seigneur Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit ; il prit un de ses côtés, et referma la chair à sa place. »</i> (Gn 2, 21)<br />
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L'autre, la femme pour l'homme, l'homme pour la femme, devient le reflet de ce manque, la marque de ce manque, comme une réouverture de la chair refermée dans la vision de la séparation, par laquelle chacun des deux trouve l'ouverture vers une réunification, où chacun devient pour sa part potentiellement entier. Les deux ouverts chacun au devenir une seule chair : ce n'est pas un mélange de deux devenant un, mais à l’occasion de l’autre chacun pouvant retrouver son unité.<br />
<br /><br /><div style="text-align: right;"><a href="https://docs.google.com/document/d/1Rr9riYI6wIqXRZvP-STBj9yxw6JI-TvtIjlTYSkK_h0/edit?usp=sharing" target="_blank">R. Poupin, en résumé de l’étude biblique 2021-2022</a></div><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-60329169488542628262022-12-12T18:05:00.008+01:002023-03-12T18:02:47.755+01:00Préalable et brève synthèse des études bibliques (fin 2022)<br>
<div class="separator" style="text-align: center; "><img alt="" border="0" width="580" data-original-height="448" data-original-width="720" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh_UdCgZA-KCFK_X2Equv2W4VBV9qrTKsa1xiC9miLQTc0zA2jv6ZRxio0MLkNvBMRt2bmmFaMv5Y7faqh-nl0lQ6JoSbj_TV9UGVOlQ_gk5qFzsS9fSFzlod_qixTsuOBcRdVpSxInhtH0Uce5wRw2O6yGkDeAx7c4FLh9rABzrLQVWCnJAsxIaLMJ/s720/exode.jpg"/></div>
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Sur <a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank"><i>Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous</i></a>
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Au cœur de <a href="https://rolpoup.blogspot.com/search/label/Violence%20et%20guerres">ce qui se déploie dans la Bible hébraïque</a>, la Révélation de l’Exode, <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/11/de-mitsraim-legypte.html" target="_blank">celle d’une libération</a> fondée sur un Nom donné comme imprononçable, fonde une transcendance absolue du fait même de cette imprononçabilité (transcendance absolue, à savoir — vocabulaire de V. Jankélévitch : “ce qui passe la pensée et nous surpasse”, à la différence de la transcendance relative, qui peut être universelle, mais comme clef de voûte du monde auquel elle n’est pas étrangère). De la Bible hébraïque relisant l'événement qu'elle donne comme fondateur, moment nodal de la Tora : <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/10/quatre-bibles.html" target="_blank">l’Exode, à ses autres relectures</a>, celle du monde hellénistique puis du monde chrétien, tout un cheminement dont un point d’orgue moderne mènera au XIXe siècle, où est forgé le terme "monothéisme” au sens où on l’entend aujourd’hui : à savoir <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/12/dualisme-monotheisme-des-termes-modernes.html" target="_blank">concept d’un Dieu unique universel</a>. Comme pour nombre d’autres concepts développés au XIXe s., cela se fait sur la base d’un tournant historique remontant au XVIIe s., où apparaît aussi, sous la plume du philosophe anglais Henry More, le mot “monothéisme”, mais en un sens très différent, voire opposé au sens reçu depuis le XIXe s. Pour More, il s’agit d’affirmer que le christianisme, étant trinitaire, n’est donc pas monothéiste, mais est universaliste contrairement au judaïsme, “monothéiste”, c’est-à-dire pour lui tenant de ce qu’on appelle aujourd'hui “monolâtrie”. More entendait donner un vis-à-vis au terme “polythéisme”, qui remonte, lui, à haute époque, forgé par Philon d’Alexandrie (Ier s. ap. JC) pour dire la différence entre monde gréco-romain, adorant plusieurs dieux, et monde juif en adorant un seul, monolâtre, donc — ce Dieu des juifs, seul adoré, correspondant pour l’hellénisme à la divinité universelle des philosophes.
<br /><br />
Le tournant du XVIIe s., débouchant sur la vision du monde dont nous héritons, mise en place pour l’essentiel au XIXe siècle, est consécutif au moment Galilée, Galilée qui, bénéficiant le premier de la lunette astronomique, va voir bouleverser la vision séculaire de l’univers. La lunette de Galilée lui fait constater, début XVIIe s., en 1609, la disparition de “l’éther”, qui était réputé jusque là être la matière lumineuse des planètes visibles à l’oeil nu, comme cinquième essence — quintessence —, au delà des quatre autres que sont la terre, l’eau, l’air et le feu qui composent le monde sublunaire (en dessous de la Lune). La lunette astronomique fait apparaître au regard de Galilée que la matière des planètes n’est pas l’éther, mais quelque chose de similaire à la matière sublunaire. Radical bouleversement du monde, qui va obliger la philosophie à repenser l’univers. Le premier à poser systématiquement cette refondation est Descartes, qui emprunte la formule par laquelle saint Augustin répondait à ses doutes : “je pense donc je suis” (<i>cogito ergo sum</i>). Mais de facto, au sens où la reprend Descartes, cette formule ancienne date pourtant du XVIIe s. Jamais auparavant elle n’avait servi à fonder le monde, comme c’est le cas depuis Descartes. Le sujet devient le fondement alternatif de l'univers dont la structure, classique depuis au moins Aristote (IVe s. av. JC), vient de s’effondrer sous le regard de Galilée. Dorénavant, le sujet rationnel est au fondement de la lecture du monde, bientôt en vis-à-vis de son expérience de la nature (i.e. l’”empirisme” proposé par l’anglais Francis Bacon — XVIe-XVIIe s.). La synthèse entre le rationalisme de Descartes et l’empirisme trouve son point d’orgue au XIXe s., avec les philosophes Kant et Hegel. En théologie ce tournant philosophique trouve son équivalent entre le cartésien critique Spinoza (critique de ce que le philosophe Wolff appellera le ”dualisme” de Descartes, dualisme de l'âme et du corps, que refuse Spinoza) et la critique du XIXe s. Spinoza donne le premier temps, avec son <i>Traité théologico-politique</i> (XVIIe s.), d’une proposition de relecture de la Bible, relecture post-galiléenne. Sur cette base, apparaît au XIXe s., dans l’héritage de Hegel, le développement d’une critique biblique voyant dans la Bible un processus évolutif débouchant sur le “monothéisme”, mot qui en ce sens précis remonte à ce même XIXe s., à savoir le concept d'un Dieu unique universel. Le XXe s. et le XXIe s. s'inscrivent dans cette tradition, donnant la naissance du “monothéisme” (en ce sens récent) entre le <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/10/quatre-bibles.html" target="_blank">Ve s. av. JC (Römer) et le IIe s. av. JC (Barc)</a>.
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Rappelons que la Bible hébraique telle qu’elle se donne elle-même, date de bien avant le XIXe s. (et d’avant le XVIIe s.) ! L’a priori derrière le livre de l’Exode tel qu’il se donne dans la Bible hébraïque est proposé dans la Révélation du Nom en Exode 3, c’est-à-dire donné comme remontant, selon les chiffres bibliques, au XIIIe s. av. JC environ. Alors, dans la Révélation du Nom comme imprononçable, est donnée la transcendance absolue de ce Nom libérateur. Une libération qui ne se fait pas sans son refus, porté dans le texte biblique par le Pharaon, refus source de violence contre l'avènement d’un monde fondé sur des préceptes qui n’ont pas d’auteur humain, violence à laquelle les opprimés répondent dans un premier temps par la violence, présente dans le temps et l’histoire, mais refusée dans l'au-delà du temps.
<br /><br />
Dans la même Tora qui révèle le Nom divin comme inaccessible à nos concepts, les origines de la violence sont données dès les débuts de son premier livre, le livre des commencements, la Genèse (traduction grecque de l’hébreu “au commencement”) — en l’occurrence en son ch. 4, dans <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2022/09/genese-3-6-fratricide-et-corruption.html">le récit du meurtre d’Abel par Caïn</a>. Selon Philon d’Alexandrie, suivi par l'Épître aux Hébreux (11, 4), la frustration de Caïn vient de sa perception de sa non-spontanéité dans son offrande donnée seulement “après quelques jours” (v. 3). La remarque n'intervient pas pour l’offrande d’Abel, marque de spontanéité (“par la foi” dit l'Épître aux Hébreux). Perception donc d’un non-agrément de son offrande par Caïn, commencement d’un processus de frustration qui débouchera sur le meurtre d’Abel — qui passe par une oblitération de la Parole originée dans l’oblitération de la subjectivité de sa mère Ève par Adam, qui débouche sur un vis-à-vis exclusif de celle-ci avec Caïn, possédé par elle, selon le sens du nom Caïn. (Cf. Les développements de Marie Balmary et ceux de René Girard.) Origine d’une violence liée à une oblitération de la parole et un sentiment de devoir être privilégié, propriétaire des bénéfices reçus…
<br /><br />
Cela vaut dans le même livre de la Genèse pour les femmes, perçues, dans un cadre patriarcal, comme à disposition, comme vouées à être propriétés. A priori dramatique, qui trouve un moment culminant dans <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2022/10/genese-34-dina-ses-freres-et-sichem.html" target="_blank">le viol de Dina, fille de Jacob, par le fils d’un roi local, Sichem</a>. Revendiquant ensuite sa passion amoureuse, Sichem entend voir confirmer son désir via un mariage… Dina n’a pas la parole. On ne peut que penser à la sidération de celle que l’on n’entend pas, et qui devient simple objet de négociation pour une alliance qui s’avère impossible et qui, avant même d’avoir lieu, est rompue dans la violence… Débouché inéluctable, compensation et fruit de l'empathie de ses frères (même père-même mère) pour Dina.
<br /><br />
Violence qui sera plus tard celle par laquelle passera la <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2022/11/exode-esclavage-et-liberation.html" target="_blank">sortie</a> de l’esclavage, <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/11/de-mitsraim-legypte.html" target="_blank">de tout esclavage</a>, avant de se poursuivre dans <a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html">d’autres épidodes</a>, des prophètes de la Bible hébraïque (cf. <a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">janvier à mars</a>) au Nouveau Testament (<a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">avril à juin</a>), et aux libérations modernes (au fur et à mesure)… Révolutions, puritaines puis française, avec Déclaration de Droits universels, “sous les auspices de l’Être suprême” (1789), au nom de la dignité inaliénable de tout être humain (Déclaration de 1948), le tout ayant passé, ou devant encore passer, par l'abolition de l’esclavage et la reconnaissance de l’égalité des femmes et des hommes…
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<br /><br /><div style="text-align: right;">RP, 12.12.22 (<a href="https://docs.google.com/document/d/1Qp70nT_5mFgePPxpBWe7RKwKm97kntTjxm6veUHCRvk/edit?usp=sharing" target="_blank">format imprimable</a>)</div><br />
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<a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023
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<b>Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous
</b><br><br>
<img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4___ohb7Zbc9OvMww8pbN6jHYRQytrTsG6rwIFOK0HWQee-ehsuHNI8V0tuYhfqie_RNRE3gnWvDyIvCNItacMKiOyZKMu35HwJCPi0_i-2LEVqEU7jsbTN2CWJQ3jZBcxlxo9oalEdYnWL_9Ndu16tey1ZLeXB8eVSvcbQ1NBdFvwYS7rtEgp4h0/s750/flat,750x1000,075,f.jpg" width="230" /></a><br />
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Église protestante unie de France / 2022-2023<br>
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)<br>
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)<br>
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)<br>
<br><br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-155329023245914405.post-80766403984997810302022-11-17T17:40:00.007+01:002023-03-12T18:03:03.643+01:00Exode / esclavage et libération<br>
<div class="separator" style="text-align: center;"><img title="Eduard Angeli - Evening" border="0" data-original-height="640" data-original-width="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi_6uNEiFHxdekQ7tIBfYTSsOOzbJV9LX63J4ySj85majnq8aojSWEaG1OJPvtIaUbf-jBO6KN3Jj0-AevSRojoEd4AofIbsDsKBS0VxnZdA2uSGZAb7oOS9IYgvt4OQrmze7YOKk8spOuu2Otz-LCzD2CEIB_thr_Ow9che9aHftERmEFZ4fdPf_fN/s600/vening%20%20%20%20-%20%20%20Eduard%20Angeli.jpg" width="580" /></div>
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<a href="https://docs.google.com/document/d/12P87stGyY1Iwmpk6abuZ_uR8pLKupUIQb6P-rTcKKpk/edit?usp=sharing" target="_blank">Exode / esclavage et libération (cf. Exode 15) / Châtellerault : 22 novembre ; Poitiers : 6 décembre</a>
<br /><br />
<b>Exode 15</b><br />
<i>1 Alors, avec les fils d’Israël, Moïse chanta ce cantique au SEIGNEUR. Ils dirent : « Je veux chanter le SEIGNEUR, il a fait un coup d’éclat. Cheval et cavalier, en mer il les jeta.<br />
2 Ma force et mon chant, c’est le SEIGNEUR. Il a été pour moi le salut. C’est lui mon Dieu, je le louerai ; le Dieu de mon père, je l’exalterai.<br />
3 Le SEIGNEUR est un guerrier. Le SEIGNEUR, c’est son nom. »</i> (TOB) — Cf. <a href="https://lire.la-bible.net/lecture/exode/15/1" target="_blank">la suite du ch. 15…</a>
<br /><br />
<i>« Le Saint béni soit-Il, ne se réjouit pas de la chute du méchant. […] Les anges de Service voulurent entonner un chant (au passage de la mer Rouge) mais le Saint béni soit-Il leur dit : “Mes créatures se noient dans la mer et vous voulez chanter devant Moi ?” »</i> (<i>Meguila</i> 10b)
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<a href="https://books.google.fr/books/about/La_Sortie_d_Egypte.html?id=0diRBgAAQBAJ&source=kp_book_description&redir_esc=y" target="_blank">Raphaël Draï, <i>La Sortie d'Egypte : L'invention de la liberté</i>, Fayard 1986</a>. 4e de couv. extrait :
<br /><br />
<i>« Il y a près de trente-cinq siècles, les Bnei Israël, sous la conduite de Moïse, sortaient d'Egypte.
<br /><br />
On s'accorde, depuis lors, à faire de cette sortie un des événements fondateurs de l'histoire de l'humanité. Mais a-t-on jamais, au-delà des interprétations avancées (apparition d'un peuple dans l'histoire, invention du monothéisme, etc.), véritablement perçu la dimension essentielle de l'événement : l'invention de la liberté ?
<br /><br />
Contraignant Pharaon à leur ouvrir les portes pour qu'ils quittent l'Egypte, les Juifs, par ce mouvement sans précédent, rejettent pour la première fois l'ordre esclavagiste qui semblait pourtant inscrit dans la nature des choses ; ils proclament la primauté de l'Etat de droit sur l'arbitraire idolatrique ; ils récusent, en offrant une alternative politique et religieuse, la cosmocratie pharaonique dans son principe et ses mythologies extrémistes ; ils dénoncent la folie de l'exercice absolu du pouvoir qui peut se porter jusqu'au génocide. […] »</i>
<br><br>
(Cf. <a href="https://www.cairn.info/revue-pardes-2009-2-page-11.htm" target="_blank">ici : R. Draï, <i>Sortir - complètement - d'Egypte</i></a> ; et <a href="https://docs.google.com/document/d/1dEbf7nSojMomn-vxHIxBd9iFyXr46NNb77fFWpp3_p4/edit?usp=sharing" target="_blank">ici : extraits de : R. Draï, <i>La Sortie d'Egypte : L'invention de la liberté</i></a> ; proposés par Jean-Paul Sanfourche. Voir aussi l'article de <a href="https://www.lautreparole.org/des-femmes-de-lexode-a-leveil-feministe/" target="_blank">Sonia Sarah Lipsyc, <i>Des femmes de l'Exode à l’éveil féministe au regard de la tradition juive</i></a>.)
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<a href="https://www.clcfrance.com/produit/les-puritains-liliane-crete-olip140-9782354791513" target="_blank">Liliane Crété, <i>Les puritains, Quel héritage aujourd'hui ?</i> Olivétan 2012</a>. 4e de couv. extrait :
<br /><br />
<i>« En France, le terme puritain est employé régulièrement pour dénigrer tout ce qui est anglo-saxon, anglophone ou américain. Au début du XXe siècle aussi, il était de bon ton d’associer le puritanisme à tout ce qui n’allait pas en Amérique. Les Français ont suivi le mouvement en confondant le puritain d’hier avec le capitaliste avide et le moraliste évangélique d’aujourd’hui.
<br /><br />
Mais qui connaît la véritable identité des puritains ? Hérauts de la démocratie ? Rabat-joie ? Assoiffés de vérité évangélique ? Un modèle social voué au seul travail, bannissant les plaisirs, accompagné d’un projet politique théocratique ? […]
<br /><br />
Le puritanisme est fortement marqué par son époque. Parce que les puritains se sont assigné la tâche de purifier non seulement l'Église, mais tous les rouages de la société […]. C’est seulement en les replaçant dans le temps et l’espace qui furent les leurs, que l’on peut comprendre leur mentalité, leur comportement et leurs motivations. […] »</i>
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Dans l'Angleterre du XVIIe siècle, où les puritains remettent en question un système où une Église et un pouvoir qui y est lié font clef de voûte de la Cité et posent comme alternative la supériorité de la loi, et sur les princes et sur les Églises. De façon équivalente, en France, sous l'Ancien Régime, une religion majoritaire faisait clef de voûte de la cité : le protestantisme minoritaire y a connu plus d'un siècle de clandestinité (de la révocation, en 1685, de l’Édit de tolérance dit Édit de Nantes, à un nouvel Édit de tolérance en 1687). Le judaïsme était toléré, au prix de vexations diverses. Le protestantisme et le judaïsme portent en France l'héritage historique de minorités persécutées ou ghettoïsées.
<br /><br />
Les choses changent lors de la Révolution française, où les représentants de la minorité protestante vont réclamer pour le protestantisme et pour le judaïsme, plus que la tolérance, la liberté.
<br /><br />
Député à l'Assemblée constituante de 1789, le pasteur Rabaut Saint-Étienne sera le porte-parole de cette revendication. Rabaut Saint-Étienne a joué un rôle significatif dans l'adoption de l'article X de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (qui est en arrière-plan de l'article XVIII de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948) dans la forme qui est la sienne : <i>« nul de doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi »</i>. L'incise <i>« même religieuses »</i> est due au pasteur Rabaut Saint-Étienne : nous voulons la liberté et pas seulement la tolérance.
<br /><br />
L’articulation entre tolérance et liberté, qui ne relève pas d'une majorité qui octroierait cette tolérance à des minorités, apparaît dans la la fin de l'article X : <i>« pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi »</i>.
<br /><br />
La minorité protestante, sortant alors de la clandestinité et de la persécution, se reconnaît ainsi dans une revendication de liberté, et pas seulement de tolérance, qui vaut pour toutes les autres minorités (comme en 1789 pour les juifs) – selon la lecture que les protestants persécutés faisaient des textes de la Bible hébraïque rappelant l'exigence de respect de la dignité de quiconque : <i>« car toi aussi tu as été étranger au pays de l'esclavage »</i> (texte classique – Deutéronome 10, 19).
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<b><a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/10/quatre-bibles.html" target="_blank">Une question de vocabulaire</a></b>
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La visée ouverte par la Tora va au-delà d'un simple déplacement géographique, elle libère de l'esclavage, de tous les esclavages, faisant sortir de Mitsraïm (l'exiguïté) celui, celle, qui reçoit la libération. La Tora de la sortie de la captivité fait de l'humain un célébrant du Nom au-delà de tout nom, le Nom qui le rachète comme il rachète toute la nature qu’il révèle ainsi comme sa Création… Égypte incluse. Car le mot Égypte n'est pas le mot Mitsraïm, exiguïté, mais est la transcription, à l'époque hellénistique, soit à partir du IIIe s. av. JC, du mot égyptien pour Memphis : "tabernacle / demeure de l'âme (le <i>ka</i>) de Ptah" (à savoir le Créateur). Ce n’est pas d'Égypte (le mot Égypte est donc positif), mais de Mitsraïm (exiguïté), que sort le peuple captif.
<br /><br />
À l'époque que donne la Bible pour l’Exode, l’Égypte ne s'appelle pas non plus elle-même Mitsraïm, mais (entre autres) Kemet, ici aussi un nom positif, qui désigne la noirceur de sa terre fertile et/ou de la peau de ses habitants comme peuple solaire. Quel pays s’auto-désignerait comme pays de l’exiguïté, ou de l’esclavage ? C’est bien de Mitsraïm, de l’enfermement, de l’exiguïté, qu’est libéré le peuple réduit en esclavage et pas d’une zone géopolitique qui s’appelera plus tard Égypte. Sans compter qu’à l’époque donnée par la Bible pour l’Exode, la terre de Canaan, où demeureront les Hébreux, est elle-même dans la zone géopolitique des Pharaons. En ce sens aussi, le peuple ne sort pas d’Égypte, mais de Mitsraïm, de l’esclavage.
<br /><br />
Or, grecque, la Bible des LXX a traduit Mitsraïm par Égypte, mot conservé ensuite par toutes les traductions, oubliant le sens respectif de chacun de ces mots, tabernacle de l’âme du Créateur dans un cas, pays de l’esclavage, de l’enfermement, dans l’autre. Où l’Égypte, belle expression, devient terme négatif. Sachant qu’une grande partie des juifs de l'époque hellénistique sont des Égyptiens, participant de la vocation universaliste hellénistique, et y trouvant son fondement dans la Révélation de l’Exode, se glisse une ambivalence avec l’ambivalence que reçoit le terme Égypte. Ambivalence qui a pu être notée par les autres Égyptiens, non-juifs, jusqu’à ceux qui ont pu y trouver un prétexte pour le premier pogrom anti-juif connu des historiens, fait d’une population égyptienne d’avant le christianisme, dans la première moitié du Ier siècle de l'ère chrétienne.
<br /><br />
À la même époque, un Philon d'Alexandrie travaille à une philosophie universaliste, selon une exégèse biblique nourrie de la pensée des grands philosophes grecs, exégèse qui nourrira ensuite l’exégèse chrétienne, de l'Antiquité au Moyen ge. Cela n'est peut-être pas non plus sans lien avec la perception positive de l'Égypte à l'occasion de la redécouverte depuis la Renaissance de textes comme ceux de la tradition hermétiste, perception positive s'appuyant sur Actes 7, 22 (<i>"Moïse instruit dans toute la sagesse des Égyptiens"</i>).
<br /><br />
Importance d'être conscient de tout cela, quand on utilise invariablement le beau mot d’Égypte pour évoquer les situations d’enfermement dont libère le Nom dont personne n’est maître. Pourquoi ne pas faire l’effort de traduire le Mitsraïm biblique par “pays de l’esclavage”, ou, mieux peut-être, “lieux de l’esclavage” ? Sachant que le mot de Mitsraïm a vocation de signifier la libération universelle promise par le Dieu libérateur de toute sa Création… Où l’ambivalence d’un mot reçoit le côté positif de l’ambivalence : <i>« L’Éternel, le maître de l’univers, les bénira en disant : “Bénis soient l’Égypte [Mitsraïm], mon peuple, l’Assyrie, que j’ai créée de mes mains, et Israël, mon héritage !” »</i> (Ésaïe 19, 25)
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Roland Poupin, <a href="https://rolpoup3.blogspot.com/2022/09/etude-biblique-cate-adultes-2022-2023.html" target="_blank">Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023
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<b>Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous
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<img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4___ohb7Zbc9OvMww8pbN6jHYRQytrTsG6rwIFOK0HWQee-ehsuHNI8V0tuYhfqie_RNRE3gnWvDyIvCNItacMKiOyZKMu35HwJCPi0_i-2LEVqEU7jsbTN2CWJQ3jZBcxlxo9oalEdYnWL_9Ndu16tey1ZLeXB8eVSvcbQ1NBdFvwYS7rtEgp4h0/s750/flat,750x1000,075,f.jpg" width="230" /></a><br />
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Église protestante unie de France / 2022-2023<br>
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)<br>
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)<br>
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)<br>
3) <a href="https://docs.google.com/document/d/12P87stGyY1Iwmpk6abuZ_uR8pLKupUIQb6P-rTcKKpk/edit?usp=sharing" target="_blank">Exode / esclavage et libération (cf. Exode 15) / Châtellerault : 22 novembre ; Poitiers : 6 décembre 2022 - version imprimable</a>
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Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com2