mercredi 25 mai 2011

Paul. Les derniers jours




Les derniers jours sont advenus avec la résurrection du Christ. Depuis nous sommes dans « le déjà et le pas encore du Royaume » (expression d’O. Cullmann).

L’espérance de la résurrection est un préalable, relevant de la foi pharisienne de Paul, et en retenant tous les symboles (cf. par ex. 1 Th 4, 15-17). La résurrection du Christ en marque l’avènement. L’entrée dans le monde à venir s’opère par la foi au Ressuscité.

Ce tournant, qui fait de ce temps un « déjà et pas encore », scinde jusqu’au cœur de nos êtres, entre ce qui se voit, et qui s’use — symbole : nos êtres temporels qui s’usent et vieillissent et que Paul appelle « le vieil homme » (Ro 6, 6 ; Ep 4, 22 ; Col 3, 9), et ce qui est déjà là sans se voir encore : l’être nouveau, le Ressuscité, déjà semé en nous, a commencé sa croissance jusqu’au jour de l’avènement du Royaume comme clôture du « pas encore ».

Sa présence comme vie de l’Esprit est prémisse du Royaume en nous.

La clôture du « pas encore » est un événement critique, une crise encore à venir, mais imminente, et déjà commencée dans les douleurs du temps… Il y a tout lieu d’attendre qu’elles s’accroissent, jusqu’à un climax, un déchaînement qui est encore retenu (2 Th 2, 7).

Le terme de cette crise est la libération finale, celle-là même qui a déjà commencé en arrhes, en Esprit, la délivrance de la mort.

Ce pourquoi Paul fait, dans son propos, si peu cas de sa mort-même, vécue comme signe de délivrance de ce temps douloureux, signe du jour glorieux de la plénitude de la vie de résurrection, par la pleine présence de Dieu, « tout en tous ».

*

1 Corinthiens 15
12 Si l'on proclame que Christ est ressuscité des morts, comment certains d'entre vous disent-ils qu'il n'y a pas de résurrection des morts ? 13 S'il n'y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n'est pas ressuscité, 14 et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi. 15 Il se trouve même que nous sommes de faux témoins de Dieu, car nous avons porté un contre-témoignage en affirmant que Dieu a ressuscité le Christ alors qu'il ne l'a pas ressuscité, s'il est vrai que les morts ne ressuscitent pas. 16 Si les morts ne ressuscitent pas, Christ non plus n'est pas ressuscité. 17 Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est illusoire, vous êtes encore dans vos péchés. 18 Dès lors, même ceux qui sont morts en Christ sont perdus. 19 Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes.
20 Mais non ; Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts. 21 En effet, puisque la mort est venue par un homme, c'est par un homme aussi que vient la résurrection des morts : 22 comme tous meurent en Adam, en Christ tous recevront la vie ; 23 mais chacun à son rang : d'abord les prémices, Christ, puis ceux qui appartiennent au Christ, lors de sa venue ; 24 ensuite viendra la fin, quand il remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute domination, toute autorité, toute puissance. 25 Car il faut qu'il règne, jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. 26 Le dernier ennemi qui sera détruit, c'est la mort, 27car il a tout mis sous ses pieds. Mais quand il dira : « Tout est soumis », c'est évidemment à l'exclusion de celui qui lui a tout soumis. 28 Et quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous.

35 Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? 36 Insensé ! Toi, ce que tu sèmes ne prend vie qu'à condition de mourir.
37 Et ce que tu sèmes n'est pas la plante qui doit naître, mais un grain nu, de blé ou d'autre chose. 38 Puis Dieu lui donne corps, comme il le veut et à chaque semence de façon particulière. 39 Aucune chair n'est identique à une autre : il y a une différence entre celle des hommes, des bêtes, des oiseaux, des poissons. 40 Il y a des corps célestes et des corps terrestres, et ils n'ont pas le même éclat ; 41 autre est l'éclat du soleil, autre celui de la lune, autre celui des étoiles ; une étoile même diffère en éclat d'une autre étoile.
42 Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, on ressuscite incorruptible ; 43 semé méprisable, on ressuscite dans la gloire ; semé dans la faiblesse, on ressuscite plein de force ; 44 semé corps animal, on ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. 45 C'est ainsi qu'il est écrit : le premier homme Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam est un être spirituel donnant la vie. 46 Mais ce qui est premier, c'est l'être animal, ce n'est pas l'être spirituel ; il vient ensuite. 47 Le premier homme tiré de la terre est terrestre. Le second homme, lui, vient du ciel. 48 Tel a été l'homme terrestre, tels sont aussi les terrestres, et tel est l'homme céleste, tels seront les célestes.
49 Et de même que nous avons été à l'image de l'homme terrestre, nous serons aussi à l'image de l'homme céleste. 50 Voici ce que j'affirme, frères : la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l'incorruptibilité.
51 Je vais vous faire connaître un mystère. Nous ne mourrons pas tous, mais tous, nous serons transformés, 52 en un instant, en un clin d'œil, au son de la trompette finale. Car la trompette sonnera, les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés. 53 Il faut en effet que cet être corruptible revête l'incorruptibilité, et que cet être mortel revête l'immortalité.
54 Quand donc cet être corruptible aura revêtu l'incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l'immortalité, alors se réalisera la parole de l'Ecriture : La mort a été engloutie dans la victoire. 55 Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? 56 L'aiguillon de la mort, c'est le péché, et la puissance du péché, c'est la loi.
57 Rendons grâce à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ.


2 Corinthiens 5
1 Nous le savons, si notre demeure terrestre, qui n'est qu'une tente, se détruit, nous avons un édifice, œuvre de Dieu, une demeure éternelle dans les cieux, qui n'est pas faite de main d'homme. 2 Et nous gémissons, dans le désir ardent de revêtir, par-dessus l'autre, notre habitation céleste, 3 pourvu que nous soyons trouvés vêtus et non pas nus. 4 Car nous qui sommes dans cette tente, nous gémissons, accablés ; c'est un fait : nous ne voulons pas nous dévêtir, mais revêtir un vêtement sur l'autre afin que ce qui est mortel soit englouti par la vie. 5 Celui qui nous a formés pour cet avenir, c'est Dieu, qui nous a donné les arrhes de l'Esprit. 6 Ainsi donc, nous sommes toujours pleins de confiance, tout en sachant que, tant que nous habitons dans ce corps, nous sommes hors de notre demeure, loin du Seigneur, 7 car nous cheminons par la foi, non par la vue... 8 Oui, nous sommes pleins de confiance et nous préférons quitter la demeure de ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur. 9 Aussi notre ambition — que nous conservions notre demeure ou que nous la quittions — est-elle de lui plaire. 10 Car il nous faudra tous comparaître à découvert devant le tribunal du Christ afin que chacun recueille le prix de ce qu'il aura fait durant sa vie corporelle, soit en bien, soit en mal.


1 Thessaloniciens 4
13 Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez dans l'ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis dans la mort, afin que vous ne vous attristiez pas comme les autres, qui n'ont pas d'espérance. 14 En effet, si, comme nous le croyons, Jésus est mort et s'est relevé, alors, par Jésus, Dieu réunira aussi avec lui ceux qui se sont endormis. 15 Voici en effet ce que nous vous disons — c'est une parole du Seigneur : nous, les vivants qui restons jusqu'à l'avènement du Seigneur, nous ne devancerons en aucun cas ceux qui se sont endormis. 16 Car le Seigneur lui-même, avec un cri de commandement, avec la voix d'un archange, avec le son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et ceux qui sont morts dans le Christ se relèveront d'abord. 17 Ensuite, nous, les vivants qui restons, nous serons enlevés ensemble avec eux, dans les nuées, à la rencontre du Seigneur, dans les airs ; et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur.


2 Thessaloniciens 2
1 Au sujet de la venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui, nous vous le demandons, frères : 2 n'allez pas trop vite perdre la tête ni vous effrayer à cause d'une révélation prophétique, d'un propos ou d'une lettre présentés comme venant de nous, et qui vous feraient croire que le jour du Seigneur est arrivé. 3 Que personne ne vous séduise d'aucune manière. Il faut que vienne d'abord l'apostasie et que se révèle l'Homme de l'impiété, le Fils de la perdition, 4 celui qui se dresse et s'élève contre tout ce qu'on appelle dieu ou qu'on adore, au point de s'asseoir en personne dans le temple de Dieu et de proclamer qu'il est Dieu.
5 Ne vous rappelez-vous pas que je vous parlais de cela quand j'étais encore près de vous ? 6 Et maintenant, vous savez ce qui le retient, pour qu'il ne soit révélé qu'en son temps. 7 Car le mystère de l'impiété est déjà à l'œuvre ; il suffit que soit écarté celui qui le retient à présent. 8 Alors se révélera l'Impie, que le Seigneur Jésus détruira du souffle de sa bouche et anéantira par l'éclat de sa venue. 9 Quant à la venue de l'Impie, marquée par l'activité de Satan, elle se manifestera par toutes sortes d'œuvres puissantes, de miracles, de prodiges trompeurs 10 et par toutes les séductions de l'injustice pour ceux qui se perdent, faute d'avoir accueilli l'amour de la vérité qui les aurait sauvés. 11 C'est pourquoi Dieu leur envoie une puissance d'égarement qui les fait croire au mensonge, 12 afin que soient jugés tous ceux qui n'ont pas cru à la vérité mais ont pris plaisir à l'injustice.


Philippiens 1
21 Pour moi, vivre, c'est Christ, et mourir m'est un gain. 22 Mais si vivre ici-bas doit me permettre un travail fécond, je ne sais que choisir. 23 Je suis pris dans ce dilemme : j'ai le désir de m'en aller et d'être avec Christ, et c'est de beaucoup préférable, 24 mais demeurer ici-bas est plus nécessaire à cause de vous. 25 Aussi, je suis convaincu, je sais que je resterai, que je demeurerai près de vous tous, pour votre progrès et la joie de votre foi, 26 afin que grandisse grâce à moi, par mon retour auprès de vous, la gloire que vous avez en Jésus Christ.


Romains 8
18 J'estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. 19 Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu : 20 livrée au pouvoir du néant — non de son propre gré, mais par l'autorité de celui qui l'a livrée —, elle garde l'espérance, 21 car elle aussi sera libérée de l'esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.
22 Nous le savons en effet : la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l'enfantement. 23 Elle n'est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l'adoption, la délivrance pour notre corps. 24 Car nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. Or, voir ce qu'on espère n'est plus espérer : ce que l'on voit, comment l'espérer encore ? 25 Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec persévérance. 



Paul (8) - Les derniers jours
R.P., KT Adultes / Enregistrements ici.
Antibes 26.05.2011



dimanche 22 mai 2011

Le sens olfactif et la symbolique du parfum



"Marie, ayant pris une livre d'un parfum de nard pur de grand prix, oignit les pieds de Jésus, et elle lui essuya les pieds avec ses cheveux; et la maison fut remplie de l'odeur du parfum." (Jean 12, 3)


Le nard — le mot est le même dans le grec de l’évangile — est l’un des plus anciens parfums orientaux connus. Il s’agit, sous sa forme d’huile, d’un liquide de couleur ambrée. Il vient d’Inde. L’huile de nard est extraite d’une plante, qui pousse dans les montagnes himalayennes — en Inde, au Népal et au Tibet. Une variété proche, est appelée nard chinois. Il vient donc de loin, d’autant plus rare et coûteux.

Le nard est, en dehors de ses applications comme huile, utilisé aussi pour fabriquer de l’encens. Son utilisation est très ancienne. Elle fait partie intégrante de la tradition indienne ; et elle était considérée en l’Égypte ancienne, au Moyen-Orient et dans la Rome antique, comme un parfum de luxe. Pline, dans son Histoire Naturelle, en dénombre douze espèces. Bref, et selon de nombreux textes anciens, le nard considéré comme un produit de grande valeur, monétaire — et spirituelle, d’où son usage dans de nombreux rites religieux.

Et on le trouve donc mentionné dans la Bible : dans le Cantique des Cantiques (1:12 et 4:13), en Marc, ou dans le texte qui en est proche, de Jean (12, 3) — où la femme versant le nard est nommée : c’est Marie de Béthanie, sœur de Marthe et Lazare.

Voilà qui met un peu en lumière le geste de cette femme, et de son geste devenu geste d’Évangile, relaté, comme a dit Jésus, dans le monde entier. On a là, avec la mention du nard, parfum rare et venant de loin, et de son grand prix, qui parle de sa qualité unique, un écho du Cantique des Cantiques :

Mon nard exhale son parfum.
Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe. (Cantique 1, 12-13)

Moi, je me lève pour ouvrir à mon bien-aimé !
Et mes mains distillent de la myrrhe,
et mes doigts de la myrrhe fluide,
sur les paumelles du verrou (Cantique 5, 5)


Apparaît ici un second parfum, la myrrhe, ce qui donne, avec les autres parfums mentionnés par le Cantique — l'aloès, le safran, le roseau aromatique, le cinnamome (qui serait la canelle) importé aussi d’Orient, … — autant d’essences d’une composition, qui souligne, comme le grand prix du flacon de nard de l’Evangile, ce que le parfum a d’unique.

La myrrhe, elle, est une gomme-résine extraite des arbustes. L'arbuste, de la famille des térébinthacées, n'existait pas en Palestine. Il était importé d'Arabie, moins loin que l’Inde, mais en qualifiant de coût tout de même.

La myrrhe était utilisée chez les Égyptiens (notamment pour l'embaumement des défunts).
L'essence de myrrhe était souvent associée à d'autres parfums.

La myrrhe provient de la sève qui découle, soit librement, soit des blessures faites à l’écorce d’un arbrisseau, comme des larmes. Une fois à l’air libre, celles-ci se dessèchent et donnent une résine bien connue sous le nom de myrrhe. Cette résine répand une odeur agréable. Celle qui s’écoule librement de l’arbre est appelée myrrhe franche ou découlante (Ex. 30:23). C’est probablement la même qui est appelée la myrrhe limpide, fluide (Cant. 5:5) du Cantique des Cantiques, qui cite la myrrhe plusieurs fois.

Enfin les mages venus de l’orient apportaient parmi leurs trésors de la myrrhe.

Avant cela, la myrrhe est souvent mentionnée dans les Écritures. Elle est mentionnée en premier parmi les aromates entrant dans la composition de l’huile de l’onction qui était répandue sur le sanctuaire, sur ses ustensiles et sur les sacrificateurs.

*

Depuis l’épisode des mages, la myrrhe symbolise, avec l’encens, un autre parfum — non olfactif —, celui du nom de Jésus ; le futur parfum qui s’exhalera de ses souffrances ; des larmes qu’il versera, de ses blessures, de ses meurtrissures… Puisqu’à l’autre terme de sa vie, c’est dans une mixtion de myrrhe et d’aloès (produit d’un arbre — cf. les arbres d’aloès dans Nb 24:6, plantés par le Seigneur) — que Joseph d’Arimathée et Nicodème ont enveloppé le corps de Jésus lorsqu’ils l’eurent déposé dans le sépulcre neuf ; sépulcre qui n’a pas connu la corruption et duquel n’est monté qu’un parfum précieux, une bonne odeur ; sépulcre qui n’aura rien à rendre au jour de la résurrection de ceux qui se sont endormis.

Une huile parfumée, huile, image de l’Esprit donc… Comme l’huile de l’onction qui était répandue sur le tabernacle, sur tous ses ustensiles et sur la tête d’Aaron et de ses fils… Auxquels font écho les parfums que le Christ trouve dans son jardin, chez les siens, comme ceux qui sont mentionnés dans le Cantique des cantiques. Mais concernant le Christ, la référence nous a fait passer au-delà des sens. Où le parfum devient symbole. Car le parfum du Christ est au-delà même du sens olfactif : « Grâces soient rendues à Dieu, qui nous fait toujours triompher en Christ, et qui répand par nous en tout lieu l'odeur de sa connaissance ! » (2 Co 2, 14.) Symbole que les aromates et les encens, d’un parfum qui est au-delà de tout parfum, d’un encens qui répand sa fumée au-delà de nos sens.

Quelques-uns de ces aromates du Cantique, signe du tabernacle céleste sont ainsi aussi mentionnés dans l’Exode, ch. 30, décrivant le tabernacle construit selon le modèle céleste contemplé par Moïse.

Exode 30, 22-33
22 Le SEIGNEUR adressa la parole à Moïse :
23 « Procure-toi aussi des aromates de première qualité : — de la myrrhe fluide : cinq cents sicles ; — du cinnamome aromatique : la moitié, soit deux cent cinquante ; — du roseau aromatique : deux cent cinquante ; —
24 de la casse : cinq cents, en sicles du sanctuaire, avec un hîn d'huile d'olive.
25 Tu en feras l'huile d'onction sainte, mélange parfumé — travail de parfumeur ; ce sera l'huile d'onction sainte.
26 Tu en oindras la tente de la rencontre, l'arche de la charte,
27 la table et tous ses accessoires, le chandelier et ses accessoires, l'autel du parfum,
28 l'autel de l'holocauste et tous ses accessoires, la cuve et son support.
29 Tu les consacreras, et ils seront très saints ; tout ce qui y touchera sera saint.
30 Aaron et ses fils, tu les oindras aussi et tu les consacreras pour qu'ils exercent mon sacerdoce.
31 Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : Ceci est l'huile d'onction sainte ; d'âge en âge, elle est pour moi.
32 On n'en mettra sur le corps de personne ; vous n'imiterez pas sa recette, car elle est sacrée et elle restera sacrée pour vous.
33 Celui qui imitera ce mélange et en mettra sur un profane sera retranché de sa parenté. »


*

Pourquoi cette rigueur quant à l’unicité ? On le sait : un parfum a toujours quelque chose d’unique, désignant celui ou celle, qui, par son parfum particulièrement, est perçu comme unique. On connaît la fonction mémorielle du sens olfactif. À un parfum, une odeur, remonte, de notre mémoire, un lieu que l’on avait quitté il y a des années, une personne que l’on avait perdue de vue. Un effluve, et tout remonte à la surface. C’est bien lui, c’est bien elle, c’est bien cette terre là, ce pays là, ce village là.

*

Souvenez-vous, dans la Genèse… « Jacob s'approcha et l’embrassa. Et Isaac sentit l'odeur de ses vêtements et il le bénit en disant: "Voici, l'odeur de mon fils est comme l'odeur d'un champ qu'a béni le Seigneur !" » (Genèse 27, 27.) Quand Isaac, aveugle, demande à Jacob de l'embrasser avant de lui accorder la bénédiction qui revenait à Esaü, c'est pour le reconnaître à son odeur. Et Jacob trompe le flair d'Isaac en revêtant les vêtements d'Esaü.

Il sera prescrit que l’on ne reproduise pas pour un autre usage le parfum consacré au culte biblique. Il y a là quelque chose d’unique, qui doit rester unique, comme, en écho, se révèle unique celui ou celle qui est fait selon l’image de Dieu.

Unicité que l’on retrouve dans le parfum de l’encens qui fume devant Dieu, donnant son nom même au mot parfum, enraciné par son étymologie dans la fumée de l’encens, ce mélange unique parfumant le culte de sa fumée, ne se trouvait que dans le sanctuaire.

Exode 30, 34 & 1-9
34 Le SEIGNEUR dit à Moïse : « Procure-toi des essences parfumées : storax, ambre, galbanum parfumé, encens pur, en parties égales.
35 Tu en feras un parfum mélangé — travail de parfumeur — salé, pur, sacré.
36 Tu en réduiras un morceau en poudre pour en mettre un peu devant la charte dans la tente de la rencontre, là où je te rencontrerai. Pour vous, il sera très saint.
37 Et ce parfum que tu feras, vous n'utiliserez pas sa recette à votre usage ; tu le tiendras pour consacré au SEIGNEUR.
38 Celui qui en fera une imitation pour jouir de son odeur sera retranché de sa parenté. »


1 « Tu feras un autel où faire fumer le parfum ; tu le feras en bois d'acacia.
2 Une coudée pour sa longueur, une coudée pour sa largeur — il sera carré — deux coudées pour sa hauteur. Ses cornes feront corps avec lui.
3 Tu le plaqueras d'or pur — le dessus, les parois tout autour et les cornes — et tu l'entoureras d'une moulure en or.
4 Tu lui feras des anneaux d'or, au-dessous de la moulure, sur ses deux côtés — tu en feras sur ses deux flancs — pour loger les barres servant à le lever.
5 Tu feras les barres en bois d'acacia et tu les plaqueras d'or.
6 Tu le placeras devant le voile qui abrite l'arche de la charte — devant le propitiatoire qui est sur la charte — là où je te rencontrerai.
7 Aaron y fera fumer le parfum à brûler ; matin après matin, quand il arrangera les lampes, il le fera fumer.
8 Et quand Aaron allumera les lampes au crépuscule, il le fera fumer. C'est un parfum perpétuel devant le SEIGNEUR, d'âge en âge. 9Vous n'y offrirez pas de parfum profane.


Unique devant Dieu (Cantiques des Cantiques — extraits) :

Ton amour vaut mieux que le vin,
tes parfums ont une odeur suave ;
ton nom est un parfum qui se répand ;
c'est pourquoi les jeunes filles t'aiment. (1, 2-3)

Mon nard exhale son parfum.
Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe,
Qui repose entre mes seins. (1, 12-13)

Le figuier embaume ses fruits,
et les vignes en fleur exhalent leur parfum. (2, 13)

Qui est celle qui monte du désert,
comme des colonnes de fumée,
au milieu des vapeurs de myrrhe et d'encens
et de tous les aromates des marchands ? (3, 6)

Avant que le jour se rafraîchisse,
et que les ombres fuient,
j'irai à la montagne de la myrrhe
et à la colline de l'encens. (4, 6)

Comme ton amour vaut mieux que le vin,
et combien tes parfums sont plus suaves que tous les aromates ! (4, 10)

Les troènes avec le nard ;
Le nard et le safran, le roseau aromatique et le cinnamome,
avec tous les arbres qui donnent l'encens ;
la myrrhe et l'aloès… (4, 13-14)

Lève-toi, aquilon ! viens, autan !
Soufflez sur mon jardin, et que les parfums s'en exhalent ! (4, 16)

J'entre dans mon jardin, ma sœur, ma fiancée ;
je cueille ma myrrhe avec mes aromates, (5, 1)

Ses joues sont comme un parterre d'aromates,
une couche de plantes odorantes ;
ses lèvres sont des lis, d'où découle la myrrhe. (5, 13)

Mon bien-aimé est descendu à son jardin,
au parterre d'aromates. (6, 2)

Les mandragores répandent leur parfum, (7, 13)

et je te ferai boire du vin parfumé,
du moût de mes grenades. (8, 2)

Sois semblable à la gazelle ou au faon des biches,
sur les montagnes des aromates ! (8, 14)


Unique parfum de vie : « Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi » (Jean 14, 6) — le texte de ce jour : — « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé Jésus-Christ. » (Jean 17, 3). Effluve unique de l’Unique devant Dieu… Qui nous dévoile à notre tour comme autant d’uniques au parfum unique devant Dieu déployant la richesse de sa création.

R.P.
Fête de printemps,
Vence 22.05.11
Antibes 5.06.11



mardi 17 mai 2011

La force du sacré et l'institution du sacerdoce lévitique



Nombres 3
1Voici la généalogie d’Aaron et de Moïse, au jour où le SEIGNEUR parla à Moïse au mont Sinaï.
2Voici les noms des fils d’Aaron : Nadab, le premier-né, Abihou, Eléazar et Itamar. 3Voilà les noms des fils d’Aaron, les prêtres ayant reçu l’onction, ceux qui furent investis pour exercer le sacerdoce. 4Nadab et Abihou moururent devant le SEIGNEUR quand ils présentèrent un feu profane devant le SEIGNEUR, dans le désert du Sinaï ; ils n’avaient pas de fils. Eléazar et Itamar exercèrent le sacerdoce sous la surveillance d’Aaron, leur père.
5Le SEIGNEUR dit à Moïse : 6Présente la tribu de Lévi ; tu la mettras à la disposition d’Aaron, le prêtre, pour qu’elle l’assiste. 7Ils assureront le service pour lui et pour toute la communauté devant la tente de la Rencontre : ils accompliront le service de la Demeure.8Ils seront responsables de tous les ustensiles de la tente de la Rencontre et assureront le service pour les Israélites : ils accompliront le service de la Demeure. 9Tu donneras les lévites à Aaron et à ses fils, à titre de « donnés » ; ils lui seront donnés d’entre les Israélites. 10Tu installeras Aaron et ses fils pour qu’ils exercent leur sacerdoce ; le profane qui approchera sera mis à mort.
11Le SEIGNEUR dit à Moïse : 12Moi, j’ai pris les lévites d’entre les Israélites à la place de tous les premiers-nés, de tout Israélite né le premier de sa mère : les lévites m’appartiennent.
13Car tout premier-né m’appartient ; le jour où j’ai frappé tous les premiers-nés en Egypte, je me suis consacré tous les premiers-nés en Israël ; ceux des hommes comme ceux des bêtes m’appartiennent. Je suis le SEIGNEUR (YHWH).
14Dans le désert du Sinaï, le SEIGNEUR dit à Moïse : 15Recense les fils de Lévi famille par famille, clan par clan ; tu recenseras tous les mâles depuis l’âge d’un mois et au-dessus. 16Moïse les recensa sur l’ordre du SEIGNEUR, comme cela lui avait été ordonné.
17Voici quels sont les noms des fils de Lévi : Guershôn, Qehath et Merari. 18Voici les noms des fils de Guershôn, clan par clan : Libni et Shiméi ; 19les fils de Qehath, clan par clan : Amram, Yitsehar, Hébron et Ouzziel ; 20les fils de Merari, clan par clan : Mahli et Moushi. Ce sont là les clans des lévites, famille par famille.
21De Guershôn, le clan de Libni et le clan de Shiméi ; ce sont là les clans des Guershonites. 22Ceux qui furent recensés parmi eux, en comptant tous les mâles depuis l’âge d’un mois et au-dessus, ceux qui furent recensés parmi eux étaient 7 500. 23Les clans des Guershonites campaient derrière la Demeure, à l’ouest. 24Prince de la famille des Guershonites : Eliasaph, fils de Laël. 25Pour ce qui concerne la tente de la Rencontre, les fils de Guershôn étaient responsables de la Demeure : de la tente, de la couverture, du rideau qui est à l’entrée de la tente de la Rencontre, 26des tentures de la cour et du rideau de l’entrée de la cour, tout autour de la Demeure et de l’autel, de tous ses cordages et de tout ce qui en dépend.
27De Qehath, le clan des Amramites, le clan des Yitseharites, le clan des Hébronites et le clan des Ouzziélites ; ce sont là les clans des Qehatites. 28En comptant tous les mâles depuis l’âge d’un mois et au-dessus, il y en eut 8 600 pour assurer le service du sanctuaire. 29Les clans des fils de Qehath campaient sur le côté sud de la Demeure. 30Prince de la famille des clans des Qehatites : Elitsaphân, fils d’Ouzziel. 31Ils étaient responsables du Coffre, de la table, du porte-lampes, des autels, des ustensiles du sanctuaire dont on se sert pour officier, du rideau et de tout ce qui en dépend. 32Prince suprême des lévites : Eléazar, fils d’Aaron, le prêtre ; il avait la surveillance de ceux qui assuraient le service du sanctuaire.
33De Merari, le clan de Mahli et le clan de Moushi ; ce sont là les clans de Merari. 34Ceux qui furent recensés parmi eux, en comptant tous les mâles depuis l’âge d’un mois et au-dessus, étaient 6 200. 35Prince de la famille des clans de Merari : Touriel, fils d’Abihaïl. Ils campaient sur le côté nord de la Demeure. 36Les fils de Merari s’étaient vu confier la responsabilité des planches de la Demeure, de ses barres, de ses colonnes et de ses socles, de tous ses ustensiles et de tout ce qui en dépend, 37des colonnes de la cour, tout autour, de leurs socles, de leurs piquets et de leurs cordages.
38Moïse, Aaron et ses fils campaient devant la Demeure, à l’est, devant la tente de la Rencontre, au levant ; ils assuraient le service du sanctuaire pour les Israélites ; le profane qui approcherait devait être mis à mort.
39Tous les lévites que Moïse et Aaron recensèrent sur l’ordre du SEIGNEUR, clan par clan, tous les mâles depuis l’âge d’un mois et au-dessus, étaient 22 000.

*

Pourquoi tous ces détails, cette organisation stricte de la mise en place du sacerdoce, de ses dignitaires attitrés, de ses rites ?

On est face au divin, au « numineux » pour le dire comme les historiens des religions, face au sacré, à quelque chose de terrible, tremendus en latin, qui fait trembler ! « Nul ne peut voir Dieu et vivre ».

La fonction de la religion est alors là, dans tout le détail de la description du rite et de ses officiants : autant de règles d’approche, pas par n’importe qui, désignant le sacré pour le rencontrer sans le profaner. Des règles à observer minutieusement – ici par les Lévites uniquement - sous peine de voir le sacré déborder dans le recouvrement de son déferlement et de son danger.

Lévitique 10 :
1 Les fils d’Aaron, Nadab et Abihu, prirent chacun un brasier, y mirent du feu, et posèrent du parfum dessus ; ils apportèrent devant l’Eternel du feu étranger, ce qu’il ne leur avait point ordonné.
2 Alors le feu sortit de devant l’Eternel, et les consuma : ils moururent devant l’Eternel.


2 samuel 6 :
1 David rassembla encore toute l’élite d’Israël, au nombre de trente mille hommes.
2 Et David, avec tout le peuple qui était auprès de lui, se mit en marche depuis Baalé-Juda, pour faire monter de là l’arche de Dieu, devant laquelle est invoqué le nom de l’Eternel des armées qui réside entre les chérubins au-dessus de l’arche.
3 Ils mirent sur un char neuf l’arche de Dieu, et l’emportèrent de la maison d’Abinadab sur la colline ; Uzza et Achjo, fils d’Abinadab, conduisaient le char neuf.
4 Ils l’emportèrent donc de la maison d’Abinadab sur la colline ; Uzza marchait à côté de l’arche de Dieu, et Achjo allait devant l’arche.
5 David et toute la maison d’Israël jouaient devant l’Eternel de toutes sortes d’instruments de bois de cyprès, des harpes, des luths, des tambourins, des sistres et des cymbales.
6 Lorsqu’ils furent arrivés à l’aire de Nacon, Uzza étendit la main vers l’arche de Dieu et la saisit, parce que les bœufs la faisaient pencher.
7 La colère de l’Eternel s’enflamma contre Uzza, et Dieu le frappa sur place à cause de sa faute. Uzza mourut là, près de l’arche de Dieu.


Signe que la terreur est présente, à moins que…

Mis en ordre dans la religion, le sacré perd ipso facto quelque chose quelque chose de sa puissance. S’il est institutionnalisé, domestiqué donc, il est moins imprévisible, moins terrible, déjà en marche vers sa profanation et son remplacement. Et on ne profane collectivement que ce qui n’est déjà plus sacré, ou qui est le sacré d’autrui — que ce soit moquerie sur une religion, ses symboles ou ses clercs, ou une institution d’État ou autre personnage royal.

Tel est le paradoxe du rite qui dessine le sacré, l’espace sacré, le temps sacré, le personnage sacré. Mais en lui faisant perdre son trop grand danger, la religion est déjà, comme telle, en route vers sa propre profanation. S’il n’y a plus lieu de trembler, s’il n’y a là, à terme, plus rien de « tremendus », de terrifiant, il n’y a là bientôt plus rien de particulièrement sacré… Au risque de voir la violence rejaillir par un autre biais, décuplée…

C’est la violence qui est à la racine de nos êtres qui est dévoilée dans la violence du sacré, et dans son lien avec le sacrifice. Cette violence qui se déploie par le mimétisme selon la théorie de René Girard, l’imitation du désir des uns par les autres, violence qui débouche sur la guerre de tous contre tous, et qui est évacuée par le sacrifice, la désignation d’un « bouc émissaire », puis l’organisation d’un rituel autour de ce « bouc émissaire », jusqu’au sacrifice animal en lieu et place du sacrifice humain.

La sacrifice humain interdit par la Bible (cf. l’épisode du sacrifice d’Abraham) ouvre sur l’institution des lévites, consacrés en lieu de place des premiers nés (v.11 & 12) qu’il est illégitime de sacrifier ! Les lévites sont alors consacrés au rituel sacrificiel d’évacuation de la violence au cœur de nos êtres, au cœur du sacré, contact terrible avec l’ultime.

Au fond, nul ne peut voir Dieu et vivre… « Personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître. » (Jn 1, 18).

La mort du Christ devient dans cette perspective notre mort par laquelle on rencontre Dieu dans sa résurrection, notre résurrection… Vous être morts avec lui, et ressuscités avec lui, écrit Paul à plusieurs reprises.


R.P., 17.05.11, CP Antibes


mardi 10 mai 2011

Afrique-France, Abidjan-Paris : une dérive de continents




Dérive des continents...

Une anecdote pour commencer : le 1er avril dernier (ça ne s’invente pas), en pleine matinée, un ami très proche me téléphone apparemment affolé : il est en train de regarder les infos, zappant de BFM TV à France24, I-télé, etc., chaînes d’infos en continu. Il connaît mon approche des médias concernant la Côte d’Ivoire (je vais y venir) et me demande avec perplexité : « qu’est-ce que je dois croire de ce que je vois ». Ma réponse : qu’est-ce que tu dois croire ? Mais rien ! Il ne s’agit pas de croire, mais de faire des recoupements. S’il s’agit de croire, un conseil, autant ne pas écouter les médias que tu mentionnes (j’avais moi-même écouté ces télés auparavant le matin, puis j’avais eu contact avec l’information ivoirienne). Plutôt que croire, recoupe, recoupe les infos. Manifestement je le choquais (sic). C’est cependant un homme cultivé, vigilant, mais là c’est trop : ne rien croire de ce que disent nos médias, c’en est trop. Et je précise aujourd'hui que moi-même me suis laissé avoir ce jour-là par nos journaux qui annonçaient boucle la chute imminente de Gbagbo, d’une heure à l’autre (c’était 11 jours avant sa capture). Et voilà mon ami à insister : « mais je le vois, c’est là à l’écran ! ». Et moi : Oui mais qu’est-ce que tu vois ? De la fumée sur la ville, au loin (c’est ce qu’on nous montre régulièrement), des pillards (sans nous dire que la rébellion a fait évader tous les prisonniers de la prison d’Abidjan). Mais rien n’y fait : j’évoque les cadavres attribués au « camp Gbagbo » que nos télés nous ont montrés avant chaque sommet de l’UA ou de l’Onu et qui se relèvent après le film au vu (qu’ils ignorent) des caméras cachées ! Ce qui achève de le convaincre que j’en suis à lui dire que ce qu’il est en train de voir est un montage ! Et le voilà qui passe à Simone Gbagbo jugée hystérique par les télés qu’il est en train de regarder, étant évangélique, etc. (et du coup me voilà en soutien des hystériques et d’une théorie du complot ! Sic !). Il finit par préférer raccrocher sous un prétexte que j’accepte avec soulagement, fatigué moi-même par la situation…

C’était une illustration concrète de la dérive des continents médiatiques : deux discours complètement étrangers l’un à l’autre, celui qui prévaut en France et un autre qu'on reçoit en Afrique en général (pas seulement en Côte d'Ivoire) entre lesquels j’essaye, souvent en vain (je viens de l’illustrer) de faire la médiation.

Une dérive médiatique qui vaut pour les journaux français de droite comme de gauche. Le discours de Libération, par exemple, est reçu en Côte d'Ivoire comme nettement colonialiste, insupportablement colonialiste, à l'instar du Monde ou des journaux dits de droite et des magazines de gauche ou de droite qui se disputent le pompon du plus imbuvable des néo-colons. Cela à l'exception du Gri-Gri international, marginal, mais aussi, dans une moindre mesure de L'Humanité, et parfois du Canard enchaîné. Pour tous les autres c'est l'unanimité... (cf. R. Girard, citant Emmanuel Lévinas évoquant le Talmud : « si tout le monde est trop vite d'accord pour condamner un prévenu, alors mieux vaut le libérer, car tout jugement unanime est suspect »… (Achever Clausewitz, p. 63.)

C’est sous cet angle, celui d'une dérive d'une profondeur qu'on ne perçoit que peu en France, que je vais essayer d’aborder le sujet pour lequel vous m’avez invité - et je vous en remercie - : la dérive est déjà sans doute fracture, d'une gravité telle qu'elle sera difficile à résoudre.

L’anecdote que j'ai relatée pour commencer date d’avant la capture de Gbagbo, qui, elle, remonte au 11 avril 2011.

Depuis… F. Fillon (entre autres) a déclaré sa fierté de ce qu'a fait la France, ce qui est totalement incompréhensible à un très grand nombre, non seulement d'Ivoiriens, mais d’Africains.

Une autre illustration de ce décalage : je viens de parler de la capture de Gbagbo. « Capture » : un mot que j'ai choisi à dessein, comme mot intermédiaire entre « arrestation », préféré par les autorités françaises et leurs alliés (alliés au moins objectifs, pour rester réservé) en Côte d’Ivoire, et « kidnapping », qui est celui qu'emploient non-seulement les pro-Gbagbo, mais nombre de sites africains, et pas seulement ivoiriens, faisant remarquer qu'il n'y a aucune base légale ou juridique pour une « arrestation » !

Voilà qui donne encore un aperçu de la dérive dans laquelle on se trouve. On pourrait multiplier les exemples de cet ordre, et on aura l'occasion de le faire.

Cette dérive vaut jusqu'au cœur des Églises. On en est à un point où la neutralité semble illusoire – ou bien, il faudra expliquer où elle se situe ! Que signifie la neutralité entre ceux qui sont perçus comme les agresseurs dotés de toute la puissance économique et militaire d'un côté, et qui en usent sans équivoque – et ceux qui se perçoivent comme des agressés, injustement attaqués – et il ne manquent pas d’arguments – ? C'est ainsi que quand les Églises et institutions ou journaux d’inspiration chrétienne en France reprochent aux Églises ivoiriennes d’avoir choisi un camp, les chrétiens ivoiriens (et pas uniquement ivoiriens) leur retournent le compliment. Qu'est-ce que cette neutralité qui prend parti pour l’agresseur et les élites ? C'est de la sorte que sont perçus Églises et institutions (ERF, FPF, Défap, Cévaa) et journaux (La Croix, Réforme, etc.) qui soutiennent « la communauté internationale » (expression que l'on met en Afrique entre guillemets), qui au regard d'un nombre considérable d’Africains, s'est clairement fourvoyée dans une agression illégale, commençant par la mise en place d'une rébellion instrumentalisée pour fomenter un coup d’État et couper la Côte d’Ivoire en deux, et finissant par une intervention directe avec bombardements d'une capitale à la clef !

Terme d’une dérive, qui s’enracine très loin dans l’histoire. Pour ne pas revenir à un passé plus lointain, remontons simplement à la décolonisation :


L' « indépendance » selon la constitution française de 1958 (cf. ex. titre XII)

Les données suivantes sont partie intégrante de la Constitution de la Ve République jusqu'en 1995 (où l'Ancien titre XII est retiré, mais n'est remplacé par rien ! Les choses demeurant concrètement en l’état, sur leur lancée) – où apparaît tout un aspect de la profondeur mimétique ! – :

« Au cours des mois d’octobre novembre et décembre 1958, rappelle en 2005 le président de l'Assemblée nationale ivoirienne, Mamadou Koulibaly, tous les territoires ayant approuvé la Constitution française ont formulé expressément leur volonté par des délibérations de leurs assemblées.

Douze d’entre eux, les plus importants par leur étendue géographique et le chiffre de leur population, ont choisi la situation d’État membre de la Communauté. Cette catégorie comprend notamment les sept territoires d’Afrique occidentale française.

La façon dont sont réglé les rapports entre la France et la communauté sont précisés notamment dans l’article 78 de la constitution de 1958. Il est ainsi rédigé :
« Le domaine de la compétence de la Communauté comprend la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et financière commune ainsi que la politique des matières premières stratégiques.
Il comprend en outre, sauf accord particulier, le contrôle de la justice, l’enseignement supérieur, l’organisation générale des transports extérieurs et communs et des télécommunications.
Des accords particuliers peuvent créer d’autres compétences communes ou régler tout transfert de compétence de la Communauté à l’un de ses membres. »

Les transferts de compétence dont il est question devraient résulter suivant cet article 78, d’accords particuliers. Le mode d’établissement de ces derniers est fixé par l’article 87, aux termes duquel, les accords particuliers conclus pour l’application du titre XII « sont approuvés par le Parlement de la République et par l’Assemblée législative intéressée ». Les accords en question ont donc pour parties contractantes la République française et un autre État, non pas la Communauté et l’un de ses membres.

Dans l’ordre juridique de la République française, les conventions dont il s’agit sont mentionnées, sous le nom « d’accord de Communauté », dans deux articles du titre II relatif au Président de la République. D’après l’article 5, celui-ci est le garant du respect des accords de Communauté.
Dans l’ordre juridique de la Communauté, l’article 5 de l’ordonnance du 19 décembre 1958, portant loi organique sur le Conseil exécutif, dispose que le président de la Communauté veille au respect « des accords de Communauté prévus aux articles 78 et 87 de la Constitution.

Le président de la République française est donc, aux termes de la constitution de 1958, le véritable chef des États africains auxquels cette constitution a permis d’octroyer l’indépendance. Et la révision constitutionnelle française de août 1995 n’y a rien changé dans le fond comme dans la logique.. »

« Nous avons vécu quarante et quatre années d’illusions d’indépendance », conclut, en 2005 donc, Mamadou Koulibaly (Ivoire forum, avril 2005). Fin de citation.

*

Depuis lors le temps a passé, l'Afrique a fonctionné d’abord comme rempart occidental en forme de pré-carré français contre la menace soviétique.

C'est l'époque des partis uniques, avec des dirigeants placés ou estampillés conformes par la France...

… Jusqu’à la chute du mur de Berlin, où plus que le discours de Mitterrand à La Baule, c'est la mise en place de Premiers ministres qui continueront à garantir les intérêts français et occidentaux après la chute du mur, qui marque la nouveauté. Pour la Côte d'Ivoire ce sera Ouattara, imposé à Houphouët-Boigny pour mettre en place la nouvelle politique du FMI, les fameux PAS. Privatisation de toute l’économie ivoirienne, livrée aux groupes français et amis pour un franc symbolique. Une politique du FMI qui sera dénoncée comme un échec par le même FMI une quinzaine d’année après.

Au plan des politiques intérieures, il s'agira pour Paris de garantir que tout candidat éligible lors d'élections aux allures libres soit favorable au maintien du statu quo économique France-Afrique.

Wade ou Diouf au Sénégal, Bédié ou Ouattara en Côte d'Ivoire. Sans quoi soit les élections seront truquées, soit elles seront purement et simplement remplacées par des coups d'État, entérinés au final.

Mais il n'est pas envisageable qu'un candidat démocrate, risquant donc d'être démocratiquement élu, ne soit pas du sérail... Bref un Gbagbo est inenvisageable !... Il sera donc accusé de tous les maux, à l'appui de médias réputés neutres, et unanimes. (cf. R. Girard, Clausewitz, p. 63.)


Qui veut noyer son chien... ou : le bouc émissaire

Sitôt élu en 2000, dans des conditions qu'il juge déplorables, Gbagbo est confronté à une mise au pilori médiatique international, par la diffusion, initiée par RFI, d'une info passée en boucle à propos du désormais célèbre charnier de Yopougon.


Charnier de Yopougon

Mais quid de la vérité dans les massacres d’octobre 2000, et donc fameux le charnier de Yopougon ? Une commission indépendante avait été mise en place en 2000 par le ministère de la Justice de Gbagbo pour mener les enquêtes. Les travaux étaient fort avancés. Quand le RDR a pris le ministère de la Justice après Marcoussis et que Henriette Dagri Diabaté, SG du RDR et adjointe de Ouattara, a été nommée Garde des Sceaux, elle a automatiquement dissous la commission et interrompu les investigations. Elle n’a jamais mis sur pied une nouvelle commission ni réactivé les enquêtes. L’on saura plus tard par des sources judiciaires que les résultats partiels auxquels étaient parvenus les enquêteurs accablaient le RDR... http://www.notrevoie.com/develop.asp?id=36504


« Escadrons de la mort »

«Escadrons de la mort : la Cour d’appel de Paris blanchit le couple Gbagbo»
Le Courrier d’Abidjan — Parution N° 700 du Jeudi 27 Avril 2006 :
«Procès – Après une procédure longue de trois ans, Laurent et Simone Gbagbo ont gagné, en appel, malgré un premier verdict politisé en correctionnelle, leur procès contre Le Monde. Qui n’a pas pu établir qu’ils étaient les commanditaires de prétendus escadrons de la mort. Et qui est allé jusqu’à produire des documents considérés comme faux au tribunal. Détails.
Cela a pris plus de trois ans, mais le président de la République de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et son épouse, Simone Ehivet Gbagbo, ont enfin vu leur honneur entièrement lavé dans l’affaire des «escadrons de la mort», orchestrée par les services secrets français et diffusée par le grand quotidien français du soir, Le Monde. La Cour d’appel de Paris, par deux arrêts du 5 avril 2006, a établi de manière claire qu’en accusant le couple présidentiel ivoirien d’être à la tête de prétendus «escadrons de la mort», le quotidien Le Monde, le site Internet lemonde.fr et le magazine Le Monde 2, se sont rendus coupables de diffamation contre les deux plaignants. Ces supports médiatiques ont été condamnés au total à 3000 euros (environ 2 millions de F CFA) de dommages et intérêts. Le Monde et son site Internet devront rendre publique la publication judiciaire suivante : «Par arrêt en date du 5 avril 2006, la cour d’appel de Paris, 11è chambre, a condamné Jean-Marie Colombani, directeur de la publication du journal Le Monde et du site Internet www .lemonde.fr pour avoir publiquement diffamé Laurent et Simone Gbagbo en publiant dans les numéros datés des 8 et 20 février 2003, en ligne depuis la veille, d’une part, sous le titre «Côte d’Ivoire : enquête sur les exactions des escadrons de la mort», un article intitulé «Le rôle clé des gardes du corps du couple présidentiel», les mettant en cause, d’autre part sous le titre «Le sommet à Paris d’une France-Afrique en crise», un article intitulé «La crise ivoirienne, un condensé des caractéristiques de tout un continent» les mettant également en cause.» Le magazine Le Monde 2 est condamné à financer la publication dans Le Monde mais aussi dans des supports du choix du couple Gbagbo, à hauteur de 3000 euros (un peu moins de 2 millions de F CFA), ce texte : «Par arrêt en date du 5 avril 2006, la cour d’appel de Paris, 11è chambre, a condamné Jean-Marie Colombani et la société Issy Presse pour avoir publiquement diffamé Laurent et Simone Gbagbo en publiant dans Le Monde daté du mois de février 2003 un article intitulé «Gbagbo, Simone, Dieu et le destin», les mettant en cause.» »


« Bombardement » de Bouaké

« Selon une information de France Inter (du vendredi 06 novembre 2009 à 0700 GMT – cf. http://www.abidjantalk.com/forum/viewtopic.php?p=172994), Maître Balan, avocat des victimes du bombardement de Bouaké, cite MAM à venir comparaître. Selon l’avocat parisien, la version officielle donnée par l’Élysée n’est que pur mensonge. L’ordre de tirer sur le camp militaire n’est pas venu de la Présidence ivoirienne. Aussi il demande au juge de cette affaire de convoquer l’ancienne ministre de la Défense afin qu’elle vienne témoigner. Il souligne par ailleurs que des enregistrements indiquent bien qu’une voix russe (avec un mauvais accent) a demandé aux pilotes de bombarder le collège Descartes, base de l’armée française à Bouaké. Pour Maître Balan cette voix serait celle du Français Robert Montoya, ancien de la cellule antiterroriste sous François Mitterrand, qui avait vendu les Sukhoi à l’armée ivoirienne. Il est de tout même étonnant que Robert Montoya ne soit pas convoqué, ni entendu par les juges français poursuit l’information France Inter. »

Ce sont quelques uns des éléments principaux – il y en a d'autres –, qui font décalage entre ce que croit, ou affirme le public occidental et ses élites d'un côté, et de l'autre ce qu'un nombre de plus en plus important d’Africains perçoit par un accès autre que les grands médias : Internet, la presse africaine qui ne suit pas les grands médias, souvent presse en ligne.

Les mieux informés ne sont pas ceux que l'on croit en Europe ! En Afrique, on ironise volontiers sur l'information dite libre des Occidentaux et les perceptions qu'elle induit...


La suite...

« [...] En gros, écrit en janvier 2011 Sylvie Kouamé dans Le Nouveau Courrier (d'Abidjan), il s’agit d’un pays où un roi nègre s’accroche au pouvoir. Alors qu’il a perdu des élections transparentes et validées par une «communauté internationale» forcément honnête, vertueuse et mue par sa mission civilisatrice et «démocratisante». Non violent, porteur d’espoir, son adversaire a appelé «le peuple» à descendre pacifiquement dans la rue, mais la soldatesque aux ordres du président sortant a sévi. Depuis, les puissances occidentales essaient de faire prévaloir les valeurs universelles…
Cette belle fable ne résiste ni à la réalité ivoirienne, bien plus complexe, ni à la froide logique de la diplomatie internationale. [...] ».

Ironisant amèrement autour des « élections » de 2010, un tel article connaîtrait des problèmes avec la censure en Côte d'Ivoire depuis le renversement de Gbagbo — sous lequel la presse était très plurielle, accessible dans les kiosques où les journaux d’opposition (pro-Ouattara) étaient très majoritaires. Depuis son renversement, la presse est étroitement surveillée (sujet sensible : les questions sur les élections de 2010). Il n'y a plus là qu'une seule voix (un peu comme en France ! mais en plus direct, puisque la divergence sur les points sensibles peut valoir emprisonnement, voire la mort).

Un état de fait qui est consécutif, donc, à l’abattement du régime sous les coups des bombardements français et onusiens ; et quand je dis cela, on mesure le décalage – au point que cela parait incroyable – et pourtant cela s'est passé il y a un mois, et c'est tout à fait perceptible sur nos journaux, au prix d'un petit effort de lecture, éventuellement entre les lignes.

Ces bombardements sur Abidjan, intervention directe, sont l'aboutissement d'un processus commencé en 2000-2002.

En 2000 : sitôt Gbagbo élu, et même déjà avant, les médias internationaux, relayés par leurs pendants ivoiriens l'on mis dans le collimateur. On lui prête notamment ce à quoi il s'est toujours opposé, comme l' « ivoirité » de Bédié, selon le nom donné à cette loi excluant de l'éligibilité à la présidentielle, un peu à la façon américaine, des candidats qui ne seraient pas nés ivoiriens. Cette loi vise évidement Ouattara. Gbagbo alors député a voté contre. Nombre de Français croient, de bonne foi, qu'il en est à l’origine ! Non content d’avoir voté contre, il octroie en 2000, lors du forum de réconciliation qu'il met en place avec un gouvernement d’union nationale, la nationalité ivoirienne à Ouattara, et il le rendra éligible par décret en 2005.

Cela n'empêche qu'en 2002, un coup d’État éclate, et échoue : des rebelles, dont nombre de déserteurs de l'armée régulière, venus de leur base-arrière du Burkina Faso descendent jusqu'à Abidjan où ils vont jusqu'à tuer le ministre l'Intérieur, mais ils sont repoussés par l'armée régulière jusqu'à Bouaké, où l'armée française s'interpose au motif de l'évacuation de ses ressortissants. Le gouvernement ivoirien demande alors l’activation des accords de défense, qui lui est refusée par le pouvoir français. Depuis le pays est coupé en deux. Des exactions épouvantables ont lieu au Nord, au point que la population d’Abidjan croît exponentiellement du fait du très grand nombre de réfugiés. Les médias français ne rendent jamais compte de ces exactions : le parti-pris est manifestement trop fort. Ex. : Libération qui trace un portrait élogieux des rebelles illustré d'une photo les présentant comme « gueules d'amour » (sic).

En 2003, cette partition est entérinée dans le stade rugby de Marcoussis, en région parisienne où sont réunis les partis politiques et les groupes rebelles qui sont multipliés en trois représentations. géographiques. Le pouvoir ivoirien n'est pas représenté, mais il est sommé d'accepter les accords de Marcoussis, qui ont pour propos de transformer, selon une expression devenue célèbre, Gbagbo en « reine d’Angleterre ». Tout Abidjan descend dans la rue pour s'opposer à ce qu'on y nomme « coup d’État constitutionnel ». C'est là qu’apparaît en boucle un mort célèbre, un ancien acteur, Camara H., dont le corps est exposé sur le terre-plein central d'une voie rapide d'Abidjan : est née la fameuse expression « escadrons de la mort de Gbagbo », diffusée par Le Monde, ce qui lui vaudra donc (cf. supra) condamnation par la justice française pour diffamation de Gabgbo et de son épouse. Mais on connaît la formule : calomniez calomniez, il en restera toujours quelque chose...

2004. 6 novembre : 9 soldats français sont tués au camp de Bouaké. Le Président Chirac déclare qu'il s'agit d'un bombardement intentionnel commandé par son homologue L. Gbagbo – en marge de l’opération aérienne de désarmement des rebelles qui était selon toute probabilité en train d'être achevée. Dans la foulée tourte la flotte aérienne ivoirienne est détruite au sol.
Quant à la mort des soldats français, on n'en connaît toujours pas la cause, la France ayant alors interdit toute enquête, française ou ivoirienne, sur les événements de Bouaké.
Depuis les familles de soldats tués ont requis un avocat, Me Balan, qui, avec l'aide de la juge aux armées Brigitte Raynaud, qui depuis a été dessaisie du dossier, est arrivé à la certitude que Gbagbo n'a rien à voir avec tout cela (cf. supra).
Il n’empêche que les conséquences considérables ont déjà pris place, avec les manifestations des patriotes menaçant les biens français (mais jamais les personnes : zéro mort), durement réprimées par l'armée française. Selon les Ong internationales 60 morts et des centaines de blessés suite aux tirs français – ce qui fait dire à un livre célèbre : la France a perdu l'Afrique à Abidjan en nov. 2004.

2007 : accord de Ouagadougou. Depuis 2002-2003, Gbagbo n'a pas réellement le pouvoir, mais il déploie des efforts pour gérer la transition, jusqu’à signer l'accord de Ouagadougou qui promet l’accession du leader rebelle Guillaume Soro au poste de Premier ministre. Clause centrale de l'accord : l'Onu assurera le désarmement des rebelles avant (au minimum trois mois avant) que des élections puissent être organisées. Cette clause ne sera jamais respectée. Malgré cela, les pressions se multiplieront sur Gbagbo pour qu'il vienne aux élections. Il finira, manifestement trop tôt, l’histoire l'a montré ces derniers mois, par céder.

2010 : les élections se déroulent dans ces conditions pour le moins surprenantes : plus de la moitié du territoire n'est pas contrôlée par l’État, étant aux mains de chefs de guerre célèbres pour leur violence. Résultat : dans la zone contrôlée par l’État, des élections « normales » en termes démocratique, de l'ordre de 60% - 40%. Dans les zones rebelles, des scores soviétiques pour Ouattara, dépassant (sic) parfois les 100% !
La commission électorale dite indépendante (Cei – composée à 80% de ouattaristes sur la base du quota de représentation de Marcoussis), prévue par les accords de Pretoria, ne parvient à aucun accord. Ce qu'annonce son Président, Y Bakayoko, un quart d’heure avant sa forclusion,
Le lendemain, il est requis et conduit au QG du candidat Ouattara par les ambassadeurs de France et des USA et annonce des chiffres qui donnent Ouattara vainqueur, au prix de augmentation de 10% de participation par rapport à celle officialisée par l'Onu, Le représentant du SG de l'Onu, J.Y. Choï valide toutefois ce qui est donné depuis comme résultat, invalidé pour fraude massive par le conseil constitutionnel, qui proclame l'élection de Gbagbo. Depuis, Gbagbo ne cesse demander que l'on recompte les voix, ce que refusent Ouattara, Sarkozy et le SG de l'Onu, lequel ira jusqu'à affirmer que recompter serait « injuste » (sic). Face à cette proposition ses adversaires, France, USA, UE, et une majorité de potentats africains via l'UA et la CEDEAO, requièrent l’option militaire pour déloger Gbagbo.

2011 : l’option militaire se met peu à peu en place. la rébellion est fortement appuyée (pour rester modéré) par la force française Licorne et par l'Onuci, qui finissent par défaire les forces régulières ivoiriennes et par renverser le Président Gbagbo. Cela au prix de très nombreuses victimes civiles des bombardements, et au prix de multiplications d’exactions des rebelles, tortures, viols, meurtres, jusqu’à ce qui s’apparente, pour de nombreux observateurs (dont le CIRC et Caritas) à une épuration ethnique.


Face à cela, la protestation, apparemment vaine, s'est pourtant auparavant étendue jusqu'aux anciens de la Françafrique et à la droite historique française, qui depuis 2010, a pris position... pour Gbagbo : de Jean-François Probst, ancien conseiller de J. Chirac, à Philippe Evanno, ex-collaborateur de Foccart, dont le nom est synonyme de Françafrique. La politique française actuelle sert au fond, pour eux, les intérêts des USA, qui seuls pourraient retirer les marrons du feu... C'est un des éléments premiers de la prise de position de ceux qui s’avèrent au bout du compte très nombreux : la droite historique, gaullienne et au-delà (ça va jusqu'au FN inclus) ainsi que la gauche mitterrandienne (mais aussi le Front de gauche) se démarquent nettement, à l’insu des Français, de la politique de Sarkozy en Côte d’Ivoire. Cette politique nuit nettement, à leurs yeux, aux intérêts de la France !

Il n'est pas jusqu'à cette ultime sonnette d'alarme qui n'interroge, n'ayant été entendue ni par le pouvoir, ni par l’opposition socialiste, ni, encore moins par les médias, ni même par les instances d'Églises : la dérive serait donc inéluctable...

RP,
Marseille, Parvis du protestantisme,
10 mai 2011