samedi 17 janvier 2015

Le crucifié




La mort de Jésus est l'aboutissement d'un procès qui a largement révélé la disproportion entre la promesse accomplie et une attente qui n'était pas à la mesure.

Cela atteint son comble dans le contraste entre des moqueurs et les premiers signes du monde éternel en train d'entrer dans l'histoire, selon le Nouveau Testament qui les donne comme à la fois terrifiants et merveilleux : le voile du Temple se déchire, la terre tremble, des tombeaux s'ouvrent.

Et en premier lieu, « des ténèbres sur toute la terre » (Mt 27:45).

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Quelque chose n’est pas à la mesure ordinaire. Déjà lors du procès qui a conduit ici, éclatait le quiproquo. Comme le disait le Psaume 2, tous se sont ligués contre le Messie ; et, au jour de la crucifixion, c'est là le comble, sans vraiment s'en rendre compte. Les responsables d'Israël, censés être les représentants d'une nation farouchement opposée au paganisme romain, se montrent fort proches des Romains !

Le conflit semble être ainsi dans une large mesure celui qui oppose ceux qui ont des positions élevées et bien assises, au peuple dont l'espérance qu'il porte en Jésus commence à être jugée par trop dangereuse. Et finalement, devant le décalage qui va s'avérer exister entre le Royaume du Christ et les espérances populaires, les chefs religieux parviendront à retourner le peuple sans trop de difficultés contre celui qui est porteur de quelque chose de bien plus grand que ses faibles espérances.

On connaît le prétexte religieux qu'ont invoqué les prêtres pour livrer Jésus : le blasphème : il s'est identifié au Fils de l'Homme de Daniel (Mt 26:64-65, Mc 14:62-63, Lc 22:69-71). Le Fils de l'Homme est alors un personnage céleste, image éternelle de Dieu (cf. Daniel Boyarin, Le Christ juif, éd. du Cerf).

Il est fort probable qu'en fait, les Sadducéens, dont sont les prêtres en général, ne croient pas à ces traditions populaires sur le "Fils de l'Homme" des apocalypses. Et pourtant lorsque Jésus s'applique à lui-même une citation de Daniel sur le Fils de l'Homme, le grand prêtre crie au blasphème. Il y a là vraisemblablement une bonne part d'intention démagogique, comme dans son geste spectaculaire — déchirer son vêtement. Par "réalisme", les prêtres et les Hérodiens, plus ou moins à la botte des Romains, et adversaires privilégiés de Jésus, peuvent fort bien s'accommoder de la croyance populaire au personnage céleste du Fils de l'Homme.

Mais cet être céleste devient concret, en Jésus Christ (Apocalypse 1:8) : la chose peut devenir dangereuse, subversive, surtout si ce Jésus rassemble les espérances messianiques du peuple ; et d'autant plus que les Romains s'en inquiètent.

Or, le sous-entendu de Caïphe peut porter : le Fils de l'Homme auquel croit le petit peuple est un personnage céleste. On s'attend à le voir descendre du ciel dans le Temple ; Jésus, déjà au désert selon le NT, a refusé la tentation de se présenter ainsi, en héros triomphant (Mt 4:5-7).

Ce Jésus en train de comparaître n'a vraiment pas l'apparence du héros céleste, image éternelle de Dieu : il est au contraire humilié, méprisé, apparemment impuissant. Sa prétention à la filiation divine, sa référence au titre divin de Fils de l'Homme peut sembler on ne peut plus blasphématoire : ce prétendu Fils de l'Homme n'a pas fière allure !

Et le comportement du grand prêtre porte sans doute son effet. Car au fond, Jésus affole, et plus que les seuls prêtres et autres Hérodiens, assimilés, eux, aux Romains (Matthieu ne mentionne même pas Hérode au procès). Jésus n'admet aucune concession : surtout, certes, pas aux Romains et à leurs partisans au pouvoir, mais pas non plus aux zélotes, dont il semble pourtant plus proche, dont il ne se sépare, apparemment, que sur les moyens : ce n'est pas par la force, mais par l'Esprit de Dieu et par la douceur que le Royaume espéré sera instauré.

La crainte la plus nette n'en est pas moins le fait des prêtres : "s'il continue les Romains vont nous détruire". On le livrera donc aux Romains.

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Et de cette façon s'explique l'attitude de Pilate. Pilate ne comprend pas : "qu'as tu fait, que les tiens te livrent à moi ?" Ou : "qu'en saurais-je de ta messianité, de ta royauté ? moi je ne suis pas juif... vous avez votre Loi, etc." Sous-entendu : "réglez donc cela entre vous !"

Et Pilate s'affolera de plus en plus. Les grands prêtres d'une nation censée être fort anti-romaine iront jusqu'à confesser n'avoir de roi que César, selon Jean (19:15) ! Pilate ne peut qu'y trouver confirmation dans son sentiment qu'il y a mystère derrière le procès de cet homme.

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Dans cette fuite en avant, dans ce dévoilement des cœurs, le nœud du problème est manifesté : Jésus porte l'épée qui tranche, là où s'effectue le partage entre le confort de ce monde et le mystère déroutant de la Vérité.

Et c'est là le problème que pose Jésus par son silence devant ce Pilate perplexe : son Royaume n'est pas de ce monde. En d'autres termes : les grands prêtres, quoique Judéens, qui me livrent à toi, et les Romains, même combat.

La Vérité est d'au-delà des attentes mesquines et des pouvoirs passagers de ce monde qui passe. La Vérité ne peut qu'être exclue, condamnée, mais pour une condamnation qui est son triomphe, triomphe par rapport au monde.

Car dans cette condamnation éclate le fait que la Vérité exclue est la condamnation du monde. Lorsque le Christ est exclu, c'est le monde et celui qui le séduit qui est jeté hors de sa lumière : "il y eut des ténèbres sur toute la terre". Lorsque le monde de la vanité, de l'apparence, et des pouvoirs transitoires, s'imagine réduire à l'impuissance celui dont il cloue les mains, il ignore tout de ce qui est en train de se passer : Dieu est en train d'élever Jésus dans sa gloire, par le mystère de cette crucifixion, selon Jean (12:32-33).

Lorsque la lumière du monde est élevée de la terre, la terre entre dans les ténèbres (Mt 27:45). Alors éclate la Vérité, qui dépasse infiniment les préoccupations de toutes les fausses vérités. Mieux peut-être que Pilate au procès, le centurion entrevoit cela et en conçoit de la crainte : "Il était vraiment le Fils de Dieu" (Mt 27:54).

Au milieu du chaos, des cris et des moqueries, s'esquisse un autre ordre, irréfutable : c'est là que Dieu se révèle. C'est là, là seulement qu'il ne peut qu'être. Là est son parti : la justice, fût-elle voilée dans les sarcasmes : là est la puissance de Dieu.

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C'est ainsi que selon la foi des disciples, apparaît dans l'Histoire cette Vérité qu'a perçue Daniel dans la vision céleste. L'Apocalypse nous le dévoile comme l'être mystérieux dont Jésus ne cessait de parler à ses disciples : le Fils de l'Homme. Il est dans les cieux, selon la Révélation prophétique, un être céleste, comme un Fils d'Homme, qui reçoit la domination sur toutes choses, une domination éternelle, une domination qui est celle de Dieu.

Et Jésus ne cessait de parler de ce Fils de l'Homme, mais d'une façon dont certains hésitent à penser qu'il s'agisse de lui : il en parle à la troisième personne. Avec des allusions pourtant de plus en plus claires : "il faut que le Fils de l'Homme soit élevé" (Jean 12:34). On commence à comprendre alors qu'il parle peut-être de lui-même. L'élévation en question ici s'avèrera alors être sa crucifixion : les disciples le relèveront après : "il disait cela pour indiquer de quelle mort il devait mourir" (dira Jean 13:33).

Caïphe ne s'y est pas trompé : "vous verrez le Fils de l'Homme venir sur les nuées" lui a dit Jésus. Il blasphème a répondu Caïphe (Matthieu 26:64-65).

L'Apocalypse a compris la même chose que Caïphe, mais y croit. Il est l'Alpha et l'Omega, celui qui est qui était et qui vient, celui-là même qui a versé son sang, voici qu'il vient sur les nuées" (Apocalypse 1:5-8). Il est le rédempteur qu'a vu le Livre de Job, celui qui se lève au dernier jour, présent avant même la fondation du monde. C'est pourquoi il est l’exaucement de toutes nos prières, le dévoilement de sa propre prière au Gethsémani.

C'est ainsi son sang est notre salut, selon le vrai sens de ce qu’a dit le peuple : "Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants !" (Mt 27:25). Malgré l’affreux contresens de la lecture historique de cette prière du peuple, il n’y a en effet rien d’autre que salut et bénédiction de Dieu sous le sang versé pour que nous ayons la vie. On peut renvoyer ici aux travaux de René Girard.

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Se dessine le fond du dévoilement, "de l'Apocalypse" du Fils de l'Homme : l'élévation dans l'abaissement — la croix (Jean 12:32-33). Le Fils de l'Homme qui est dans les cieux est cet humble témoin de la Vérité dans le concret.

Loin de nos vanités, inaccessible, il nous est, étrangement, infiniment proche, lui qui est cette Parole éternelle demeurant avec Dieu avant la fondation du monde. Or c'est cette Parole dont Paul écrit à l'Église de Rome (Romains 10) qu'elle est toute proche, celle de la foi : "Quiconque croit en lui ne sera pas confus... quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé" (Ésaïe 28:16, Joël 3:5, Romains 10:11,13).


RP
« Qui dites-vous que je suis ? »
Un parcours non-exhaustif de la perception de Jésus


Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2014-2015
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
4) 19 & 22 janvier 2015 Le crucifié (PDF)


lundi 12 janvier 2015

Déborah et le ministère prophétique féminin




Lire au livre des Juges les chapitres 4 et 5.

La figure de Déborah, qui y est présentée comme « prophétesse », est significative d'un en-deçà ou au-delà de l’institution, mâle en ce temps-là. L'Esprit (notion féminine en hébreu) investit ses portes-paroles indépendamment de toute qualification institutionnelle ou légitimation telle que la masculinité. Une « anomalie » vouée toutefois à faire ultérieurement institution, institution autre, incluant le ministère des femmes.

Car cela dit, il ne s'agit pas pour autant, avec Déborah prophète (comme avec les autres prophètes) d’auto-proclamation : dans le texte de Juges 4 et 5, la position de Barak en atteste (chef de guerre officiel) — qui confirme cependant la primauté de Déborah comme prophète.

Un mot sur la dimension guerrière, qu'il n'est pas à légitimer ou à délégitimer : elle est liée à un contexte, qui n'est pas forcément à reproduire ! La transposition à un plan de combat spirituel y est induite : comme pour tout moment historique, les combats se légitiment à un plan moral et spirituel, où la violence du temps devient symbole. Pour prendre un exemple : aujourd'hui, quand on parle en France en contexte politique de « couper des têtes », il ne s'agit plus, malgré la référence à la Révolution française, de décapitations littérales !... On a transposé à un autre plan. Il est tout aussi légitime d'opérer cette transposition pour notre texte, et donc de transposer la fonction prophétique à notre conception du ministère prophétique, jusque dans l’Église...

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Excursus : Ministère prophétique et ministère féminin

Le ministère féminin, y compris ministère de responsabilité, tel le ministère pastoral, s'avère n'être pas un phénomène récent. Seule son institutionnalisation officielle est récente dans le monde moderne. L'action missionnaire, par exemple, a été, et de longue date souvent dirigée par des femmes, remplissant ainsi, sans en avoir le titre, un rôle incontestablement pastoral, voire apostolique. Aussi, n'est-il pas acquis que ce soit les partisans du ministère pastoral féminin qui aient été les novateurs ; ce que pourrait s'avérer confirmer la pratique de l'Église primitive.

Toutefois, le ministère institutionnel féminin, lui, est inexistant depuis fort longtemps. L'inexistence du ministère pastoral féminin remonte à la nuit des temps ecclésiaux, l'inexistence du ministère diaconal féminin date du VIe siècle, pour l'Église latine, lors de sa suppression par les conciles d'Épaone (517) et d'Orléans (539). Les diaconesses ont survécu un peu plus longtemps en Orient. Les raisons de l'inexistence institutionnelle du ministère féminin, inexistence institutionnelle reprise longtemps par le protestantisme, qui connaissait pourtant des ministères féminins non officiels, ne sont pas aussi limpides que le soutiennent les adversaires de l'accession des femmes à des postes de responsabilité ecclésiastique. Ces derniers y voient volontiers une interdiction néo-testamentaire, et de citer à cet effet des textes forts impressionnants — tendant ainsi à l'abolition d'une pratique traditionnelle au profit d'une institution traditionnelle. Car la question doit être posée : est-ce vraiment là l'enseignement néo-testamentaire ?

Les Églises les plus attachées à l'exclusivité masculine de l'accession au ministère sont les Églises regardant explicitement le ministère comme d'ordre sacerdotal ; et qui, pour cela, arguent de la symbolique des sexes — ce qui est étranger au Nouveau Testament. On peut se demander si le refus du ministère féminin, dans la mesure où l'on sait — clairement pour le diaconat — qu'il a été abandonné, n'est pas à chercher dans ce type de décalage par rapport au Nouveau Testament, éventuellement projeté sur le Nouveau Testament, plutôt que dans l'enseignement du Nouveau Testament lui-même.

La « sacerdotalisation » du ministère, accompagnée à terme de sa masculinisation exclusive, remonte, il est vrai, à très haute époque, puisqu'on la trouve déjà en germe chez Clément de Rome (fin Ier siècle). Clément trace un parallèle entre le ministère ecclésiastique et l'institution lévitique, clairement sacerdotale et mâle — et héréditaire, ce qui distingue nettement cette institution de la vocation prophétique, et n'est pas sans importance. Pour Clément, les diacres représentent les lévites ; les presbytres (les desservants mosaïques) ; et l'évêque, le grand desservant (Clément, 1 Corinthiens 40:5).

La logique d'une telle vision fait déboucher l'Église sur l'exclusion du ministère féminin. On peut penser que ces raisons se sont pas sans rapport avec l'abolition du diaconat féminin : on sait que les diacres ont un rôle à jouer en ce domaine ; dans le livre des Actes on les voit « servir aux tables » (Ac 6:2), service qui vraisemblablement, à l'époque, n'est pas sans rapport avec la Sainte Cène. On les voit au moins décider de l'administration de baptêmes non urgents (Ac 8). Il ne faut cependant pas prêter ces développements ultérieurs à Clément, qui écrit dans un contexte de remise en question de l'autorité des ministres de l'Église de Corinthe, et qui use pour sa polémique du parallèle de l'institution mosaïque. La dérive n'en est pas moins amorcée, qui éloigne l'Église de la tradition des Apôtres, qui situait le ministère dans une perspective prophétique, et non sacerdotale, ministère de la Parole, de la libre Parole.

Il s'agit de ne pas perdre de vue cette perspective lorsqu'on lit les propos du Nouveau Testament. Il s'agit de tenter de redessiner le contexte historique qui est le leur, plutôt que de les lire à travers la projection d'un cadre institutionnel forgé par l'histoire ultérieure. Quant à l'Église primitive, il n'est point très mystérieux de savoir d'où elle hérite sa structure : non d'une institution sacerdotale, mais de la Synagogue ; en laquelle il faut naturellement chercher les fameuses coutumes universelles des Églises (1 Co 11:16, 14:33, Ac 15:21) - composées majoritairement de populations gravitant autour de la Synagogue (cf. Ac).

Exemple de ces coutumes : l'attitude des chrétiens à l'égard des viandes sacrifiées aux idoles. Jacques a dit (Ac 15:19-21), Paul raisonne (Ro 14, 1 Co 8, 10), la pratique commune demeure la coutume universelle, celle de la Synagogue : on s'abstient. Cette coutume est largement abandonnée depuis, malgré l'ordre de Jacques et le conseil de Paul : rares sont les chrétiens qui, aujourd'hui, mangent casher !

Quant au voile ou au silence des femmes - autres de ces coutumes, - nul besoin de chercher chez les païens des mœurs qu'ils n'avaient pas : la Synagogue, depuis des temps immémoriaux, sépare les hommes, qui animent le culte, des femmes nubiles, qui assistent aux cérémonies depuis des pièces adjacentes, ce pour des raisons dont il ne faut pas exclure le côté pratique. Les femmes, de cette façon, s'occupent de leurs enfants en bas âge, qu'elle peuvent nourrir, ou dont les pleurs ne dérangeront pas le déroulement du culte — on est dans une civilisation où ce rôle est strictement réservé aux femmes, responsables de la maternité (certaines grandes Églises américaines ont aujourd'hui, par le moyen de l'audiovisuel, introduit une pratique similaire pour les parents d'enfants jeunes : ils peuvent assister au culte tout en gardant leurs enfants, et sans être proprement dans le lieu du culte).

La simple prise en compte de cette coutume de l'Église primitive, fondée sur la structure architecturale des synagogues, éclaire les textes pauliniens sur le silence requis des femmes : les questions théologiques sont, en public, du fait des occupants de la partie centrale du bâtiment cultuel, les hommes — quoique, on y vient, pas nécessairement eux seuls... Pour paraphraser Paul : « que les femmes qui occupent les parties adjacentes écoutent, et obtiennent les éclaircissements, qu'éventuellement elles souhaitent, une fois à la maison, plutôt que d'entamer entre elles des discussions théologiques propres à perturber ce qui se déroule dans la partie centrale » (1 Co 14:34-35). « Qu'elles demeurent dans le silence et s'occupent de leur rôle par excellence, la maternité » (1 Ti 2:9-15).

C'est avec la question du ministère que l'on entre dans le domaine où, du fait de sa revendication prophétique, le Nouveau Testament se spécifie par rapport à l'habituel de la Synagogue dont il n'a aucune raison d'avoir abandonné la structure.On est dans le domaine prophétique, qui se construit institutionnellement avec la reconnaissance officielle, par la communauté, des vocations diverses. C'est ainsi que les listes de charismes ne distinguent pas ce qui relève du prophétique ou du miraculeux, de ce qui est de l'ordre institutionnel.

La structure presbytérale reprise de la Synagogue est investie de la liberté de l'Esprit d'une communauté naissante, la faisant se doubler très tôt (Ac 6) de la structure diaconale (dont la synagogue n'est d'ailleurs sans doute pas sans équivalent) dont l'Église ancienne a conservé l'aspect féminin jusqu'au VIe siècle et plus tard, pour l'Orient. On voit en outre cette structure se charger de prophètes (parmi lesquels on ne peut exclure qu'il y ait eu des femmes), placés au plus haut niveau dans la hiérarchie des vocations et ministères (1 Co 12:28-30, Ép 4:11). La Didaché (11-12) nous apprend qu'au IIe siècle, qui connaît encore ce ministère, il s'agit d'une fonction supra-locale, de type apostolique (Didaché 15:1-2). Et rien n'indique dans le N.T. qu'il faudrait distinguer un ministère prophétique d'une fonction portant le même nom et qui ne serait jamais reconnue dans l'institution (et qui serait réservée aux prophétesses ?).

L'institution néo-testamentaire se structure par la reconnaissance de vocations charismatiques dont tout indique qu'elles sont aussi le fait des femmes. Outre les prophétesses de 1 Co et des Actes, pensons à Phoebé, diaconesse, qui peut aussi se traduire par « ministresse », puisqu'on traduit le même mot par « ministre », pour Paul, sans nier que le ministère en question soit celui d'apôtre. Lorsque les prophétesses enseignaient, entrant dans la structure des ministères, elles n'en restaient pas moins femmes : officiant, elles sortaient de la salle des femmes avec la parure qui, alors, les distinguait : le voile... ou ce que peut signifier kaluma (dont les hommes portaient un équivalent : le châle de prière, le talith). C'est d'une façon semblable que le ministère spirituel pouvait s'inscrire de façon tout à fait libre dans la structure que l'Église a conservée tant qu'elle est restée majoritairement juive.

Il demeure que, même dans le cadre d'une structure synagogale, il est difficile, au regard des écrits apostoliques, de soutenir que le ministère féminin, ministère d'enseignement, prophétique, n'avait pas sa place. Prophétique, une telle fonction n'a pu disparaître que lorsque le ministère a été conçu comme sacerdotal, pour des raisons symboliques dont on peut douter du bien fondé.

… Ancêtre lointaine de cette dimension prophétique concernant aussi les femmes, la figure de Déborah.


RP
Du féminin et de quelques
figures féminines dans la Bible


Église protestante unie de France / Poitiers
Etude biblique 2014-2015
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
4) 13 & 15 janvier 2015 Déborah (PDF)


dimanche 11 janvier 2015

Solidaire...



« Je suis Charlie »

... Slogan solidaire s'il en est, que l'on a entendu depuis quelques jours, avec « je suis Ahmed », « je suis juif », slogans solidaires de toute victime, quoiqu'il en soit par ailleurs de nos croyances, non-croyances, appartenances diverses, et sans que quiconque ne soit fondé à se sentir en supériorité par rapport à quiconque, fût-ce par rapport aux bourreaux !... À l'instar de Jésus se repentant de ce qu'il n'a pas commis, dans le signe d'un baptême de repentir, en solidarité humaine, solidarité y compris avec ceux qui le haïssent, de fautes qu'il n'a pas commises.