samedi 24 décembre 2016

Noël, un presque rien pour le salut du monde




Matthieu 1, 18-25
18 Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit saint.
19 Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement.
20 Il avait formé ce projet, et voici que l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : "Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit saint,
21 et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés."
22 Tout cela arriva pour que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète :
23 Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : "Dieu avec nous".
24 À son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse,
25 mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.

*

Voilà un récit qui nous met en butte à l’inexplicable. Mais précisément, c’est le Dieu de l’inexplicable que Jésus nous fait rencontrer comme Dieu de l'Alliance.

Ce récit de Noël de l'évangile de Matthieu, si connu, nous dit tout d'abord que la contribution de Joseph à la grossesse de Marie, se résume à un mot : rien… à partir duquel Dieu crée notre part dans l’Alliance.

Joseph n'y est pour rien, nous dit Matthieu. Ce pourquoi il envisage de rompre : rappelons qu'à l'époque, les fiançailles étaient déjà une alliance, que normalement on ne rompait pas. C'était déjà un mariage, en quelque sorte, d'où le « Joseph son époux [de Marie] (v. 19 ; cf. v. 20 & 24) ». On était déjà promis l’un à l’autre, et cela ne se rompait pas. Cela dit, il était inconcevable qu'avant le mariage proprement dit, le fiancé s’approche de sa promise. D'où le problème qui se pose à Joseph : s'il ne rompt pas, on va le soupçonner lui de — comment dire ?… de s'être approché, et d’avoir… manqué de respect à sa promise ; ou alors, plus probablement, d'avoir été trahi !… Mais s'il rompt, il expose Marie à l'humiliation publique, et par là-même à un avenir des plus sombres : ce que Joseph veut lui épargner. Il envisage donc une voie moyenne : la rupture secrète. C'est un « homme de bien », dit le texte, précisément un « juste », à savoir, selon le judaïsme, un homme qui applique la loi de façon humaine.

C'est un ange, perçu en songe, qui le retient de mettre son projet de rupture secrète à exécution. (Joseph nous sera montré trois fois dans son sommeil rencontrant des anges. Le songe est le lieu de communication entre notre monde et les mondes supérieurs.) Joseph accepte la parole angélique ; et fait confiance à Marie. La parole mystérieuse de son songe rejoint l'espérance de la venue prochaine du Messie, sauveur du peuple — porteur de la paix et du salut pour son peuple — « c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Et voilà que c'est à lui qu'il est confié, selon l'ange du songe. C'est alors un Joseph reconnaissant qui, à son réveil, obéit à la vision et reconnaît l'enfant — qu'il nommera selon le songe — Jésus.

Joseph n’est pour rien à ce qui lui arrive, il n’a rien apporté… Mais c'est justement de là que tout va s'ouvrir. D'où il recevra en abondance ! Qu’est-ce que Joseph, en effet, reçoit de Dieu ce jour-là ? Jésus. Comme le nom même de Jésus l’indique (1, 21), il porte le salut du Seigneur ; le nom Jésus signifiant « le Seigneur sauve » ; cet enfant est lui-même, venue en chair, notre paix, notre salut : le projet de Dieu pour nous.

Alors, quant à ce « rien » de Joseph, il commence à prendre forme, si l’on y regarde bien. Joseph a reconnu, adopté Jésus comme son enfant — c'est ce qui fait la vraie paternité, pour chaque père. Voilà déjà qui est moins rien… Et voilà qui nous rejoint tous. Or recevoir, comme Joseph l’a reçu, ce don miraculeux de Dieu, c’est cela être sauvé. C'est de cela qu’il s’agit pour nous aussi. Adopter le salut de Dieu, son projet pour nous — pour que s’accomplisse la promesse selon laquelle Dieu sera avec nous : Emmanuel, promesse d'Alliance du prophète Ésaïe (ch. 7, v. 14).

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Au bout du compte, de son rien, Joseph a reçu énormément. Il a reçu celui qui est le salut, celui qui libère le peuple, le sauve de ses péchés, celui qui est la paix de Dieu. Cette paix appelée à se répandre en ce monde, pour se déployer en vie éternelle, le projet d'Alliance de Dieu pour le monde et pour nous.

Joseph a ainsi vu multiplier jusqu’à nous les effets de son rien, ou presque rien, ce seul « oui » de la foi qu’il a apporté, au fond la confiance en la parole qui lui a été adressée : « ne crains pas » ; un accueil qui est lui même don de Dieu… Donné à la confiance en ce que Dieu peut faire du « rien », ou presque, que cette confiance permet d’offrir…

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Au départ la parole de l’inexplicable, celle donnée à Joseph. Mais précisément, c’est le Dieu de l’inexplicable que Jésus nous fait rencontrer. Le Dieu de l’inexplicable fait entrer son fils dans le monde via le presque rien qu’est le « oui » de la foi, un « oui » reconnaissant de se voir, pour Joseph, confier le Sauveur du monde.

À nous d’apporter à notre tour notre rien, qui, repris par Dieu, n’est rien moins que le matériau par lequel il déploie sa force créatrice et la promesse d’Alliance du monde nouveau, enfin pacifié.


RP, Poitiers, Veillée de Noël, 24.12.16


samedi 17 décembre 2016

« Que ton Nom soit sanctifié »



Exode 3:14-15 Dieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis. Et il ajouta : C’est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël : Celui qui s’appelle "je suis" m’a envoyé vers vous.
Dieu dit encore à Moïse : Tu parleras ainsi aux enfants d’Israël : L’Éternel, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’envoie vers vous. Voilà mon nom pour l’éternité, voilà mon nom de génération en génération.
Exode 20:7 Tu ne prendras point le nom de l’Éternel, ton Dieu, en vain ; car l’Éternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain.

Lévitique 19:12 Vous ne jurerez point faussement par mon nom, car tu profanerais le nom de ton Dieu. Je suis l’Éternel.
Lévitique 22:32 Vous ne profanerez point mon saint nom, afin que je sois sanctifié au milieu des enfants d’Israël. Je suis l’Éternel, qui vous sanctifie.


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Reprise en prière avec les Psaumes — résumés dans le Notre Père, ici sous l'angle de la sanctification du Nom. Une centaine de citations exaltent le Nom dans les Psaumes. Extraits des premiers et derniers Psaumes :

Psaume 5:11 (5-12) Alors tous ceux qui se confient en toi se réjouiront [...] ; Tu seras un sujet de joie Pour ceux qui aiment ton nom.
Psaume 7:17 (7-18) Je louerai l’Éternel à cause de sa justice, Je chanterai le nom de l’Éternel, du Très-Haut.
Psaume 8:1 Éternel, notre Seigneur ! Que ton nom est magnifique sur toute la terre !
Psaume 9:2 (9-3) Je ferai de toi le sujet de ma joie et de mon allégresse, Je chanterai ton nom, Dieu Très-Haut !
[...]
Psaume 145:2 Chaque jour je te bénirai, Et je célébrerai ton nom à toujours et à perpétuité.
Psaume 145:21 Que ma bouche publie la louange de l’Éternel, Et que toute chair bénisse son saint nom, A toujours et à perpétuité !
Psaume 148:5 Qu’ils louent le nom de l’Éternel ! Car il a commandé, et ils ont été créés.
Psaume 148:13 Qu’ils louent le nom de l’Éternel ! Car son nom seul est élevé ; Sa majesté est au-dessus de la terre et des cieux.
Psaume 149:3 Qu’ils louent son nom avec des danses, Qu’ils le célèbrent avec le tambourin et la harpe !


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Le besoin de signes de reconnaissance est incontournable pour se sentir exister, pour continuer à le faire. Pour cela l’autre qui donne ces signes est indispensable — au point que si l'on ne reçoit pas de signes positifs donnés par l'autre, on va tout faire pour en obtenir de sa part, même des signes négatifs s'il le faut, fût-ce à son propre détriment.

Cela est lié à notre perception de Dieu / Elohim comme puissance(s) qui nous déborde infiniment, et YHWH comme perception de Dieu comme nous étant favorable, via la promesse qui est dans ce nom comme nom d'Alliance (Ex 3, 14-15). Sanctifier le nom de Dieu, c'est aussi percevoir Dieu comme nous étant favorable, comme Père, et apprendre à percevoir via cette foi/confiance/emounah les signes qui nous sont donnés comme ultimement positifs. Sanctifier le Nom est déjà combat de prière pour l'avènement du Règne de Dieu, et déjà victoire !

Sacré et saint (deux traductions possibles de la même racine en hébreu — qadosh/qodesh, קדוש ; de même via deux mots en grec — hieros, ἱερός et hagios, ἅγιος ; sacer et sanctus en latin) peuvent être distingués en cela : le sacré est réception de l'ultime comme propre à faire trembler, « tremendous », pas nécessairement positif ! Où la profanation du Nom de Dieu, prendre son Nom en vain, revient à jouer contre soi. Aussi la reprise des règles ambiantes de protection du sacré est porteuse d'un tout autre sens, presque inverse, mais tout autant sujettes à susciter crainte et tremblement, puisqu’ici la promesse d'un regard heureux sur soi est en jeu — avec une différence de taille : on n'est pas face à un destin implacable et tragique éventuellement, mais face à une promesse d'Alliance pour l'accomplissement d'un Règne heureux, d'une perception de soi et du prochain digne, « selon l’image ». C'est ma dignité et celle de quiconque qui est en jeu dans la sanctification du Nom.

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Le saint est une spécification du sacré, signifiée dans la sanctification du Nom, mais il a des ressemblances avec le sacré en un sens général, le sacré où s'enracine le religieux.

(Extrait de RP, « Le sacré et la répulsion », Cercle Philo-sophia, Sophia-Antipolis 2010 :)
Le sacré (dans lequel et par rapport auquel le saint se spécifie) est ce que le religieux investit, mais il dépasse le religieux, y compris en ce qu'il n'a plus cette certaine dimension relative du religieux : relier, ou relire — selon les deux étymologies du mot « religion » — c'est forcément relatif à quelque chose, ce qui offre donc la possibilité d'une prise de distance, que ne permet pas forcément le sacré.

Au point qu’on pourrait dire que le sacré c’est aussi le religieux, mais qui n'est pas conscient de l’être ! Ou qui n'est pas encore conscient de l'être, ou qui n'est plus conscient de l'être.

Les sociétés humaines s’organisant autour d’un sacré, même non-dit (surtout non-dit), y fondent le critère du rejet de leurs hérésies (les cathares ont disparu, mais on leur a trouvé bien des successeurs) et de leurs sacrilèges... La répulsion.

La religion peut être envisagée comme « l’institutionnalisation de l’expérience du sacré, — du sacré institué —, par rapport au sacré instituant de l’expérience elle-même ». « Avant d’être nommée, mise en mots, spiritualisée, cette expérience est d’abord intensément vécue. » (cit. http://g.bertin.pagesperso-orange.fr/SACRE.htm)

Le sacré suscite le tremblement, tremens. On est face à quelque chose de terrible, tremendus en latin, comme avec une autre écriture en anglais : tremendous ! Mis en ordre dans la religion, le sacré perd ipso facto quelque chose quelque chose de sa puissance. S’il est institutionnalisé, domestiqué donc, il est moins imprévisible, moins terrible, déjà en marche vers sa profanation et son remplacement. Et on ne profane collectivement que ce qui n’est déjà plus sacré, ou qui est le sacré d’autrui — que ce soit moquerie sur une religion, ses symboles ou ses clercs, ou une institution d’État ou autre personnage royal.

Tel est le paradoxe du rite qui dessine le sacré, l’espace sacré, le temps sacré, le personnage sacré. Et telle est pourtant la fonction de la religion : autant de règles d’approche désignant le sacré pour le rencontrer sans le profaner. Des règles à observer minutieusement sous peine de voir le sacré déborder dans le recouvrement de son déferlement et de son danger. Mais en lui faisant perdre son trop grand danger, la religion est déjà, comme telle, en route vers sa propre profanation. S’il n’y a plus lieu de trembler, s’il n’y a là, à terme, plus rien de « tremendous », de terrifiant, il n’y a là bientôt plus rien de particulièrement sacré.

Mais, si le sacré est l’expérience de l’ultime, expérience que de toute façon nous faisons, qui est même caractéristique de l’humanité, il va ressurgir par un autre bout, par un autre biais.

Une religion nouvelle va émerger, un ésotérisme nouveau va réinstiller du mystère, une espérance eschatologique nouvelle va réorienter la transcendance — vers le futur —, l’émotion communautaire va renouer du lien, etc.

Et plus le sacré sera conscient d’être religieux, percevra son rite comme religion, et moins il sera potentiellement puissant et ravageur. Et en rapport avec ce nouveau sacré, d’autant plus puissant qu’il n’est pas nommé vont se faire jour de nouveaux sacrilèges, de nouvelles hérésies et de nouvelles profanations, le pôle de la répulsion qui désigne le sacré en négatif, qui permet de le percevoir en miroir.

Confondre le religieux qui civilise le sacré, et le sacré qui le précède, le suit, et le déborde infiniment, c’est se condamner à ne pas percevoir notre propre sacré, moteur de nos actes et de nos conceptions du monde, de nos idées de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas. Quand la religion, quand telle religion est regardée de haut, la question se pose de savoir, au nom de quel sacré s’opère cette relégation.

Pour aller un peu plus loin, quand la notion même de sacré semble n’avoir plus rien de « tremendous », la question se pose de savoir quel nom nouveau a emprunté la nouvelle sacralité, qui peut donc aller jusqu’à ne même plus se reconnaître sous le nom de « sacré »…

La sanctification du Nom signifie le Nom qui est au-delà de tous ces aléas du sacré, la sanctification du Nom est alors promesse du Royaume.


RP
Le Notre Père

Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2016-2017
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
3) 20 & 22 décembre - Première demande : « Que ton nom soit sanctifié » (PDF ici)


samedi 10 décembre 2016

Paul aux Corinthiens (ch. 5-6) - Mœurs et procès



Un des lieux d’articulation entre l'ancrage de l’enseignement de Paul dans la tradition juive et l'universalité du Royaume espéré est, quant à l’organisation concrète de la communauté ecclésiale, la « loi de Noé », rappelée en Actes 15, 19-21. Ses sept préceptes, adaptés, relus, articulés eux-mêmes pour ne pas interférer avec le salut par la foi seule prêché par Paul, se retrouvent en plusieurs aspects au long de la première épître aux Corinthiens… Aux chapitres 5 et 6, on touche à deux de ces préceptes adressés « aux fils de Noé », ceux concernant les unions sexuelles et les tribunaux…

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Talmud de Babylone traité Sanhédrin 56a cité et commenté par le rabbin Philippe Haddad :

Nos sages ont enseigné : sept lois ont été données aux fils de Noé [à l’humanité] :
établir des tribunaux (1),
l’interdiction de blasphémer (2),
l’interdiction de l’idolâtrie (3),
l’interdiction des unions illicites (4),
l’interdiction de l’assassinat (5),
l’interdiction du vol (6),
l’interdiction d’arracher un membre d’un animal vivant (7).

La liste de ces lois est déduite du verset : « Hachem-Eloqim donna ordre à l’homme, en disant (lémor) : de tous les arbres du jardin manger, tu mangeras » (Berechit 2, 16).

1 – « Hachem-Eloqim donna ordre à l’homme » : de là découle l’obligation d’établir des institutions judiciaires.

2 – « Hachem » : de là découle l’interdiction du blasphème du Nom divin.

3 – « Eloqim » : de là découle l’interdiction de l’idolâtrie, ainsi qu’il est écrit : « Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face » (Chemot 20, 3).

4 – « A l’homme » : de là découle l’interdiction du meurtre, ainsi qu’il est écrit : « Qui aura versé le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé ; car à l’image de Dieu, il a fait l’homme » (Berechit 9, 6).

5 – « En disant » : de là découle l’interdiction des unions interdites, ainsi qu’il est écrit : « Il est dit (lémor) : Si un homme renvoie sa femme, et qu’elle le quitte et soit à un autre homme, retournera-t-il vers elle ? ce pays-là n’en sera-t-il pas entièrement souillé ? Et toi, tu t’es prostituée à beaucoup d’amants ; toutefois retourne vers moi, dit Hachem » (Jérémie 3, 1).

6 – « De tous les arbres du jardin » : du vol. Car du moment qu’il est précisé : « de tous les arbres », ainsi que : « du jardin », cela implique que ce qui n’en fait pas partie lui est interdit (Rachi).

7 – « Manger, tu mangeras : de là découle l’interdiction de consommer de la viande arrachée à un animal vivant. Tu ne mangeras que ce qui n’est pas propre à la consommation (Rachi).

« Quiconque parmi les païens accomplit les sept lois fait partie des justes parmi les nations et a sa part au monde futur » (Rambam, Hilkhoth melakhim 8, 11).

(Source ici – d'après Philippe Haddad)

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Tribunaux humains, inceste et interdit de l'inceste – 1 Co 5 et 6, où il est question de deux des sept préceptes noachides : tribunaux et interdits sexuels, 1 Co 5 s'inscrivant dans une définition de l'inceste, qui rejoint chez Paul à la fois une notion commune (« pire que les païens », dit-il aux Corinthiens – 1 Co 5, 1) et un enseignement biblique renvoyant à la « loi de Noé » posant des interdits sexuels (cf. Ac 15, 20) et donc à celle de Moïse, puisque c'est des livres de Moïse que se déduit la loi de Noé.

Où il s'agit chez Paul aux Corinthiens posant une réflexion éthique d'une mise en relation de la loi noachide et de la loi « naturelle » commune (stoïcienne aux temps de Paul).

En arrière plan du rapport entre loi « révélée » et loi « naturelle », on peut citer la fin de l'Ecclésiaste : « Écoutons la fin du discours : Crains Dieu et observe ses commandements. C’est là tout l'homme » (Ecc 12, 13). Voilà un texte, le Qohéleth, dont a vu l'an dernier qu'il ne requiert pas de foi en Dieu comme Seigneur de l'Alliance (YHWH pas mentionné),… mais qui bute sur ce constat : la loi même trouve sa source dans cet infini des paramètres (résumé au mot Dieu) que nous ne maîtrisons pas, que notre raison, donc, ne maîtrise pas. Car il est un point de la loi, de toute loi, où apparaît l’articulation où elle se fonde dans une zone infra-rationnelle, celle où l'on finit par dire à un enfant qui discute ce qui lui est demandé : « parce que c'est comme ça ». Ça vaut aussi pour les adultes ! Et c'est plusieurs fois l'argument final de Paul (par ex. 1 Co 11, 16), qui, cela dit, recourt à l’argumentation rationnelle (1 Co 11, 14) – qui le rapproche des stoïciens – pour bâtir son éthique, mais toujours en référence, en arrière-plan, à… la Torah, à la Loi de Moïse où la tradition juive participée par l’Église primitive (cf. Ac 15, 19-21) trouve les sept préceptes de la loi de Noé.

Cela reste vrai, mutatis mutandis, jusque dans les modernes déclarations de droit, qui référant à une loi naturelle, communément lisible, retrouvent l'articulation avec l'indicible qui les ancre dans un ultime relevant d'une façon ou d'une autre d'une supra-rationalité transcendant ce qui nous est rationnellement déductible. Ex. :

« L'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen » (Préambule de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789).

« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.
Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme [...] »
(Préambule de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948).

Où il est invariablement question de dignité humaine. En hébreu b'tselem, qui veut dire littéralement « à l’image de ». Le terme apparaît deux fois au premier chapitre du premier livre de la Bible : Genèse 1, 27 : « Dieu créa l’homme à son image (littéralement : à l’image de lui), à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » En hébreu, le mot b'tselem est donc aussi utilisé pour « dignité humaine ».


RP
Première épître de Paul aux Corinthiens

Église protestante unie de France / Poitiers
Étude biblique 2016-2017
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
3. 13 & 15 décembre – Chapitre 5-6 - Mœurs et procès (PDF ici)