lundi 20 avril 2015

Parole devenue chair




Jésus se présente lui-même en des termes comme « avant qu’Abraham fut, Je suis » (Jean 8, 58), ce qui renvoie à l'éternité divine via la revendication de la révélation du buisson ardent (Exode 3) ! ce qui revient à revendiquer ispo facto les attributs de Dieu. Éternité donc : « Je suis » ; présence universelle, selon la promesse contenue dans ce titre : je suis celui qui serai – avec vous, avec toi. Omniprésence, donc… impliquant une « absence de changement ou d'ombre de variation » (Jacques 1). Bref via ce titre, les attributs divins sont revendiqués et attribués à Jésus. Jusqu'à l’omnipotence dans l’Apocalypse – Pantocrator, traduisant « Dieu des Armées » du livre d'Esaïe.

Jésus est « le reflet et l’expression de la substance / hypostasis » de Dieu (Hébreux 1, 3) – « substance », c'est-à-dire ce que se tient en dessous, en dessous de ce Nom : Dieu – ; et à ce titre, reflet, vis-à-vis et expression de ce qui se tient dessous de ce Nom, il est le soutien de toutes choses – par sa Parole. Il est dévoilé comme celui qu'il est – susbtance du Nom.

Hé 1, 5-6 : « auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit : Tu es mon Fils, Je t’ai engendré aujourd’hui ? Et encore : Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils ? Et lorsqu’il introduit de nouveau dans le monde le premier-né, il dit : Que tous les anges de Dieu l’adorent ! » Engendrement éternel qui renvoie aux origines, avant la fondation du monde (cf. Col 1 & Jn 1) ; qui se signifie dans l'Incarnation (cf. Jn 1) temps de la conception et de la naissance du Christ – homme donc - ; et qui se scelle dans sa résurrection.

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Et voilà que cet homme apparaît... comme homme donc, et dans une faiblesse qui va jusqu'à être celle d'un crucifié, cloué sur la croix où il meurt, réduit à une humilité telle que Paul peut dire qu'il a été jusqu'à être fait péché, au cœur de la déchéance de l'humanité concrète : « celui qui n'a point connu le péché, il l'a fait (devenir) péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » (2 Co 5, 21).

Voilà des versets scandaleusement troublants (le Christ tenté comme nous – Hé 2, 18), et une approche, celle de ce ch. 2 de l’Épître aux Hébreux, qui dit toute la radicalité scandaleuse (comme la crucifixion est scandale – 1 Co 1 & 2) de la prière de Jésus au Gethsémané. Insistant sur le fait que le Christ n'a en aucun cas péché ! (4, 15), l’Épître aux Hébreux n'en souligne pas moins la radicale humanité du Christ.

Au point que l'on pourrait presque se demander si le ch. 2 ne contredit pas le v. 15 du ch. 4 (« sans pécher ») ! Que signifie cette « tentation » qui a été la sienne ? Aurait-il conçu l’intention de pécher – mais cela est déjà pécher ! (Cf. Mt. 6), même si finalement il a résisté à la tentation... La prière de Jésus au Gethsémané – « que soit faite ta volonté et non la mienne » – qu'assume donc ici l’Épître Aux Hébreux, va jusqu'à recevoir ce que l’orthodoxie entérinera en 681 (au IIIe concile de Constantinople) en utilisant ces mêmes versets du Getsémané pour refuser le « monothélisme » (l'idée qu'il n'y aurait qu'une seule volonté en Christ) et pour poser le dogme (orthodoxe) qui donne deux volontés en Christ : le Christ est doté de sa volonté propre, qui n'est pas celle du Père, ni même celle de la divinité en Christ, mais celle du Christ homme.

Ainsi, sachant qu'une part de ce monde est déchéance et fruit de déchéance, la participation du Christ à la Création — « pour notre salut » — est participation mystérieuse au monde de la déchéance, ce qui se signifie en ce que le Christ est doté, outre la volonté divine incréée, d'une volonté créée, forcément distincte de la volonté divine. Une pleine humanité donc, qui le conduit à une prière dans laquelle apparaît une lutte jusqu’à l’obéissance à Dieu pour recevoir une mort à laquelle il voudrait toutefois échapper, et donc une volonté du Christ qui se sépare, quant à son souhait, de la volonté du Père !

Cela correspond, dans les termes les plus tragiques, vécus dans toue leur intensité, à ce que dit 1 Corinthiens 5, 21 : « il a été fait péché pour nous » — sans pour autant commettre le péché, pas même en intention, mais selon l'ordre de sa participation à cette Création de péché — participation dont la marque est une volonté propre, dans la chair, et dans la volonté. Au point que lui qui n'a pas péché, prie avec nous les Psaumes portant nos confessions de péché et le Notre Père, demandant notre pardon. Solidarité totale avec nous : laisse faire ce qui est juste dit-il à Jean le Baptiste (Mt 3, 15) auquel il vient pour recevoir un baptême de repentance !

C'est ainsi que selon l’Épître Aux Hébreux, Jésus Christ est « élevé à la perfection par les souffrances » et devient pour les hommes (inscrits ainsi dans la postérité d’Abraham — Hé 2, 16) « le Prince de leur salut » : en soumettant sa volonté distincte de celle du Père (« que soit faite ta volonté et non la mienne ») ; ayant « appris, bien qu’il fût Fils, l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » (Hé 5, 8).

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La question est alors celle des conséquences de cet enseignement du Nouveau Testament quant à l’articulation de l'humanité et de la divinité selon les mots « pleinement Dieu, pleinement homme » qu'ont donnés les conciles comme résumé/exégèse de ce que dit le Nouveau Testament…

Quelle est cette folie de Dieu dont parle Paul aux Corinthiens, cette folie qui va jusqu'à faire dire à la première épître de Jean que « Dieu est amour » ?


RP
« Qui dites-vous que je suis ? »
Un parcours non-exhaustif de la perception de Jésus


Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2014-2015
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
7) 21 & 23 avril 2015 - Les articulations divinité-humanité (PDF)


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