Psaume 8
2 SEIGNEUR, notre Seigneur,
Que ton nom est magnifique
par toute la terre !
Mieux que les cieux, elle chante ta splendeur !
3 Par la bouche des tout-petits et des nourrissons,
tu as fondé une forteresse
contre tes adversaires,
pour réduire au silence l'ennemi revanchard.
4 Quand je vois tes cieux, œuvre de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu as fixées,
5 qu'est donc l'homme pour que tu penses à lui,
l'être humain pour que tu t'en soucies ?
6 Tu en as presque fait un dieu :
tu le couronnes de gloire et d'éclat ;
7 tu le fais régner sur les œuvres de tes mains ;
tu as tout mis sous ses pieds :
8 tout bétail, gros ou petit,
et même les bêtes sauvages,
9 les oiseaux du ciel, les poissons de la mer,
tout ce qui court les sentiers des mers.
10 SEIGNEUR, notre Seigneur,
que ton nom est magnifique
par toute la terre !
Une tout autre cosmologie que celle d’aujourd’hui, mais déjà l’intuition des infinis…
Cf. au début de l’ère moderne, post-galiléenne, Pascal (Pensées, Fragment 72) — non sans rapport probable avec sa méditation du Psaume :
« Disproportion de l'homme. — Que l'homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu'il éloigne sa vue des objets bas qui l'environnent. Qu'il regarde cette éclatante lumière, mise comme une lampe éternelle pour éclairer l'univers, que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit et qu'il s'étonne de ce que ce vaste tour lui-même n'est qu'une pointe très délicate à l'égard de celui que les astres qui roulent dans le firmament embrassent. Mais si notre vue s'arrête là, que l'imagination passe outre ; elle se lassera plutôt de concevoir, que la nature de fournir. Tout ce monde visible n'est qu'un trait imperceptible dans l'ample sein de la nature. Nulle idée n'en approche. Nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n'enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. C'est une sphère dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Enfin, c'est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu, que notre imagination se perde dans cette pensée.
Que l'homme, étant revenu à soi, considère ce qu'il est au prix de ce qui est ; qu'il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j'entends l'univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix.
Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini ?
Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu'il recherche dans ce qu'il connaît les choses les plus délicates. Qu'un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ses humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours ; il pensera peut-être que c'est là l'extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre non seulement l'univers visible, mais l'immensité qu'on peut concevoir de la nature, dans l'enceinte de ce raccourci d'atome. Qu'il y voie une infinité d'univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible; dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné ; et trouvant encore dans les autres la même chose sans fin et sans repos, qu'il se perde dans ses merveilles, aussi étonnantes dans leur petitesse que les autres par leur étendue; car qui n'admirera que notre corps, qui tantôt n'était pas perceptible dans l'univers, imperceptible lui-même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde, ou plutôt un tout, à l'égard du néant où l'on ne peut arriver ?
Qui se considérera de la sorte s'effraiera de soi-même, et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abîmes de l'infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles ; et je crois que, sa curiosité se changeant en admiration, il sera plus disposé à les contempler en silence qu'à les rechercher avec présomption.
Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est englouti.
Que fera-t-il donc, sinon d'apercevoir quelque apparence du milieu des choses, dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? Toutes choses sont sorties du néant et portées jusqu'à l'infini. Qui suivra ces étonnantes démarches ? L'auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre ne le peut faire.
Manque d'avoir contemplé ces infinis, les hommes se sont portés témérairement à la recherche de la nature, comme s'ils avaient quelque proportion avec elle. C'est une chose étrange qu'ils ont voulu comprendre les principes des choses, et de là arriver jusqu'à connaître tout, par une présomption aussi infinie que leur objet. Car il est sans doute qu'on ne peut former ce dessein sans une présomption ou sans une capacité infinie, comme la nature. […] »
A fortiori dans le cadre de l’astrophysique actuelle…
On estime aujourd’hui que l'Univers observable compte quelques centaines de milliards de galaxies de « masse significative », c’est-à-dire contenant quelques centaines de milliards d’étoiles. Ce nombre n’est toutefois pas limitatif, puisque le nombre d’étoiles des galaxies dites « naines », c’est-à-dire ne comptant « que » quelques millions d'étoiles, est difficile à déterminer du fait de leur masse et de leur luminosité « très faibles », et qu’en outre d’autres, trop lointaines, échappent à notre observation. L'Univers dans son ensemble, dont l'extension réelle n'est pas connue, est susceptible de compter un nombre immensément plus grand de galaxies.
Bref, quelques centaines de milliards de galaxies de masse significative sans compter les galaxies moins grandes, et donc plus difficilement observables, et les autres qui nous échappent !
Notre galaxie, la Voie lactée, est une des centaines de milliards de galaxies observables, et de masse dite « significative ». La Voie lactée a une extension de l'ordre de 100 000 années-lumière. C’est-à-dire que l’on perçoit les étoiles lointaines de notre seule galaxie comme elles étaient il y a 100 000 ans. Et notre galaxie est donc une seule de ces galaxies de quelques centaines de milliards d'étoiles.
Le soleil est une des centaines de milliards d’étoiles de cette galaxie, elle-même une parmi quelques centaines de milliards de galaxies semblables observables. Le soleil est donc l’étoile de notre système solaire, autour duquel tourne la terre — sur laquelle nous nous questionnons sur tout cela aujourd’hui.
La flèche rouge indique "notre" soleil...
Voilà qui met les choses en perspective, et qui est fondé à nous donner le sens du vertigineux en regard de nos préoccupations !
Troublant en un sens, car on pourrait se dire, en considérant les choses que je viens d’essayer de résumer très brièvement, que tout ça est le fait du hasard, un mini-bouillon de culture hasardeux dans l’Univers.
Qu’est-ce que l’homme… ? (Psaume 8)
… Et en regard de la microphysique contemporaine
L’objet infime de notre observation est modifié par l’observateur…
« Lorsque nous observons un objet, nous le percevons à travers notre regard. Le regard n’est pas neutre. Il agit comme un filtre et sélectionne les éléments en fonction de sa sensibilité. Il ne retient que ce qu’il peut percevoir à la manière d’une pellicule photographique qui s’imprègne d’une image en fonction de sa propre capacité réceptive. Ainsi, le monde entier passe au crible de nos sens. Que voyons-nous vraiment ? En fait, nous ne percevons que ce qui correspond à notre façon de voir. Et inversement, de quelle nature sont les phénomènes que nous ne saisissons pas ? À cela, il ne peut y avoir de réponse, puisque, par définition, nous n’en avons aucune idée. […]
Quid de la science objective ? Selon les termes mêmes du physicien allemand Werner Carl Heisenberg (1901-1976) : « ce que nous observons n’est pas la nature elle-même, mais la nature exposée à notre méthode d’investigation (…) L’objet de la recherche n’est donc plus la nature en soi, mais la nature livrée à l’interrogation humaine et dans cette mesure, l’homme ne rencontre ici que lui-même » (Werner Heisenberg, La Nature dans la Physique contemporaine, Folio essais, p. 137). D’une certaine façon, on serait tenté de dire que dans ses derniers chapitres consacrés à la microphysique, le livre de la nature se referme sur son lecteur. » (Henri-Marc Becquart, L’épopée de l’univers, p. 12 & 17)
Où la science contemporaine bouscule jusqu’à la logique aristotélicienne, qui continue pourtant de fonctionner au plan quotidien, au plan du sens commun, tout comme la gravitation continue d’être à l’ordre du jour, et comme l’expérience sensorielle nous maintient dans le géocentrisme : nous voyons bien que « le soleil et lève et se couche » — … nous concevons même toujours, à l’instar des hommes de l’époque de l’invention de l’Écriture, la terre comme un espace d’accueil de la vie ! Nous comptons toujours nos jours, sept jours, en regard des sept planètes du monde ancien géocentrique et nos mois en douze cycles que les anciens retrouvaient en symboles dans la sphère des étoiles fixes… L’humain reste un être de signes et de symboles…
*
La pensée de l’homme apparaît comme signe de la présence de Dieu. Pensée et étonnement comme mystère et signe personnel de Dieu.
Apparaît alors le rapport entre la figure messianique idéale et l’Homme comme figure primordiale, expression du Fils de l’Homme des Apocalypses.
Nous voilà au point où la grandeur de l’homme apparaît en ce qu’il pense — roseau pensant — son humilité radicale d’être du temps, où il se révèle fondé en éternité.
Pascal à nouveau (Pensées, Fragment 397) :
« La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable. Un arbre ne se connaît pas misérable.
C'est donc être misérable que de se connaître misérable ; mais c'est être grand que de connaître qu'on est misérable. […]
L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. »
… Où pour ne pas basculer à nouveau dans l’orgueil face à l’univers, l’on est mis face à la nécessité de l’oubli — où l’humilité se rappelle comme racine du mot « homme » : l’homme concret, au plus concret l’enfant (Ps 8, 3) ancrant la louange du Dieu présent dans la distance entre lui-même (tout petit) et l’idée éternelle de lui-même pensé par Dieu (Ps 8, 5), face à laquelle il est fondé. Force hors mesure face à toute adversité !
Lutte avec Dieu et combat contre le mal
« Ce n’est pas contre la chair et le sang
que nous avons à lutter » (Ep 6, 12)
Les Psaumes – Louanges
Livre de prières communes et de lutte avec Dieu
(6) 26 avril - Présence de Dieu et force de l’humilité (version imprimable pdf ICI)
R.P., KT Adultes, Antibes 2011-2012
Ah non, pas des canettes de coca ...
RépondreSupprimerVoilà, c'est mieux !
http://www.dailymotion.com/video/xaxrkh_coucher-et-lever-de-terre-vue-de-la_tech#
Anne-Sophie
Tu es sûre qu'il n'y a pas de canettes ?...
SupprimerMerci pour la vidéo : je l'ai rajoutée.