samedi 2 février 2013

Semaine sainte - Pâques



« Il a souffert sous Ponce Pilate, il a été crucifié, il est mort et il a été enseveli, il est descendu au séjour des morts. Le troisième jour il est ressuscité des morts, il est monté aux cieux. Il siège à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, et il viendra de là juger les vivants et les morts. »

« Il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate ; il a souffert ; il a été enseveli ; il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, il est monté aux cieux ; il siège à la droite du Père et il reviendra en gloire juger les vivants et les morts, lui dont le règne n'aura pas de fin ».


Première chose qui frappe à la lecture de cette section des Credo : l’insistance à affirmer que Jésus est vraiment mort, qu’il y a là une réalité de histoire. Ponce Pilate, personnage historique est mentionné ici, comme repère vérifiable que cette mort est réellement advenue, chose invraisemblable, en pendant à sa naissance — sa mère aussi est mentionnée, en pendant à Ponce Pilate — mais ici, avec la mort, la chose est plus invraisemblable encore.

Très tôt dans l’Eglise primitive on a été tenté de mettre en question la mort de Jésus d’une façon ou d’une autre, jusqu’à lui trouver un remplaçant sur la croix ! — ainsi, par exemple, Simon de Cyrène de Basilide, selon Irénée de Lyon (Adversus Haereses, I, xxiv, 4).

Pourquoi cette insistance sur la mort réelle du Christ ? — souffrance / sous Ponce Pilate, crucifixion, mort, ensevelissement, séjour des morts. C’est qu’on est au cœur du choc que représente la foi chrétienne : le Christ crucifié. Ce que Paul souligne comme scandale pour la raison (1 Corinthiens 1, 18 – 2, 8) : « la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent […]sagesse qu’aucun des chefs de ce siècle n’a connue, car, s’ils l’eussent connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. »

La scandale s’est depuis déplacé, à l’époque moderne, vers la difficulté à recevoir un monde suprasensible. La dimension suprasensible des choses est toutefois à nouveau plus ou moins accessible grâce aux travaux de Jung ou de Henry Corbin.

Dans l’Antiquité, ce n’est pas la réalité du monde suprasensible qui pose problème pour la raison, mais sa coïncidence avec l’histoire — et pire que tout, avec la mort comme phénomène de cessation de l’être et comme humiliation / réduction à l’humilité radicale : réduit à rien.

La messianité de Jésus est donc un paradoxe, que souligne à l’envi, outre 1 Corinthiens 1 & 2, l’hymne de Philippiens 2 — tandis que l’Evangile de Jean transfigure le paradoxe en lisant la mort de Jésus — mort particulièrement humiliante dans l’Antiquité, la croix — comme sa glorification paradoxale.

« Jésus-Christ, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu,
mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ;
et ayant paru comme un simple homme, (2-8) il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix.
C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom,
afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. »
(Philippiens 2, 6-11)

Il est donc, selon les symboles de la foi lisant le Nouveau Testament, réellement mort crucifié, ayant souffert, avant d’être réellement enseveli et, précise le symbole des Apôtres, être « descendu au séjour des morts » — littéralement (inferos) —, plutôt qu’enfers (inferna).

Cela dit, le texte de 1 Pierre 3, 18-20 est évoqué, qui parle de dimension spirituelle de sa descente au séjour des morts comme enfers — allusion au Tartare (2 Pierre 2, 4) — où son enchaînés les divinités / anges rebelles.

Si Calvin lit ce texte — la descente au séjour des morts — comme parlant de la souffrance du Christ à Gethsémani, Luther y voit le moment initial du triomphe du Christ sur la mort, et donc le moment initial de sa résurrection.

Sa résurrection est alors la manifestation à la foi des disciples de sa mort comme triomphe sur la mort — pour un règne ainsi déployé comme règne on ne peut plus universel : il est monté au ciel, il siège à la droite du Père tout-puissant qui lui a remis le jugement de toutes choses et un règne sans fin (Nicée-Constantinople).

La mort et la résurrection de Jésus sont alors comme « télescopées » : le Crucifié et le Ressuscité devenant quasiment synonymes. La mort du Christ est sa glorification.

« Père, glorifie ton nom ! Et une voix vint du ciel : Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore.
[…]
Jésus dit : Ce n’est pas à cause de moi que cette voix s’est fait entendre ; c’est à cause de vous.
Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors.
Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi.
En parlant ainsi, il indiquait de quelle mort il devait mourir. »
(Jean 12, 28-33)

On est au cœur du paradoxe de la foi chrétienne : le culte d’un crucifié comme celui qui déploie la présence de Dieu, attestée par son relèvement d’entre les morts.


R.P.
Une lecture protestante des Credo.

Église réformée de Poitiers.
Catéchisme pour adultes.
2012-2013.
Chaque 3e mardi du mois à 20 h 30.
4) 5 février 2013 — Semaine sainte - Pâques


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