jeudi 24 décembre 2015

Les Mages, le Père Noël et les autres




Et voilà le père Noël... Avec ses allures de lutin des traditions scandinaves...

Dans l'Évangile selon Matthieu, les Mages, prêtres lointains, amenaient des cadeaux aux pieds du Messie biblique, aux pieds d'un enfant né dans les ténèbres de l'humilité - la nuit, donc, dans le temps angélique - pour couvrir de lumière jusqu'à sa Galilée mal sortie de cette nuit, selon Ésaïe (ch. 9, v. 1-2).

Ces fameux Mages venus d’Orient, le pays d’où se lève le soleil, les voilà bientôt sacrés rois, accomplissant les prophéties annonçant les rois de toutes les nations venant à Jérusalem, devenus trois Rois-Mages représentant les rois des trois continents d'alors, rois rayonnants de lumière, là où Matthieu les présentait comme des prêtres arrivant peut-être quelques deux ans après l’événement - des savants dira-t-on bientôt, miraculeusement présents, grâce à leur science des étoiles, la nuit du 25 décembre -0001. Car voilà qu'on s’est mis à enseigner aussi que Jésus est né un 25 décembre. Mais, nous disent les savants, les successeurs des Mages en quelque sorte, le 25 décembre c'est impossible : les bergers de Luc ne pouvaient être dans les champs en cette saison. Et de nous faire remarquer que le 25 décembre est la date d'une fête païenne en l'honneur du soleil - vénéré alors sous la forme de telle ou telle divinité solaire, comme Mithra, dont quelques Mages étaient peut-être, selon leur religion, des adeptes.

Alors, fête du Messie biblique, Messie de Bethléem, ou fête païenne ? Et si, comme tout en étant né à Bethléem en Judée, Jésus est aussi galiléen, - si sous un certain angle, un angle bien réel, Jésus était vraiment né un 25 décembre ? Si nos païens d'ancêtres dans la foi, avaient vraiment été saisis par l'Esprit de Dieu, Esprit par lequel on perçoit que ce Messie biblique concerne aussi les païens ? Qu'est-ce en effet que le 25 décembre ? C'est la fête du solstice d'hiver, le moment où la nuit cesse de croître et où le jour augmente, le moment où la lumière nous rejoint dans nos ténèbres. Ne dit-on pas que Jésus est le soleil de justice ? Voilà que dans l'Empire romain, on fêtait ce jour-là la fête du soleil, et voilà que le christianisme a triomphé dans l'Empire même, après trois siècles de persécution. Certes le temps est resté le temps, l’Empire est resté l’Empire, persécutant bientôt, hélas, tous ceux qui n’étaient pas chrétiens, juifs comme païens. Mais les plus sages ont discerné quand même dans cette rencontre d’une fête solaire un signe que ceux les savants d'aujourd'hui pourraient ne pas reconnaître parce que cela ne correspond pas à la rigueur de l'Histoire.

Dans l'Histoire, Jésus n'est pas né un 25 décembre. Certes. Mais si l'on est attentif on peut être à même de percevoir qu'il est aussi une autre dimension. Rappelons-nous que les anges ont empli les cieux de leur louange au jour de la naissance de Jésus. Et que le temps des anges n'est pas le nôtre, qu'il est entre le nôtre et celui de Dieu, où "mille ans sont comme un jour". Si, en toute rigueur historienne, Jésus n'est effectivement sans doute pas né un 25 décembre, ne sont-ils pas éclairés de ce qu'il est des réalités au-delà des nôtres, ceux qui ont soupçonné les vérités de ce temps des anges, un temps dont le vrai signe dans notre temps est effectivement le 25 décembre. Ici le jour nouveau se lève, brillant d'une lumière dont on ne soupçonnait pas même l'existence, on passe des temps nocturnes de nos âmes aux temps solaires, au temps du soleil de justice, qui concerne tous les peuples, qui concerne les païens.

Et voilà que l’on date à présent nos siècles à partir de sa naissance. Et que l’on est passé avec le Christ à un calendrier solaire - car le calendrier liturgique biblique est lui un calendrier lunaire, au cœur duquel est inscrite aussi la promesse de la lumière, exprimée par la fête juive de Hanoukka, célébrée aussi en ces temps de solstice d’hiver. Voici un calendrier, solaire, se levant du solstice solaire d'hiver, dont le premier mois, janvier, est celui qui succède immédiatement à celui donné pour la naissance de Jésus, huit jours après, c’est-à-dire le jour de sa circoncision - selon le temps angélique s'entend.

Point de contradiction ici : le Messie de la Bible concerne bien aussi les païens. C'est vers lui, vers sa lumière, que sont venus les Mages, des nations d'Orient. C'est vers lui que se dresse l'arbre de Jessé, père de David roi d'Israël, comme l'arbre de toute la création qui se dresse vers sa lumière qu'annonce cette même étoile des Mages.

Et à y regarder de près, les yeux de la foi découvrent alors que cette fête que l'on dirait païenne est celle de la bonne nouvelle du salut de Dieu pour les païens, que représentent les Mages. Elle est celle du chant de toute la création à la rencontre de la lumière à laquelle elle est appelée.

Car c'est bien là le sens de l'arbre de Noël, figure de celui de Jessé et de celui de toute la création que Dieu fait croître à sa rencontre. Symbole païen ? Introduit par la réforme luthérienne pour symboliser la vérité du 25 décembre, celle de la naissance du Christ. Un arbre qui se dresse vers la lumière annoncée par l'étoile, comme celui de la famille de Jessé et de David et celui de toute la création vers son salut. Cela en passant par la faute même qu'il s'agit de couvrir, symbolisée par les boules de nos arbres, qui sont au départ simplement des pommes stylisées - pommes (malum en latin), pommes du bien et du mal, mal (malum aussi en latin) englouti par le Christ dans la lumière, qui dès lors parcourt toute la création, lumière figurée elle par les guirlandes de lumière qui courent dans tout l'arbre.

Et le père Noël, avec ses allures de lutin ? On a évoqué l’histoire des Mages, ces prêtes persans qui menaient des cadeaux aux pieds d'un David biblique, aux pieds d'un enfant né dans les ténèbres de l'humilité - la nuit, donc, dans le temps angélique - pour couvrir de lumière jusqu'à sa Galilée païenne.

Il enseignera que les plus petits que nous croisons sont lui-même venus dans le secret. C'est là ce qu'a très bien compris un évêque de l'Antiquité, nommé Nicolas, devenu saint Nicolas parce qu'il ne supportait pas, lui disciple d'un enfant pauvre, de voir la misère, plus particulièrement celle des enfants. Alors en secret, il leur faisait des cadeaux qui allégeaient leur peine, comme les Mages offrant leurs dons au Christ.

Plus tard, toujours la réforme luthérienne - fructueuse en pays scandinave - découvrait que saint Nicolas, dans son humilité, dévoilait des actions angéliques. Derrière saint Nicolas, un simple homme, s'ouvre le monde angélique, dévoilant lui-même la réalité de Dieu. Un ange est derrière saint Nicolas, comme derrière les Mages, étrangers en visite, rappelant les étrangers visitant Abraham, et dans lesquels le patriarche reconnaissait le présence angélique, et la présence de Dieu même lui annonçant la naissance de son enfant. Un ange est derrière saint Nicolas, ange qui sera figuré sous les traits des anges scandinaves, elfes et lutins, et qui emprunte au passage la pourpre épiscopale du saint qu'il représente à une célèbre boisson gazeuse l'embauchant pour une publicité ! C'est la figure du père Noël, que dévoile saint Nicolas, une figure angélique du don gratuit.

Alors contrairement à ce que s'imaginent ceux qui sont lourds à comprendre, le père Noël existe, manifestation angélique de l'art de donner dans le secret, de l'art de donner de la joie à ceux qui ressemblent au nouveau-né dans sa crèche.

Et derrière cette figure angélique, il y a au plus haut des cieux, comme le proclament les anges effectivement présents à Noël selon les Évangiles - il y a la présence du don suprême, le grand cadeau de Dieu par lequel la paix vient sur la terre aux hommes de bonne volonté, - don de Dieu réconciliant le monde de la Bible et celui des païens, le cadeau par lequel il prouve définitivement son amour envers nous.

Joyeux Noël !


R.P., Poitiers, Veillée de Noël, 24.12.15


dimanche 13 décembre 2015

Métempsycose, évanescence et bouddhisme




"Métempsycose" est un terme grec signifiant littéralement "changement en âme". Il s'agit pour cette doctrine de traduire l'idée que la vie universelle, spirituelle, ou "âme", psychè en grec, commune à tout l'univers, fait éternellement retour – cette récurrence, ce retour, étant le signe d'un changement, donc d'une imperfection, puisque dans le monde grec ancien, le changement était conçu comme un défaut, la perfection consistant en stabilité. Changement dans l'âme, âme commune, et non pas changement de corps, ce qui se dirait "métensomatose". Cette doctrine, la métempsycose, a été répandue en Grèce à travers le mouvement pythagoricien, puis Platon, dont le succès a occasionné l'expansion de la théorie dans les pourtours de la Méditerranée.

En termes différents, l'Inde – ici le mot est samsara, – pense la même chose que les Grecs : il y a une faille dans l'univers, et l'expression de cette faille est l'individualité, qui est mouvante, changeante, partielle, "morceau" imparfait détaché de l'"âme" universelle. Pour la pensée de l'Inde, cette dégradation de l'âme universelle en vies individuelles est une conséquence de la loi du karma, elle est comme une rétribution des actions qui sont finalement globalement mauvaises. La vie individuelle est une sorte de malédiction dont il s'agit de se libérer en s'unissant au Moi universel, c'est-à-dire l'Atman-Brahman ; s'y unir pour accéder au-delà du cycle incessant des dégradations individuelles et personnelles de cette âme commune à tous, âme supra personnelle. Point question en cela d'une âme individuelle – de mon âme – qui se réincarnerait comme le ferait un esprit touriste du temps et de l'espace. Il n'y a là qu'âme supra personnelle dont les expressions individuelles – toi, moi, un tel, etc. – sont autant de chutes, de chutes dans l'illusion.

Quant au bouddhisme, c'est avec des nuances, parfois non négligeables, qu'une vision approchante y a été enseignée, et que par lui, elle a été diffusée largement en Orient – sans compter son impact jusque dans la pensée occidentale moderne. D'origine indienne, le bouddhisme ne fait qu'accentuer la vision réputée hindouiste de l'individualité. Il l'a peut-être même précédée dans le temps. Selon Albert Schweitzer, c'est seulement "lorsque l'idée de réincarnation commence à préoccuper les masses et que l'angoisse des renaissances successives s'empare des cœurs que se déclenche le grand mouvement de renoncement"... Or, pour Schweitzer, "ce n'est qu'avec le jaïnisme et le bouddhisme que la mystique hindoue serait devenue une négation du monde" (le jaïnisme est une religion de l'Inde née à la même époque que le bouddhisme, et qui n'est pas sans ressemblance avec lui).

Le bouddhisme est porteur par excellence de ce second corollaire indispensable à l'éclosion de la doctrine de la métempsycose, relatif à la réalité individuelle : le moi individuel y est nettement illusoire : tout moi permanent est au fond inexistant – comme toute réalité –, ce qui fait que les bouddhistes lettrés n'hésitent pas à affirmer que selon leur conception de la métempsycose, il n'y a rien qui transmigre. Alexandra David Néel, célèbre spécialiste de la question, le dit en ces termes, concernant le bouddhisme du Tibet : "les Tibétains lettrés paraissent souvent fortement opposés aux théories semi populaires... qui dépeignent le pèlerinage d'une entité quelque peu semblable [...] à l'âme des chrétiens. Rien ne transmigre, disent les adversaires de ces théories".

C'est au point que l'enseignement du Bouddha a pu même être, dans les milieux ascétiques et spirituels de l'Inde qui ont vu éclore la doctrine du samsâra, de la métempsycose, l'élément essentiel de cette éclosion. La certitude de base concernant l'idée que rien n'est permanent, donne à la métempsycose une force telle qu'elle peut facilement s'y passer de l'illustration populaire de la transmigration des âmes. La métempsycose y a toute sa force logique, rejoignant le "tout s'écoule", panta rei, du philosophe de l'Antiquité grecque Héraclite, comme le fleuve qu'il donne pour illustration, où l'on ne se baigne jamais deux fois : d'où donc, "rien ne transmigre". Tout se meut, fluctue, il n'est pas d'élément stable, pas même une âme.

On touche ici sans doute à la signification profonde de la doctrine, selon laquelle tout est évanescent – cf. l'Ecclésiaste ! – à commencer par l'illusion d'un "moi", fruit d'une chute hors de la vérité de nos êtres, vérité inaccessible à nos concepts, débouché d'une cessation (nirvana) de l’illusion et de la douleur qui lui est liée : rejonction de ce qui nous précède et nous déborde infiniment, nous préexiste au fond – et d'où viennent les "délivreurs" que sont les bodhisattva, pour les courants du bouddhisme (mahayana) qui en admettent l'idée, rejoignant les philosophies parlant de préexistence, du zoroastrisme au platonisme, et tant d'autres…


RP
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3) 15 & 17 décembre – Bouddhisme | et regard sur philosophies d'Asie, zoroastrisme, monde grec et platonisme (PDF)


lundi 7 décembre 2015

Le temps




Ecclésiaste 3, 1-13 (trad. Segond) :

1 Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux :
2 un temps pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté ;
3 un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir ;
4 un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser ;
5 un temps pour lancer des pierres, et un temps pour ramasser des pierres ; un temps pour embrasser, et un temps pour s’éloigner des embrassements ;
6 un temps pour chercher, et un temps pour perdre ; un temps pour garder, et un temps pour jeter ;
7 un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler ;
8 un temps pour aimer, et un temps pour haïr ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.
9 Quel avantage celui qui travaille retire-t-il de sa peine ?
10 J’ai vu à quelle occupation Dieu soumet les fils de l’homme.
11 Il fait toute chose bonne en son temps ; même il a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité, bien que l’homme ne puisse pas saisir l’œuvre que Dieu fait, du commencement jusqu’à la fin.
12 J’ai reconnu qu’il n’y a de bonheur pour eux qu’à se réjouir et à se donner du bien-être pendant leur vie ;
13 mais que, si un homme mange et boit et jouit du bien-être au milieu de tout son travail, c’est là un don de Dieu.


*

Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité, 250 :

Sans passé heureux, dont le souvenir pourrait me rendre le bonheur ; et sans vie présente qui me réjouisse ou m'intéresse ; sans aucun rêve ou possibilité d'un avenir qui soit différent de ce présent, ou qui possède un passé différent de ce passé – je gis ma vie, spectre conscient d'un paradis où je n'ai jamais vécu, cadavre-né d'espérances à naître.


*

Augustin d'Hippone, Les Confessions (trad. M. Moreau – 1864), Livre 11, chapitres 14 & 20 :

XIV. Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ; il serait l’éternité. Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus ? Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas ?

XX. Or, ce qui devient évident et clair, c’est que le futur et le passé ne sont point ; et, rigoureusement, on ne saurait admettre ces trois temps : passé, présent et futur ; mais peut-être dira-t-on avec vérité : Il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir. Car ce triple mode de présence existe dans l’esprit ; je ne le vois pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’attention actuelle ; le présent de l’avenir, c’est son attente. Si l’on m’accorde de l’entendre ainsi, je vois et je confesse trois temps ; et que l’on dise encore, par un abus de l’usage : Il y a trois temps, le passé, le présent et l’avenir ; qu’on le dise, peu m’importe ; je ne m’y oppose pas : j’y consens, pourvu qu’on entende ce qu’on dit, et que l’on ne pense point que l’avenir soit déjà, que le passé soit encore. Nous avons bien peu de locutions justes, beaucoup d’inexactes ; mais on ne laisse pas d’en comprendre l’intention.



*

Petite réflexion sur Ecc 3, 11 & 12 :

Si notre temps, nos moments ('eth / kairos) qui se succèdent (au rythme des saisons – zeman / chronos), sont signe de perte, de manquement, de déficience, ils sont cependant « rachetables » comme tels, comme instants éternels, en bonheur (Ecc 3, 12) : cf. « rachetez le temps », le moment ('eth / kairos) – dans les termes de Paul (aux Ep 5, 16 ; ou aux Col 4, 5), termes qu'il accompagne d’une citation d’Amos (5, 13) – « car les jours sont mauvais » – où le prophète recommande au peuple une conduite intelligente de silence et de recherche de Dieu, pour détourner la menace qui pèse la corruption d’un mauvais temps. Il s’agit d’imprégner ce temps, cet instant (kairos) de la plénitude du temps céleste, du monde éternel ('olam, aïon/éon).

Il s’agit de racheter le moment ('eth / kairos) en vivant selon le temps éternel ('olam / aïon/éon), dans le repos de Dieu. Dans l'alternance des temps des versets 1-8, adviennent des moments difficiles, voire terribles, et des moments favorables. C’est la brèche de l’irruption du salut du temps, de l'instant ('eth / kairos) : ici se rachète le temps, l'instant, qui sans cela est la mesure de notre déperdition (zeman / chronos), mesure de ce qui passe.

Dans la perception du cœur (Ecc 3, 11) qu’il est un temps éternel, 'olam / aïon, une plénitude conçue intuitivement comme donnée dans notre seul rapport vrai au temps, c'est-à-dire comme instant ('eth / kairos) – dans cette perception d'une plénitude qui n’est pas marquée par le manque, une saisie vraie de nos instants reçus comme temps total nous les donne comme possibilité de bonheur.

Ainsi apparaît ce qu’il faut faire dans le présent pour « racheter le temps » : ne pas se soumettre à une vision de ses fluctuations qui le ferait percevoir comme perte, ne pas se conformer au siècle présent (cf. Ro 11), mais se fixer résolument dans la vérité, loi du siècle éternel, incorruptible, pour racheter chaque instant de ce temps-ci. Emplir chaque instant de gratuité...

Vivre dans le siècle éternel se manifeste ainsi en ce siècle dans une attitude concrète : il ne s’agit pas de le fuir, mais d’en signifier dans la fidélité au quotidien, le rachat de chaque instant, don de gratuité, comme présence du siècle éternel.


RP
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3. 8 & 10 décembre (ch. 3) Le temps - (PDF ici)


lundi 16 novembre 2015

Face à une violence aveugle




Une violence aveugle qui prétend s'autoriser du Dieu d'Abraham, référence commune des juifs, des chrétiens et des musulmans !

Mais un des moments fondateurs (Genèse 22) dans les textes concernant Abraham est précisément le refus radical de voir donner la mort au nom de Dieu ! C'est tout le trajet du récit qui nous conduit du moment où Abraham croit devoir sacrifier son fils à celui où Dieu arrête son geste. Ce moment qui se trouve aussi dans le Coran a pour fin de dire que pour le Dieu d'Abraham tuer en son nom déshonore son nom. C'est un moment commun aux trois traditions issues d'Abraham, le judaïsme qui y fonde son éthique, le christianisme qui relit le récit comme préfigurant la mort injuste de l'innocent en Jésus, l'islam qui commémore ce tournant religieux par l'aïd el-kébir. En commun, le refus de voir déshonorer le nom de Dieu en s’imaginant qu'il serait assoiffé de sang humain !

Face à la violence aveugle qu'a connue Paris ce vendredi, le deuil enduré, les traumatismes subis, un croyant au Dieu d'Abraham ne peut que se joindre aux larmes des victimes et de leurs proches et condamner une telle cruauté.

RP

Archétypes et mythologies




Introduction – L'actualité nous situe à nouveau au cœur de la mythologie en sa perspective archétypale, ici en regard de la question de l'élément moteur du sacrifice – qui nous permet de percevoir la dimension proprement blasphématoire de la violence – de facto sacrificielle ! – exercée notamment au nom du Dieu d'Abraham / cf. Gn 22 ! Quelques éléments préalables pour poser la réflexion :


1. Illusion

Māyā est un terme sanskrit qui a plusieurs sens dans les religions indiennes. Māyā est le pouvoir de Dieu de créer, perpétuant l'illusion de la dualité dans l'univers [visible] ; elle est aussi la nature illusoire du monde. Pour les mystiques indiens, cette manifestation est réelle, mais c'est une réalité insaisissable. Ce serait une erreur, mais une erreur naturelle, de la considérer comme une vérité ou une réalité fondamentale. Chaque personne, chaque objet physique, du point de vue de l'éternité, n'est qu'une goutte d'eau d'un océan sans limites. Le but de l'éveil spirituel est de le comprendre, plus précisément de faire l'expérience de la fausse dichotomie, du mirage de la maya afin de la transcender, de passer son voile et de réaliser que l'Âtman c'est-à-dire le soi et l'univers, le Brahman ne font qu'un. (Extrait de Wiki)


2. Désir

Psyché est la fille d'un roi. Elle est d'une beauté si parfaite qu'elle excite la jalousie de Vénus, à laquelle on la compare. Elle a deux sœurs aînées, d'une grande beauté également, mais sur lesquelles Psyché l'emporte de loin ; toutefois, contrairement à ses sœurs, elle ne trouve pas d'époux, car les foules se contentent de venir la contempler comme une œuvre d'art et la vénérer comme une déesse. Vénus, jalouse de cette rivale et offensée par un tel sacrilège, ordonne à Cupidon de la rendre amoureuse du mortel le plus méprisable qui soit. Cependant, alors que le dieu s'apprête à remplir sa mission, il tombe lui-même amoureux de Psyché en se blessant avec l'une de ses propres flèches. [...]

Plus tard dans la nuit, son mystérieux époux (Cupidon) la rejoint, lui demandant de ne jamais chercher à connaître son identité, cachée par l'obscurité de la chambre. Toutes les nuits, il lui rend visite puis la quitte avant l'aurore. La jeune femme apprécie de plus en plus les étreintes et les mots doux qu'ils échangent alors. Rien ne manque au bonheur de Psyché, si ce n'est de connaître le visage et le nom de son amant nocturne, et de revoir sa famille. Ses deux sœurs, amenées au palais par Zéphyr, sont folles de jalousie face à tant de richesse et de bonheur. Elles cherchent à persuader Psyché que son époux n'est rien d'autre qu'un horrible monstre qui finira par la dévorer. Terrifiée à cette idée, elle profite du sommeil de son amant pour allumer une lampe à huile afin de percer le mystère. Elle découvre alors le jeune homme le plus radieux qu'elle ait jamais vu. Mais une goutte d'huile brûlante tombe sur l'épaule du dieu endormi, qui se réveille aussitôt et s'enfuit, furieux d'avoir été trahi.

[… Plus tard aura lieu] le mariage de Cupidon et Psyché. [...] Psyché donne à Cupidon une fille, nommée Volupté (Plaisir). L'amour (Cupidon) et l'âme (Psyché) sont ainsi réunis pour l'éternité. (Extrait de Wiki)


3. Mimétisme

On connaît la lecture que René Girard (cf. Le bouc émissaire, Des choses cachées depuis la fondation du monde, etc.) a faite du phénomène universel du sacrifice, et la particularité de sa reprise dans la tradition biblique : Le désir est mimétique, né d’une imitation les uns des autres dans la convoitise de ce qui est jugé désirable – ce qui en fait la source des conflits : tous désirent la même chose et cela finit invariablement en conflit. (Parlant de sacrifice, on abordera aussi la question du potlatch nord-américain. Et celle de la transposition du sacrifice – cf. Genèse 22 et le « sacrifice » d'Abraham.)

Entre temps, l’objet de la querelle initiale a été oublié, tandis que les rivalités se sont propagées. Le conflit s’est généralisé en « guerre de tous contre tous » — que Girard appelle « crise mimétique ». Comment cette crise peut-elle se résoudre, comment la paix peut-elle revenir ? Ici, les hommes ont trouvé « l'idée » d'un « bouc émissaire » (le terme fait référence à l'animal expulsé au désert chargé symboliquement des péchés du peuple selon la Bible — Lévitique 16).

C’est ainsi, précisément, qu'au au moment paroxystique de la crise de tous contre tous se produit éventuellement un « mécanisme salvateur » : le conflit généralisé se transforme en un tous contre un (ou une minorité), qui n'a d'ailleurs même pas de rapport avec le problème de départ ! Si le report sur un « bouc émissaire » ne se déclenche pas, c'est la destruction du groupe. Pourquoi « mécanisme » ? C'est que sa mise en marche ne dépend de personne mais découle du phénomène lui-même.

Plus les rivalités pour le même objet s'exaspèrent, plus les rivaux tendent à oublier ce qui en fut l'origine, plus ils sont fascinés les uns par les autres. À ce stade de fascination haineuse la sélection d’antagonistes va se faire de plus en plus instable, changeante, et il se pourra alors qu'un individu (ou une minorité) polarise alors l'appétit de violence. Que cette polarisation s'amorce, et par un effet boule de neige elle s'emballe : la communauté tout entière (unanime !) se trouve alors rassemblée contre un individu unique (ou une minorité).

Ainsi la violence à son paroxysme aura alors tendance à se focaliser sur une victime et l’unanimité à se faire contre elle. L’élimination de la victime éteint le désir de violence qui pouvait animer chacun juste avant que celle-ci ne meure. Le groupe — « nous » (cf. Esaïe 53 v. 2-6) — retrouve alors son calme via « le châtiment qui nous donne la paix » (Es 53, v. 5). Cela « nous » concerne (cf. le nombre de « nous » dans les versets 2 à 6). La victime apparaît alors comme fondement de la crise et comme auteur de la paix retrouvée — par une sorte de « plus jamais ça ».

La caractéristique de la lecture du phénomène dans la Bible est de révéler que la victime est innocente, ce qu’ignorent tous les mythes de l’humanité. C’est une différence essentielle entre Caïn et Abel et Romulus et Remus : Abel n’est pas mis en cause. On est au cœur du texte d’Ésaïe 53 : le persécuté est innocent. Où la foi des disciples du Crucifié retrouve la figure du Christ, qui n’a sans doute pas manqué de méditer lui-même la profonde leçon d’Ésaïe 53 : la violence est vaincue quand la victime ne joue pas le jeu.


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lundi 9 novembre 2015

L'inconvénient d'être né




L'Ecclésiaste, ch. 2 (lire v. 14-26)

17 Et j’ai haï la vie, car ce qui se fait sous le soleil m’a déplu, car tout est vanité et poursuite du vent.
18 J’ai haï tout le travail que j’ai fait sous le soleil, et dont je dois laisser la jouissance à l’homme qui me succédera.

22 Que revient-il, en effet, à l’homme de tout son travail et de la préoccupation de son cœur, objet de ses fatigues sous le soleil ?
23 Tous ses jours ne sont que douleur, et son partage n’est que chagrin ; même la nuit son cœur ne repose pas. C’est encore là une vanité.


Cf. ch 4, v. 2 & 3
2 Moi, je déclare les morts qui sont déjà morts plus heureux que les vivants qui sont encore en vie,
3 mais plus que les uns et les autres celui qui n'a pas encore été et qui n'a pas vu l'œuvre mauvaise qui se fait sous le soleil.



Un classique au fond, que le constat de la douleur de l'existence, qui a régulièrement conduit à ce qui chez l'Ecclésiaste est dit en terme de haine de la vie et de déploration d'être né. Cf. ci-dessous quelques exemples, dans des textes connus, hors de la Bible ou dans la Bible. L'Ecclésiaste, faisant le même constat, et débouchant sur la même déploration, nous met face à la question du bonheur saisissable quand même, et ipso facto celle de la mesure en bien face à laquelle nous mesurons le mal de l'existence dans la douleur qui nous advient.


* * * *


Citations d'Emil Cioran
Extraits de De l'inconvénient d'être né :

Si le dégoût du monde conférait à lui seul la sainteté, je ne vois pas comment je pourrais éviter la canonisation. (Emil Cioran, De l'inconvénient d'être né, éd. Gallimard, 2006, partie II, p. 35.)

Ce n'est pas la peine de se tuer, puisqu'on se tue toujours trop tard.
Ibid., partie II, p. 43.

Toute forme de hâte, même vers le bien, traduit quelque dérangement mental.
Ibid., partie III, p. 65.


Et encore :

Avoir commis tous les crimes, hormis celui d'être père.

Je sens que je suis libre mais je sais que je ne le suis pas.

Ce que je sais à soixante, je le savais aussi bien à vingt. Quarante ans d'un long, d'un superflu travail de vérification...

Ce n'est pas la peur d'entreprendre, c'est la peur de réussir, qui explique plus d'un échec.

Le progrès est l'injustice que chaque génération commet à l'égard de celle qui l'a précédée.

L'interminable est la spécialité des indécis.

La conscience est bien plus que l'écharde, elle est le poignard dans la chair.

Plus les hommes s'éloignent de Dieu, plus ils avancent dans la connaissance des religions.

Si l'on pouvait se voir avec les yeux des autres, on disparaîtrait sur-le-champ.

N'a de convictions que celui qui n'a rien approfondi.


* * * *


« Je pleurais quand je vins au monde,
et chaque jour me montre pourquoi. »
(Proverbe espagnol)


* * * *


De Charles Baudelaire
Les Fleurs du mal, « Bénédiction » :

Lorsque, par un décret des puissances suprêmes,
Le poète apparaît dans ce monde ennuyé,
Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié :

- "Ah ! Que n'ai-je mis bas tout un nœud de vipères,
Plutôt que de nourrir cette dérision !
Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères
Où mon ventre a conçu mon expiation !

Puisque tu m'as choisie entre toutes les femmes
Pour être le dégoût de mon triste mari,
Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes,
Comme un billet d'amour, ce monstre rabougri,

Je ferai rejaillir la haine qui m'accable
Sur l'instrument maudit de tes méchancetés,
Et je tordrai si bien cet arbre misérable,
Qu'il ne pourra pousser ses boutons empestés !"

Elle ravale ainsi l'écume de sa haine,
Et, ne comprenant pas les desseins éternels,
Elle-même prépare au fond de la Géhenne
Les bûchers consacrés aux crimes maternels.

Pourtant, sous la tutelle invisible d'un ange,
L'enfant déshérité s'enivre de soleil,
Et dans tout ce qu'il boit et dans tout ce qu'il mange
Retrouve l'ambroisie et le nectar vermeil.

Il joue avec le vent, cause avec le nuage,
Et s'enivre en chantant du chemin de la croix ;
Et l'esprit qui le suit dans son pèlerinage
Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois.

Tous ceux qu'il veut aimer l'observent avec crainte,
Ou bien, s'enhardissant de sa tranquillité,
Cherchent à qui saura lui tirer une plainte,
Et font sur lui l'essai de leur férocité.

Dans le pain et le vin destinés à sa bouche
Ils mêlent de la cendre avec d'impurs crachats ;
Avec hypocrisie ils jettent ce qu'il touche,
Et s'accusent d'avoir mis leurs pieds dans ses pas.

Sa femme va criant sur les places publiques :
"Puisqu'il me trouve assez belle pour m'adorer,
Je ferai le métier des idoles antiques,
Et comme elles je veux me faire redorer ;

Et je me soûlerai de nard, d'encens, de myrrhe,
De génuflexions, de viandes et de vins,
Pour savoir si je puis dans un cœur qui m'admire
Usurper en riant les hommages divins !

Et, quand je m'ennuierai de ces farces impies,
Je poserai sur lui ma frêle et forte main ;
Et mes ongles, pareils aux ongles des harpies,
Sauront jusqu'à son cœur se frayer un chemin.

Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite,
J'arracherai ce cœur tout rouge de son sein,
Et, pour rassasier ma bête favorite,
Je le lui jetterai par terre avec dédain !"

Vers le ciel, où son œil voit un trône splendide,
Le poète serein lève ses bras pieux,
Et les vastes éclairs de son esprit lucide
Lui dérobent l'aspect des peuples furieux :

- "Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés
Et comme la meilleure et la plus pure essence
Qui prépare les forts aux saintes voluptés !

Je sais que vous gardez une place au poète
Dans les rangs bienheureux des saintes légions,
Et que vous l'invitez à l'éternelle fête
Des trônes, des vertus, des dominations.

Je sais que la douleur est la noblesse unique
Où ne mordront jamais la terre et les enfers,
Et qu'il faut pour tresser ma couronne mystique
Imposer tous les temps et tous les univers.

Mais les bijoux perdus de l'antique Palmyre,
Les métaux inconnus, les perles de la mer,
Par votre main montés, ne pourraient pas suffire
À ce beau diadème éblouissant et clair ;

Car il ne sera fait que de pure lumière,
Puisée au foyer saint des rayons primitifs,
Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entière,
Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs !"


* * * *


Job 3, 2-26 :
2 Job prit la parole et dit :
3 Périsse le jour où j'allais être enfanté
et la nuit qui a dit : « Un homme a été conçu ! »
4 Ce jour-là, qu'il devienne ténèbres,
que, de là-haut, Dieu ne le convoque pas,
que ne resplendisse sur lui nulle clarté ;
5 que le revendiquent la ténèbre et l'ombre de mort,
que sur lui demeure une nuée,
que le terrifient les éclipses !
6 Cette nuit-là, que l'obscurité s'en empare,
qu'elle ne se joigne pas à la ronde des jours de l'année,
qu'elle n'entre pas dans le compte des mois !
7 Oui, cette nuit-là, qu'elle soit infécondée,
que nul cri de joie ne la pénètre ;
8 que l'exècrent les maudisseurs du jour,
ceux qui sont experts à éveiller le Tortueux ;
9 que s'enténèbrent les astres de son aube,
qu'elle espère la lumière — et rien !
Qu'elle ne voie pas les pupilles de l'aurore !
10 Car elle n'a pas clos les portes du ventre où j'étais,
ce qui eût dérobé la peine à mes yeux.
11 Pourquoi ne suis-je pas mort dès le sein ?
A peine sorti du ventre, j'aurais expiré.
12 Pourquoi donc deux genoux m'ont-ils accueilli,
pourquoi avais-je deux mamelles à téter ?
13 Désormais, gisant, je serais au calme,
endormi, je jouirais alors du repos,
14 avec les rois et les conseillers de la terre,
ceux qui rebâtissent pour eux des ruines,
15 ou je serais avec les princes qui détiennent l'or,
ceux qui gorgent d'argent leurs demeures,
16 ou comme un avorton enfoui je n'existerais pas,
comme les enfants qui ne virent pas la lumière.
17 Là, les méchants ont cessé de tourmenter,
là, trouvent repos les forces épuisées.
18 Prisonniers, tous sont à l'aise,
ils n'entendent plus la voix du garde-chiourme.
19 Petit et grand, là, c'est tout un,
et l'esclave y est affranchi de son maître.
20 Pourquoi donne-t-il la lumière à celui qui peine,
et la vie aux ulcérés ?
21 Ils sont dans l'attente de la mort, et elle ne vient pas,
ils fouillent à sa recherche plus que pour des trésors.
22 Ils seraient transportés de joie,
ils seraient en liesse s'ils trouvaient un tombeau.
23 Pourquoi ce don de la vie à l'homme dont la route se dérobe ?
Et c'est lui que Dieu protégeait d'un enclos !
24 Pour pain je n'ai que mes sanglots,
ils déferlent comme l'eau, mes rugissements.
25 La terreur qui me hantait, c'est elle qui m'atteint,
et ce que je redoutais m'arrive.
26 Pour moi, ni tranquillité, ni cesse, ni repos.
C'est le tourment qui vient.


* * * *


Jérémie 20, 14-18 :
14 Maudit, le jour
où je fus enfanté !
Le jour où ma mère m'enfanta,
qu'il ne devienne pas béni !
15 Maudit, l'homme qui annonça à mon père :
« Un fils t'est né ! »
— Et il le combla de joie !
16 Que cet homme devienne pareil aux villes
que, de façon irrévocable,
le Seigneur a renversées !
Qu'il entende au matin des appels au secours
et à midi des cris de guerre !
17 Et Lui, que ne m'a-t-il fait mourir dès le sein ?
Ma mère serait devenue ma tombe,
sa grossesse n'arrivant jamais à terme.
18 Pourquoi donc suis-je sorti du sein,
pour connaître peine et affliction,
pour être, chaque jour, miné par la honte ?


(Toutefois… Certes : « Je ne me pardonne pas d’être né. C’est comme si, en m’insinuant dans ce monde, j’avais profané un mystère, trahi quelque engagement de taille, commis une faute d’une gravité sans nom. Cependant il m’arrive d’être moins tranchant : naître m’apparaît alors comme une calamité que je serais inconsolable de n’avoir pas connue. » Cioran, De l'inconvénient d'être né, ibid. / « Françoise Dolto avait l'habitude de dire aux enfants qui se plaignaient de leurs parents : "Tu n'avais qu'à pas choisir de naître là." Elle cherchait sans doute ainsi à sortir l'enfant d'un fatalisme héréditaire pour lui faire reprendre la main sur son histoire, et le convaincre qu'il n'était pas aussi impuissant qu'il le croyait. La mystique juive est à sa manière un peu "doltienne". Elle suggère en tout cas que chaque être choisit avant de venir au monde les parents qui lui donneront naissance […]. Nos parents répondraient ainsi aux besoins de notre âme. L'idée est séduisante quand elle responsabilise la personne et lui permet de ne plus placer papa-maman sur le banc des accusés permanents et exclusifs de ses échecs. » Delphine Horvilleur, Comment les rabbins font les enfants : Sexe, transmission et identité dans le judaïsme, Grasset, 2015. / « Nous sommes tous au fond d’un enfer dont chaque instant est un miracle. » Cioran, Le mauvais démiurge)


RP
L'Ecclésiaste

Église protestante unie de France / Poitiers
Étude biblique 2015-2016
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
2. 10 & 12 novembre (ch. 2, v. 14-26) – L'inconvénient d'être né - (PDF ici)


lundi 19 octobre 2015

Traditions religieuses et spiritualités




Les civilisations sont plurielles, la culture – dont le spirituel et le religieux – a certes plusieurs entrées – comme les traditions religieuses et spiritualités diverses –, mais elle est une, et universelle, la même en quelque sorte pour tous, de quelque continent, tradition, ou civilisation que l'on parle. Il n'y a pas de frontières aux idées, aux héritages symboliques et religieux, aux acquis, de telle sorte qu'on a d'autant plus de culture que l'on déborde, ou que l'on va plus loin que son entrée initiale dans la culture. Est plus cultivé, a donc plus de culture, celui ou celle qui, de tel pays qui l'a vu naître et grandir a étendu sa curiosité aux autres pays, continents, traditions, etc. Bref quelle que soit notre entrée dans la culture et dans le religieux – et il n'y a aucune hiérarchie d'une entrée à une autre – la culture et la vie spirituelle sont, et ont toujours été, la même pour toute l'humanité, étant en cela universelles.

La culture est une, les civilisations sont plurielles ; il en est de même du religieux, constituant incontournable de la culture, qui est un, je vais dire en quoi, tandis que les religions et spiritualités sont plurielles, comme le sont les cultes et les traditions qui leurs sont afférents.

Je vous propose de penser le religieux, comme culture spirituelle, selon trois pôles – cela vaut pour toutes les traditions et civilisations du monde. Je nommerai ces trois pôles : archétypal – prophétique – philosophique. Ils concernent la culture commune de l'humanité, ils en concernent toutes les traditions, religions et civilisations.

Le pôle archétypal est le pôle qui se rapproche le plus de ce qui concerne l'autochtonie du religieux, on va voir en quoi, sans être étanche, loin s'en faut, aux apports non-autochtones.
J’emprunte le vocable, renvoyant aux archétypes, à C.G Jung, qui lui-même emprunte le terme à Platon. Lesdits archétypes présentés par Jung relèvent de la structure fondamentale des êtres humains, étant inscrits dans l'inconscient, et dans l'inconscient collectif. Ils prennent des figures diverses selon les lieux et civilisations (et jusqu'aux traditions familiales), mais ils ont quelque chose de fondamentalement commun sous ces figures diverses (l'individu en étant comme la dernière espèce, l'efflorescence individuée – cf. Thomas d'Aquin et la matière comme principe d’individuation : « la matière sous une quantité déterminée est le principe de l’individuation […] en ce sens qu’elle est la compagne inséparable [de la substance], et qu’elle la limite au temps et au lieu » – in Du principe d’individuation, Opuscule 29). Les archétypes se déploient dans le rêve et dans les mythes. Ce pôle, archétypal, correspond donc simplement à ce qu'on appelle les religions traditionnelles – je dirais plutôt l'aspect traditionnel du religieux – qui existe sur tous les continents, et qui a sur tous les continents une coloration autochtone, tout en n'étant pas limité à l’autochtonie. Des recoupements d'un pays à l'autre, d'une tradition à l'autre, sont possibles. Ainsi d'Osiris identifié à Dionysos par les Grecs.
C'est ainsi que d'Hérodote (Ve s. av. JC) à Jules César (Ier s. av. JC), on a reconnu sous les figures des dieux et sous les légendes et mythes, l'équivalent d'un pays à l'autre. C’est en ce sens que le pôle archétypal est bien universel. Du chamanisme aux traditions africaines et aux mythes européens, on a affaire à des déploiements divers de la structure archétypale inconsciente des êtres humains, inconscient personnel et collectif.

Une autre pôle est celui que j'ai appelé le pôle prophétique. Prophétique en ce sens qu'il porte une interrogation permanente sur le pôle archétypal, de l'ordre d'un approfondissement intuitif. Ce pôle est très prégnant dans les traditions se réclamant de la figure biblique d'Abraham, et de ce qu'André Chouraqui a appelé son intuition assumée comme révélation, concernant sa vocation par le Dieu Un, unifié, à un déplacement radical, à quitter ce en quoi il se reconnaît, ou croit se reconnaître pour « aller vers », « aller pour », « aller pour lui ». Les remises en question prophétiques portées à ce pôle ne valent pas négation du pôle archétypal (bien qu'elles connaissent ce risque), ni a fortiori destruction de celui-ci, mais valent en regard des déploiements archétypaux dont le pôle prophétique participe aussi.
Ainsi, ce pôle s'impose de lui-même largement, voire universellement, au-delà de sa sphère d’émission première. Très prégnant dans les traditions se réclamant du personnage d'Abraham, ce pôle est repérable aussi ailleurs. Pour l'Antiquité, on a souvent parlé du zoroastrisme persan, peut-être aussi chez Akhenaton en Égypte, que je situe pour ma part plutôt dans le 3e pôle, le pôle philosophique.

Le pôle philosophique relève, à partir des pôles archétypal et prophétique, d'un processus d'abstraction, d'un dégagement de principes. Avec le risque de perdre de vue l'enracinement archétypal et prophétique de ce travail d'abstraction, voire la négation de leur légitimité. Sous cet angle, l’histoire de l'Europe laisse apparaître que les ruptures entre les trois pôles correspondent à des moments de désintégration dangereux.
Comme figures connues de ce travail religieux de dégagement de principes, je citerai bien sûr Platon et Bouddha, où sur la base de mythes ou d'ascèse religieuse, et par un travail philosophique, se dégage une relecture unifiante du religieux.
On trouve aussi le processus d'abstraction philosophique dans l'art. On peut penser à la statuaire grecque à la recherche de l'archétype de la Beauté. On peut penser aussi aux représentations et à la statuaire de l'art africain, ou aux masques, qui relèvent du travail abstraction.

Ce sont donc ces trois pôles que j'aurai en vue dans la lecture des quelques traditions religieuses et spiritualités de l'humanité que l'on essayera d'aborder cette année.


RP – texte extrait et adapté de mon intervention
au colloque de l'UPACEB
du 25/09/15

Traditions religieuses et spiritualités

Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2014-2015
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
1) 20 & 22 octobre 2015
Introduction – du religieux, traditions et spiritualités (PDF)



lundi 12 octobre 2015

L’Ecclésiaste et l'évanescence



Le terme hébraïque קהלת – Qoheleth – est construit sur la racine קהל – Qahal –, parlant d'assemblée, désignant le peuple de l'Exode au désert par ex. et, comme verbe, « rassembler », « convoquer ». קהלת est donc un titre, référant à un « assembleur ». Selon le contexte, il s'agit soit de peuple pour l'instruire dans la sagesse, soit d'aphorismes dans le même but. קהלת peut aussi représenter la fonction d'éditeur, de compilateurs de textes (12,9) « Qohéleth a pesé, examiné et corrigé beaucoup de proverbes. » L'intitulé français du livre, Ecclésiaste, vient de la traduction de la Septante de Qohelet par Εκκλησιαστής. Ce mot tire ses origines du grec Εκκλησία, un « rassemblement » sans forcément de connotation religieuse, bien que plus tard utilisé pour cet usage en priorité, Église.

Le terme Qoheleth a cependant été également traduit en anglais par the Preacher (le prédicateur) dans la Bible King James (d'après le terme latin concionator de saint Jérôme, suivi également par der Prediger de Martin Luther). Le terme prédicateur ou prêcheur (qui est un synonyme plus ancien) impliquant une fonction religieuse, et le livre ne reflétant pas une telle fonction, elle est tombée en désuétude.

L'auteur se décrit lui-même comme fils de David et roi d'Israël à Jérusalem, un sage au sein d'une cour de gens brillants. Tant la tradition rabbinique que les premiers chrétiens attribuaient l'Ecclésiaste au roi Salomon.

Cette opinion a été abandonnée par les critiques modernes, qui pensent actuellement que Qoheleth est le fruit d'une tradition voulant se présenter comme propos d'un sage connu et respecté. Le point de vue le plus commun est que l'Ecclésiaste fut écrit aux alentours de 250 av. J.-C. par un intellectuel appartenant à la société juive de l'époque du Second Temple de Jérusalem. (Lignes ci-dessus : emprunt approximatif à Wiki.)

*

Un livre de « philosophie », où le mot « Dieu » désigne et rassemble la globalité des aspects (non-exhaustifs) de l'idée que ce qui nous advient ne dépend, ultimement, pas de nous.

Il ne s'agit pas de « foi » (confiance en un Dieu favorable, qui intervient favorablement, voire miraculeusement), mais d'un « concept », qui ne désigne pas un objet, mais vise d'abord le fait que ce qui nous advient ne dépend au bout du compte, pas de nous... Notion relevant de la raison, pas de la foi. Concept qui en hébreu se conjugue au singulier mais se décline au pluriel ! – : le livre de l'Ecclésiaste utilise le mot pluriel Elohim, qui pourrait se traduire par « les puissances », ou, pour rendre le singulier : « lui, les puissances » !

Il s'agit d'une de prise de conscience suite à une réflexion sur ce qu'enseigne ce concept – « Dieu » –, prise de conscience propre à fonder le bonheur, puisque pour l'Ecclésiaste c'est de cela qu'il s'agit : le fait que tout soit « don de Dieu » – ce qui symbolise le fait que nous ne maîtrisons pas ce qui nous advient – invite à « la crainte », qui est en quelque sorte le versant négatif de l'admission de la possibilité que ce qui est don ne soit pas – ou n'ait pas été – octroyé, ou n'ait pas été reçu (car le bonheur – de manger et boire par ex. pour l'Ecclésiaste – suppose le don de ce qui le rend possible, les récoltes par ex., et la capacité d'en recevoir le produit pour le mieux, cela allant jusqu'à des dispositions digestives favorables ! Autant de choses qui au bout du compte, nous dépassent – un dépassement, une série de dépassements que rassemble le concept de Dieu). Crainte quant au versant négatif, donc – et en son versant positif, la reconnaissance, tout simplement, la reconnaissance de ce que la matérialité de la condition du bonheur, jusqu'à la disposition pour le recevoir, ne viennent, ultimement, pas de nous.

Précisons en outre que pour l'Ecclésiaste, la référence à Dieu n'a pas de rapport avec un prolongement post-mortem de l'existence. Précision utile en notre temps, où l'on lie automatiquement le concept de Dieu et une vie post-mortem. Ce que ne fait en aucun cas l'Ecclésiaste : pour lui notre vie est limitée au temps qui nous est donné « sous le soleil ».

De cette vie qui nous est donnée, nous ne sommes ni la source, ni le garant du bonheur que nous pourrions y cueillir : cela nous échappe largement, cela vient des puissances qui nous échappent et se résument à un nom, un concept : « Dieu » : la part qui ne nous échappe pas tout-à-fait est celle que l'Ecclésiaste nous invite à mettre en œuvre : un respect reconnaissant, une loyauté : « crains Dieu et observe ses préceptes »... Et tout ce que ta main trouve à faire, fais-le. Cueille le bonheur où il t'est donné : bois de bon cœur ton vin et jouis de la vie avec la femme que tu aimes. Tout cela est don de Elohim, « Dieu » en français. « Dieu » comme pluriel conjugué au singulier : ne pas faire de tel ou tel aspect de l'origine indiscernable de ce qui nous advient, un objet de culte particulier – une idole. Au fond, l'origine indiscernable est irreprésentable, sous quelque figure que ce soit. C'est donc ce que le français a traduit par « Dieu ».

*

Parmi les quelques leitmotiv connus du livre de l'Ecclésiaste, le fameux « vanité des vanités » – évoquant une insoutenable légèreté selon le mot hébreu rendu par « vanité », à savoir « souffle fragile », « buée », « vapeur », bref, évanescence – ; ou encore la formule « rien de nouveau sous le soleil », indiquant que c'est bien « sous le soleil » – c'est-à-dire dans le provisoire dont il n'y a rien de très considérable à espérer – que se déroule le trajet vaporeux qui est le nôtre.

Y a-t-il là de quoi désespérer, sachant que « le plus heureux est encore celui qui n'a jamais vu le jour » (Ecc 4, 3) ? Ou y a-t-il là motif à s'abîmer dans un « à quoi bon » ou autre repli contemplatif vers les origines, vers le non-né ?

Eh bien, non, si l'on s'en tient à cet autre leitmotiv du livre ! – : l'invite à l'être humain de « jouir du bien-être au milieu de tout le travail qu’il fait sous le soleil, pendant le nombre des jours de vie que Dieu lui a donnés » (Ecc 5, 18), chose humble reprise à l'envi et reçue invariablement comme « don de Dieu »... Dieu qui ouvre à la disposition de recevoir ce qu'il offre à cette sagesse humble…

Puisque tout s'évapore en ce temps bref, « sous le soleil », qui seul nous est donné, puisqu'il n'y a rien de tout ce qui se fait sous le soleil « au séjour des morts où tu vas » (Ecc 9, 10), alors fais-le (ibid.).

C'est là le travail à accomplir, « fais ce que tu trouves à faire » – et à en cueillir le fruit (sans quoi le travail est plutôt malédiction !), fruit du plaisir de l'œuvre, et de son humble produit.


RP
L'Ecclésiaste

Église protestante unie de France / Poitiers
Étude biblique 2015-2016
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
1) 13 & 15 octobre 2015 – L’évanescence
(Introduction au livre puis entrée dans les ch. 1 à 2 v. 13)


samedi 5 septembre 2015

"Ce jour-là"...




Ecclésiaste 12, 1b-7 :

[...] avant que viennent les jours du malheur
et qu'arrivent les années dont tu diras : « Je n'y trouve aucun plaisir » ;
avant que s'obscurcissent le soleil et la lumière,
la lune et les étoiles,
et que les nuages reviennent après la pluie.
Ce jour-là les gardiens de la maison tremblent,
les hommes vaillants se courbent ;
les meunières, trop peu nombreuses, cessent de moudre,
celles qui regardent par les fenêtres sont dans l'obscurité,
les deux battants de la porte se ferment sur la rue
tandis que baisse le bruit de la meule ;
on se lève au chant de l'oiseau,
toutes les chanteuses s'affaiblissent ;
on a peur de ce qui est élevé,
il y a des terreurs en chemin, l'amandier fleurit,
le criquet devient pesant, la câpre n'a plus d'effet,
car l'être humain s'en va vers ce qui sera pour toujours sa demeure,
et le cortège de lamentations passe dans la rue ;
avant que le cordon d'argent se détache,
que le réservoir d'or se casse,
que la jarre se brise à la fontaine,
que la poulie se casse et tombe dans la citerne ;
avant que la poussière retourne à la terre, selon ce qu'elle était,
et que le souffle retourne à Dieu qui l'a donné.



samedi 13 juin 2015

"Votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu"




« Votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu », écrit l’Apôtre (Col 3, 3). Qu’est-ce qui nous constitue, que sommes-nous en réalité ? En réponse à cette question, nous confondons aisément notre être avec notre enveloppe temporelle, corps et âme.

Une enveloppe temporelle dont nous nous dépouillons déjà, au jour le jour de son vieillissement ; une enveloppe, qui s’use de toute façon, qui se dégrade de jour en jour ; jusqu’au moment où il faudra la quitter comme un vêtement qui a fait son temps (selon une image de Paul).

Que dit l’Ange aux femmes dans la clarté du dimanche de Pâques ? « Il n’est pas ici ». Et pour qu’on ne s’y trompe pas, le corps, de toute façon, n’est pas là. Comme une enveloppe, qu’il a dépouillée à la croix. « Recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ », confirmera l’Apôtre.

Il a dépouillé l'être temporel, provisoire, douloureux, et il s’est relevé d’entre les morts. Et pour que cela soit bien clair, le tombeau est vide : l’Ange en roule la pierre pour que nous n’y restions pas. Il vous précède en Galilée. La mission commence où demeurent les vôtres, les êtres humains, elle est où vous êtes envoyés, pas autour d’un tombeau.

*

Ce qui vaut pour lui, et c’est là que son relèvement d’entre les morts est aussi un dévoilement, une révélation ; ce qui vaut pour lui, vaut, en lui, aussi pour nous. « Votre vie est cachée avec Christ en Dieu ». « Vous êtes ressuscités avec le Christ. » Notre vrai être n’est pas dans nos lambeaux de corps, mais en haut, avec lui, à la droite de Dieu. Ce qui ne rend pas nos êtres temporels insignifiants. Ils sont la manifestation visible de ce que nous sommes de façon cachée, en haut. Et le lieu de la solidarité. Le corps que le Christ s’est vu tisser dans le sein de la Vierge Marie manifeste dans notre temps ce qu’il est définitivement devant Dieu, et qui nous apparaît dans sa résurrection.

Il est un autre niveau de réalité, celui qui apparaît dans la résurrection. Or nous en sommes aussi, à notre tour de façon cachée. C’est cet autre niveau qu’il nous faut rechercher, pour y fonder notre vie et notre comportement dans le provisoire. « Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire », écrit l’Apôtre.

*

Alors désormais, « recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu ; fondez vos pensées en haut ». C’est-à-dire non pas : vivez en haut, comme dans les nuages de lendemains qui chantent, mais poursuivez votre route terrestre forts de ce que vous pouvez désormais fonder vos pensées en haut, dans la foi à la résurrection de Jésus.

C’est à ce niveau de réalité-là qu’est notre vrai être. Vivre du mont de la transfiguration, où déjà avant Pâques, s’était manifesté le Christ de la résurrection, pour marcher sur les routes du provisoire.

*

« Qui dit-on que je suis ?... Et vous qui dites-vous que je suis ? » a demandé Jésus à ses disciples. Chez Matthieu la réponse est sous-entendue dans la première question de Jésus — en ces termes : « Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ? » (Matthieu 16, 13-15)

Le Fils de Homme est cette figure, connue des disciples, qui annonce dans des livres comme Ézéchiel ou Daniel l’inauguration du Royaume de Dieu : il s'agit d'un être céleste, qui demeure auprès du Père, le Fils de l'Homme qui est dans les cieux — et qui vient sur la terre.

Jésus, qui vient donc de dire que c'est lui ce Fils de l'Homme, celui qui vient inaugurer et apporter le Royaume, renvoie alors les disciples à eux mêmes : qu'en est-il de votre perception ? Qui dites-vous que je suis ? De là la réponse de Pierre : « qui est-tu ? Mais, Fils de l'Homme, tu es donc le Christ — le Messie ! » D'où son refus de le voir mourir. À cette compréhension de Pierre (qui a compris... à sa façon : celui qui est venu du ciel ne peut mourir !), Jésus (Matthieu 16, 20 sq.) a répondu aux disciples qu'il sera crucifié, avant d'ajouter qu'il leur faut aussi se préparer (v, 24) : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. » Voilà qui éclaire la question de Jésus ! : votre réponse vous engage...

On arrive là au cœur du propos de Jésus : il s’agit pour lui de situer ses disciples face à lui seul.

« Et vous, qui dites-vous que je suis ? », c’est cela qui importe et non pas « que dit-on de moi ? » — Se situer face à lui sans tergiverser, malgré sa réputation déplorable pour des lendemains catastrophiques ; bref, quoique cela coûte.

À ce point, tout a changé. On est passé de ce que disent et pensent les hommes ou les foules, à ce que « vous, vous dites ». On passe de « on » à « toi », de l'admiration plus ou moins béate mais finalement pas dérangeante, à la mise en question.

Jésus refuse toute réponse anonyme ; Jésus n'a que faire d’une réponse admirative, mais qui, dans une heure, sera oubliée, et qui, finalement n'aura guère de conséquences dans les vies ; les foules bientôt crucifieuses rangeront par la suite ce « grand homme » dans leur mémoire comme on range des photos de grands hommes. Et dans la galerie des grands personnages, il y en aura un de plus...

Un tel engouement pour lui-même n’intéresse pas Jésus. Il veut une réponse personnelle (toi ! moi !) qui engage, qui compromet pour toujours. Une réponse où tout change dans la vie de celui qui la formule. Une réponse comme celle que va donner Pierre : « tu es le Christ de Dieu », mais qui veuille dire concrètement : « tu es mon Seigneur ; tu es celui qui est au cœur de ma foi, celui qui donne un sens à ma vie et à mon histoire ; celui en dehors de qui je ne peux plus désormais trouver de raison de vivre. »

Jésus requiert aujourd’hui de nous une réponse qui joue toute notre vie. Celle de la foi, différente de l'admiration qui n'est jamais que sa mauvaise copie, d'autant plus dangereuse qu'elle permet d'esquiver Jésus et d'esquiver son salut.

Alors la foi étant arrivée, Jésus affirmera que l'heure est aussi arrivée de révéler quel sera le Christ et quel sera le signe de son règne : beaucoup souffrir ; être rejeté par les responsables en place ; être condamné et mis à mort (alors qu'il semblait devoir être porté aux nues) ; et être ressuscité ». « Et vous, qui dites-vous que je suis. » C’est la question qui nous est posée, à nous aussi aujourd’hui. La réponse correspond à rien moins qu’à un engagement : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »


RP
« Qui dites-vous que je suis ? »
Un parcours non-exhaustif de la perception de Jésus


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lundi 8 juin 2015

Marie de Magdala




1) Dans le Nouveau Testament, témoin première de la résurrection

Jean 20
1 Le premier jour de la semaine, Marie de Magdala se rendit au sépulcre dès le matin, comme il faisait encore obscur ; et elle vit que la pierre était ôtée du sépulcre.
2 Elle courut vers Simon Pierre et vers l’autre disciple que Jésus aimait, et leur dit : Ils ont enlevé du sépulcre le Seigneur, et nous ne savons où ils l’ont mis.
3 Pierre et l’autre disciple sortirent, et allèrent au sépulcre.
4 Ils couraient tous deux ensemble. Mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre ;
5 s’étant baissé, il vit les bandes qui étaient à terre, cependant il n’entra pas.
6 Simon Pierre, qui le suivait, arriva et entra dans le sépulcre ; il vit les bandes qui étaient à terre,
7 et le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus, non pas avec les bandes, mais plié dans un lieu à part.
8 Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi ; et il vit, et il crut.
9 Car ils ne comprenaient pas encore que, selon l’Écriture, Jésus devait ressusciter des morts.
10 Et les disciples s’en retournèrent chez eux.
11 Cependant Marie se tenait dehors près du sépulcre, et pleurait. Comme elle pleurait, elle se baissa pour regarder dans le sépulcre ;
12 et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds.
13 Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur répondit: Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis.
14 En disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que c’était Jésus.
15 Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Elle, pensant que c’était le jardinier, lui dit : Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je le prendrai.
16 Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna, et lui dit en hébreu : Rabbouni ! c’est-à-dire, Maître !
17 Jésus lui dit : Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.
18 Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur, et qu’il lui avait dit ces choses.

Marc 16, 9 & 10
Ressuscité le matin du premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie de Magdala, dont il avait chassé sept démons. Celle-ci partit l’annoncer à ceux qui avaient été avec lui et qui étaient dans le deuil et les pleurs (cf. Luc 8, 2).

*

2) Les mythes modernes

On ne sait pas toujours qu’à l’arrière plan du mythe moderne «Marie-Madeleine» épouse Jésus, et du Da Vinci Code qui l’a rendu célèbre, se trouve un roman, intitulé L’or de Rennes (Julliard, 1967), écrit par Gérard de Sède, mettant en scène autour d’un «mystérieux» abbé Bérenger Saunière, un non moins «mystérieux» manuscrit.

L’abbé Saunière, lui, a existé — né en 1852, mort en 1917 —, curé, à partir de 1885, de Rennes-le-Château dans le sud de la France, département de l’Aude. L’abbé est devenu célèbre pour s’être suffisamment enrichi pour entreprendre des travaux de construction dans et autour de son église. Et on ne sait pas trop comment il a réalisé sa petite fortune. D’où les spéculations sur un trésor, qu’il aurait trouvé — trésor d’abord matériel et financier ; puis (c’est souvent le destin des trésors, surtout en ces terres mystérieuses qui ont connu les cathares) le trésor a glissé au trésor mystique, avec manuscrit secret dont l’imagination de chacun amplifie le contenu fantastique.

L’affaire est expliquée dans un article de Jean-Jacques Bédu, reproduit dans les actes d’un colloque de 1994 : Catharisme : l’édifice imaginaire, actes édités à Carcassonne en 1998. Dans cet article, intitulé «La création d’un mythe, le trésor de Rennes-le-Château», J.-J. Bédu donne des précisions, p. 404, sur ce manuscrit «laissant entendre qu'il demeure en ce monde un roi perdu, issu d'une lignée qui remonterait jusqu'à Jésus en passant par les mérovingiens et parvenant jusqu'à nous au travers des membres d'une mystérieuse organisation secrète : Le prieuré de Sion. Nous sommes en plein délire politico-mystique ! En réalité, cette énigme des parchemins est une gigantesque farce, puisque la version qui a servi de base de travail à Gérard de Sède, et surtout aux auteurs de L'Énigme Sacrée, a été fabriquée de toutes pièces pour l'émission de Francis Blanche, «Signé Furax». Ce qui fit dire à leur auteur (le marquis de Cherisey) [dépêché donc pour ce faire par le célèbre humoriste Francis Blanche] : "J'ai profité de l'occasion pour inventer que le maire s'était fait délivrer un calque des parchemins découverts par l'abbé. Alors sur une idée de Francis Blanche, je me suis mis en devoir de composer un calque codé sur des passages d'évangiles et de décoder moi-même ce que j'avais codé. Enfin, par voie détournée, je faisais parvenir à Gérard de Sède le fruit de mes veilles. Cela a marché au-delà de mes espoirs. Ces parchemins ont été fabriqués par moi, dont j'ai pris le texte antique en onciale, à la bibliothèque nationale sur l'ouvrage de Dom Cabrol" [à savoir un Dictionnaire d'archéologie chrétienne].»

Le texte de Bédu ci-dessus date de 1994, soit près de dix ans avant le roman de Dan Brown ! — et relate une histoire datant des années 1950-1960 (époque de l’émission de Francis Blanche). C’est ce que Dan Brown — sans le dire, lui — met en scène en 2003, dans un roman où l’on trouve un certain… Saunière (Jacques celui-là — on trouve aussi dans le roman un commissaire, non pas exactement Bédu, mais Bézu !… Sans compter le «Prieuré de Sion». Ce qui laisserait à penser que Dan Brown est lui aussi un farceur qui se garde bien de le laisser paraître aux yeux de ceux dont il se joue — le grand public mondial, et aussi les cinéastes qui l’ont repris : Howard, puis Cameron).

Entre temps, avant Dan Brown, le mythe monté via le «manuscrit» confectionné pour Francis Blanche s’est amplifié. Entre autres exemples, un Jean Markale (dans son livre Montségur et l'énigme Cathare, de 1997) y a donné un rôle aux cathares, en faisant un lieu de passage d’un «secret mérovingien» — entre autres sur Jésus et «Marie-Madeleine» (ce personnage composite de la piété médiévale, élaboré sur le nom de Marie de Magdala (ou la Magdaléenne) à partir de plusieurs personnages féminins du Nouveau Testament, parmi lesquels — ni dans le Nouveau Testament, ni au Moyen Âge — aucune «épouse de Jésus» !).

Il n’y a donc peu de doutes que le romancier Dan Brown est malgré lui l’avant-dernière étape (les cinéastes Ron Howard et Cameron en étant, en 2006 et 2007, les dernières — on ne dira pas victimes : ça leur a bien rapporté…) d’une farce qui ignore désormais qu’elle s’origine, non pas dans quelque mystérieuse tradition, mais dans une plaisanterie de Francis Blanche ! Et que nous ressert à sa façon, donc, en 2007, le cinéaste Cameron mettant en scène un ossuaire de «Marie-Madeleine» qu’il déclare épouse de Jésus à côté d’un ossuaire décrété ossuaire de son divin époux ! (sic !)

Quant au «mystérieux» manuscrit à l’origine de tout cela, il est du même tonneau que le sketch du «Sar Rabindranath Duval» où Francis Blanche ironisait via ce personnage sur les supercheries mystico-ésotériques diverses…

Une autre étude, de Philippe Marlin (auteur du livre Comment fabriquer un mythe ? Ed : L’œil du Sphinx – 2004), confirme et donne des précisions supplémentaires fournies par des témoins de la mise en place de la supercherie (cf. http://www.renneslechateau.com/francais/marlin4.htm) :
«[…] C’est Gérard de Sède qui dans L’Or de Rennes (Julliard, 1967) va donner toute sa dimension à ces documents, en en proposant une reproduction, et en précisant qu’ils ont été soumis à un expert militaire du chiffre. Mais sans en donner à ce moment, suspense oblige, le décryptage. Et l’auteur du reste d’enrichir la collection par un troisième document, dit "manuscrit du Sôt Pêcheur", qui fera le bonheur des exégètes de tous poils !
Inutile de dire que personne n’a jamais vu les originaux de ces documents…. Encore que le journaliste Jean-Luc Chaumeil exhibe volontiers les "grand et petit parchemins" [de l’abbé Saunière], en expliquant que ce sont des faux fabriqués par Philippe de Cherisey, personnage haut en couleur. Il affirme de surcroît avoir la copie d’un manuscrit de ce dernier, Pierre et Papier, dans lequel le mystificateur explique comment il a fabriqué et codé ces pièces. Le chercheur Jean Robin, dans La Colline Envoûtée (Trédaniel 1982), retrace avec beaucoup d’humour les propos de notre farceur érudit :
"M'étant rendu à Rennes les Bains en 1961 et ayant appris qu’après la mort de l'abbé la mairie de Rennes-le-Château avait brûlé (avec ses archives), j'ai profité de l'occasion pour inventer que le maire s'était fait délivrer un calque des Parchemins découverts par l'abbé. Alors sur l'idée de Francis Blanche, je me suis mis en devoir de composer un calque codé sur des passages d'évangiles et de décoder moi-même ce que j'avais codé. Enfin par voie détournée je faisais parvenir à Gérard de Sède le fruit de mes veilles. Cela a marché au-delà de mes espoir." En effet...
Comme nos lecteurs seront peut-être surpris par cette apparition inattendue du fantaisiste Francis Blanche, nous nous en voudrions de ne pas leur citer le récit que fit le marquis de Chérisey - journaliste puis acteur - de sa rencontre avec l'immortel auteur de Signé Furax : "Je l'ai rencontré pour la première fois dans un night-club proche de la place Saint Georges à Paris. Il jouait à faire peur et y réussissait".
"Il a joué un grand rôle dans ma vie d'acteur à Bruxelles en 1961, à l'occasion du tournage de Vive le Duc, un film belge dont le moins on dira, mieux vaudra [sic]. Ensuite nous nous sommes rencontrés chez Cornehs, un spécialiste des marionnettes puis encore dans un night-club de la gare du Nord, aujourd'hui aboli. Il me fit raconter mes histoires de trésor, celle des rouleaux de bois d'où l'abbé Bérenger Saunière avait sorti des Parchemins qui depuis s'étaient éclipsés Pour rejoindre les coffres d'une banque anglaise.
Fabrique-moi ça. Je suis preneur...
Fabriquer quoi ?
Des parchemins. Torche-moi cette farce et adresse-la chez Arnaud de Chassipoulet. Elle paraîtra dans mon feuilleton radiophonique.
‘Signé Furax’ était le nom de ce feuilleton radiophonique qui a laissé quelques traces dans la mémoire des auditeurs. Croirait-on pourtant que Pierre-Arnaud de Chassipoulet (avec un nom pareil) existât vraiment ? J'ai rencontré ce monsieur qui avait un magasin de magnétophones près de la rue de la Boëtie, mais sans rien lui remettre. Les pseudo-parchemins avaient occupé une part si importante de mes activités, que leur histoire dépassait le cadre d'un feuilleton"
.
Telle est donc la genèse des célèbres Parchemins de l'abbé Saunière», conclut Philippe Marlin.

Et à partir de là, telle est aussi la genèse du Da Vinci code et du couple du caveau de Talpiot, Jésus et «Marie-Madeleine» avec leur fils Judas. Où un mythe bâti sur une farce tente de devenir histoire et archéologie !

*


3) Dans les milieux anciens proches de la gnose

En « appui » des mythes modernes, un texte gnostique ; – depuis 2012 deux textes :

Évangile de Philippe : « Le Seigneur aimait Marie plus que les disciples et il l'embrassait souvent sur la bouche. Et Pierre dit : Sœur, nous savons que l'Enseigneur t'a aimée différemment des autres femmes. Dis-nous les paroles qu'il t'a dites, dont tu te souviens et dont nous n'avons pas connaissance [...] Est-il possible que l'Enseigneur se soit entretenu avec une femme sur des secrets que nous nous ignorons ? [...] L'a-t-il vraiment choisie et préférée à nous ? »

Papyrus en copte ancien (Son origine se situerait entre le VIe et le IXe siècle) :
« non [à] moi. Ma mère m’a donné la vi[e] / les disciples ont dit à Jésus / renonce. Marie n’en est pas digne / Jésus leur a dit : Ma femme... / elle pourra être disciple pour moi / que l’homme pervers se gonfle / je suis avec elle en relation avec / une image ».

Karen King, qui a découvert et révélé le manuscrit copte, précise que ce document ne prouve pas que Jésus était marié. Selon elle « ce texte souligne seulement que les femmes, mères et épouses, pouvaient aussi être des disciples de Jésus, un sujet qui faisait l’objet d’un débat passionné au début de la chrétienté ».



*

Des textes issus de milieux gnostiques, opposés à l’union sexuelle et au mariage.

Le baiser à Marie de Magdala relève ainsi simplement du don de la vie spirituelle par le Ressuscité – cf. Jean 20.

Le manuscrit copte pourrait, si son authenticité est confirmée, témoigner de l'idée gnostique d'un mariage spirituel, traduire l'idée de double – syzygie – bien connue par ailleurs dans les milieux gnostiques.

Cela rejoint l'idée que retiennent E. & J. Moltmann : mariage spirituel. Wiki (http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_de_Magdala#L.27.C3.A9pouse_du_Christ) : « En soutenant, dans Dieu homme et femme, que Marie de Magdala et Jésus étaient époux "en esprit", les théologiens Jürgen Moltmann et Elisabeth Moltmann posent la question d'une égalité fondamentale entre l'homme et la femme. Les dernières recherches exégétiques sur le lien entre Marie de Magdala et Jésus vont dans le sens de cette interprétation, comme le met en lumière l'exégète Xavier Léon-Dufour : en Jean 20, 16, Marie dit à Jésus "Rabbouni". Ce mot est traduit par "maître" dans l'Évangile, mais "Rabbouni" est en réalité un diminutif de Rabbi et pourrait ajouter une nuance d'affection ou de familiarité. La quête aimante de Jésus par Marie de Magdala en Jean 20, 11-16 renvoie au Cantique des cantiques 3,1-4. »

On a là un symbole post-résurrectionnel du même ordre que le « voici ta mère » concernant Marie, adressé depuis la croix au disciple bien-aimé de l’Évangile selon Jean. Type du mariage spirituel qui sera plus tard, chez les cathares (témoins d'une forme ancienne de christianisme), le don de l'Esprit saint. Cf. chez Jung le processus d’individuation comme réintégration de notre plénitude scindée, par l’intégration de l'anima.

Où Marie de Magdala est une figure de la Sophia, importante dans la gnose, reprise de la Hokhmah (cf. Proverbes 8).


RP
Du féminin et de quelques
figures féminines dans la Bible


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lundi 18 mai 2015

Est-ce bien raisonnable ?



Est-ce bien raisonnable ? C’est la question qui s'est posée depuis les origines quant à la conception chrétienne de l’Incarnation de la Parole créatrice en Jésus-Christ. Déjà dans la première Épître de Paul aux Corinthiens, il apparaît que la crucifixion de Jésus est taxée de « folie de Dieu ».

La question apparaît sous une autre forme à l'époque moderne avec les philosophies de la nature développées dans le cadre de l'idée de cause à effet. Le rationalisme s'y inscrit pour ce qui concerne les choses matérielles. L'empirisme précise que le cause à effet se vérifie à la reproductibilité en laboratoire. Les philosophies de l'histoire s’inscrivent dans cette perspective quant à leur relecture des événements passés. Et nombre de théologiens se plient à la même approche concernant leur lecture de la Bible et des Évangiles : tout doit entrer dans le cadre du scientifiquement possible. Or ce que disent les textes bibliques, et plus particulièrement, concernant Jésus, les Évangiles, relève évidemment du scientifiquement impossible, à commencer par la pierre d'angle de la foi chrétienne : Christ est ressuscité. Chose parfaitement déraisonnable. Jésus sera donc revu comme étant essentiellement un professeur de morale, ou de vie spirituelle : on tente de relire ce qu'il dit de faire ou de ne pas faire, débouchant toutefois sur la même impasse : manifestement, selon les textes, il croit lui aussi à toutes ces choses impossibles.

D'autres approches que celles relevant du seul cause à effet, incontournable dans la recherche scientifique, se sont alors fait jour, dans la conviction qui est déjà celle de Paul aux Corinthiens : en effet ce n'est pas raisonnable, c'est pour cela que cela demande à être cru. Une lignée renouvelée, notamment avec Kierkegaard, réclamant un « saut de la foi », au-delà de ce qui est historiquement ou scientifiquement démontrable. Si certains y retrouvent la possibilité de ne pas se rendre à l'impossible (le saut de la foi concernerait quelque chose de non-advenu : croire une résurrection qui n'a pas eu lieu en réalité...), une porte a cependant été ouverte : ce qui est impossible en regard de l'histoire comme cause à effet a pourtant bien réellement eu lieu en regard de la foi.

*

Au XXe siècle, le philosophe Henry Corbin pose le problème comme relevant non pas de l’ « historicisme » mais de la compréhension des textes : l'herméneutique. Henry Corbin (interview sur France-Culture, 1978) :

« Avant tout [...] il y a l’idée d’herméneutique [...]. Ce mot « herméneutique », quand on l’employait chez les philosophes, il y a quarante ans [aujourd'hui près de 80 ans], semblait étrange, voire barbare. Or c’est un terme emprunté au grec et d’un usage courant chez les spécialistes de la Bible. Nous en devons l’usage technique à Aristote : le titre de son traité peri hermêneias a été traduit en latin De interpretatione. Il en est une meilleure, car dans l’usage philosophique de nos jours l’herméneutique c’est ce qui s’appelle en allemand das Verstehen, le « Comprendre ». C’est l’art ou la technique du « Comprendre » [...].

[...] elle dérive de Schleiermacher, le grand théologien du romantisme allemand [...]. Là même nous retrouvons les origines théologiques, nommément protestantes, du concept de l’herméneutique dont nous faisons aujourd’hui un usage philosophique. J’ai malheureusement l’impression que nos jeunes heideggériens ont un peu perdu de vue ce lien de l’herméneutique avec la théologie. Pour le retrouver, il faudrait évidemment restaurer une idée de la théologie assez différente de celle qui a largement cours de nos jours, en France comme ailleurs, je veux dire celle qui est devenue la servante de la sociologie, quand ce n’est pas de la « socio-politique ». Cette restauration ne pourra se faire que par le concours de l’herméneutique pratiquée dans les religions du Livre [...].

Pourquoi ? C’est que l’on a en main un Livre dont tout dépend. Il s’agit d’en comprendre le sens, mais d’en comprendre le sens vrai. Trois aspects : il y a l’acte de comprendre, il y a le phénomène du sens, il y a la mise à découvert de la vérité de ce sens. Ce sens vrai sera-t-il ce que l’on appelle couramment le sens historique, ou bien un sens qui nous réfère à un autre niveau que celui de l’Histoire au sens courant de ce mot ? […]

Il est en effet une notion qui domine l’herméneutique du jeune Luther, celle de significatio passiva [...]. Le jeune Luther affronte le verset du psaume : In justitia tua libera me. Comment la justice divine, l’aspect de Rigueur opposé à celui de Miséricorde, pourrait-elle être l’instrument de la délivrance ? L’affrontement est sans issue, tant que l’on fait de cette justice un attribut que l’on confère à un Dieu en Soi. Tout change, lorsqu’on la comprend dans sa significatio passiva. C’est à savoir la justice par laquelle nous sommes faits des justes. Ainsi en est-il pour les autres attributs divins, lesquels ne peuvent être compris (modus intelligendi) que par leur relation avec nous (notre modus essendi), et qui devraient toujours être exprimés avec l’adjonction du suffixe « -fique » (l’unifique, le bénéfique, le vérifique, le sanctifique, etc…). C’est cette découverte qui fit du jeune Luther le grand interprète de saint Paul, alors qu’il avait failli en être la victime. Or, cette situation herméneutique, je l’ai retrouvée dans maints grands textes de la philosophie mystique en Islam. Sa spécificité me serait peut-être restée close, si je n’avais pas disposé de la clef de la significatio passiva. Un simple exemple : l’avènement de l’être dans cette théosophie, c’est la mise de l’être à l’impératif : KN, Esto (à la seconde personne, non pas fiat). Ce qui est premier, ce qui n’est ni l’ens ni l’esse, mais l’esto. « Sois ! » Cet impératif inaugurateur de l’être, c’est l’impératif divin au sens actif ; mais considéré dans l’étant qu’il fait être, l’étant que nous sommes, c’est ce même impératif, mais en sa significatio passiva.

On peut dire, je crois, que là-même est le triomphe de l’herméneutique comme Verstehen, à savoir que ce que nous comprenons en vérité, ce n’est jamais que ce que nous éprouvons et subissons, ce dont nous pâtissons dans notre être même. L’herméneutique ne consiste pas à délibérer sur des concepts, elle est essentiellement le dévoilement de ce qui se passe en nous, le dévoilement de ce qui nous fait émettre telle conception, telle vision, telle projection, lorsque notre passion devient action, un pâtir actif, prophétique-poïétique. »

Où l'on rejoint la passion de la foi, celle de la réception subjective des textes dont parle Kierkegaard : ce n'est pas dans une délibération sur des concepts ou des « preuves » historiques, mais c'est dans un engagement de foi que m'est dévoilée la vérité de ce qui est advenu : « la parole est devenue chair ».


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lundi 11 mai 2015

Marie




Avec la figure de Marie, on touche quelque chose de particulier dans une perspective chrétienne, puisque Marie est mentionnée, outre les évangiles, dans les symboles de la foi comme essentielle à l'Incarnation ; et comme témoin de l’Incarnation, à l’instar (mutatis mutandis !) de Ponce Pilate – ici en regard de la naissance virginale de Jésus. Moment d'une histoire comme objet de foi, la naissance virginale, à l'instar de la mort en croix. Tout ici est ordonné à notre salut en Christ. Nous voilà au cœur de ce qui fait le christianisme : le salut en Christ, ou Christ pour nous.

Hors cela, on est dans ce que les Réformateurs appelaient les « adiaphora » – les choses indifférentes –, depuis l'organisation de l’Église (presbytérienne, épiscopale, etc. – choses indifférentes), jusqu'aux développements de la mariologie : comme les Réformateurs n’ont remis en question de l'ecclésiologie que ce qui pouvait faire obstacle à l'unique médiation du salut par le Christ, ils n'ont rien mis en question de ce qui s'enseignait alors sur Marie tant que cela ne portait pas atteinte à la centralité du salut dévoilé en Jésus-Christ, Christ pour nous – que ce soit par excès : les développements cultuels autour de Marie ou une « mariologie » devenue « autonome » par rapport au Christ ; ou par défaut : minimiser la figure de la Vierge Marie comme aspect incontournable de l'Incarnation.

C'est entre ces pôles divers que nous essayerons de naviguer, à travers les textes bibliques et les mises en place ultérieures en termes théologiques de ce qui s'y déploie quant à notre salut dévoilé en Jésus-Christ.

Quelques-uns des points de réflexion possibles à partir des textes bibliques : naissance virginale de Jésus, virginité perpétuelle de Marie, maternité divine ; ou hors propos bibliques explicites : dormition et/ou assomption, Notre Dame, immaculée conception de Marie.

*

Matthieu 1
16 Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ.
[...]
18 Voici de quelle manière arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, ayant été fiancée à Joseph, se trouva enceinte, par la vertu du Saint-Esprit, avant qu’ils eussent habité ensemble.
19 Joseph, son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle.
20 Comme il y pensait, voici, un ange du Seigneur lui apparut en songe, et dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a conçu vient du Saint-Esprit ;
21 elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus ; c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
22 Tout cela arriva afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète :
23 Voici, la vierge sera enceinte, elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous.
24 Joseph s’étant réveillé fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme avec lui.
25 Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.


Matthieu 2:11 [Les Mages] entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Matthieu 13:55 N’est-ce pas le fils du charpentier ? n’est-ce pas Marie qui est sa mère ? Jacques, Joseph, Simon et Jude, ne sont-ils pas ses frères ?

*

Marc 6:3 N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joses, de Jude et de Simon ? et ses sœurs ne sont-elles pas ici parmi nous ? Et il était pour eux une occasion de chute.

*

Luc 1
26 Au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,
27 auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie.
28 L’ange entra chez elle, et dit : Je te salue, toi à qui une grâce a été faite ; le Seigneur est avec toi.
29 Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.
30 L’ange lui dit : Ne crains point, Marie ; car tu as trouvé grâce devant Dieu.
31 Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus.
32 Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père.
33 Il régnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin.
34 Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ?
35 L’ange lui répondit : Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu.
36 Voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois.
37 Car rien n’est impossible à Dieu.
38 Marie dit : Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole ! Et l’ange la quitta.
39 Dans ce même temps, Marie se leva, et s’en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda.
40 Elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Élisabeth.
41 Dès qu’Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint-Esprit.
42 Elle s’écria d’une voix forte : Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni.
43 Comment m’est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi ?
44 Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l’enfant a tressailli d’allégresse dans mon sein.
45 Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement.
46 Et Marie dit : Mon âme exalte le Seigneur,
47 Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur,
48 Parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse,
49 Parce que le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses. Son nom est saint,
50 Et sa miséricorde s’étend d’âge en âge Sur ceux qui le craignent.
51 Il a déployé la force de son bras ; Il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses.
52 Il a renversé les puissants de leurs trônes, Et il a élevé les humbles.
53 Il a rassasié de biens les affamés, Et il a renvoyé les riches à vide.
54 Il a secouru Israël, son serviteur, Et il s’est souvenu de sa miséricorde, —
55 Comme il l’avait dit à nos pères, — Envers Abraham et sa postérité pour toujours.
56 Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois. Puis elle retourna chez elle.


Luc 2
1 En ce temps-là parut un édit de César Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre.
2 Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Tous allaient se faire inscrire, chacun dans sa ville.
4 Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée, dans la ville de David, appelée Bethléhem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David,
5 afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte.
6 Pendant qu’ils étaient là, le temps où Marie devait accoucher arriva,
7 et elle enfanta son fils premier-né. [...]
15 Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : Allons jusqu’à Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître.
16 Ils y allèrent en hâte, et ils trouvèrent Marie et Joseph, et le petit enfant couché dans la crèche.
17 Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été dit au sujet de ce petit enfant.
18 Tous ceux qui les entendirent furent dans l’étonnement de ce que leur disaient les bergers.
19 Marie gardait toutes ces choses, et les repassait dans son cœur. [...]
21 Le huitième jour, auquel l’enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, nom qu’avait indiqué l’ange avant qu’il fût conçu dans le sein de sa mère.
22 Et, quand les jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, —
23 suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur, —
24 et pour offrir en sacrifice deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur.
25 Et voici, il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit-Saint était sur lui.
26 Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Christ du Seigneur.
27 Il vint au temple, poussé par l’Esprit. Et, comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qu’ordonnait la loi,
28 il le reçut dans ses bras, bénit Dieu, et dit:
29 Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur S’en aller en paix, selon ta parole.
30 Car mes yeux ont vu ton salut,
31 Salut que tu as préparé devant tous les peuples,
32 Lumière pour éclairer les nations, Et gloire d’Israël, ton peuple.
33 Son père et sa mère étaient dans l’admiration des choses qu’on disait de lui.
34 Siméon les bénit, et dit à Marie, sa mère : Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction,
35 et à toi-même une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées. [...]
39 Lorsqu’ils eurent accompli tout ce qu’ordonnait la loi du Seigneur, Joseph et Marie retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville.


*

Jean 2 (« sa mère »)
1 Trois jours après, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là,
2 et Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples.
3 Le vin ayant manqué, la mère de Jésus lui dit : Ils n’ont plus de vin.
4 Jésus lui répondit : Femme, qu’y a-t-il entre moi et toi ? Mon heure n’est pas encore venue.
5 Sa mère dit aux serviteurs : Faites ce qu’il vous dira.

Jean 19
25 Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala.
26 Jésus, voyant sa mère, et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : Femme, voilà ton fils.
27 Puis il dit au disciple : Voilà ta mère. Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui.


*

Actes 1:14 Tous d’un commun accord persévéraient dans la prière, avec les femmes, et Marie, mère de Jésus, et avec les frères de Jésus.


RP
Du féminin et de quelques
figures féminines dans la Bible


Église protestante unie de France / Poitiers
Etude biblique 2014-2015
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
8) 12 & 14 mai 2015 - Marie (PDF)