jeudi 30 avril 2020

Mémoire d’éternité — "ma chair pour la vie du monde"


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Jean 6, 44-51
44 Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi je le ressusciterai au dernier jour.
45 Dans les Prophètes il est écrit : Tous seront instruits par Dieu. Quiconque a entendu ce qui vient du Père et reçoit son enseignement vient à moi.
46 C’est que nul n’a vu le Père, si ce n’est celui qui vient de Dieu. Lui, il a vu le Père.
47 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle.
48 Je suis le pain de vie.
49 Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts.
50 Tel est le pain qui descend du ciel, que celui qui en mangera ne mourra pas.
51 « Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »

*



« Dans les Prophètes il est écrit : Tous seront instruits par Dieu. Quiconque a entendu ce qui vient du Père et reçoit son enseignement vient à moi », dit Jésus (v. 45). Lorsqu’il est donné à notre foi de percevoir le signe d’Alliance, d’y percevoir que là se noue un souvenir partagé, même oublié, mais dont Dieu est le garant — Dieu se souvient — lorsqu’on a reçu ce don dans la foi, on l’a reçu pour la vie d’éternité, « celui qui mange ce pain vivra dans le siècle d’éternité », dès aujourd’hui.

En effet ce que je reçois dans le signe de l’Alliance dont Dieu se souvient peut être vécu pour quiconque, même ayant oublié, même absent au jour du signe !

Le souvenir de Dieu, qui se souvient, qui, se souvenant, faisait libérer du joug de la servitude le peuple de l’Alliance lors de l’Exode (même si le peuple avait oublié) — peut valoir pour quiconque espère une libération et invoque le Dieu qui vient avec nous au désert : Dieu se souvient, se souvient pour nous, se souvient en nous. « C’est que nul n’a vu le Père, si ce n’est celui qui vient de Dieu. Lui, il a vu le Père. »

Croyant au Dieu de l’Alliance, ma foi à l’Alliance scellée un jour d’antan, vaut aujourd’hui force d’éternité parce que Dieu lui-même se souvient.

Et cette rencontre de mon humanité ; cette rencontre du souvenir de ce qu’un jour Dieu a rencontré la foi d’une Madeleine au tombeau vide ; la rencontre de ce souvenir et du souvenir de Dieu — c’est cela que la venue de Jésus dans notre humanité dit en plénitude. Dieu se souvient — d’un souvenir activé pour nos sens, notre chair, qu’il a partagés en Jésus.

C’est le message de l’Évangile de la multiplication des pains, reprise de la manne au désert : en Jésus, Dieu nous rejoint jusque dans nos déserts, les déserts de nos exils, au cœur de nos chairs.

Ce n’est pas du pain ingéré dont il s’agit — comme la vérité de la mémoire du Dieu de résurrection n’est pas au tombeau vide pour Marie Madeleine, pas plus qu’elle n’est pas dans le morceau de la madeleine de Marcel Proust trempé dans le thé (je le cite : « Je bois une seconde gorgée, où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas ») —, ce n’est pas de pain ingéré (pas plus des pains multipliés hier, de la manne d’avant-hier ou d’un morceau de madeleine de l’enfance) qu’il s’agit mais de la vérité d’éternité dont le signe pour nos sens (comme un goût d’enfance) réactive la mémoire, mémoire d’éternité aujourd’hui, comme mémoire de Dieu et mémoire de la chair, mémoire dans la chair, « ma chair, dit Jésus, donnée pour la vie du monde. »


RP, 30.04.2020
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mercredi 29 avril 2020

"Qui vient à moi n’aura jamais faim"


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Jean 6, 35-40
35 Jésus leur dit : « C’est moi qui suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n’aura pas faim ; celui qui croit en moi jamais n’aura soif.
36 Mais je vous l’ai dit : vous avez vu et pourtant vous ne croyez pas.
37 Tous ceux que le Père me donne viendront à moi, et celui qui vient à moi, je ne le rejetterai pas,
38 car je suis descendu du ciel pour faire, non pas ma propre volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.
39 Or la volonté de celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour.
40 Telle est en effet la volonté de mon Père : que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »

*



« Qui vient à moi n’aura jamais faim ; qui croit en moi jamais n’aura soif. » Récapitulons : avant ces mots inouïs, on a vu Jésus se retirer du peuple, qui entendait le gratifier d'un titre royal, pour, qui sait ?, en être nourri encore et encore ; on a vu Jésus se retirer et partir seul dans la montagne ; puis s'en venir par la suite de ce côté du lac… à pied pour sa part, doublant sur le lac la barque des disciples. Et Jésus d'inviter ses auditeurs à travailler pour une autre nourriture, celle qui subsiste pour la vie éternelle (v. 27). Un travail, une « œuvre de Dieu » qui consiste, un vrai repos… à « croire à celui qu'il a envoyé » (v. 29) — lui, Jésus.

Et là, réaction étrange à cet appel à la foi adressé à cette foule qui vient d'assister à la multiplication des pains —, pour appuyer la foi qu'on lui demande, la foule a demandé un signe afin de croire ! Mais enfin, peut-on penser, ce signe elle vient de le voir, de le toucher, de le goûter ! Les pains multipliés la veille !

La suite du texte nous fait alors comprendre ce qu'on entend par ce signe : sa perpétuation, chaque matin, comme la manne : « nos pères ont mangé la manne dans le désert » (v. 31). Rien de nouveau sous le soleil : on persiste à regretter les marmites égyptiennes, se manifesteraient-elles sous l'espèce d'un miracle. On nourrit dans le signe l'espérance d'une sécurité matérielle définitive.

C’est à cela que répond Jésus, comme dans un soupir : « vous avez vu et pourtant vous ne croyez pas » (v. 36) : « Moi, je suis le pain de vie » (v. 35)…

Au-delà de nos recherches légitimes, mais à vue limitée, de manne, de pain quotidien, ou quand nous sommes dans le manque de ce qui fut peut-être une abondance passée, de mets, de présence, de bonheur perdu — le Christ, nous guidant à travers nos peines et nos périls, nous conduit à la reconnaissance de notre faim fondamentale, en laquelle se sourcent toutes nos autres faims ; et nous conduit à la reconnaissance de celui-là seul qui comble cette faim par une nourriture qui subsiste en éternité, donnée en abondance par celui qui est « descendu du ciel pour faire la volonté de celui qui l’a envoyé » (v. 38). Or cette volonté, nous dit-il, « c’est que je ne perde aucun, aucune de ceux qu’il m’a donnés » (v. 39), cette volonté c’est « que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » Le signe de la multiplication des pains se révèle alors être un appel à la confiance : celles et ceux « que le Père me donne viendront à moi, et je ne rejetterai personne qui vient à moi » (v. 37).


RP, 29.04.2020
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mardi 28 avril 2020

Pain du ciel


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Jean 6, 30-35
30 Ils lui répliquèrent : « Mais toi, quel signe fais-tu donc, pour que nous voyions et que nous te croyions ? Quelle est ton œuvre ?
31 Au désert, nos pères ont mangé la manne, ainsi qu’il est écrit : Il leur a donné à manger un pain qui vient du ciel. »
32 Mais Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel, mais c’est mon Père qui vous donne le véritable pain du ciel.
33 Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. »
34 Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là ! »
35 Jésus leur dit : « C’est moi qui suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n’aura pas faim ; celui qui croit en moi jamais n’aura soif.

*



Les gens avaient faim. De pain, en premier lieu. Jésus leur a donné du pain. Et ils ont à nouveau faim. « Donne-nous toujours ce pain-là ! »

Lorsque, au-delà de l’indispensable pain du corps, Jésus veut les entraîner à la question de la source éternelle de toute nourriture, pour répondre à l’éternelle faim des hommes et des femmes, ils ont bien compris. Ils ont suivi leur enseignement religieux. Ah oui, le pain du ciel ! On connaît : c’est l’histoire de la manne et de Moïse dans le désert. Car pour le judaïsme, il est traditionnel, comme pour le christianisme, que la manne, via sa fonction nutritive, signifie la nourriture de la Parole de Dieu, à l’appui du Psaume, cité ici (Ps 78, v. 24) : « Il leur a donné à manger un pain qui vient du ciel. »

« Oui, tout cela, on est au courant », ont-ils dit. « Mais toi, ont-ils dit aussi, quel signe fais-tu donc, pour que nous voyions et que nous te croyions ? Quelle est ton œuvre ? Au désert, nos pères ont mangé la manne, ainsi qu’il est écrit : Il leur a donné à manger un pain qui vient du ciel » (v. 30-31). Donne-nous un signe… Et si c’était toujours la question ? Si c’était toujours notre question…

Moïse a donné au peuple la manne. Et hier encore, avec cette multiplication des pains par laquelle tu nous as nourris, on n’est pas mort de faim. Mais aujourd’hui, quel signe pour que nous croyions ?

Ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel. Moïse lui-même a enseigné cela. Ce qui est de l’éternité, Dieu seul peut le donner, à travers le signe que fait Moïse : « c’est mon Père vous donne le vrai pain du ciel. » Il en est de même pour la multiplication des pains : le pain multiplié est, comme la manne, le signe du pain du ciel, qui, lui, est de l’éternité, et qui aujourd’hui nous rejoint dans le temps en Jésus, « celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde », Jésus donné lui-même comme pain de vie, éternité dans le temps. « Qui vient à moi n’aura jamais faim ; qui croit en moi n’aura jamais soif. »


RP, 28.04.2020
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lundi 27 avril 2020

"L’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez..."


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Jean 6, 22-29
22 Le lendemain, la foule, restée sur l’autre rive, se rendit compte qu’il y avait eu là une seule barque et que Jésus n’avait pas accompagné ses disciples dans leur barque ; ceux-ci étaient partis seuls.
23 Toutefois, venant de Tibériade, d’autres barques arrivèrent près de l’endroit où ils avaient mangé le pain après que le Seigneur eut rendu grâce.
24 Lorsque la foule eut constaté que ni Jésus ni ses disciples ne se trouvaient là, les gens montèrent dans les barques et ils s’en allèrent à Capharnaüm, à la recherche de Jésus.
25 Et quand ils l’eurent trouvé de l’autre côté de la mer, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? »
26 Jésus leur répondit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n’est pas parce que vous avez vu des signes que vous me cherchez, mais parce que vous avez mangé des pains à satiété.
27 Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera, car c’est lui que le Père, qui est Dieu, a marqué de son sceau. »
28 Ils lui dirent alors : « Que nous faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? »
29 Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu c’est de croire en celui qu’Il a envoyé. »

*



Avec Jésus, qui multiplie les pains, on accède peut-être enfin au temps où on sera libéré du travail quotidien harassant… D’où ce désir des foules de faire Jésus roi (v. 15)…

Une foule qui se donne de la peine. Ça a été un effort réel de rejoindre Jésus : depuis la traversée du lac jusqu’à sa recherche dans Capernaüm, où ils finissent par le trouver — dans la synagogue, puisque cette scène se passe dans la synagogue (comme le précisera le v. 59). Une foule en travail pour trouver Jésus et qui va lui demander : « Que nous faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » (v. 28)

Une foule reconnaissante aussi : ils ont reconnu en Jésus celui qui les a nourris. C’est d’ailleurs la base de la reconnaissance — cette source de joie —, qui s’adresse à un autre qu’à soi-même… Car si on y est attentif, la reconnaissance, qui conduit à reconnaître quelqu’un d’autre, nous fait sortir de nous-mêmes, et de nos enfermements, fût-ce espérance ; et par là-même nous conduit à une joie réelle.

Attitude de reconnaissance que Jésus met en lumière : « vous me cherchez parce que avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés » (v. 26) — reconnaissance… du ventre en l’occurrence !… Écho au bœuf et à l’âne de nos crèches de Noël, dont la présence a son origine au livre d’Ésaïe : « Le bœuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître : mon peuple ne connaît rien, il n’a point d’intelligence. » (És 1, 3) La reconnaissance du ventre : ce n’est déjà pas mal… Mais pas ce n’est pas assez : « vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés. »

Jésus en appelle alors à une reconnaissance plus profonde, vraie source de joie celle-là, par laquelle la faim de pain va apparaître comme signe désignant une faim plus fondamentale ; le désir du rassasiement comme signe d’un désir plus fondamental, ancré dans l'éternité. « Dieu a mis dans le cœur de l'homme la pensée de l'éternité », écrivait l’Ecclésiaste (ch. 3, v. 11). Soif dont la poursuite est un peu comme le travail de la foule à la poursuite des pains multipliés par Jésus, qui dit alors : « il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle. » Et Jésus de dévoiler alors la nature de ce travail, de cette œuvre, bien plus simple au fond, déjà pleine de son repos : « l’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez en celui qu’Il a envoyé » (v. 29).


RP, 27.04.2020
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samedi 25 avril 2020

Signes miraculeux


Et demain dimanche, culte
ici, D'un autre côté :
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Marc 16, 15-20
15 [Jésus ressuscité] leur dit : « Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création.
16 Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné.
17 Signes, en revanche, [des envoyés] pour ceux qui auront cru, ces [signes des envoyés les] accompagneront en mon nom : [les envoyés] chasseront les démons, ils parleront des langues nouvelles,
18 ils prendront dans leurs mains des serpents, et s’ils boivent quelque poison mortel, cela ne leur fera aucun mal ; ils imposeront les mains à des malades, et ceux-ci seront guéris. »
19 Donc le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu.
20 Quant à eux, ils partirent prêcher partout : le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.

*



Propos potentiellement redoutables que cette annonce des signes accompagnant les envoyés du Ressuscité, en tout cas de la façon dont on les lit trop souvent, à savoir : « Voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru, ceux qui deviendront croyants », bref les destinataires du message des envoyés ! Une telle lecture suppose que nous devrions avoir le pouvoir de faire les miracles qu’opéraient selon les Évangiles Jésus et ses Apôtres.

Prétention redoutable, dont ceux qui s’en réclament pensent que ce serait-là foi en ce qu’aurait assuré le Ressuscité, leur transmettant son autorité ! C’est ainsi qu’on apprend régulièrement que tel ou tel prédicateur connu dans tel ou tel pays, a affirmé « prendre autorité », par exemple actuellement sur le coronavirus, pour des échecs tout aussi réguliers, qui semblent ne pas décourager les fidèles desdits prédicateurs…

Or une telle prétention relève d’une reprise abusive de la promesse du Ressuscité, qui ne concerne que le cercle des Apôtres — élargi par exemple à Paul, qui n’était pas présent lors de l’envoi des disciples (et qui voit notamment le venin d’un serpent le laisser indemne, selon le livre des Actes des Apôtres, ch. 28, v. 3-4).

Dans la promesse de Jésus c’est le cercle élargi des Apôtres qui reçoit ce pouvoir, pas les bénéficiaires de leur prédication, les signes étant, en prémisse, des actes de création du monde nouveau, advenu en Jésus selon la foi du Nouveau Testament.

En parallèle, après coup, l’Épître aux Hébreux rappelle, au passé (ch. 2, 3b-4) : « un pareil salut, qui commença à être annoncé par le Seigneur, […] fut confirmé pour nous par ceux qui l’avaient entendu, et fut appuyé aussi du témoignage de Dieu par des signes et des prodiges, des miracles de toute sorte, et par des dons de l’Esprit Saint répartis selon sa volonté » — où l’on retrouve les derniers mots de notre texte de Marc (v. 19-20) : « le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils partirent prêcher partout : le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient. » Il faut donc lire la promesse ainsi : signes des envoyés pour ceux qui auront cru, ces signes des envoyés les accompagneront en mon nom : ils opéreront les signes qu’a opérés Jésus. Nul d’entre nous n’est fondé aujourd’hui à se réclamer de ce pouvoir, créateur du monde nouveau venu dans la résurrection du Christ, sans s’exposer à de terribles échec en forme de dévoilement d’une imposture !

Pour nous aujourd’hui, bénéficiaires de la bonne nouvelle portée par les envoyés du Ressuscité, il s’agit depuis leur départ de croire ce que nous n’avons pas vu, mais que eux, ont vu. Aucune autre porte ne nous est donnée que de recevoir en confiance (v. 16) la parole qu’ils ont portée et qui fut accompagnée, selon les Écritures, des mêmes signes qu’avait donnés Jésus en son temps terrestre.


RP, 25.04.2020
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Et demain dimanche, culte
ici, D'un autre côté :


vendredi 24 avril 2020

Cinq pains pour un temps d’exode



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Jean 6, 1-15
1 Après cela, Jésus passa sur l’autre rive de la mer de Galilée, dite encore de Tibériade.
2 Une grande foule le suivait parce que les gens avaient vu les signes qu’il opérait sur les malades.
3 C’est pourquoi Jésus gravit la montagne et s’y assit avec ses disciples.
4 C’était bientôt la fête juive de la Pâque.
5 Or, ayant levé les yeux, Jésus vit une grande foule qui venait à lui. Il dit à Philippe : « Où achèterons-nous des pains pour qu’ils aient de quoi manger ? »
6 En parlant ainsi il le mettait à l’épreuve ; il savait, quant à lui, ce qu’il allait faire.
7 Philippe lui répondit : « Deux cents deniers de pain ne suffiraient pas pour que chacun reçoive un petit morceau. »
8 Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
9 « Il y a là un garçon qui possède cinq pains d’orge et deux petits poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de gens ? »
10 Jésus dit : « Faites-les asseoir. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc ; ils étaient environ cinq mille hommes.
11 Alors Jésus prit les pains, il rendit grâce et les distribua aux convives. Il fit de même avec les poissons ; il leur en donna autant qu’ils en désiraient.
12 Lorsqu’ils furent rassasiés, Jésus dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux qui restent, de sorte que rien ne soit perdu. »
13 Ils les rassemblèrent et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge qui étaient restés à ceux qui avaient mangé.
14 A la vue du signe qu’il venait d’opérer, les gens dirent : « Celui-ci est vraiment le Prophète, celui qui doit venir dans le monde. »
15 Mais Jésus, sachant qu’on allait venir l’enlever pour le faire roi, se retira à nouveau, seul, dans la montagne.

*



Cinq pains et deux poissons, déjà là (v. 9) bien qu'inaperçus puisque apparemment insignifiants (« qu’est-ce que cela pour tant de gens ? » demande André, v. 8-9), cinq pains et deux poissons comme réponse aux besoins des foules — pour dire une autre faim, qui s’ignore.

Nous voilà en chemin d’exode vers le Royaume. On est près du temps de la Pâque (v. 4), en un temps de traversée de désert, où Jésus à l’instar de Moïse, gravit la montagne (v. 3), pour s’y asseoir, avec ses disciples pour sa part, avant d'y retourner seul (v. 15).

Temps de traversée de désert (voilà qui peut nous parler en ces jours particuliers que nous traversons), temps d’exode et de dépendance de Dieu pour le pain, un pain d’aujourd’hui auquel Dieu pourvoit, et qui est désormais, en signe, celui de la promesse de demain, promesse du jour du Royaume… pain donné dans les cinq livres de la Torah que représentent les cinq pains (selon Augustin), sachant que l'homme ne vivra pas de pain seulement, mais d'abord de la source mystérieuse du pain, la parole de Dieu, dispensée dans la Torah — Dieu qui pourvoit comme il a toujours pourvu, à partir du minimum propre à multiplier (le chiffre deux des deux poissons), pour tout le peuple : reste douze paniers pour les douze tribus, nourries spirituellement jusque dans la suite des jours.

Cinq pains, cinq livres de la Torah qui trouvent écho dans les cinq livres des Psaumes qui en sont eux-mêmes la reprise priante —, la multiplication des pains, signe de Jésus, fait ainsi écho aussi à la prière quotidienne du judaïsme et à ses Dix-huit bénédictions :

Ainsi la 2ème bénédiction : Notre pain quotidien, donne-le nous aujourd’hui
Tu nourris les vivants par amour, tu ressuscites les morts par grande miséricorde,
tu soutiens ceux qui tombent, tu guéris les malades et délivres les captifs.
Qui est comme toi, Maître des puissances ?


C’est ainsi que Jésus se présente aujourd’hui comme la manifestation du Dieu prié dans les bénédictions d’Israël, chanté dans les Psaumes, révélé dans la Torah.


RP, 24.04.2020
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jeudi 23 avril 2020

"Qui croit au Fils a la vie éternelle"



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Jean 3, 31-36
31 « Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tout. Celui qui est de la terre est terrestre et parle de façon terrestre. Celui qui vient du ciel
32 témoigne de ce qu’il a vu et de ce qu’il a entendu, et personne ne reçoit son témoignage.
33 Celui qui reçoit son témoignage ratifie que Dieu est véridique.
34 En effet, celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, qui lui donne l’Esprit sans mesure.
35 Le Père aime le Fils et il a tout remis en sa main.
36 Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui n’obéit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. »

*



Ces paroles finales du ch. 3 de l’Évangile de Jean sont reçues comme étant de Jean le Baptiste interrogé à propos de Jésus. « Il faut qu’il croisse, et que je diminue », vient-il de dire (v. 30), avant de le présenter ici comme celui qui vient d’en-haut, Fils éternel de Dieu ; pour finir par la déclaration : « qui croit au Fils a la vie éternelle ; qui s’y refuse ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. »

Colère : on reconnaît un des termes des avertissements de Jean prêchant le repentir. Qu’est-ce à dire, cette « colère de Dieu » en regard du témoignage à la vie d’éternité porté par celui qui vient d’en-haut, Jésus ?

Ici se dévoile l’opposition entre notre conscience malheureuse et la vérité de nos êtres en leur fondement éternel dévoilé par le témoignage de celui qui vient d’en-haut. Il n’y a de relation avec l’ultime de nous-même que vécue. Nous ne percevons la réalité ultime de nos êtres que de façon radicalement subjective, au cœur de notre conscience, à laquelle nous ne pouvons échapper, harcelés par notre mémoire chargée de reproches sur ce que nous avons fait ou que nous n’avons pas fait. Un tissu de reproches intimes, récurrents, par lesquels nous nous percevons, tourmentés au-delà de notre pouvoir. Bref, nous nous percevons comme étant, pour le dire dans les termes de l’Évangile, sous la colère de Dieu.

Pour en être libérés, un véritable déplacement nous est ouvert, ce que Jean le Baptiste appelait conversion, ou repentir, c’est-à-dire retour — en l’occurrence retour à la mémoire perdue du fondement éternel de nos êtres, retour à ce que nous sommes en réalité devant Dieu.

L’épître aux Colossiens le dira en ces mots : « votre vie est cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3, 3). Tel est le fondement éternel de nos êtres, la vérité de l’image de Dieu en nous, oubliée — et révélée par celui qui vient d’en-haut, et en qui est ainsi le pouvoir de nous libérer de toute perception de nous-même tourmentée par notre conscience malheureuse, comme un poids en forme de colère de Dieu, tant cela semble insurmontable. Or cette subjectivité malheureuse est fausse. La vérité de nous-même, ce fondement éternel de nos êtres, nous a été dévoilée par le Fils. Il nous suffit de nous y abandonner, en confiance au Fils qui en est porteur : « qui se confie au Fils a la vie éternelle ».


RP, 23.04.2020
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mercredi 22 avril 2020

"Dieu, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique"



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Jean 3, 16-21
16 Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle.
17 Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.
18 Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
19 Et le jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré l’obscurité à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises.
20 En effet, quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de crainte que ses œuvres ne soient démasquées.
21 Celui qui fait la vérité vient à la lumière pour que ses œuvres soient manifestées, elles qui ont été accomplies en Dieu. »

*



« Dieu, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que quiconque croit en lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle. » Jésus, prononçant ces mots vient de référer (v. 15) au serpent d’airain forgé par Moïse dans le désert, qu’il suffisait de regarder pour être guéri. (Nombre 21, 8-9).

Quel est donc l’acte de foi qui reçoit la grâce de Dieu donnée en plénitude dans le signe du don de son Fils ? C’est tout simplement le regard qui du cœur des ténèbres, du chaos, et aussi du péché et de la culpabilité, de la souffrance, bref : de l’exil loin de Dieu — se tourne vers la lumière sans crainte, comme les pères au désert mordus par les serpents se tournaient vers le serpent d’airain dressé dans la lumière.

Tel est l’acte de foi en la lumière. Au-delà de toute crainte qui préférerait rester plongée dans les ténèbres et le chaos, les œuvres mauvaises déjà absorbées par la mort — se tourner sans crainte vers celui de qui rayonne la lumière éternelle par lequel le monde vient à son salut, vers celui qui, pendu au bois, élevé de la terre, la fait resplendir en plénitude, en vie éternelle. La foi seule. La plénitude de la grâce y est donnée.

Il n’est ici pas besoin d’autre jugement que celui qui a déjà eu lieu : être dans les ténèbres, puis y rester pour n’être né qu’une fois, n’être né qu’à ces ténèbres. Mais dans le Christ élevé de la terre, le jugement, en quelque sorte s’inverse, devient délivrance par la venue à la lumière, la naissance à la lumière pour la manifestation des œuvres de Dieu, accomplies en Dieu (cf. Éphésiens 2, 10).

Rien à comprendre, à croire seulement — croire que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle ».

Tout est dit dans ces quelques mots. Il s’agit d’extraction des ténèbres vers la lumière. Dans l’Évangile de Jean, « le monde » — cosmos — est une notion le plus souvent négative. C’est ce qui est illusoire, vain, superficiel. Un faux arrangement pour lequel Jésus ne prie pas lorsqu’il remet les siens à Dieu dans son discours d’adieu (Jean 17, 9).

Et voilà que Dieu l’a tellement aimé, le monde, « qu’il a donné son Fils unique » ! — « pour que le monde soit sauvé par lui ». Il l’a donc chéri infiniment, il lui a été infiniment cher, le monde. Et cet amour, ce « chérissement » du monde est pour son extraction vers la lumière. Où la croix, moment de ténèbres dressé vers la lumière, devient le nouvel axe de monde.


RP, 22.04.2020
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mardi 21 avril 2020

Élevé dans la lumière



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Jean 3, 7b-15
7 […] “Il vous faut naître d’en haut”.
8 Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. »
9 Nicodème lui dit : « Comment cela peut-il se faire ? »
10 Jésus lui répondit : « Tu es maître en Israël et tu n’as pas la connaissance de ces choses !
11 En vérité, en vérité, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et, pourtant, vous ne recevez pas notre témoignage.
12 Si vous ne croyez pas lorsque je vous dis les choses de la terre, comment croiriez-vous si je vous disais les choses du ciel ?
13 Car nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme.
14 Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé
15 afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éternelle.

*



La réponse de Jésus parlant de naissance d’en-haut à la question Nicodème l’interrogeant sur Règne de Dieu fait référence aux prophètes, que Nicodème connaît évidemment très bien. Sa question — « un homme peut-il naître quand il est vieux en retournant dans le ventre de sa mère ? » (v. 4) — est une question faussement naïve… Il sait ce qu’ont dit les prophètes à ce sujet.

Jésus le sait bien, et quand il lui demande s’il ne sait pas cela, c’est pour affirmer que lorsque lui parle du vent que, comme l’Esprit de Dieu qui vient d’en-haut, l’on ne peut pas maîtriser ; c’est que lui-même, Jésus, peut en parler parce qu’il vient lui-même d’en-haut. Alors Nicodème est renseigné quant à ce pourquoi il est venu voir Jésus, savoir si Dieu est bien avec lui (v. 2) : Jésus vient de Dieu et porte son Royaume — comme une nouvelle création, par-delà la mort-même.

Un Royaume que Dieu, par son Esprit, fait venir parmi nous… plein de la promesse de prophètes. Le Règne de Dieu vient comme manifestation de la lumière dans le Christ… « élevé comme le serpent », en référence au serpent d’airain forgé par Moïse, qu’il suffisait de regarder pour être guéri des morsures des serpents (Nombre 21, 8-9).

De même, pour le Christ dévoilé dans son élévation dans la lumière comme le Fils de l’Homme qui est dans les cieux, descendu du ciel où nul n’est monté, sinon celui qui en est descendu pour apporter la lumière, lui, Jésus. Élévation, la croix est la sortie des ténèbres.

Le don de Dieu est la plongée de son Fils dans les ténèbres de ce monde douloureux, où, par amour pour ce monde enténébré, il prend la sombre figure du serpent ; ténèbres d’où il sortira par son élévation, la croix. Pour en faire sortir le monde avec lui ; ce monde qui ne peut pas en sortir par lui-même.

Le salut du monde est la sortie des ténèbres par la grâce, dans la confiance, la foi, en ce qu’est le Fils : celui qui vient d’en Haut. Une naissance d’en Haut.


RP, 21.04.2020
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lundi 20 avril 2020

"Naître d’en haut"



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Jean 3, 1-8
1 Or il y avait, parmi les Pharisiens, un homme du nom de Nicodème, un des notables judéens.
2 Il vint, de nuit, trouver Jésus et lui dit : « Rabbi, nous savons que tu es un maître qui vient de la part de Dieu, car personne ne peut opérer les signes que tu fais si Dieu n’est pas avec lui. »
3 Jésus lui répondit : « En vérité, en vérité, je te le dis : à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. »
4 Nicodème lui dit : « Comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux ? Pourrait-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ? »
5 Jésus lui répondit : « En vérité, en vérité, je te le dis : nul, s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.
6 Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit.
7 Ne t’étonne pas si je t’ai dit : “Il vous faut naître d’en haut”.
8 Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. »

*



Nicodème « vint, de nuit, trouver Jésus », précise le v. 2. Un monde dans la nuit. Notre monde, dans les ténèbres — aujourd’hui illustrées par l’ombre de la pandémie. Nicodème pouvait-il venir autrement que de nuit, puisqu’il n’y a rien d’autre que la nuit quand notre monde a perdu la mémoire de la lumière originelle.

Nicodème, un homme que l’on connaît par ailleurs dans l’Évangile comme proche de Jésus, espère que Jésus est bien celui qui va réaliser la promesse de Dieu, celle de faire venir son Règne de lumière, pour un monde enfin heureux. Mais pour se rapprocher de Jésus, Nicodème veut savoir à qui il a vraiment à faire. Quoi de plus naturel ! D’où ce dialogue en forme de test : tu fais des signes (c’est-à-dire des miracles), tu viens donc de Dieu ?…

Lui répondant en termes de naissance d’en-haut, Jésus fait par cette expression référence aux prophètes, parlant d’esprit nouveau et de cœur nouveau. Si Nicodème veut, pour mener Jésus au terme de sa réponse, donner l’impression de n’en rien savoir, il connaît. Citons Ézéchiel (ch. 36, v. 24-27) :
« Après vous avoir retirés du milieu des peuples et des pays où vous vous trouvez, je vous rassemblerai et vous ramènerai dans votre patrie.
Je verserai sur vous l’eau pure qui vous purifiera ; […].
Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’enlèverai votre cœur insensible comme une pierre et je le remplacerai par un cœur réceptif.
Je mettrai mon souffle en vous et je ferai en sorte que vous suiviez mes prescriptions, que vous observiez mes règles et les mettiez en pratique. »

Il s’agit de recevoir l’Esprit de Dieu, et d’en recevoir comme un cœur nouveau. Bref : il s’agit comme de naître de nouveau, naître d’en haut — au sens le plus fort de « de nouveau » —, naître de l’Esprit, du souffle de Dieu, pour connaître son Royaume.

Nicodème a obtenu sa réponse. Une naissance d’en-haut à laquelle on ne peut rien. Comme personne ne décide de naître. Cette naissance nouvelle vient de Dieu seul, comme effet de son souffle, mystérieux comme le vent dont on ne sait d’où il vient… et dont Jésus est porteur.


RP, 20.04.2020
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samedi 18 avril 2020

Dans le deuil et les pleurs, la parole de la foi


...
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Marc 16, 9-15
9 Ressuscité le matin du premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie de Magdala, dont il avait chassé sept démons.
10 Celle-ci partit l’annoncer à ceux qui avaient été avec lui et qui étaient dans le deuil et les pleurs.
11 Mais, entendant dire qu’il vivait et qu’elle l’avait vu, ceux-ci ne la crurent pas.
12 Après cela, il se manifesta sous un autre aspect à deux d’entre eux qui faisaient route pour se rendre à la campagne.
13 Et ceux-ci revinrent l’annoncer aux autres ; eux non plus, on ne les crut pas.
14 Ensuite, il se manifesta aux Onze, alors qu’ils étaient à table, et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur, parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité.
15 Et il leur dit : « Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la Création. »

*



L’Évangile de la résurrection est le cœur de l’inouï du message chrétien. C’est cela qui nous est rappelé en ces quelques versets de l’Évangile de Marc, résumant les messages de Pâques de Jean, avec Marie de Magdala, et de Luc, avec les disciples d’Emmaüs annonçant la nouvelle inouïe aux Onze endeuillés. Un point commun, l’incrédulité des disciples, anticipant la nôtre.

Si aucun point du credo n’est recevable hors la foi, depuis la Création de ce monde de douleur par un Dieu bon, père et tout-puissant, jusqu’à la résurrection et à la vie éternelle en passant pas la naissance virginale de Jésus, si aucun de ces points est recevable hors la foi, la résurrection de Jésus en est le cœur le plus inouï. Comment accepter ce qui heurte à ce point notre bon sens ? Cette bonne nouvelle, l’Évangile, c’en est le cœur, n’est recevable que dans la foi.

« Dans le deuil et les pleurs », où, précise le texte, se trouvent les disciples, comment croire cela ? En ces jours d’un confinement où la douleur de la mort de proches devient plus terrible encore que d’ordinaire, quand un accompagnement réel des endeuillés est devenu impossible, un rassemblement de vingt personnes excluant de fait le cercle réel, plus large, des amis ou, au sens fort du mot, de l’Église pour les croyants, l’Église, ce rassemblement de toutes celles et ceux qui ont reçu en partage la foi en la promesse de la résurrection, réduite en ces jours cruels à un ou deux officiants pour la représenter, prêtre, pasteur ou célébrant laïc, — nous voilà fondés à comprendre les disciples, enfermés « dans le deuil et les pleurs », selon les mots du texte, qui ne peuvent percevoir la consolation inouïe, pourtant donnée là, pleinement, dans la parole de ces deux ou trois, Marie de Magdala, les deux disciples d’Emmaüs, devenus à eux seuls l’Église proclamant l’Évangile de la résurrection.

Voilà qui permet de comprendre peut-être pourquoi Jésus « leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur, parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité » : c’est qu’après eux, il n’y a plus d’autre consolation que dans cette parole, pour nous, nous qui ne bénéficions pas des apparitions venues les conforter. Cette parole portée depuis le dimanche de Pâques est celle qui, donnée à notre foi seule, retentissant au cœur de tous nos deuils, même non accompagnés comme ils devraient l’être, donne sens à toute la Création. Ce pourquoi, parole du Ressuscité : « Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la Création. »


RP, 18.04.2020
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Et demain dimanche, culte ici, d'un autre côté

vendredi 17 avril 2020

"Ils ne savaient pas que c’était lui"



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Jean 21, 1-14
1 Après cela, Jésus se manifesta de nouveau aux disciples sur les bords de la mer de Tibériade. Voici comment il se manifesta.
2 Simon-Pierre, Thomas qu’on appelle Didyme, Nathanaël de Cana de Galilée, les fils de Zébédée et deux autres disciples se trouvaient ensemble.
3 Simon-Pierre leur dit : « Je vais pêcher. » Ils lui dirent : « Nous allons avec toi. » Ils sortirent et montèrent dans la barque, mais cette nuit-là, ils ne prirent rien.
4 C’était déjà le matin ; Jésus se tint là sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui.
5 Il leur dit : « Eh, les enfants, n’avez-vous pas un peu de poisson ? » – « Non », lui répondirent-ils.
6 Il leur dit : « Jetez le filet du côté droit de la barque et vous trouverez. » Ils le jetèrent et il y eut tant de poissons qu’ils ne pouvaient plus le ramener.
7 Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Dès qu’il eut entendu que c’était le Seigneur, Simon-Pierre ceignit un vêtement, car il était nu, et il se jeta à la mer.
8 Les autres disciples revinrent avec la barque, en tirant le filet plein de poissons : ils n’étaient pas bien loin de la rive, à deux cents coudées environ.
9 Une fois descendus à terre, ils virent un feu de braise sur lequel on avait disposé du poisson et du pain.
10 Jésus leur dit : « Apportez donc ces poissons que vous venez de prendre. »
11 Simon-Pierre remonta donc dans la barque et il tira à terre le filet que remplissaient cent cinquante-trois gros poissons, et quoiqu’il y en eût tant, le filet ne se déchira pas.
12 J ésus leur dit : « Venez déjeuner. » Aucun des disciples n’osait lui poser la question : « Qui es-tu ? » : ils savaient bien que c’était le Seigneur.
13 Alors Jésus vient ; il prend le pain et le leur donne ; il fit de même avec le poisson.
14 Ce fut la troisième fois que Jésus se manifesta à ses disciples depuis qu’il s’était relevé d’entre les morts.

*



Lorsque l’inconnu en qui les disciples n'ont pas reconnu le Seigneur leur dit : « Jetez le filet du côté droit de la barque et vous trouverez » — du côté du soleil à son zénith quand au devant est l'Est de ce petit matin —, ils le font, soucieux de lui donner à manger ; et ramènent 153 poissons, où depuis les pères de l’Église on voit un symbole de la plénitude des peuples vers lesquels ils vont être envoyés.

Comme les disciples d’Emmaüs en Luc 24, ici aussi, dans ce chapitre 21 de Jean, « les disciples ne savaient pas que c’était lui » (v. 4). Dans les deux cas, cela est fondateur de l’envoi en mission. C’est une constante : le Christ, à présent monté vers le Père (cf. Jn 20, 17), apparaît de façon telle qu’on ne le reconnaît pas. En Matthieu (ch. 25), Jésus disait : « ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » — ou : « c’est à moi que vous ne l’avez pas fait ». Pensons, plus tard, à Martin de Ligugé, découvrant après avoir partagé son manteau avec un pauvre que le Christ s’y est dévoilé mystérieusement.

En ces temps de confinement où nos Églises ont en commun de ne pas pouvoir accompagner de façon liturgique et solennelle celles et ceux qui, du cœur de leur deuil, cherchent le Ressuscité, elles ont en commun aussi le message commun aux Évangiles du Ressuscité caché, monté au Père, et pourtant présent, « avec nous jusqu’à la fin du temps » (Mt 28). Devenu perceptible dans l’humilité — aujourd’hui l’humilité d’un accompagnement intime de celles et ceux, qui, frères et sœurs du Ressuscité, le cherchent sans le savoir, sans savoir qu’il est où on ne l’attend pas.

Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C'est le Seigneur ! » Alors que ses apparitions cesseront bientôt, Pierre est appelé à reconnaître le Ressuscité, comme nous tous avec lui, en celles et ceux vers qui il l’envoie et nous envoie.


RP, 17.04.2020
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jeudi 16 avril 2020

"Un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai"



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Luc 24, 35-48
35 Et eux racontèrent ce qui s’était passé sur la route et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain.
36 Comme ils parlaient ainsi, Jésus fut présent au milieu d’eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. »
37 Effrayés et remplis de crainte, ils pensaient voir un esprit.
38 Et il leur dit : « Quel est ce trouble et pourquoi ces objections s’élèvent-elles dans vos cœurs ?
39 Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai. »
40 A ces mots, il leur montra ses mains et ses pieds.
41 Comme, sous l’effet de la joie, ils ne croyaient pas encore et comme ils s’étonnaient, il leur dit : « Avez-vous ici de quoi manger ? »
42 Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé.
43 Il le prit et mangea sous leurs yeux.
44 Puis il leur dit : « Voici les paroles que je vous ai adressées quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. »
45 Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Écritures,
46 et il leur dit : « C’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour,
47 et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.
48 C’est vous qui en êtes les témoins.

*



« Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai » (Lc 24, 39). Étrange invite que cette invite de Jésus… Scandale pour la raison que cette résurrection de la chair que Jésus signe ici dans son corps ressuscité : « un esprit n’a ni chair ni os ». Scandale pour la raison. D’où la tentation de voir là un « esprit », esprit c’est-à-dire, tentation de « spiritualiser » cela… et de professer la résurrection, mais pas vraiment « de la chair » !

C’est contre cela que Jésus invite les disciples à le toucher, comme Thomas en Jean, alors que le Christ, à présent « monté au Père » (cf. Jn 20, 17 et 27) n’en est pas moins présent au milieu des disciples, au milieu de nous. Par l’intermédiaire des Onze, c’est nous tous qu’il invite à le rencontrer en réalité, concrètement : heureuses et heureux celles et ceux qui n’ont pas vu, comme les disciples d’Emmaüs, Thomas et les Onze, et qui ont cru, pourtant. Car, quel est l’enjeu ? L’enjeu est rien moins que le sens — éternel ! — de notre vie.

Notre vie ne se réalise, ne se concrétise, que dans notre histoire, dans nos rencontres, dans la trivialité du quotidien, bref, dans la chair ! Et c’est cela qui est racheté, radicalement et éternellement racheté au dimanche de Pâques. Le rachat dont il est question n’est pas l’accès à un statut d’esprit évanescent. C’est bien tout ce qui constitue notre être, notre histoire, l’expérience de nos rencontres et donc de nos sens, de notre chair, qui est racheté. Notre histoire qui a fait de nous, qui fait de nous, qui fera de nous, ce que nous sommes, cette réalité de nos vies uniques devant Dieu. C’est l’extraordinaire nouvelle qui nous est donnée par le Ressuscité : lui aussi, Fils éternel de Dieu, advient à l’éternité qui est la sienne par le chemin de son histoire dans la chair : ses plaies elles-mêmes, qui ont marqué sa chair, sont constitutives de son être !

… Signe que tous nos instants, ceux des Apôtres, les nôtres, chacun de nos moments uniques dans l’éternité, est porteur de notre propre vocation à l’éternité !


RP, 16.04.2020
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mercredi 15 avril 2020

"Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous ?"



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Luc 24, 13-35
13 Et voici que, ce même jour, deux d’entre eux se rendaient à un village du nom d’Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem.
14 Ils parlaient entre eux de tous ces événements.
15 Or, comme ils parlaient et discutaient ensemble, Jésus lui-même les rejoignit et fit route avec eux ; 16mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
17 Il leur dit : « Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? » Alors ils s’arrêtèrent, l’air sombre.
18 L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit : « Tu es bien le seul à séjourner à Jérusalem qui n’ait pas appris ce qui s’y est passé ces jours-ci ! » –
19 « Quoi donc ? » leur dit-il. Ils lui répondirent : « Ce qui concerne Jésus de Nazareth, qui fut un prophète puissant en action et en parole devant Dieu et devant tout le peuple :
20 comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié ;
21 et nous, nous espérions qu’il était celui qui allait délivrer Israël. Mais, en plus de tout cela, voici le troisième jour que ces faits se sont passés.
22 Toutefois, quelques femmes qui sont des nôtres nous ont bouleversés : s’étant rendues de grand matin au tombeau
23 et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu’elles ont même eu la vision d’anges qui le déclarent vivant.
24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ce qu’ils ont trouvé était conforme à ce que les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
25 Et lui leur dit : « Esprits sans intelligence, cœurs lents à croire tout ce qu’ont déclaré les prophètes !
26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela et qu’il entrât dans sa gloire ? »
27 Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait.
28Ils approchèrent du village où ils se rendaient, et lui fit mine d’aller plus loin.
29 Ils le pressèrent en disant : « Reste avec nous car le soir vient et la journée déjà est avancée. » Et il entra pour rester avec eux.
30 Or, quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna.
31 Alors leurs yeux furent ouverts et ils le reconnurent, puis il leur devint invisible.
32 Et ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Écritures ? »
33 A l’instant même, ils partirent et retournèrent à Jérusalem ; ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons,
34 qui leur dirent : « C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Simon. »
35 Et eux racontèrent ce qui s’était passé sur la route et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain.

*



Comme pour les autres apparitions du Ressuscité, les disciples d'Emmaüs ne le reconnaissent pas.

Nous cantonnerions volontiers l'éternité à son domaine attitré : un futur plus ou moins lointain. Et le Ressuscité viendrait-il lui-même à nos côtés nous dévoiler son visage dans les Écritures, notre certitude confortable que tout est bien à sa place — l'hypothétique éternité d'un côté, notre quotidien moyen de l'autre, — cette certitude hurlerait dans son pesant silence à nos cœurs se consumant, qu'il s'agit surtout de ne pas voir.

Comme les disciples d’Emmaüs, on a un point de vue sur le Christ. Limitatif. Alors, lorsqu’il apparaît tel qu’il est, on ne le reconnaît pas : on aimerait qu'il se montre d'une façon qui ne nous surprenne pas. Sous une forme connue, repérable, habituelle. Mais ce n'est pas ce qu'il fait.

Les disciples d’Emmaüs regardaient l’inconnu comme on regarde habituellement les inconnus. Un peu aussi comme nous risquons de regarder chacun de ceux qu’il nous donne de côtoyer au jour le jour. Un peu comme quand nous n’en voyons qu’un quotidien toujours le même, alors que nous avons devant nous, à côté de nous, un frère, une sœur du Ressuscité.

C’est un peu ainsi que les disciples d’Emmaüs ne reconnaissent pas le Ressuscité. « Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous ? »

C'est au moment de la fraction du pain, moment de partage, d'intimité, que les disciples reconnaissent Jésus. Pour nous qui n'avons pas vu, heureux, heureuses sommes-nous pourtant si nous croyons que l'éternité brise notre temps clos sur lui-même ! C'est là que nous attend l'indicible de la résurrection. Au dimanche de Pâques, l'éternité du Christ a brisé nos clôtures, nos enfermements, nos confinements. En laissant vide son tombeau, il fait entrer le temps et le monde, notre temps, notre monde, dans leur fondement éternel.


RP, 15.04.2020
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mardi 14 avril 2020

"Dis-leur que je monte vers mon Père"



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Jean 20, 11-18
11 Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau
12 et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l’endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l’un à la tête et l’autre aux pieds.
13 « Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. »
14 Tout en parlant, elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était lui.
15 Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? » Mais elle, croyant qu’elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : « Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le prendre. »
16 Jésus lui dit : « Marie. » Elle se retourna et lui dit en hébreu : « Rabbouni » – ce qui signifie maître.
17 Jésus lui dit : « Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. »
18 Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. »

*



Larmes de Marie de Magdala sur un passé qui ne reviendra pas, larmes définitivement légitimes. C’est sur un autre temps qu’ouvre la résurrection, un temps éternel dont le cœur est le tabernacle céleste dont la vision est alors donnée à Marie : « elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l’endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l’un à la tête et l’autre aux pieds », dit le texte. Écho au tabernacle des origines, au Sinaï, gardé par deux anges, deux kérouvim, édifié sur le modèle dévoilé à Moïse sur la Montagne. Vision donnée à présent à Marie. C’est ici que s’ouvre à elle, pour nous tous, le tabernacle céleste, le mystère de la Pâque éternelle.

C’est ce que la parole du Ressuscité dit encore à Marie, en ces mots : « Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu » (v. 17). Ne me retiens pas, souvent traduit, suite à la version latine de la Vulgate : « ne me touche pas ». Le texte permet les deux.

Dans le même Évangile de Jean, un peu plus loin, huit jours après, Jésus ressuscité invite Thomas à toucher ses plaies de crucifié (Jn 20, 26). À lire de près, on sait que Thomas ne touchera pas : il se rend à la foi — « mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20, 27).

Entre les deux moments, Marie de Magdala au tombeau et Thomas huit jours plus tard, la parole de Jésus aux disciples quelques jours avant (Jn 16, 7) : « il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, l’Esprit consolateur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. » Marie inconsolée pleure celui qui vient de mourir… avant de le retrouver, comme avant, croit-elle ! « Ne me touche », ou « ne me retiens pas », « ne t’accroche pas à moi », selon une autre traduction : à savoir, celui que tu nommes Rabbouni, ton maître relevé d’entre les morts que tu retrouves ne réinstaure pas un passé, mais ouvre à l’éternité signifiée dans son absence à ce monde, comme tu n’es pas de ce monde. Désormais, c’est du monde éternel qu’il est question, où mon Père est ton Père, mon Dieu est ton Dieu (v. 17).

Ne me retiens pas dans le passé de ma crucifixion, dans les larmes définitivement légitimes, retrouve-moi tel que je suis dans l’éternité, consolation éternelle qui n’est pas de l’ordre de la nostalgie, consolation qui n’invalide pas les larmes, qui ne remplace pas les larmes par un effacement de ce qui a eu lieu, la croix… Mais est déjà vie d’éternité. La résurrection du Christ est élévation à l’éternité de tout ce qu’il fut dans le temps, de tout ce que nous fûmes dans le temps. Le ressuscité n’efface pas ce qui a eu lieu pas mais l’élève à Dieu, son Dieu et ton Dieu, son Père et ton Père. Quand, avec Marie, nous nous asseyons et pleurons, selon les mots de Bach, le Ressuscité transfigure nos larmes.



Bach BWV 244-78 - Passion selon saint Matthieu, "Wir setzen uns mit Tränen nieder"


RP, 14.04.2020
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lundi 13 avril 2020

Un monde nouveau



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Matthieu 28, 8-15
8 Quittant vite le tombeau, avec crainte et grande joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
9 Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. » Elles s’approchèrent de lui et lui saisirent les pieds en se prosternant devant lui.
10 Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte. Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. »
11 Comme elles étaient en chemin, voici que quelques hommes de la garde vinrent à la ville informer les grands prêtres de tout ce qui était arrivé.
12 Ceux-ci, après s’être assemblés avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une bonne somme d’argent,
13 avec cette consigne : « Vous direz ceci : “Ses disciples sont venus de nuit et l’ont dérobé pendant que nous dormions.”
14 Et si l’affaire vient aux oreilles du gouverneur, c’est nous qui l’apaiserons, et nous ferons en sorte que vous ne soyez pas inquiétés. »
15 Ils prirent l’argent et se conformèrent à la leçon qu’on leur avait apprise. Ce récit s’est propagé chez les Juifs jusqu’à ce jour.

*



Avec crainte et grande joie, dit le texte, les femmes du dimanche de Pâques courent vers les disciples ; premières témoins de la victoire sur la mort, elles quittent le tombeau. Le tombeau est vide : l’Ange en a roulé la pierre pour que nous n’y restions pas.

« Il n’est pas ici », vient-il de dire aux femmes. Allez vers les disciples, puis, plus tard, au bout du monde, dans la Cité terrestre, où il vous précède. Parce que ce qui vaut pour lui, et c’est là que son relèvement d’entre les morts est aussi un dévoilement, une révélation ; ce qui vaut pour lui, vaut, en lui, aussi pour nous : un monde nouveau s’est ouvert pour nous aussi.

Jésus vient à la rencontre des femmes en chemin vers les disciples. Dites-leur qu’il les précède en Galilée. La mission commence où demeurent les vôtres, les êtres humains, elle est où vous serez envoyés bientôt, pas autour d’un tombeau.

Le monde nouveau va à présent prendre son départ où tout a commencé, en Galilée : c’est là qu’ils me verront. Un monde nouveau, le monde de la résurrection, donné à la foi, quand, comme avant, les pouvoirs de ce monde ne voient pas : les autorités sacerdotales conservent la crainte qu’elles avaient du pouvoir romain, crainte qui les menaient à leur livrer Jésus. Une autre crainte que celle des femmes devant l’inouï de la résurrection.

À présent, les mêmes autorités, restant dans le monde du temps et des manœuvres de pouvoir, craignent simplement que cela continue, que ce qui s’est passé, ce dont témoignent les disciples, ne leur cause des ennuis ! « Si l’affaire vient aux oreilles du gouverneur… » Alors on se dégage de toute responsabilité pouvant passer pour subversive, attribuant le tout aux disciples : les gardes se seront endormis, ils seront venus enlever le corps… premiers linéaments de futures poursuites reportées sur les disciples pour donner des gages de bonne volonté face à Rome.

Les disciples, eux, à l’instar des femmes, sont entrés dans le monde qui vient, où la mort est vaincue. Que peuvent en savoir les régnants de ce monde ?


RP, 13.04.2020
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samedi 11 avril 2020

Temps de repos et de paix


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Jean 19, 38-42
38 Après ces événements, Joseph d’Arimathée, qui était un disciple de Jésus mais s’en cachait par crainte des autorités judéennes, demanda à Pilate l’autorisation d’enlever le corps de Jésus. Pilate acquiesça, et Joseph vint enlever le corps.
39 Nicodème vint aussi, lui qui naguère était allé trouver Jésus au cours de la nuit. Il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès d’environ cent livres.
40 Ils prirent donc le corps de Jésus et l’entourèrent de bandelettes, avec des aromates, suivant la manière juive d’ensevelir.
41 À l’endroit où Jésus avait été crucifié il y avait un jardin, et dans ce jardin un tombeau tout neuf où jamais personne n’avait été déposé.
42 En raison de la fête juive de la Préparation, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.

*



Jésus réellement mort, c’est ce que nous dit aujourd’hui l’Évangile selon Jean, qui a annoncé à plusieurs reprises la croix comme élévation. Élevé à la gloire éternelle, sur la croix, peu avant, Jésus nous a rejoints dans le temps jusque dans cette mort qui le voit à présent dépouillé, entouré de bandelettes, parfumé des aromates qui couvrent la cruauté de la mort.

Bach y lira, en ses passions, l’entrée dans le repos de ses membres meurtris dans l’épreuve pour fermer le séjour des morts, jusqu’où il proclame son triomphe.

Repos et paix, ce dont témoigne la mention de deux Judéens membres du Sanhédrin, Joseph d’Arimathée, qui, avant l’entrée dans le Shabbath, lui offre son tombeau, et Nicodème qui apporte les aromates, Nicodème le pharisien que l’on rencontrait au ch. 3 de ce même Évangile.

Joseph d’Arimathée, précise le texte, est disciple de Jésus. Quant à Nicodème, on sait juste qu’il est pharisien, à l’instar de rabbi Gamaliel au livre des Actes des Apôtres, dont il est sûr quant à lui qu’il n’est pas disciple de Jésus, mais qui se sépare pourtant lui aussi de l’avis des autorités judéennes ayant livré Jésus. Des pharisiens, aujourd’hui deux Judéens entourant Jésus dans la mort, voilà qui nous dit qu’il n’y a aucune inimitié en tout cela, au-delà du tragique réalisme d’autorités judéennes soumises à la puissance romaine à laquelle elles ont livré Jésus.

Quelques versets qui nous disent ainsi la paix et la réconciliation qui sont dans ce repos de Shabbath partagé, au jour de cette entrée dans le silence du tombeau — repos et paix remarquablement soulignés dans les derniers moments de la Passion selon saint Jean de Bach… Reposez en paix, saints ossements, et emmenez-moi aussi vers le repos…


Ruht wohl, ihr heiligen Gebeine,
die ich nun weiter nicht beweine,
ruht wohl,
und bringt auch mich zur Ruh'.

Das Grab, so euch bestimmet ist,
und ferner keine Not umschließt,
macht mir den Himmel auf,
und schließt die Hölle zu.

Ruht wohl,…

Reposez en paix, saints ossements,
que désormais je ne pleure plus ;
reposez en paix,
et emmenez-moi aussi vers le repos.

Le tombeau, tel qu'il vous est destiné,
et qui, de plus, ne recèle aucune détresse,
m'ouvre le ciel,
et ferme les enfers.

Reposez en paix,...



Bach - Passion selon saint Jean - BWV 245 Part 39. Ruht wohl ihr heiligen Gebeine | dir. René Jacobs


RP, 11.04.2020
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Et demain dimanche, culte ici, d'un autre côté

vendredi 10 avril 2020

Vendredi saint, temps d’enfantement



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Jean 19, 23-37
23 Lorsque les soldats eurent achevé de crucifier Jésus, ils prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une pour chacun. Restait la tunique : elle était sans couture, tissée d’une seule pièce depuis le haut.
24 Les soldats se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, tirons plutôt au sort à qui elle ira », en sorte que soit accomplie l’Écriture : Ils se sont partagé mes vêtements, et ma tunique, ils l’ont tirée au sort. Voilà donc ce que firent les soldats.
25 Près de la croix de Jésus se tenaient debout sa mère, la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas et Marie de Magdala.
26 Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. »
27 Il dit ensuite au disciple : « Voici ta mère. » Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui.
28 Après quoi, sachant que dès lors tout était achevé, pour que l’Écriture soit accomplie jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif » ;
29 il y avait là une cruche remplie de vinaigre, on fixa une éponge imbibée de ce vinaigre au bout d’une branche d’hysope et on l’approcha de sa bouche.
30 Dès qu’il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est achevé » et, inclinant la tête, il remit l’esprit.
31 Cependant, comme c’était le jour de la Préparation, les autorités judéennes, de crainte que les corps ne restent en croix durant le sabbat – ce sabbat était un jour particulièrement solennel –, demandèrent à Pilate de leur faire briser les jambes et de les faire enlever.
32 Les soldats vinrent donc, ils brisèrent les jambes du premier, puis du second de ceux qui avaient été crucifiés avec lui.
33 Arrivés à Jésus, ils constatèrent qu’il était déjà mort et ils ne lui brisèrent pas les jambes.
34 Mais un des soldats, d’un coup de lance, le frappa au côté, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau.
35 Celui qui a vu a rendu témoignage, et son témoignage est conforme à la vérité, et d’ailleurs celui-là sait qu’il dit ce qui est vrai afin que vous aussi vous croyiez.
36 En effet, tout cela est arrivé pour que s’accomplisse l’Écriture : Pas un de ses os ne sera brisé ;
37 il y a aussi un autre passage de l’Écriture qui dit : Ils verront celui qu’ils ont transpercé.

*



Vendredi saint, temps d’enfantement — selon ce que Jésus annonçait lui-même : le grain, en mourant, porte son fruit. Aujourd’hui, mourant dans la soif de Dieu, le Fils de Dieu voit éclore les Écritures, s’ouvrant sur un autre sens de tant de versets cités ici, dans les Psaumes, et de tant d’autres textes non cités, en train d’éclore.

Temps de naissance d’un monde éternel dans l’élévation du Fils à la croix, à la gloire, donné ici dans la parole adressée au disciple bien-aimé et à la mère du Fils de Dieu : voici ton fils, voici ta mère (v. 26 et 27).

On est passé dans un outre temps de ce monde en agonie jusqu’à la fin du temps. Déjà germe le monde éternel de la résurrection, fruit de l’ensemencement donné de Dieu dans le sein de la femme aujourd’hui au pied de la croix. Enfantant la Parole devenue chair, c’est le monde à venir qui germait d’elle. Aujourd’hui la germination de cette semence est annoncée au disciple bien-aimé, comme un premier fruit, qui découvre la provenance éternelle de sa vie dans le temps, conçue à l’image de celui qui meurt pour qu’un monde éternel advienne à ce temps.

Dès lors, « tout est achevé », dit Jésus (v. 30), faisant encore éclore une dernière fois avant sa mort, le fruit d’éternité que souffle l’Esprit éternel, expiré par celui qui, inclinant la tête, remet son esprit, pour entrer dans son Shabbath, comme pour la Genèse de l’achèvement de la création nouvelle.


RP, 10.04.2020
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jeudi 9 avril 2020

"Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ?"


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Jean 13, 1-15
1 Avant la fête de la Pâque, Jésus sachant que son heure était venue, l’heure de passer de ce monde au Père, lui, qui avait aimé les siens qui sont dans le monde, les aima jusqu’à l’extrême.
2 Au cours d’un repas, alors que déjà le diable avait jeté au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, la pensée de le livrer,
3 sachant que le Père a remis toutes choses entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il va vers Dieu,
4 Jésus se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge dont il se ceint.
5 Il verse ensuite de l’eau dans un bassin et commence à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint.
6 Il arrive ainsi à Simon-Pierre qui lui dit : « Toi, Seigneur, me laver les pieds ! »
7 Jésus lui répond : « Ce que je fais, tu ne peux le savoir à présent, mais par la suite tu comprendras. »
8 Pierre lui dit : « Me laver les pieds à moi ! Jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu ne peux pas avoir part avec moi. »
9 Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, non pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »
10 Jésus lui dit : « Celui qui s’est baigné n’a nul besoin d’être lavé, car il est entièrement pur : et vous, vous êtes purs, mais non pas tous. »
11 Il savait en effet qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il dit : « Vous n’êtes pas tous purs. »
12 Lorsqu’il eut achevé de leur laver les pieds, Jésus prit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ?
13 Vous m’appelez “le Maître et le Seigneur” et vous dites bien, car je le suis.
14 Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ;
15 car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi.


*



En cette nuit de commémoration de la sortie du pays de l’esclavage dans nos exiguïtés, Pessah, la Pâque juive, mémoire de la libération opérée par Dieu seul, mémoire pour un vécu de liberté par l’observance de sa parole comme loi qui libère — Jésus et ses disciples sont réunis eux aussi.

Commémoration de la liberté donnée par Dieu seul, quand tout est perdu, quand le destructeur va répandre son ombre — l’ange de la mort qui rode sur le monde lors de l’Exode, ombre qui vient d’envahir Judas dans notre texte —, la nuit s’est épaissie, qui ne laissera saufs que ceux qui se confient en Dieu Sauveur seul.

C’est la nuit de la croix qui s’avance en ce soir du jeudi saint où Jésus et ses disciples commémorent, actualisent, à l’instar de tout juif, la nuit de la liberté. S’avance la Pâque de la libération de la mort, Pâque de la liberté et de la pureté de la résurrection.

Déjà, aujourd’hui, « vous êtes purs », a annoncé Jésus à ses disciples… Alors qu’il vient de laver les pieds de Pierre tentant de protester : « Ce que je fais, tu ne le comprends pas maintenant, mais tu le comprendras bientôt », lui dit Jésus (v. 7). Puis, v. 10, « Celui qui est lavé n’a besoin que de se laver les pieds pour être entièrement pur ; et vous êtes purs ».

Et, v. 12, « Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ? » On est au dernier repas au cours duquel les autres Évangiles donnent l’institution de la Cène eucharistique. Paul donnera aux Corinthiens la même leçon, celle de Jésus — « c’est un exemple que je vous ai donné », avait dit Jésus —, Paul parlant dans un reproche du retard du Royaume : « lorsque vous vous réunissez, ce n’est pas pour partager le repas du Seigneur ; chacun mange pour lui, l’un a faim, l’autre est ivre » (1 Co 11, 20-21). « Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ? » avait demandé Jésus.

« Faites ceci en mémoire de moi ("comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ?"). […] Car toutes les fois que vous mangez de ce pain et que vous buvez de cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11, 24-26). Jusqu’à ce que « ce que j’ai fait pour vous » soit devenu la loi de tous, ce cœur de l’enseignement de la loi de liberté comme sortie du pays des exiguïtés, jusque là, la Pâque n’est pas complète, l’histoire est encore dans la nuit.


RP, 09.04.2020
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