lundi 17 novembre 2014

Le Préexistant




Le Christ, le Ressuscité — « premier né d'entre les morts » (Col 1, 18) — est reçu dans le Nouveau Testament comme préexistant, c'est-à-dire comme existant avant ce temps, avant la Création du monde — « tout a été créé par lui, dans les cieux et sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles » (Col 1, 16).

Colossiens 1
15 Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toute création ;
16 car c'est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, le visible et l'invisible, trônes, seigneuries, principats, autorités ; tout a été créé par lui et pour lui ;
17 lui, il est avant tout, et c'est en lui que tout se tient ;
18 lui, il est la tête du corps — qui est l’Église. Il est le commencement, le premier-né d'entre les morts, afin d'être en tout le premier.
19 Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude
20 et, par lui, de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.



Le Prologue de Jean le reçoit comme la Parole créatrice de la Genèse en vis-à-vis de Dieu — parallèle à « l’image de Dieu » de l’épître aux Colossiens (v.1). Le grec reprend les mots de la Bible de LXX dans les Genèse : en arkhe — au commencement —, logos — parole, raison — pour parler de la précédence de cette parole par rapport au temps : « la Parole était Dieu », Le symbole de Nicée-Constantinople rendra cette affirmation par « de même essence » que le Père.

Jean 1
1 Au commencement était la Parole ; la Parole était auprès de Dieu ; la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement auprès de Dieu.
3 Tout est venu à l'existence par elle, et rien n'est venu à l'existence sans elle. Ce qui est venu à l'existence
4 en elle était vie, et la vie était la lumière des humains.
5 La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres n'ont pas pu la saisir.
[...]
9 La Parole était la vraie lumière, celle qui éclaire tout humain ; elle venait dans le monde.
10 Elle était dans le monde, et le monde est venu à l'existence par elle, mais le monde ne l'a jamais connue.
11 Elle est venue chez elle, et les siens ne l'ont pas accueillie ;
12 mais à tous ceux qui l'ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu — à ceux qui mettent leur foi en son nom.
13 Ceux-là sont nés, non pas du sang, ni d'une volonté de chair, ni d'une volonté d'homme, mais de Dieu.
14 La Parole est devenue chair ; elle a fait sa demeure parmi nous, et nous avons vu sa gloire, une gloire de Fils unique issu du Père ; elle était pleine de grâce et de vérité.



Selon le même évangile de Jean, Jésus affirme sa propre éternité préexistante : « Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, je suis. » (Jean 8, 58)

Le « devenir chair » (Jn 1, 14) de cette parole rejoint la notion de préexistence du Ressuscité de l'épître aux Colossiens, le Ressuscité étant celui qui a pris chair dans le temps. Cela renvoie à l'idée de préexistence telle qu'elle est connue par ailleurs à l'époque du Nouveau Testament, relevant d'un enracinement de la créature dans la pensée de Dieu avant qu'elle ne soit produite dans notre temps. C'est ainsi que la parole éternelle et incréée, image éternelle de Dieu créatrice de toutes choses, est déjà manifestée avant le temps comme « premier-né de toute création » (Col 1, 15) : cela est dévoilé dans la résurrection, qui parle donc aussi, outre sa préexistence éternel, comme Dieu auprès de Dieu, d'une préexistence du Christ comme appelé à devenir chair, comme créature humaine donc.


Ce monde préexistant où il es question de Fils de l'Homme qui est dans les cieux — auquel le Christ est identifié dans le Nouveau Testament — apparaît dans la Bible hébraïque, notamment au livre de Daniel (cf. aussi Ezéchiel). (Cf. Daniel Boyarin, Le Christ juif, éd. du Cerf, 2013))

Daniel 10
5 Levant les yeux, je vis un homme vêtu de lin avec une ceinture d'or d'Ouphaz autour des reins.
6 Son corps était comme de chrysolithe, son visage comme l'aspect de l'éclair, ses yeux comme un feu flamboyant, ses bras et ses jambes comme l'éclat du bronze poli, et sa voix comme un tumulte.
7 Moi, Daniel, je vis seul la vision ; les hommes qui étaient avec moi ne virent pas la vision, mais ils furent saisis d'une grande frayeur et s'enfuirent pour se cacher.
8 Je restai, moi seul, et je vis cette grande vision ; les forces me manquèrent, mon visage pâlit et fut décomposé, et je n'eus plus aucune force.
9 J'entendis sa voix ; et comme j'entendais sa voix, je fus frappé de torpeur, face contre terre.
10 Alors une main me toucha et me mit, tout tremblant, sur mes genoux et sur mes mains.
11 Puis il me dit : Daniel, homme bien-aimé, sois attentif aux paroles que je vais te dire, et tiens-toi debout à la place où tu es ; car je suis maintenant envoyé vers toi. Lorsqu’il m’eut ainsi parlé, je me tins debout en tremblant.
12 Il me dit : Daniel, ne crains rien ; car dès le premier jour où tu as eu à cœur de comprendre, et de t’humilier devant ton Dieu, tes paroles ont été entendues, et c’est à cause de tes paroles que je viens.
13 Le chef du royaume de Perse m’a résisté vingt et un jours ; mais voici, Micaël, l’un des principaux chefs, est venu à mon secours, et je suis demeuré là auprès des rois de Perse.
14 Je viens maintenant pour te faire connaître ce qui doit arriver à ton peuple dans la suite des temps ; car la vision concerne encore ces temps-là.
15 Tandis qu’il m’adressait ces paroles, je dirigeai mes regards vers la terre, et je gardai le silence.
16 Et voici, quelqu’un qui avait l’apparence des fils de l’homme toucha mes lèvres. J’ouvris la bouche, je parlai, et je dis à celui qui se tenait devant moi : Mon seigneur, la vision m’a rempli d’effroi, et j’ai perdu toute vigueur.



Apparaît ici un monde préexistant... un monde angélique dont participe l'humain et notamment cette figure du Fils de l'Homme auquel Jésus s'identifie dans le Nouveau Testament. L’Apocalypse suggère cette préexistence jusqu'en toute la réalité de son vécu dans le temps, envisageant l'éternité de l'événement de la croix, proche de ce que l’apparition du Ressuscité à Thomas (Jean 20), nous en montre les plaies. Selon une lecture possible du texte, « l'agneau de Dieu » est « immolé depuis la fondation du monde ».

Apocalypse 13, 8
Tous les habitants de la terre, ceux dont le nom n'a pas été inscrit sur le livre de la vie de l'agneau immolé depuis la fondation du monde, se prosterneront devant elle [la bête].


La théologie chrétienne de l'Antiquité — avec notamment le théologien Origène (IIe IIIe s.) — , rejoignant une idée juive et grecque, considère que tous les êtres humains participent de cette préexistence comme créatures. Cette théologie trouve des enracinements possibles dans le Nouveau Testament.

Romains 8
29 Ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi destinés d'avance à être configurés à l'image de son Fils, pour qu'il soit le premier-né d'une multitude de frères.
30 Et ceux qu'il a destinés d'avance, il les a aussi appelés ; ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.


Éphésiens 1
4 Avant la création du monde, Dieu nous a choisis dans le Christ pour que nous soyons saints et sans défaut devant ses yeux. Dieu nous aime
5 et, depuis toujours, il a voulu que nous devenions ses fils par Jésus-Christ. Il a voulu cela dans sa bonté.



Ici, le Christ préexistant auquel nous sommes assimilés par la foi nous fait accéder au statut de créatures préexistant avant la Création du monde dans la pensée de Dieu.


RP
« Qui dites-vous que je suis ? »
Un parcours non-exhaustif de la perception de Jésus


Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2014-2015
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
2) 18 et 20 novembre - Le Préexistant (PDF)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire