lundi 11 février 2013

Pain multiplié pour le peuple



Luc 9, 10-17
10 Les apôtres, étant de retour, racontèrent à Jésus tout ce qu’ils avaient fait. Il les prit avec lui, et se retira à l’écart, du côté d’une ville appelée Bethsaïda.
11 Les foules, l’ayant su, le suivirent. Jésus les accueillit, et il leur parlait du royaume de Dieu ; il guérit aussi ceux qui avaient besoin d’être guéris.
12 Comme le jour commençait à baisser, les douze s’approchèrent, et lui dirent : Renvoie la foule, afin qu’elle aille dans les villages et dans les campagnes des environs, pour se loger et pour trouver des vivres ; car nous sommes ici dans un lieu désert.
13 Jésus leur dit : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Mais ils répondirent : Nous n’avons que cinq pains et deux poissons, à moins que nous n’allions nous-mêmes acheter des vivres pour tout ce peuple.
14 Or, il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : Faites-les asseoir par rangées de cinquante.
15 Ils firent ainsi, ils les firent tous asseoir.
16 Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux vers le ciel, il les bénit. Puis, il les rompit, et les donna aux disciples, afin qu’ils les distribuassent à la foule.
17 Tous mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta douze paniers pleins des morceaux qui restaient.

*

La multiplication des pains, un signe de Jésus repris par chaque évangile, répété une seconde fois dans Mathieu de Marc (on y reviendra la prochaine fois), fait naturellement écho à la prière quotidienne du judaïsme et aux « dix-huit bénédictions » :

Notre pain quotidien, donne-le nous aujourd’hui
Tu nourris les vivants par amour, tu ressuscites les morts par grande miséricorde, tu soutiens
ceux qui tombent, tu guéris les malades et délivres les captifs. Qui est comme toi, Maître des
puissances ?

(2ème bénédiction).
Bénis pour nous, Seigneur notre Dieu, cette année et toutes ses récoltes, pour le bien.
Rassasie-nous de ta bonté.

(9ème bénédiction).

Jésus se présente comme la manifestation du Dieu qui est prié dans ces bénédictions — dont il souligne les implications en termes de responsabilité humaine.

Ce qui renvoie à lui, homme, et signe de l’action de Dieu.

*

Signe du Royaume présent en Jésus alors que déjà le jour baisse (v. 12), comme l’approche du Royaume semble s’éloigner au temps du désert (v. 12) ; comme au lendemain de l’Exode, il s’agit de recevoir le don de Dieu pour le temps de la traversée — après de la mer, apaisée par Jésus peu avant (Luc 8, 22-25) —, traversée du désert dans lequel on se trouve à présent en charge d’une foule qui a faim, de l’autre côté du Jourdain, où se situe Bethsaïda, « maison de la pêche ». Cf. Nombre 11, 5 et le regret des poissons de l’Égypte…

Les disciples inclus dans la mission en vue du Royaume (Lc 9, 1-6) et dans la manifestation du don de Dieu pour son peuple, sont dès lors aussi interrogés par ce geste auquel ils participent, et qui ne peut pas ne pas être perçu en écho, lorsqu’il est relaté dans les évangiles, comme renvoyant au repas du Seigneur.

Avec la question déjà récurrente : quelle signification dans ce signe du Royaume dans un monde divisé, religieusement et socialement, jusqu’au sein de l’Église ?

Cf. 1 Co 11, 17-34 :
17 […] vos réunions, loin de vous faire progresser, vous font du mal. 18 Tout d'abord, lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a parmi vous des divisions, me dit-on, et je crois que c'est en partie vrai : 19 il faut même qu'il y ait des scissions parmi vous afin qu'on voie ceux d'entre vous qui résistent à cette épreuve. 20 Mais quand vous vous réunissez en commun, ce n'est pas le repas du Seigneur que vous prenez. 21 Car, au moment de manger, chacun se hâte de prendre son propre repas, en sorte que l'un a faim, tandis que l'autre est ivre. 22 N'avez-vous donc pas de maisons pour manger et pour boire ? Ou bien méprisez-vous l'Eglise de Dieu et voulez-vous faire affront à ceux qui n'ont rien ? Que vous dire ? Faut-il vous louer ? Non, sur ce point je ne vous loue pas.
23 En effet, voici ce que moi j'ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, 24 et après avoir rendu grâce, il le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi. » 25 Il fit de même pour la coupe, après le repas, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; faites cela, toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi. » 26 Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. 27 C'est pourquoi celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement se rendra coupable envers le corps et le sang du Seigneur. 28 Que chacun s'éprouve soi-même avant de manger ce pain et de boire cette coupe ; 29 car celui qui mange et boit sans discerner le corps mange et boit sa propre condamnation. 30 Voilà pourquoi il y a parmi vous tant de malades et d'infirmes, et qu'un certain nombre sont morts. 31 Si nous nous examinions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés ; 32 mais le Seigneur nous juge pour nous corriger, pour que nous ne soyons pas condamnés avec le monde. 33 Ainsi donc, mes frères, quand vous vous réunissez pour manger, attendez-vous les uns les autres. 34 Si l'on a faim, qu'on mange chez soi, afin que vous ne vous réunissiez pas pour votre condamnation. […]

Nous voilà bien en chemin d’Exode en un temps de dépendance de Dieu pour le pain, un pain d’aujourd’hui auquel Dieu pourvoit, et qui est désormais, en signe, celui de demain (cf. / pain de demain)… Un lendemain auquel Dieu pourvoit aussi, dans le ministère de ses disciples, de l’Église, comme antan par le ministère de Moïse, pour les douze tribus, dans les cinq livres de la Torah (selon Augustin) — il pourvoit à partir du minimum propre à multiplier (deux poissons).


RP
Le pain dans la Bible.

Église réformée de Poitiers.
Étude biblique 2012-2013.
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30.
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30.
5)) 12 & 14 février 13 — Multiplication 1 – Luc 9, 10-17
(Dieu nourrit son peuple)



vendredi 8 février 2013

“Deux grandes institutions de la religion archaïque, les prohibitions et le sacrifice”



Textes du jour : Ps 112, Lév. 18

Psaume 112
1 Louez l’Eternel ! Heureux l’homme qui craint l’Eternel, Qui trouve un grand plaisir à ses commandements.
2 Sa postérité sera puissante sur la terre, La génération des hommes droits sera bénie.
3 Il a dans sa maison bien-être et richesse, Et sa justice subsiste à jamais.
4 La lumière se lève dans les ténèbres pour les hommes droits, Pour celui qui est miséricordieux, compatissant et juste.
5 Heureux l’homme qui exerce la miséricorde et qui prête. Qui règle ses actions d’après la justice.
6 Car il ne chancelle jamais ; La mémoire du juste dure toujours.
7 Il ne craint point les mauvaises nouvelles ; Son cœur est ferme, confiant en l’Eternel.
8 Son cœur est affermi ; il n’a point de crainte, Jusqu’à ce qu’il mette son plaisir à regarder ses adversaires.
9 Il fait des largesses, il donne aux indigents ; Sa justice subsiste à jamais ; Sa tête s’élève avec gloire,
10 Le méchant le voit et s’irrite, Il grince les dents et se consume ; Les désirs des méchants périssent.

*

“Les deux grandes institutions de la religion archaïque, les prohibitions et le sacrifice, ont joué un rôle essentiel dans le passage des sociétés pré-humaines aux sociétés humaines en empêchant précisément les hominidés de se détruire.” (René Girard, Achever Clausewitz, Champs Flammarion, p. 123.)

“L’objet des prohibitions et des sacrifices rituels […] était bien de maintenir la violence en dehors du groupe.” (Ibid.)

“Si l’anthropologie récente cesse de comprendre les prohibitions archaïques, c’est qu’elle ne voit pas qu’elles étaient dirigées contre la violence. On a alors sauté sur la psychanalyse pour dire : ce sont les complexes des législateurs qui ont peur du sexe ! Mais si on considère ces prohibitions on s’aperçoit qu’elles ne sont jamais dirigées contre la sexualité en tant que telle, mais contre les rivalités mimétiques dont la sexualité n’est que l’objet ou l’occasion.” (Ibid., p. 121-122.)

“Les rapports humains, l’humanisme des Lumières les juge stables. (…) Il ne voit pas que la violence est ce qui se développe spontanément entre les hommes lorsqu’ils rivalisent pour un objet.” (René Girard, in Philosophie magazine / hors série nov. 2011)

*

“C’est à bon droit que dans les sectes où la fécondité était tenue en suspicion, chez les Bogomiles et les Cathares, on condamnait le mariage, institution abominable que toutes les sociétés protègent depuis toujours, au grand désespoir de ceux qui ne cèdent pas au vertige commun.” (Cioran, Le mauvais démiurge, nrf, p. 20.)

“Sans son concours [celui du plaisir], la continence, gagnant du terrain, séduirait même les rats.” (Ibid.)

*

Lévitique 18
1 L’Eternel parla à Moïse, et dit:
2 Parle aux enfants d’Israël, et tu leur diras : Je suis l’Eternel, votre Dieu.
3 Vous ne ferez point ce qui se fait dans le pays d’Egypte où vous avez habité, et vous ne ferez point ce qui se fait dans le pays de Canaan où je vous mène : vous ne suivrez point leurs usages.
4 Vous pratiquerez mes ordonnances, et vous observerez mes lois : vous les suivrez. Je suis l’Eternel, votre Dieu.
5 Vous observerez mes lois et mes ordonnances: l’homme qui les mettra en pratique vivra par elles. Je suis l’Eternel.
6 Nul de vous ne s’approchera de sa parente, pour découvrir sa nudité. Je suis l’Eternel.
7 Tu ne découvriras point la nudité de ton père, ni la nudité de ta mère. C’est ta mère : tu ne découvriras point sa nudité.
8 Tu ne découvriras point la nudité de la femme de ton père. C’est la nudité de ton père.


[Etc.]

L’interdit de l’inceste, l’interdit sur les proches, connote aussi le péril de la rivalité :

18 Tu ne prendras point la sœur de ta femme, pour exciter une rivalité, en découvrant sa nudité à côté de ta femme pendant sa vie.
19 Tu ne t’approcheras point d’une femme pendant son impureté menstruelle, pour découvrir sa nudité.
20 Tu n’auras point commerce avec la femme de ton prochain, pour te souiller avec elle.
21 Tu ne livreras aucun de tes enfants pour le faire passer à Moloc, et tu ne profaneras point le nom de ton Dieu. Je suis l’Eternel.

La rivalité débouche sur le bouc émissaire et le sacrifice anarchique.

La sexualité est alors ramenée du désir, toujours en passe de déboucher sur la rivalité, à sa simple dimension procréatrice, et à l’institution matrimoniale qui y est corrélée :

[S’en suit l’interdit sur diverses pratiques sexuelles, dont les relations entre personnes de même sexe - de l'ordre du seul désir (sans visée procréatrice) donc potentiellement chargées avant tout de possibilités de rivalités, et donc de mimétisme : v. 22 Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. […]]

24 Ne vous souillez par aucune de ces choses, car c’est par toutes ces choses que se sont souillées les nations que je vais chasser devant vous.
25 Le pays en a été souillé ; je punirai son iniquité, et le pays vomira ses habitants.
26 Vous observerez donc mes lois et mes ordonnances […].

Apparaît le risque de la destruction, de l’autodestruction.

*

Lévitique 19
1 L’Eternel parla à Moïse, et dit:
2 Parle à toute l’assemblée des enfants d’Israël, et tu leur diras : Soyez saints, car je suis saint, moi, l’Eternel, votre Dieu.
3 Chacun de vous respectera sa mère et son père, et observera mes sabbats. Je suis l’Eternel, votre Dieu.
4 Vous ne vous tournerez point vers les idoles, et vous ne vous ferez point des dieux de fonte.
5 Quand vous offrirez à l’Eternel un sacrifice d’actions de grâces, vous l’offrirez en sorte qu’il soit agréé.


[Etc.]

Le sacrifice régulé est donné comme alternative à l’autodestruction dans la violence. Sacrifice régulé contre le déferlement de la violence contre le bouc émissaire, ou le sacrifice des enfants à Moloc.

Contre la violence, le soin, le regard attentionné envers tous, et notamment les plus faibles…

9 Quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner, et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner.
10 Tu ne cueilleras pas non plus les grappes restées dans ta vigne, et tu ne ramasseras pas les grains qui en seront tombés. Tu abandonneras cela au pauvre et à l’étranger. Je suis l’Eternel, votre Dieu.
11 Vous ne déroberez point, et vous n’userez ni de mensonge ni de tromperie les uns envers les autres.
12 Vous ne jurerez point faussement par mon nom, car tu profanerais le nom de ton Dieu. Je suis l’Eternel.
13 Tu n’opprimeras point ton prochain, et tu ne raviras rien par violence. Tu ne retiendras point jusqu’au lendemain le salaire du mercenaire.
14 Tu ne maudiras point un sourd, et tu ne mettras devant un aveugle rien qui puisse le faire tomber ; car tu auras la crainte de ton Dieu. Je suis l’Eternel.
15 Tu ne commettras point d’iniquité dans tes jugements : tu n’auras point égard à la personne du pauvre, et tu ne favoriseras point la personne du grand, mais tu jugeras ton prochain selon la justice.
16 Tu ne répandras point de calomnies parmi ton peuple. Tu ne t’élèveras point contre le sang de ton prochain. Je suis l’Eternel.
17 Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur ; tu auras soin de reprendre ton prochain, mais tu ne te chargeras point d’un péché à cause de lui.
18 Tu ne te vengeras point, et tu ne garderas point de rancune contre les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Eternel.
19 Vous observerez mes lois. Tu n’accoupleras point des bestiaux de deux espèces différentes ; tu n’ensemenceras point ton champ de deux espèces de semences ; et tu ne porteras pas un vêtement tissé de deux espèces de fils.

Le regard favorable, celui de la réconciliation, en place de la rivalité destructrice.

R.P
Pastorale consistoriale,
Poitiers, 8.02.13

samedi 2 février 2013

Semaine sainte - Pâques



« Il a souffert sous Ponce Pilate, il a été crucifié, il est mort et il a été enseveli, il est descendu au séjour des morts. Le troisième jour il est ressuscité des morts, il est monté aux cieux. Il siège à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, et il viendra de là juger les vivants et les morts. »

« Il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate ; il a souffert ; il a été enseveli ; il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, il est monté aux cieux ; il siège à la droite du Père et il reviendra en gloire juger les vivants et les morts, lui dont le règne n'aura pas de fin ».


Première chose qui frappe à la lecture de cette section des Credo : l’insistance à affirmer que Jésus est vraiment mort, qu’il y a là une réalité de histoire. Ponce Pilate, personnage historique est mentionné ici, comme repère vérifiable que cette mort est réellement advenue, chose invraisemblable, en pendant à sa naissance — sa mère aussi est mentionnée, en pendant à Ponce Pilate — mais ici, avec la mort, la chose est plus invraisemblable encore.

Très tôt dans l’Eglise primitive on a été tenté de mettre en question la mort de Jésus d’une façon ou d’une autre, jusqu’à lui trouver un remplaçant sur la croix ! — ainsi, par exemple, Simon de Cyrène de Basilide, selon Irénée de Lyon (Adversus Haereses, I, xxiv, 4).

Pourquoi cette insistance sur la mort réelle du Christ ? — souffrance / sous Ponce Pilate, crucifixion, mort, ensevelissement, séjour des morts. C’est qu’on est au cœur du choc que représente la foi chrétienne : le Christ crucifié. Ce que Paul souligne comme scandale pour la raison (1 Corinthiens 1, 18 – 2, 8) : « la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent […]sagesse qu’aucun des chefs de ce siècle n’a connue, car, s’ils l’eussent connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. »

La scandale s’est depuis déplacé, à l’époque moderne, vers la difficulté à recevoir un monde suprasensible. La dimension suprasensible des choses est toutefois à nouveau plus ou moins accessible grâce aux travaux de Jung ou de Henry Corbin.

Dans l’Antiquité, ce n’est pas la réalité du monde suprasensible qui pose problème pour la raison, mais sa coïncidence avec l’histoire — et pire que tout, avec la mort comme phénomène de cessation de l’être et comme humiliation / réduction à l’humilité radicale : réduit à rien.

La messianité de Jésus est donc un paradoxe, que souligne à l’envi, outre 1 Corinthiens 1 & 2, l’hymne de Philippiens 2 — tandis que l’Evangile de Jean transfigure le paradoxe en lisant la mort de Jésus — mort particulièrement humiliante dans l’Antiquité, la croix — comme sa glorification paradoxale.

« Jésus-Christ, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu,
mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ;
et ayant paru comme un simple homme, (2-8) il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix.
C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom,
afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. »
(Philippiens 2, 6-11)

Il est donc, selon les symboles de la foi lisant le Nouveau Testament, réellement mort crucifié, ayant souffert, avant d’être réellement enseveli et, précise le symbole des Apôtres, être « descendu au séjour des morts » — littéralement (inferos) —, plutôt qu’enfers (inferna).

Cela dit, le texte de 1 Pierre 3, 18-20 est évoqué, qui parle de dimension spirituelle de sa descente au séjour des morts comme enfers — allusion au Tartare (2 Pierre 2, 4) — où son enchaînés les divinités / anges rebelles.

Si Calvin lit ce texte — la descente au séjour des morts — comme parlant de la souffrance du Christ à Gethsémani, Luther y voit le moment initial du triomphe du Christ sur la mort, et donc le moment initial de sa résurrection.

Sa résurrection est alors la manifestation à la foi des disciples de sa mort comme triomphe sur la mort — pour un règne ainsi déployé comme règne on ne peut plus universel : il est monté au ciel, il siège à la droite du Père tout-puissant qui lui a remis le jugement de toutes choses et un règne sans fin (Nicée-Constantinople).

La mort et la résurrection de Jésus sont alors comme « télescopées » : le Crucifié et le Ressuscité devenant quasiment synonymes. La mort du Christ est sa glorification.

« Père, glorifie ton nom ! Et une voix vint du ciel : Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore.
[…]
Jésus dit : Ce n’est pas à cause de moi que cette voix s’est fait entendre ; c’est à cause de vous.
Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors.
Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi.
En parlant ainsi, il indiquait de quelle mort il devait mourir. »
(Jean 12, 28-33)

On est au cœur du paradoxe de la foi chrétienne : le culte d’un crucifié comme celui qui déploie la présence de Dieu, attestée par son relèvement d’entre les morts.


R.P.
Une lecture protestante des Credo.

Église réformée de Poitiers.
Catéchisme pour adultes.
2012-2013.
Chaque 3e mardi du mois à 20 h 30.
4) 5 février 2013 — Semaine sainte - Pâques