lundi 20 octobre 2014

Le Ressuscité




Tout (re)commence là, autour d'un tombeau vide : Après le sabbat, au commencement du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie vinrent voir le sépulcre. [...]
Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit; venez voir l’endroit où il gisait. (Matt. 28)

Les informations sur Jésus et sur la communauté qu’il rassemble proviennent de ses disciples. Dans le milieu de ceux que Jésus appellera à être ses apôtres, certains consigneront leur témoignage par écrit. Jésus, par son message et ses actes, avait attiré à lui ceux qui l’ont vu comme un prophète, puis comme le Messie. Juifs, les disciples, qui voient en Jésus le Messie promis se tournent vers leurs Écritures (la Bible hébraïque, appelée par la suite « Ancien Testament » par les chrétiens) pour mieux comprendre ce qu’ils perçoivent comme accomplissement de ce qui avait été annoncé et rendre témoignage de ce qu'ils avaient vécu auprès de Jésus. Les souvenirs qu’ils gardent de ses paroles et de ses gestes, transmis à la postérité par ceux qui écriront les Évangiles, évoquent le passage de Jésus sur terre à la lumière de leur foi à son relèvement d'entre les morts le dimanche de Pâques. « Nous ne connaissons plus selon la chair », écrira Paul, qui lui, n’a pas connu Jésus « selon la chair ». Ceux qui l’ont connu présentent la vie terrestre de leur maître qui appelait Dieu son Père comme incarnation de celui qui est désormais pour eux d’abord le Ressuscité, le Fils de Dieu. Il serait donc vain de chercher à utiliser les données du Nouveau Testament pour en faire un compte rendu du déroulement des événements concernant Jésus à la façon d’une biographie.

Le christianisme, dont le nom désigne les croyances, convictions, courants de pensée, d’action, etc., se réclamant de la personne et/ou de l'enseignement de Jésus-Christ, trouve son fondement essentiel dans la conviction de sa résurrection d’entre les morts.


Matthieu 28, 1-10
1  Après le sabbat, au commencement du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie vinrent voir le sépulcre.
2  Et voilà qu’il se fit un grand tremblement de terre : l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus.
3  Il avait l’aspect de l’éclair et son vêtement était blanc comme neige.
4  Dans la crainte qu’ils en eurent, les gardes furent bouleversés et devinrent comme morts.
5  Mais l’ange prit la parole et dit aux femmes : "Soyez sans crainte, vous. Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié.
6  Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit; venez voir l’endroit où il gisait.
7  Puis, vite, allez dire à ses disciples : Il est ressuscité des morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez. Voilà, je vous l’ai dit."
8  Quittant vite le tombeau, avec crainte et grande joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
9  Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : "Je vous salue." Elles s’approchèrent de lui et lui saisirent les pieds en se prosternant devant lui.
10  Alors Jésus leur dit : "Soyez sans crainte. Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront."


En Galilée, où, il a enseigné, c'est là qu'il s'agit de le retrouver, en ses paroles, pour ce commencement, toujours nouveau, de toutes choses, pour que s'y source cette communauté de Jésus qui naît à Jérusalem (Actes 1, 3).


La résurrection de la chair et nous

« Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d’être incrédule et deviens un homme de foi." Thomas lui répondit : "Mon Seigneur et mon Dieu." » (Jean 20, 27-28)

Comme ici à Thomas, Jésus s’est adressé à chacun des disciples. Des mots similaires (Luc 24, 39) : « Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai. »

Étrange invite que Jésus adresse aux disciples… Scandale pour la raison que cette résurrection de la chair que Jésus signe ici dans son corps ressuscité : « un esprit n’a ni chair ni os ». Scandale pour la raison.

Et pourtant la doctrine de la résurrection, qui choque les philosophes grecs d’Athènes (Actes 17, 31 sq.), a des antécédents (cf. 1 Corinthiens 15), antécédents eux-mêmes philosophiques dans la réflexion du judaïsme et dans le monde persan.

Scandale pour la raison pourtant, jusqu'à nous. D’où la tentation de « spiritualiser » tout cela… C’est contre cela que Jésus invite Thomas à toucher ses plaies. Et il y invite aussi les douze et avec eux, par leur intermédiaire, nous tous : heureux ceux qui n’ont pas vu comme Thomas, et qui ont cru, pourtant. Car, quel est l’enjeu ? L’enjeu est rien moins que le sens — éternel ! — de notre vie.

Notre vie ne se réalise, ne se concrétise, que dans notre histoire, dans nos rencontres, dans la trivialité du quotidien, bref, dans la chair ! Et c’est cela qui est racheté, radicalement et éternellement racheté au dimanche de Pâques. Le rachat dont il est question n’est pas l’accès à un statut d’esprit évanescent. C’est bien tout ce qui constitue notre être, notre histoire, l’expérience de nos rencontres et donc de nos sens, de notre chair, qui est racheté. Notre histoire qui a fait de nous, qui fait de nous, qui fera de nous, ce que nous sommes, cette réalité de nos vies uniques devant Dieu. C’est l’extraordinaire nouvelle qui nous est donnée par le Ressuscité : lui aussi, Fils éternel de Dieu, advient à l’éternité qui est la sienne par le chemin de son histoire dans la chair : ses plaies elles-mêmes, qui ont marqué sa chair, sont constitutives de son être !

… Signe que tous nos instants, ceux de Thomas, des Apôtres, les nôtres, chacun de nos moments uniques dans l’éternité, est porteur de notre propre vocation à l’éternité !


RP
« Qui dites-vous que je suis ? »
Un parcours non-exhaustif de la perception de Jésus


Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2014-2015
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
1) 21 & 23 octobre 2014 - Le Ressuscité (PDF)


lundi 13 octobre 2014

Ève




Genèse ch. 1, v. 26-28 :
26 Elohîms dit : "Nous ferons Adâm ­ le Glébeux ­ à notre réplique, selon notre ressemblance. Ils assujettiront le poisson de la mer, le volatile des ciels, la bête, toute la terre, tout reptile qui rampe sur la terre".
27 Elohîms crée le glébeux à sa réplique, à la réplique d'Elohîms, il le crée, mâle et femelle, il les crée.
28 Elohîms les bénit. Elohîms leur dit : "Fructifiez, multipliez, emplissez la terre […]"


Genèse ch. 2, v. 18 & v. 21-24 :
18 IHVH-Adonaï Elohîms dit : "Il n'est pas bien pour le glébeux d'être seul ! Je ferai pour lui une aide contre lui".

21 IHVH-Adonaï Elohîms fait tomber une torpeur sur le glébeux. Il sommeille. Il prend un/e de ses côtes [/côtés], et ferme la chair dessous.
22 IHVH-Adonaï Elohîms bâtit la côte [/le côté], qu'il avait pris/e du glébeux, en femme. Il la fait venir vers le glébeux.
23 Le glébeux dit : "Celle-ci, cette fois, c'est l'os de mes os, la chair de ma chair, à celle-ci il sera crié femme ­ Isha ­ : oui, de l'homme ­ Ish ­ celle-ci est prise".
24 Sur quoi l'homme abandonne son père et sa mère : il colle à sa femme et ils sont une seule chair.


Genèse ch. 3 :
1 Le serpent était nu, plus que tout vivant du champ qu'avait fait IHVH-Adonaï Elohîms. Il dit à la femme : "Ainsi Elohîms l'a dit : 'Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin'..".
2 La femme dit au serpent : "Nous mangerons les fruits des arbres du jardin,
3 mais du fruit de l'arbre au milieu du jardin, Elohîms a dit : Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, afin de ne pas mourir'".
4 Le serpent dit à la femme : "Non, vous ne mourrez pas, vous ne mourrez pas,
5 car Elohîms sait que du jour où vous en mangerez vos yeux se dessilleront et vous serez comme Elohîms, connaissant le bien et le mal".
6 La femme voit que l'arbre est bien à manger, oui, appétissant pour les yeux, convoitable, l'arbre, pour rendre perspicace. Elle prend de son fruit et mange. Elle en donne aussi à son homme avec elle et il mange.
7 Les yeux des deux se dessillent, ils savent qu'ils sont nus. Ils cousent des feuilles de figuier et se font des ceintures.
8 Ils entendent la voix de IHVH-Adonaï Elohîms qui va dans le jardin au souffle du jour. Le glébeux et sa femme se cachent, face à IHVH-Adonaï Elohîms, au milieu de l'arbre du jardin.
9 IHVH-Adonaï Elohîms crie au glébeux, il lui dit : "Où es-tu ?
10 Il dit : "J'ai entendu ta voix dans le jardin et j'ai frémi ; oui, moi-même je suis nu et je me suis caché".
11 Il dit : "Qui t'a rapporté que tu es nu ? L'arbre dont je t'avais ordonné de ne pas manger, en as-tu mangé ?
12 Le glébeux dit : "La femme qu'avec moi tu as donnée m'a donné de l'arbre, elle, et j'ai mangé".
13 IHVH-Adonaï Elohîms dit à la femme : "Qu'est-ce que tu as fait ? La femme dit : "Le serpent m'a abusée et j'ai mangé".
14 IHVH-Adonaï Elohîms dit au serpent : "Puisque tu as fait cela, tu es honni parmi toute bête, parmi tout vivant du champ. Tu iras sur ton abdomen et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.
15 Je placerai l'inimitié entre toi et entre la femme, entre ta semence et entre sa semence. Lui, il te visera la tête et toi tu lui viseras le talon".
16 À la femme, il a dit : "Je multiplierai, je multiplierai ta peine et ta grossesse, dans la peine tu enfanteras des fils. À ton homme, ta passion : lui, il te gouvernera".
17 Au glébeux, il dit : "Oui, tu as entendu la voix de ta femme et mangé de l'arbre, dont je t'avais ordonné pour dire : 'Tu n'en mangeras pas'. Honnie est la glèbe à cause de toi. Dans la peine tu en mangeras tous les jours de ta vie.
18 Elle fera germer pour toi carthame et chardon : mange l'herbe du champ.
19 À la sueur de tes narines, tu mangeras du pain jusqu'à ton retour à la glèbe dont tu as été pris. Oui, tu es poussière, à la poussière tu retourneras".
20 Le glébeux crie le nom de sa femme : Hava-Vivante. Oui, elle est la mère de tout vivant.
21 IHVH-Adonaï Elohîms fait au glébeux et à sa femme des aubes de peau et les en vêt.
22 IHVH-Adonaï Elohîms dit : "Voici, le glébeux est comme l'un de nous pour connaître le bien et le mal. Maintenant, qu'il ne lance pas sa main, ne prenne aussi de l'arbre de vie, ne mange et vive en pérennité "!
23 IHVH-Adonaï Elohîms le renvoie du jardin d''Édèn, pour servir la glèbe dont il fut pris.
24 Il expulse le glébeux et fait demeurer au levant du jardin d''Édèn les Keroubîm et la flamme de l'épée tournoyante pour garder la route de l'arbre de vie.



Nous sommes en chemin. Un chemin où l'on quitte ce d’où l'on vient, pour aller à la rencontre — de ce qui est différent de nous, différent de ce d’où on vient : l’autre sexe, l’autre lieu, l’autre temps, celui qui est Autre (Dieu).
Cette rencontre suppose un envoi — on n’y va pas spontanément : on a tendance à rester. Cet envoi est une parole de loi : quitte et va. Une loi en « quitte et va », qui se décline sous différents angles (ou commandements négatifs : ne pas — « tu ne resteras pas », et positifs — « tu iras »). Chaque accomplissement est un pas, un moment de coopération de chacun et chacune, sur la route du projet, donné comme grâce, de Dieu créant le monde.

*

Adam et Ève comme deux moitiés d'un androgyne primitif. L'androgyne chez Platon

« Premièrement, il y avait trois catégories d'êtres humains et non pas deux comme maintenant, à savoir le mâle et la femelle. Mais il en existait encore une troisième qui participait des deux autres, dont le nom subsiste aujourd'hui, mais qui, elle, a disparu. En ce temps-là en effet il y avait l'androgyne, un genre distinct qui, pour le nom comme pour la forme, faisait la synthèse des deux autres, le mâle et la femelle. Aujourd'hui, cette catégorie n'existe plus [...].

Deuxièmement, la forme de chaque être humain était celle d'une boule, avec un dos et des flancs arrondis. Chacun avait quatre mains, un nombre de jambes égal à celui des mains, deux visages sur un cou rond avec, au-dessus de ces deux visages en tout point pareils et situés à l'opposé l'un de l'autre, une tête unique pourvue de quatre oreilles. En outre, chacun avait deux sexes et tout le reste à l'avenant [...].

Suite à leur prétention de concurrencer les dieux, « Zeus coupa les humains en deux, ou comme on coupe les oeufs avec un crin.

« Chacun d'entre nous est donc la moitié complémentaire d'un être humain, puisqu'il a été coupé, à la façon des soles, un seul être en produisant deux ; sans cesse donc chacun est en quête de sa moitié complémentaire. Aussi tous ceux des mâles qui sont une coupure de ce composé qui était alors appelé "androgyne" recherchent-ils l'amour des femmes et c'est de cette espèce que proviennent la plupart des maris qui trompent leur femme, et pareillement toutes les femmes qui recherchent l'amour des hommes et qui trompent leur mari. En revanche, toutes les femmes qui sont une coupure de femme ne prêtent pas la moindre attention aux hommes ; au contraire, c'est plutôt vers les femmes qu'elles sont tournées, et c'est de cette espèce que proviennent les lesbiennes. Tous ceux enfin qui sont une coupure de mâle recherchent aussi l'amour des mâles.

« Les mâles de cette espèce sont les seuls [...] qui, parvenus à maturité, s'engagent dans la politique. Lorsqu'ils sont devenus des hommes faits, ce sont de jeunes garçons qu'ils aiment et ils ne s'intéressent guère par nature au mariage et à la procréation d'enfants, mais la règle les y contraint ; ils trouveraient plutôt leur compte dans le fait de passer leur vie en célibataires, côte à côte, en renonçant au mariage. Ainsi donc, de manière générale, un homme de ce genre cherche à trouver un jeune garçon pour amant et il chérit son amant, parce que dans tous les cas il cherche à s'attacher à ce qui lui est apparenté. »
(Platon, Le Banquet, 190b – 193e : discours d'Aristophane.)

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"Batshéva était destinée à David depuis les six jours de la Genèse […]".
Si l’on est mis en présence de son âme sœur […], rien ne pourra alors s’opposer à l’élan qui nous portera vers elle, ni la loi, ni la morale, ni le regard des autres, ni même la parole de Dieu. […]
D’après [Joseph Gikatila (1248-1325)], David ne pouvait échapper à la force qui s’était emparée de lui car il avait reconnu Batshéva, sa jumelle, son épouse parfaite. Sitôt aperçue, son image était venue s’imbriquer exactement dans la forme laissée en creux par la partie manquante de lui-même. Ce que ressentit David ? À la fois une douleur, une tension et un élan, puisqu’il avait perçu dans le même temps son incomplétude intrinsèque et la promesse de la combler.


Tobie Nathan, Philtre d’amour, éd. Odile Jacob, 2013, p. 161-162 - commentant Joseph Gikatila (1248-1325), Le secret du mariage de David et Bethsabée, éd. de L’Éclat, 2003.

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Ève et la figure du féminin

C.G. Jung — Anima et animus

C.G. Jung parle du « besoin de retrouver son unité par le moyen d’un amour intégral pour un autre » (C.G. Jung, Problèmes de l’âme moderne.).

Une unité qui se symbolise par l'unité perdue du masculin et du féminin en nous.

« L'anima est féminine ; elle est uniquement une formation de la psyché masculine et elle est une figure qui compense le conscient masculin.

Chez la femme, à l'inverse, l'élément de compensation revêt un caractère masculin, et c'est pourquoi je l'ai appelé l'animus. Si, déjà, décrire ce qu'il faut entendre par anima ne constitue pas précisément une tâche aisée, il est certain que les difficultés augmentent quand il s'agit de décrire la psychologie de l'animus.

Le fait qu'un homme attribue naïvement à son Moi les réactions de son anima, sans même être effleuré par l'idée qu'il est impossible pour quiconque de s'identifier valablement à un complexe autonome, ce fait qui est un malentendu se retrouve dans la psychologie féminine dans une mesure, si faire se peut, plus grande encore. »

« Pour décrire en bref ce qui fait la différence entre l'homme et la femme à ce point de vue, donc ce qui caractérise l'animus en face de l'anima, disons : alors que l'anima est la source d'humeurs et de caprices, l'animus, lui, est la source d'opinions ; et de même que les sautes d'humeur de l'homme procèdent d'arrière-plans obscurs, les opinions acerbes et magistrales de la femme reposent tout autant sur des préjugés inconscients et des a priori. » (C.G. Jung, Dialectique du moi et de l'inconscient, Idées / Gallimard, 1973 p 179 et 181.)


RP
Du féminin et de quelques
figures féminines dans la Bible


Église protestante unie de France / Poitiers
Etude biblique 2014-2015
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
1) 14 & 16 octobre 2014 — Ève (PDF)