samedi 9 mars 2019

Esclavage et liberté




Galates 4, 1-31 | (future) nouvelle TOB
1 Or je dis : aussi longtemps que l’héritier est un enfant, il ne diffère en rien d’un esclave, alors qu’il est maître de tout ; 2 il est soumis à des gardiens et à des intendants jusqu’à la date fixée par son père. 3 Et nous de même, quand nous étions des enfants, nous étions esclaves, soumis aux éléments du monde. 4 Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme, né sous la loi, 5 afin de racheter ceux qui sont sous la loi, afin que nous recevions l’adoption filiale. 6 Fils vous l’êtes bien : Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : ‘Abba - Père’. 7 Tu n’es donc plus esclave mais fils, et si tu es fils, tu es aussi héritier, du fait de Dieu.

8 Jadis, quand vous ne connaissiez pas Dieu, vous serviez comme esclaves des dieux qui, par nature, ne le sont pas. 9 Mais maintenant que vous connaissez Dieu, ou plutôt que vous êtes connus de lui, comment pouvez-vous retourner encore à des éléments faibles et pauvres que vous voulez de nouveau servir comme esclaves ? 10 Vous observez religieusement des jours, des mois, des saisons, des années. 11 Vous me faites craindre d’avoir peiné pour vous en vain.

12 Devenez comme moi, puisque moi aussi je suis devenu comme vous, frères, je vous en prie, vous ne m’avez fait aucun tort. 13 Vous le savez bien : ce fut à l’occasion d’une maladie que je vous ai annoncé la bonne nouvelle pour la première fois. 14 Et si éprouvante que fût pour vous ma chair vous ne m’avez montré ni dédain, ni dégoût. Au contraire, vous m’avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. 15 Où est donc passé votre bonheur ? Car je vous rends ce témoignage que, si vous aviez pu, vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner. 16 Suis-je donc devenu votre ennemi, parce que je vous dis la vérité ?
17 L’empressement qu’ils vous manifestent n’est pas bon ; en vérité ils veulent vous détacher de moi afin de devenir eux-mêmes l’objet de votre empressement. 18 Il est bon de se voir manifester un empressement bien intentionné en tout temps, et pas seulement quand je suis présent auprès de vous. 19 Mes petits-enfants, que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous, 20 oui, je voudrais être présent auprès de vous en ce moment et changer de ton, car je suis dans l’embarras à votre sujet.

21 Dites-moi, vous qui voulez être soumis à la loi, n’entendez-vous pas la loi ? 22 Car il est écrit qu’Abraham eut deux fils : l’un de la servante et l’autre de la femme libre. 23 Mais, celui de la servante est né selon la chair, tandis que celui de la femme libre l’est par une promesse. 24 Il y a là une allégorie, ces femmes sont en effet deux alliances. L’une, celle qui vient du mont Sinaï, engendre pour l’esclavage : c’est Agar, 25 – Agar, c’est le mont Sinaï en Arabie –, et elle correspond à la Jérusalem actuelle, puisqu’elle sert comme esclave avec ses enfants.
26 Mais la Jérusalem d’en haut est libre, et c’est elle qui est notre mère, 27 car il est écrit :
Réjouis-toi, stérile, toi qui n’enfantais pas,
éclate en cris de joie, toi qui n’as pas connu les douleurs de l’enfantement ;
car plus nombreux sont les enfants de la délaissée que les enfants de celle qui a un époux.

28 Et, vous, frères, comme Isaac, vous êtes enfants de la promesse. 29 Mais de même qu’ alors celui qui était né selon la chair persécutait celui qui était né selon l’Esprit, ainsi en est-il encore maintenant. 30 Or, que dit l’Écriture ? Chasse la servante et son fils, car il ne faut pas que le fils de la servante hérite avec le fils de la femme libre. 31 Ainsi donc, frères, nous ne sommes pas les enfants d’une esclave, mais ceux de la femme libre.

* * *

Notes de la (future) nouvelle TOB — comme entrée à notre prochaine réflexion (surligné en gris un passage/commentaire problématique) :

4, 2 Paul évoque ici une règle du droit hellénistique : c’est le père qui déterminait l’âge de la majorité.
4, 3 Les éléments du monde sont mentionnés aussi en 4, 9, et en Col 2, 8.20. Selon la conception des anciens, les éléments matériels dont l’univers était constitué étaient des puissances à l’œuvre dans le monde, qui dominaient les êtres humains. Selon Paul, la religion gréco-romaine asservissait les humains aux forces cosmiques qu’elle divinisait. Faut-il penser aussi à l’importance donnée aux anges dans le judaïsme de l’époque qui leur attribuait le gouvernement subalterne du monde matériel et notamment des astres ? De façon polémique, Paul met sur le même plan les rites de la religion hellénistique et les rites juifs que certains prédicateurs tentaient d’imposer aux Galates convertis. En effet, les rites païens expriment une dépendance de l’être humain vis-à-vis des forces de la nature qui sont des créatures, alors que le croyant ne doit dépendre que du Dieu créateur, dont il est devenu le fils ou la fille, grâce au Christ.
4, 4 Dieu, tout au long de l’histoire, prépare le salut de l’humanité. L’image est celle d’une « plénitude du temps », d’une époque arrivant à son terme, comme celle d’un fruit porté à maturité. Par Jésus, Dieu donne son plein épanouissement à ce salut : lorsqu’il vient, les temps sont remplis, accomplis. Paul évoque la pleine humanité du « Fils envoyé par Dieu », né d’une femme, né sous la loi (litt. devenu d’une femme, devenu sous la loi). S’il vient ainsi vivre et mourir dans la chair, c’est que Dieu l’envoie pour triompher du péché et nous réconcilier avec lui ; ce faisant, il manifeste que la loi s’est condamnée elle-même en le condamnant à mort [?!] (Rm 6, 14). Elle n’a plus de prise sur ceux que l’Esprit fait vivre d’une vie nouvelle, celle du Fils de Dieu (voir 5, 18 ; Rm 6, 14). L’image de l’adoption prend la place de celle de la majorité légale pour exprimer la nouvelle condition de tous les croyants (le « nous » est inclusif) : il les fait participer à la vie du Fils unique de Dieu, en faisant d’eux des fils et des filles (voir 3, 13 ; Rm 8, 15).
4, 6 L’Esprit, qui est l’Esprit du Fils, confirme au croyant, au plus profond de son être, sa condition de fils ou de fille de Dieu et sa vie nouvelle (voir 1, 16). Il fait surgir de leur cœur l’invocation qui était celle de Jésus lui-même : « Abba, Père » (cf. Mt 14, 36).
4, 8 Dieu ne se confond avec aucune puissance, même invisible, du monde créé. La révélation de Dieu libère donc l’être humain de ces puissances qu’il est toujours tenté de diviniser. Voir Gn 1.
4, 9 Dans le langage biblique, la connaissance est une relation concrète, personnelle, intime. Paul veut dire que l’initiative de cette relation ne peut venir que de Dieu : les êtres humains ne le connaissent que parce qu’il les a aimés le premier (voir 1 Co 8, 3).
4, 10 Il est possible que Paul récuse d’un bloc la nécessité des fêtes juives en même temps que le rite du Sabbat pour les croyants venus du paganisme. Mais s’agit-il vraiment des fêtes juives ? Paul ne fait-il pas plutôt allusion à des rites d’origine pagano-helléniste en relation avec le culte des astres ? Il se pourrait que Paul ait affaire à des erreurs analogues à celles que combattra l’auteur de la lettre aux Colossiens quelques décennies plus tard (Col 2, 16-23).
4, 12 Paul imite le Seigneur qui a partagé la condition humaine, marquée par le péché, pour sauver tous les êtres humains. Il se fait tout à tous et se rend semblable à ceux à qui il annonce la « Bonne Nouvelle ». En l’occurrence il a vécu en non-Juif auprès des Galates. Voir 1 Co 9, 20-22. Si les Galates ont cherché d’autres modèles, ce n’est pas à Paul qu’ils ont fait du tort, mais à eux-mêmes.
4, 14 montré du dégoût : litt. craché. Un geste superstitieux par lequel on croit se mettre à l’abri des suites d’une mauvaise rencontre, notamment de certains malades. La maladie de Paul aurait dû éloigner les Galates de lui. Ce n’est donc pas la personne de Paul qui a attaché les Galates à la vérité de l’Évangile, mais la vérité de l’Évangile qui les a attachés à Paul. Pourquoi cette même vérité les opposerait-elle maintenant à lui ? À cause de ceux qui pervertissent l’Évangile et veulent accaparer l’affection des Galates ; comme Paul le dira en conclusion (6, 13), ils ne cherchent que leur propre gloire devant le forum du monde. Paul n’a pas été accueilli seulement comme un messager ou un ange de Dieu (en grec ange veut dire messager), voir Ga 1, 8. Il a été celui en la faiblesse de qui le Crucifié s’est révélé vivant pour eux, voir 1 Co 2, 3-5 ; 2 Co 4, 10-12.
4, 19 Voir 1 Co 4, 15. L’image ici est celle d’une naissance à la vie nouvelle ; elle se fait par « conformation » ou « configuration » au Christ serviteur (voir Ph 3, 21 ; Rm 12, 2). Les Galates doivent à Paul de vivre de la vie du Christ (2, 20), parce qu’il leur a annoncé l’Évangile, et qu’il souffre maintenant les douleurs de l’accouchement pour en maintenir la vérité (voir 2 Co 4, 10 ; Col 1, 24-25).
4, 21 Dans ce verset, Paul joue sur deux sens différents du mot loi : d’abord le régime de la loi, mode de vie dans l’obéissance à la loi qui prescrit (et notamment à la loi du Sinaï) ; puis la loi au sens des récits qui annoncent et promettent le dessein de Dieu. À ceux qui veulent suivre les prescriptions de la loi à la lettre, Paul demande de comprendre la vérité qu’elle leur révèle.
4, 24 allégorie, litt. ces choses sont dites-sous-une-autre-forme. Il ne s’agit pas d’une démonstration logique, mais d’un récit à interpréter à un second niveau de sens. Être fils d’Abraham selon la chair, comme le fils d’Agar, laisse l’être humain dans l’esclavage d’une alliance qui ne peut libérer de l’emprise du péché sur la chair ; être fils d’Abraham selon la promesse, comme Isaac, libère et fait vivre selon l’Esprit. Le parallèle porte également sur la ville où vivre : d’un côté le mont Sinaï où la loi fut donnée et la Jérusalem actuelle où elle est pratiquée, de l’autre la Jérusalem d’en haut qui donne accès à la liberté des enfants de Dieu et à l’héritage du Royaume futur. Voir 3, 18. 29 ; 5, 21 ; 6, 8. La démarche de la pensée est difficile à suivre. Paul veut opposer dans la descendance d’Abraham, la possibilité d’une filiation selon la chair qui ne peut conduire qu’à l’esclavage, et la possibilité d’une descendance selon la promesse et l’Esprit qui permet de vivre en fils. Même s’il paraît ouvrir la porte à une lecture scandaleuse qui fait de ceux qui relèvent de la loi (les Juifs) des descendants d’Agar, tandis que les croyants seraient les descendants d’Abraham, le texte doit être lu « sous une autre forme » (allègoroumena), et le lecteur est invité à comprendre que tous les descendants d’Abraham doivent d’une façon ou d’une autre passer d’un état d’esclavage lié au pouvoir du péché sur la chair, à un état de liberté et de filiation qui est la vie selon l’Esprit.
4, 26 L’association allégorique des femmes à la Jérusalem d’en haut et à la Jérusalem d’en bas s’appuie sur Es 54, 1. Selon la tradition juive, le bouleversement eschatologique que Jérusalem va connaître est pareil à celui de Sara passant de la stérilité à la fécondité. Dans la mystique juive à l’époque de Paul et par la suite, la vision des deux Jérusalem est présente, avec la prévalence de la Jérusalem d’en haut, trône et temple de Dieu. Mais le Talmud garde le souci de ne pas dissocier la Jérusalem d’en haut et celle d’en bas dans l’espérance eschatologique (TB, Taanît 5a).
4, 30 Cf. Gn 21, 10.


RP
Épître de Paul aux Galates

Église protestante unie de France / Poitiers
Étude biblique 2018-2019
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
6) 12 & 14 mars — Esclavage et liberté. Ch. 4


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