lundi 15 janvier 2018

D’exode en exil et retour




Jérémie 20, 7-18 –
v. 18 : Pourquoi suis-je sorti du sein maternel Pour voir la souffrance et la douleur, Et pour consumer mes jours dans la honte ?

Cf. Jérémie 1, 5 :
Avant que je t’eusse formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais, et avant que tu fusses sorti de son sein, je t’avais consacré, je t’avais établi prophète des nations.

*

En arrière-plan de l’exil à Babylone, l’Exode hors d’Égypte comme sortie du sein maternel – Égypte ; ou plutôt Mitsraïm, comme lieu matriciel d’enfermement, dont l’Exode est la sortie, mais sortie pour quoi ?, sinon pour le désert puis une entrée dans un inaccompli, débouchant sur un nouvel exil, à Babylone, concrétisation de cet inaccomplissement de la promesse. L’exil fait alors espérer un retour comme signe d’un vrai repos, d’un salut enfin vécu.

Une prophétie comme celle de Jérémie, concernant l’exil et sa douleur, vécue dans sa chair par le prophète, devient clef de relecture d’événements de l’histoire, de prophètes en prophètes, une lignée dans laquelle s’inscrivent aussi les auteurs du Nouveau Testament. Les uns comme les autres relisent l’exil comme celui de nos vies, et l’espérance du retour comme délivrance universelle.

Hébreux 3, 7-9 :
7 Dieu fixe de nouveau un jour – aujourd’hui – en disant dans David si longtemps après, comme il est dit plus haut : Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, N’endurcissez pas vos cœurs.
8 Car, si Josué leur eût donné le repos, il ne parlerait pas après cela d’un autre jour.
9 Il y a donc un repos de sabbat réservé au peuple de Dieu.


Romains 8, 18-24 :
18 J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous.
19 Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu.
20 Car la création a été soumise à la vanité, – non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise, avec l’espérance
21 qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu.
22 Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement.
23 Et ce n’est pas elle seulement ; mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps.
24 Car c’est en espérance que nous sommes sauvés.


*

Jérémie 1, 5 :
Avant que je t’eusse formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais, et avant que tu fusses sorti de son sein, je t’avais consacré, je t’avais établi prophète des nations.

Romains 8, 29-30 :
29 Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères.
30 Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.


Éphésiens 1, 3-5 :
3 Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ !
4 En lui Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant lui,
5 nous ayant prédestinés dans son amour à être ses enfants d’adoption par Jésus-Christ.


*

Où Babylone devient symbole – à l’instar de Mitsraïm – de tous nos exils historiques et géographiques ou spirituels, appelant à un retour à une Jérusalem transfigurée, comme image d’une Jérusalem céleste précédant exil comme exode.


RP
Les choses de la fin

Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2017-2018
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
4) 16 & 18 janvier 2018 – D’exode en exil et retour


dimanche 7 janvier 2018

Jérémie, ou dire la réalité de la menace babylonienne




Jérémie 20, 7-18
7 Tu m’as séduit, Éternel, et je me suis laissé séduire ; Tu m’as saisi, tu m’as vaincu. Et je suis chaque jour un objet de raillerie, Tout le monde se moque de moi.
8 Car toutes les fois que je parle, il faut que je crie, Que je crie à la violence et à l’oppression ! Et la parole de l’Éternel est pour moi Un sujet d’opprobre et de risée chaque jour.
9 Si je dis : Je ne ferai plus mention de lui, Je ne parlerai plus en son nom, Il y a dans mon cœur comme un feu dévorant Qui est renfermé dans mes os. Je m’efforce de le contenir, et je ne le puis.
10 Car j’apprends les mauvais propos de plusieurs, L’épouvante qui règne à l’entour : Accusez-le, et nous l’accuserons ! Tous ceux qui étaient en paix avec moi Observent si je chancelle : Peut-être se laissera-t-il surprendre, Et nous serons maîtres de lui, Nous tirerons vengeance de lui !
11 Mais l’Éternel est avec moi comme un héros puissant ; C’est pourquoi mes persécuteurs chancellent et n’auront pas le dessus ; Ils seront remplis de confusion pour n’avoir pas réussi : Ce sera une honte éternelle qui ne s’oubliera pas.
12 L’Éternel des armées éprouve le juste, Il pénètre les reins et les cœurs. Je verrai ta vengeance s’exercer contre eux, Car c’est à toi que je confie ma cause.
13 Chantez à l’Éternel, louez l’Éternel ! Car il délivre l’âme du malheureux de la main des méchants.
14 Maudit soit le jour où je suis né ! Que le jour où ma mère m’a enfanté Ne soit pas béni !
15 Maudit soit l’homme qui porta cette nouvelle à mon père : Il t’est né un enfant mâle, Et qui le combla de joie !
16 Que cet homme soit comme les villes Que l’Éternel a détruites sans miséricorde ! Qu’il entende des gémissements le matin, Et des cris de guerre à midi !
17 Que ne m’a-t-on fait mourir dans le sein de ma mère ! Que ne m’a-t-elle servi de tombeau ! Que n’est-elle restée éternellement enceinte !
18 Pourquoi suis-je sorti du sein maternel Pour voir la souffrance et la douleur, Et pour consumer mes jours dans la honte ?

*

Tout le malheur du prophète vient de ce qu'il a été, à son propre dire, séduit par Dieu (v. 7). De tous les pores de la Création, de chaque lettre de la Loi, la beauté de Dieu, sa sainteté, a transpiré à ses yeux. Séduit par Dieu ! C'en est fini de Jérémie, c'en est fini de sa paix ; c'en sera à terme fini, pour lui, de la saveur de sa vie. C'est face à cette splendeur dévorante, la sainteté de Dieu, que le prophète perçoit désormais de façon incontournable la malédiction qu’est l'inéluctable douleur de sa propre existence ; le manque qui est le sien et que rien en ce monde sans sainteté, impur, ne peut combler. « Malheur à moi, car je suis un homme aux lèvres impures, au milieu d'un peuple aux lèvres impures », dira Ésaïe face à une expérience similaire (És 6).

C’est là le fondement de la parole que Jérémie sera voué à adresser à Jérusalem : c’est dans le miroir de la sainteté divine qu’apparaît la condamnation de Jérusalem et l’exil prochain vers Babylone.

La misère de Jérusalem n'éclate que dans le miroir de la sainteté divine qui a séduit le prophète. Car le péché vient par la loi, selon Paul aux Romains (ch. 5), la loi, ce reflet du Dieu saint. Le péché nous entraîne en effet par le désir de combler le manque de sainteté que la loi de Dieu a révélé en nous. Le prophète l'a su, la séduction de Dieu est aussi la révélation d'un manque. Le péché vient du refus de ce manque ; il naît dans la poursuite effrénée de toutes les nourritures frelatées, de toutes les sources polluées dont on voudrait étancher sa faim et sa soif. Les idoles, les fausses spiritualités et autres mensonges. À propos des idoles, des faux dieux, des dieux et modèles qu’on s’invente, Jérémie parle de citernes crevassées où le peuple s’empoisonne au lieu de se de désaltérer à la parole pure du vrai Dieu, cette parole que porte Jérémie pour son malheur. Jérémie le vit jusqu'en son cri de révolte : « qu'a-t-il fallu que je naisse ! »

Mais il sait aussi que face à Dieu, le monde qui n'est pas à la mesure de Dieu, est insipide, vidé de goût. Un monde de faux-semblants et de masques, qui n’arrivent pas à cacher son manque. Dieu seul peut combler ce manque. La poursuite au mauvais endroit de ce qui ne peut pas le combler ne fait que produire une frustration de plus en plus irrémédiable. Alors Jérémie doit parler, il ne peut pas se taire.

*

De là naît la malédiction de la vocation de Jérémie, le bien nommé « prophète de malheur ». Car comment Jérusalem à laquelle il prêche, qui, comme la plupart des vivants, n'a pas perçu la source éternelle de ses joies passagères, comment pourrait-elle accueillir de telles jérémiades ? Comment pourrait-elle accepter la parole de son malheur ?

Alors tout plutôt que cela : jusqu'à payer des faux prophètes ; mais surtout faire taire ce rabat-joie. Et la suite du livre rappelle qu’on l’a bien fait : on a payé des faux prophètes pour qu’ils donnent des paroles rassurantes, mais creuses, fausses, pour remplacer la parole du prophète qui dérange parce qu’elle est vraie. Remarquez que lui aussi serait le premier à vouloir se taire, à voir cesser sa honte, le mépris qu’on lui porte. Car c’est à cause de sa vocation qu’on le méprise. Pensez : il dit la vérité.

Mais comment accepter cette parole qui nous dérange tant ? On veut être flatté. Or la vérité ne sait pas flatter ! Alors, à moins de se rendre à l'acceptation de la douleur qui tenaille le prophète, on préférera s’illusionner : j'ai faim, je veux des citernes crevassées, je veux des courges et des cailles, je préfère l’Égypte et l'infantilisme de son esclavage, plutôt que le désert de la Vérité.

Mais pour Jérémie, Dieu l'a saisi, et il ne pourra pas se taire. Il se trouve pris et tiraillé entre les contradictions de sa vocation. Entre la Splendeur dont il sait qu'il ne l'atteint pas, et que le péché et la laideur demeurent, et la paix qui serait dans cette impossible atteinte.

*

Mais le comble du désespoir de Jérémie est en ce que sa justice est au cœur même de ses tiraillements, dans les paroles épouvantables de sa honte, dont le tout Jérusalem voudrait qu'il les étouffe — comme lui aussi, d'ailleurs, le voudrait bien (v. 10-11).

Puis, pourtant, c'est au cœur de sa détresse d'être au monde que Jérémie reçoit de Dieu la parole de sa justice. C'est pour celui qui a l'outrance de dire le malaise infini que creuse la sainteté de Dieu entre le désir inassouvi qu'elle a suscité et un vécu blafard — c'est pour celui qui dit ce malaise, et en quels termes, — que Dieu prend parti ; et point pour les désespérés joyeux dont le sommeil aveugle voudrait sceller la bouche qui menace leur trop sotte paix. C'est alors que Jérémie invoque contre Lui-même le Dieu qui le voit autrement (v.11-13).

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Ici, le malheur de Jérémie se transfigure : quelle que soit l'incongruité de la parole qu'il a à porter, elle est la parole du relèvement de Jérusalem, au cœur de son malheur. Dans cette certitude d'un manque que rien ne peut assouvir, perce alors le regard de Dieu.


RP
Textes de fin du monde

Église protestante unie de France / Poitiers
Étude biblique 2017-2018
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
4) 9 janvier 2018, 14h 30 et 20h 30 - Menace babylonienne – Jérémie 20, 7-18