lundi 18 mars 2013

L'Esprit saint



« Je crois en l'Esprit saint »

« qui est Seigneur et qui vivifie ; qui procède du Père (et du Fils) ; qui ensemble avec le Père et le Fils est adoré et glorifié ; qui a parlé par les prophètes ».


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Un credo, celui « des Apôtres », commence de façon extrêmement sobre : « Je crois en l'Esprit saint » ; un autre, ; celui « de Nicée-Constantinople », de façon plus développée, avant que ne se poursuive le reste du développement de la section des credo sur l’Esprit saint, ouvrant sur l’Église et débouchant sur le monde à venir — cf. les mois suivants.

« Nicée-Constantinople » précise en premier lieu ce qui est sous-entendu dans le Symbole des Apôtres sur la divinité de l’Esprit saint (co-essentialité avec le Père et le Fils) : « il est Seigneur » (ce qui est sous-entendu par « les Apôtres » en ce que l’Esprit fait un point du credo, tout comme le Père et le Fils).

À ce titre, il est source de vie à l’instar du Père et du Fils : source de la vie nouvelle, qui fonde pour la foi la vie naturelle, relue comme création. Cf. la lecture ainsi induite de « l’Esprit de Dieu planait sur la face des eaux » (Gn 1, 2) ; ou « s’il retirait son Esprit le monde glisserait au chaos » (Job 34, 14-15) : l’Esprit dans la création.

Le mot, le nom que reçoit l’Esprit de Dieu, est le même que celui qui signifie esprit en général, correspondant au mot souffle, vent — en hébreu comme en grec ou en latin (les deux langues des credo). Ici, il est Esprit saint, Esprit consacré — de Esprit de consécration / à part.

« Nicée-Constantinople » s’arrête à son rapport avec le Père et le Fils : « qui procède du Père » (cf. Jn 15, 26) — « qui ensemble avec le Père et le Fils est adoré et glorifié ».

On est alors dans la controverse entre l’Orient et l’Occident, qui a ajouté « et du Fils » — « qui procède du Père et du Fils ». L’ajout date de l’époque carolingienne, mais s’enracine dans la théologie latine antécédente. Ce détail a l’air insignifiant. Il a toutefois eu des conséquences non-négligeables quant à la façon dont se sont développées vie ecclésiale, vie spirituelle, voire vie politique !

*

L’Esprit saint selon la tradition occidentale, qui « procède du Père et du Fils », est reçu d’abord comme réalité relationnelle (en premier lieu entre le Père et le Fils). Cela est en rapport avec la compréhension de l’Église en Occident,

- dans le catholicisme romain où l’Église est souvent donnée comme « incarnatio continua » : sacrements et vie spirituelle, rôle de l’Église hiérarchique ;

- dans le protestantisme quant au rapport immédiat du Fils et de la vie spirituelle, voire de la vie rationnelle (le Fils comme logos), et au phénomène des surgissements et des renouveaux, voire des Révolutions !

Les mouvements récurrents de Réveil se réclament de l’action de l’Esprit saint, depuis les XVIIe et XVIIIe siècle (avec des racines antécédentes) avec le piétisme et le méthodisme, jusqu’au XXe et XXIe avec les mouvements pentecôtistes (se réclamant d’Actes 2), néo-pentecôtistes et charismatiques, qui ont écho aussi dans l’Église catholique romaine.

Les mouvements comme les théologies de la libération sont aussi marqués par la revendication de la vie de l’Esprit, de son entrée dans le concret, jusque dans l’existence sociale. Cette approche s’enracine dans l’expérience vécue, cela selon les lectures et l’enseignement issus de questionnements philosophiques des XVIIIe-XIXe siècles, eux-mêmes enracinés dans des mouvements antérieurs.

Les mouvements révolutionnaires ont souvent revendiqué explicitement cet héritage : Marx clamait clairement qu’il s’agissait de tirer les conséquences concrètes de l’action de l’Esprit tel que l’avait pensée le philosophe allemand dont il reconnaissait hériter : Hegel. Dans la mouvance de ceux qu’on appelait alors les « hégéliens des gauche », Marx enseignait qu’il ne s’agissait plus seulement de penser l’action de l’Esprit dans le monde, mais de transformer le monde.

C’est là pourquoi le mouvement de la théologie de la libération qui prône lui aussi l’action sociale immédiate, a été victime de la suspicion d’être inféodé au marxisme.

« Il a parlé par les prophètes » précise le credo de Nicée-Constantinople, soulignant par là qu’il ne s’agit pas, sous prétexte d’Esprit saint, d’être ballotté à tout vent de doctrine (Ep 4, 14), selon l’Esprit du temps, mais de vivre la vie de la foi en accord avec l’enseignement reçu dans les écrits bibliques et des Apôtres, selon l’ « accord/‘analogie’ de la foi » (Ro 12,6).

« Si je ne m’en vais pas, l’Esprit saint ne viendra pas » dit Jésus (Jn 16, 7) d’un Esprit saint éternel, qui précède le monde et qui a toujours œuvré dans le monde. L’Évangile de Jean souligne ainsi ce qui demeure pour nous la réalité mystérieuse de l’Esprit saint témoin d’un Dieu que l’on ne peut saisir, fixer, ni nommer : un « Dieu que nul n’a jamais vu » (Jn 1, 18) et qui pourtant se fait connaître au cœur de nos vies comme Jésus nous l’a fait connaître.



R.P.
Une lecture protestante des Credo.

Église réformée de Poitiers.
Catéchisme pour adultes.
2012-2013.
Chaque 3e mardi du mois à 20 h 30.
6) 16 avril 2013 — L’Eglise – quatre marques – communion des saints


lundi 11 mars 2013

Pain multiplié pour les nations



Marc 8, 1-9
1 En ces jours-là, une foule nombreuse s’étant de nouveau réunie et n’ayant pas de quoi manger, Jésus appela les disciples, et leur dit:
2 Je suis ému de compassion pour cette foule ; car voilà trois jours qu’ils sont près de moi, et ils n’ont rien à manger.
3 Si je les renvoie chez eux à jeun, les forces leur manqueront en chemin ; car quelques-uns d’entre eux sont venus de loin.
4 Ses disciples lui répondirent: Comment pourrait-on les rassasier de pains, ici, dans un lieu désert ?
5 Jésus leur demanda : Combien avez-vous de pains ? Sept, répondirent-ils.
6 Alors il fit asseoir la foule par terre, prit les sept pains, et, après avoir rendu grâces, il les rompit, et les donna à ses disciples pour les distribuer ; et ils les distribuèrent à la foule.
7 Ils avaient encore quelques petits poissons, et Jésus, ayant rendu grâces, les fit aussi distribuer.
8 Ils mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta sept corbeilles pleines des morceaux qui restaient.
9 Ils étaient environ quatre mille. Ensuite Jésus les renvoya.

*

Par rapport à la première multiplication des pains (Marc 6, 30-44 / Matthieu 14, 13-21), les chiffres changent : on passe de cinq pains à sept, et de douze corbeilles restantes à sept.

Chiffres indicatifs de l’orientation vers les nations. Si cinq (pains) est le nombre de livres de la Torah d’Israël et douze (paniers) le nombre des tribus d’Israël, sept symbolise la totalité et fait écho au nombre des nations (70).

On retrouve ce nombre de 7 chez Luc au chapitre 6 du livre des Actes des Apôtres. L’unique multiplication des pains chez Luc correspond à la première multiplication de Matthieu et Marc, l’épisode d’Actes 6 correspondant à la seconde multiplication : les Apôtres nomment sept personnes (les diacres) pour servir aux tables des hellénistes (juifs grecs).

Une seconde multiplication des pains pour une foule (« environ quatre mille » personnes — v. 9 — représentant toute la terre, dont le nombre symbolique est 4), dont certains sont « venus de loin » (Mc 8, 3). Cette seconde multiplication des pains annonce ainsi la mission vers les nations auxquelles va s’élargir l’Alliance avec Israël à suite à la résurrection de Jésus au troisième jours (« voilà trois jours qu’il n’ont pas à manger » — Mc 8, 2).

Ici aussi, on a quelques poissons, dont le nombre n’est cette fois pas précisé.

C’est bien la symbolique des chiffres des pains et des foules qui est retenue. Marc 8, 19-20 (cf. Mt 16, 9-10) :

« Quand j’ai rompu les cinq pains pour les cinq mille hommes, combien de paniers pleins de morceaux avez-vous emportés ? Douze, lui répondirent-ils. Et quand j’ai rompu les sept pains pour les quatre mille hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées ? Sept, répondirent-ils. » (Mc 8, 19-20.)

Ici aussi, avec cette seconde multiplication, ce sont les pains dont disposent les disciples qui, multipliés par Jésus nourriront la multitude.

Se marque alors la caractéristique de la mission. Nous sommes porteurs de l’Évangile qui nourrit le monde… via ce que nous sommes !

Apparaît, y compris avec l’incompréhension des disciples qui est soulignée aux v. 19-20 de Marc 8, que la mission sera chargée de ce que nous sommes : il n’y a pas de mission idéale. Témoins de l’Évangile nous le sommes avec ce que nous sommes !

Lieu d’une véritable ambiguïté… Qui s’exprimera dans la problématique Évangile et culture.
(Cf. texte joint.)


RP
Le pain dans la Bible.

Église réformée de Poitiers.
Étude biblique 2012-2013.
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30.
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30.
6) 12 & 14 mars 13 — Multiplication 2 – Marc 6, 30-44 & 8, 1-10 /
Matthieu 14, 13-21 & 15, 32-39 (vers les nations)