mardi 22 août 2023

Bonté et création




“La bonté ne crée pas : elle manque d’imagination ; or, il en faut pour fabriquer un monde, si bâclé soit-il. C’est, à la rigueur, du mélange de la bonté et de la méchanceté que peut surgir un acte ou une œuvre. Ou un univers.” (Cioran, Le mauvais démiurge)

La réflexion de Cioran dans cet essai, Le mauvais démiurge, reprend, comme son titre l’indique, un questionnement très ancien, resté incontournable, remontant aux jours où il se lisait en regard du livre biblique de la création : bereshit en hébreu, genesis en grec.
Ce livre, la Genèse, se termine par cette formule : “vous aviez pensé me faire du mal, Dieu l’a pensé en bien” (Gn 50, 20). Terme du récit de la création, passant par la souffrance portée ici par Joseph vendu par ses frères. Méchanceté inhérente au devenir, d’où est sorti un monde dont la bonté est cachée dans la pensée de Dieu… Révélation de la formule que relit 1 Jn 4, 8 et 16, voyant dans la souffrance de Jésus quelque chose de l’ordre de celle de Joseph: “Dieu est (mystérieusement) amour”.
Passage par le Cantique des Cantiques : “Le monde n’avait ni valeur ni sens avant que le Cantique des Cantiques fût donné à Israël” (Rabbi Aquiba), mystérieux chant d’amour qui transfigure le désir créateur (procréateur) en rêve de gratuité, désir physique éventuellement destructeur (eros) transfiguré en agapè (selon la traduction par la Bible grecque d'amour, hahaba en hébreu).

RP