mercredi 21 octobre 2009

Le Qohéleth et la mort




Mais d’abord, quel est ce livre — Qoheleth ?

L'Ecclésiaste (traduction grecque de l'hébreu קהלת, Qoheleth), est un livre de la Bible hébraïque, faisant partie de la série des Autres Écrits, présent dans tous les canons.

La Bible hébraïque se compose de trois parties:
la Loi (ou Torah) contenant cinq documents: la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome;
les Prophètes (ou Nebiim), comprenant huit documents: Josué, Juges, Samuel, Rois, Esaïe, Jérémie, Ezéchiel et les Douze petits prophètes;
et les (autres) Écrits (ou Ketoubim).
Abréviation de Torah, Nebiim, Ketoubim : Tanakh

Les Écrits, (Ketoubim), comportent onze livres :
- trois livres poétiques: les Psaumes, les Proverbes et Job,
- trois autres écrits: Daniel, Esdras-Néhémie, les Chroniques,
- les cinq Rouleaux (ou Meguillôth ou Volumes), qui sont les cinq textes les plus brefs de l'ensemble des Écrits et qui sont regroupés dans un ordre liturgique, celui de leur lecture tout au long de l'année dans la prière synagogale, à savoir :
le Cantique des Cantiques,
lu pour la Pâque; Ruth, lu à la fête des Semaines (ou Pentecôte) ;
les Lamentations, lu le jour anniversaire de la destruction du Temple de Jérusalem) ;
Qohéleth (ou l'Ecclésiaste), lu à la fête de Souccoth ;
et Esther, lu à la fête des Pourim ou des Sorts.

La tradition juive dit du roi Salomon qu'il écrivit trois livres: le Cantique des Cantiques, car lorsqu'un homme est jeune, il chante des chansons; les Proverbes, car lorsqu'un homme devient adulte, il façonne des proverbes; et l'Ecclésiaste, car lorsqu'un homme devient vieux, il chante la vanité et l'insignifiance de toute chose.



Le terme hébraïque קהלת, Qoheleth, est construit sur la racine קהל, désignant dans la Torah le peuple au désert et, comme verbe, "rassembler". קהלת est donc plus probablement un titre qu'un nom, référant à un "rassembleur".
L'intitulé français du livre, Ecclésiaste, vient de la traduction de la Septante de Qoheleth par Εκκλησιαστής. Ce mot tire ses origines du grec Εκκλησία (à la base, un "rassemblement" sans connotation religieuse, bien que plus tard utilisé pour cet usage en priorité, d'où le rendu par église dans le Nouveau Testament).
Le terme Qoheleth a cependant été également traduit en anglais par the Preacher (le prédicateur) dans la Bible "King James" (d'après le terme latin concionator de saint Jérôme, suivi également par der Prediger de Martin Luther). Le terme prédicateur ou prêcheur (qui est un synonyme plus ancien) impliquant une fonction religieuse, et le livre ne reflétant pas une telle fonction, elle est tombée en désuétude. Une meilleure option serait professeur (au sens étymologique du terme), bien que cela ne restitue pas parfaitement l'idée fondamentale du titre hébreu.


L'auteur se présente en tant que "Qoheleth", fils de David, et roi d'Israël à Jérusalem (1:1, 12, 16; 2:7, 9), sans se citer nommément. La fin du livre lui attribue également la rédaction de proverbes. Il est traditionnellement identifié à Salomon : dans les deux premiers chapitres, l'auteur se décrit comme le fils de David et roi d'Israël à Jérusalem, un philosophe au sein d'une cour de gens brillants. Ces indices ne peuvent pointer que vers le Roi Salomon, car ses successeurs à Jérusalem ne régnèrent plus que sur Juda. En conséquence, tant la tradition rabbinique que les premiers Chrétiens attribuaient l'Ecclésiaste au Roi Salomon.

Mais le livre se trouve dans les Ketouvim, ce qui pourrait placer le livre dans les derniers jours des écrits canoniques : son attribution à Salomon a été abandonnée par la plupart des critiques modernes, qui pensent actuellement que Qoheleth est le fruit d'une tradition pseudo-épigraphique, voulant donner du poids à un nouveau livre en l'attribuant à la bouche d'un Sage bien connu et respecté. Le point de vue le plus courant de la critique moderne est que l'Ecclésiaste fut écrit aux alentours de 250 avant Jésus Christ par un intellectuel appartenant au milieu du Second Temple de Jérusalem. La dernière date de rédaction possible est déterminée par le fait que Ben Sirakh le cite ou le paraphrase de façon répétée et ce plutôt comme un écrit canonique que contemporain. (Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ecclésiaste)

Tout cela peut induire bien des hypothèses et retours sur hypothèses, tout étant "vanité et poursuite du vent"...



La mort et l’ici-bas :

Ecclésiaste 9, 2-10 :
2 Tout arrive également à tous :
même sort pour le juste et pour le méchant,
pour le bon,
pour le pur et pour l'impur,
pour celui qui sacrifie et pour celui qui ne sacrifie pas ;
il en est du bon comme du pécheur,
de celui qui prête serment comme de celui qui craint le serment.
3 Voici un mal parmi tout ce qui se fait sous le soleil : c'est qu'il y a pour tous un même sort ; aussi le cœur des humains est rempli de mal, et la démence est dans leur cœur pendant leur vie ; et après... chez les morts !
4 En effet, celui qui est associé à tous les vivants peut avoir confiance ;
un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort.
5 Les vivants, en effet, savent qu'ils mourront ;
mais les morts ne savent rien ;
pour eux il n'y a plus de salaire,
puisque leur souvenir est oublié.
6 Leur amour, leur haine et leur passion jalouse ont déjà disparu ;
ils n'auront plus jamais de part à tout ce qui se fait sous le soleil.
Jouir de la vie comme d'un don de Dieu
7 Va, mange ton pain avec joie, et bois ton vin le cœur content : déjà Dieu a agréé tes œuvres.
8 Qu'en tout temps tes vêtements soient blancs,
et que l'huile ne manque pas sur ta tête.
9 Jouis de la vie avec la femme que tu aimes,
pendant tous les jours de la vie futile que Dieu t'a donnée sous le soleil,
pendant tous tes jours futiles ;
car c'est ta part dans la vie et dans le travail que tu fais sous le soleil.
10 Tout ce que ta main trouve à faire, avec ta force, fais-le ;
car il n'y a ni activité, ni raison, ni connaissance, ni sagesse
dans le séjour des morts, où tu vas.


Voir cependant :

Ecclésiaste 3, 11 :
Tout ce qu'il a fait est beau en son temps ; aussi il a mis la durée dans leur cœur, sans que l'être humain puisse trouver l'œuvre que Dieu a faite depuis le commencement jusqu'à la fin.


À suivre…



Une question philosophique : la mort comme évidence, en rapport avec le sens de « la durée » / hébreu : ‘olam ; grec : aion ; latin : saeculum.

La perspective de l’Ecclésiaste (en qui on a vu parfois un livre pré-sadducéen) refuse de tirer de ce sens humain de « la durée », du « tout », de « l’éternité » des conclusions concernant un au-delà de ce temps, un au-delà de la mort.

D’autres auteurs bibliques manifestent d’autres options :

Cf. Daniel 12, 2 :
Une multitude,
qui dort au pays de la poussière,
se réveillera — les uns pour la vie éternelle
et les autres pour le déshonneur, pour une horreur éternelle.

Et à l’arrière plan,

Esaïe 26, 19 :
Que tes morts revivent ! Que mes cadavres se relèvent ! –Réveillez–vous et tressaillez de joie, habitants de la poussière ! Car ta rosée est une rosée vivifiante, Et la terre redonnera le jour aux ombres.

Ezéchiel 37, 12 :
Prophétise donc, et dis-leur : Ainsi parle le Seigneur, l’Eternel : Voici, j’ouvrirai vos sépulcres, je vous ferai sortir de vos sépulcres, ô mon peuple, et je vous ramènerai dans le pays d’Israël.

Etc.


Cf. dans le monde de la philosophie gréco-latine, une double perspective similaire :

Le sens de l’éternité. Ex. : Platon (428/427 av. J.C. - 347/346 av. J.-C.), République, livre X, « Mythe d’Er le Pamphilien ».

L’expérience du temps et la perspective de la mort comme seul débouché. Ex. : l’épicurien Lucrèce (env. 98 av. J.C. - 55 ap. J.C.), De la nature de choses, livre III, « L’âme n’est pas immortelle ».

S’il ne faut pas aller jusqu’à presser le parallèle entre la philosophie épicurienne et le Qohéleth au point d’y voir influence ou contact, il demeure qu’au-delà des différences sensibles, notamment quant au rapport à la Loi de Dieu selon l’Ecclésiaste, c’est de cette perspective que se rapproche son propos…


En compagnie de l’Ecclésiaste (1),
RP, KT Adultes 2009-2010, 22.10.09



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