lundi 17 décembre 2012

Noël


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Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, et qui est né de la Vierge Marie.

Nous croyons en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait. Pour nous, les hommes, et pour notre salut, il est descendu des cieux ; par le Saint-Esprit il s'est incarné de la Vierge Marie, et s'est fait homme.


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La venue du Fils de Dieu à Noël comme seul Seigneur, Fils unique de Dieu conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie s’inscrit dans la perspective de la Résurrection relue :

Romains 1, 4 : « Déclaré Fils de Dieu avec puissance, selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection d’entre les morts, Jésus-Christ notre Seigneur ».
Colossiens 1, 15-16 : « Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre ».

Relire la résurrection comme filiation divine et la percevoir comme la réalité de Noël suppose la comprendre comme accession à l’éternité, qui — par définition, peut-on dire — précède le temps. La filiation divine de Jésus proclamée par sa résurrection est donc une filiation éternelle — avant tous les siècles — et manifestée dans le temps à sa naissance.

Le Ressuscité ne peut être retenu par la mort, signe de ce qu’il est de l’éternité, et c’est lui qui vient dans le temps, dans la chair — Incarnation —, à Noël.

Où la foi du dimanche de Pâques rejoint la tradition philosophique pharisienne, proche de la tradition perse induisant de la nature humaine l’immortalité comme résurrection, l’âme étant alors comme la structure de la nature corporelle de l’homme — corps naturel et corps « spirituel ». Une approche distincte à la fois de l’idée de l’immortalité désincarnée de l’âme et de sa mortalité.

L’homme est un être de corps, de sens, et sa nature entière est assumée éternellement. Enseignement scellé pour la foi des disciples au dimanche de Pâques dans la résurrection du Christ, « proclamé Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts ».


Fils unique du Père

La foi à l’unicité de la filiation du Christ rattachée à sa résurrection comme premier-né d’entre les morts, premier-né de toute la création (Col 1, 15) — renvoie aussi à la perception d’une spécificité de la relation de Jésus et du Père.

Une conscience particulière de Jésus quant à sa relation avec le Père est perceptible selon le Nouveau Testament. La façon dont Jésus s’adresse au Père dans les Évangiles et dont on a l’écho dans l’Église du Nouveau Testament est remarquable : « Abba », « Mon Père », précisément « Papa », qui se retrouve dans le Notre Père part d’un vécu particulier de la spiritualité juive qui est celle de Jésus.

Cf. les sources juives du Notre Père (cit. ci-dessous d’après Cahier Evangile n°68, Notre Père) :

Notre Père qui es aux cieux
Fais-nous revenir, notre Père, à ta Torah... Pardonne-nous, notre Père...
(5ème et 6ème bénédictions);
Tu as eu pitié de nous, notre Père, notre Roi...
Notre Père, Père de miséricorde, le Miséricordieux, aie pitié de nous !
(2ème prière avant le Shema : « Ahavah rabbah »).
Que les prières et supplications de tout Israël soient accueillies par leur Père qui est aux cieux
(Qaddish).

Que ton Nom soit sanctifié
Tu es Saint, et ton Nom est saint, et les saints chaque jour te loueront. Béni es-tu, Seigneur, le Dieu saint ! Nous sanctifierons ton Nom dans le monde, comme on le sanctifie dans les hauteurs célestes
(3ème bénédiction).
Que soit magnifié et sanctifié son grand Nom dans le monde qu’il a créé selon sa volonté
(Qaddish).

Que ton Règne vienne
Qu’il établisse son règne de votre vivant, et de vos jours et du vivant de toute la maison d’Israël, bientôt et dans un temps proche
(Qaddish).
De ton Lieu, notre Roi, resplendis et règne sur nous, car nous attendons que tu règnes à Sion
(3ème bénédiction du Shabbat.).
Rétablis nos Juges… et règne sur nous, Toi seul Seigneur, avec amour et miséricorde... Béni es-tu, Seigneur, Roi, qui aime la justice et le droit
(llème bénédiction).

Que ta Volonté soit faite sur la terre comme au Ciel
Telle puisse être ta volonté, Seigneur... de guider nos pas en ta Torah et de nous attacher à tes commandements
(Prière du matin).

Notre pain quotidien, donne-le nous aujourd’hui
Tu nourris les vivants par amour, tu ressuscites les morts par grande miséricorde, tu soutiens ceux qui tombent, tu guéris les malades et délivres les captifs. Qui est comme toi, Maître des puissances ?
(2ème bénédiction).
Bénis pour nous, Seigneur notre Dieu, cette année et toutes ses récoltes, pour le bien. Rassasie-nous de ta bonté
(9ème bénédiction).

Et remets-nous nos dettes comme nous avons remis à nos débiteurs
Pardonne-nous, notre Père, car nous avons péché; fais-nous grâce, notre Roi, car nous avons failli, car tu es celui qui fait grâce et pardonne. Béni es-tu, Seigneur, qui fais grâce et multiplie le pardon
(6ème bénédiction).
Pardonne-nous nos péchés comme nous les pardonnons à tous ceux qui nous on fait souffrir
(Liturgie du Yom Kippour).

Ne nous fais pas entrer en tentation
Ne nous livre pas au pouvoir du péché, de la transgression, de la faute, de la tentation ni de la honte. Ne laisse pas dominer en nous le penchant du mal.
(Prière du matin).

Délivre-nous du mal
Vois notre misère et mène notre combat. Délivre-nous sans tarder à cause de ton Nom, car tu es le Libérateur puissant. Béni es-tu, Seigneur, Libérateur d’Israël
(7ème bénédiction).

Deux autres prières anciennes où Dieu est invoqué comme Père d’Israël. Dans ces prières de la liturgie synagogale donc communautaire et non individuelle, Dieu est nommé « roi » et « père » :

Notre Père ! notre Roi !
A cause de nos pères qui ont eu confiance en toi et à qui tu as enseigné les lois de la vie, aie pitié de nous et enseigne-nous. Notre Père ! Père de miséricorde, le Miséricordieux ! Aie pitié de nous !
(Prière Ahavah rabba, antérieure à l’époque du Christ.)

Notre Père ! notre Roi !
Nous n’avons pas d’autre Roi que toi, notre Père, notre Roi, à cause de toi-même, aie pitié de nous.
(Invocation de la litanie pour le Nouvel An, 1er siècle de l’ère chrétienne.)

*

Le vécu de la prière juive par Jésus, et sa spécificité — la force et l’intimité particulières de sa relation avec le Père —, cela a fait pour la foi des disciples écho avec sa résurrection au dimanche de Pâques.

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On a là les éléments du Prologue de Jean, qui composent les credo, et notamment le développement de Nicée-Constantinople : « engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait. Pour nous, les hommes, et pour notre salut, il est descendu des cieux ; par le Saint-Esprit il s'est incarné de la Vierge Marie, et s'est fait homme » :

Jean 1, 1-18
1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.
6 Il y eut un homme envoyé de Dieu : son nom était Jean.
7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui.
8 Il n’était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière.
9 Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.
10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue.
11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue.
12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,
13 (1-12) lesquels sont nés, (1-13) non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
14 Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.
15 Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié : C’est celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi.
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce ;
17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
18 Personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.

La « consubstantialité » (même « substance », ou plus exactement même « essence » que le Père) transparaît du v. 1.

Sa participation de la lumière créatrice originelle, « lumière de lumière » — y fait écho au récit de la création — « au commencement ».

Une parole — « près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur » (Deut 30:14 ; Ro 10:8) — dévoilée comme « plus proche de nous que notre propre intimité » (Augustin) dans l’Incarnation : la parole est devenue chair (v. 14), chose qui, comme pour ceux qui en naîtront, s’accomplit « sans la volonté du sang, de la chair et de l’homme » (v. 13) : « conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie » trouve là son enracinement, en-deçà des récits de Matthieu et Luc, qui inscrivent cet enseignement théologique dans le temps du récit — Matthieu et Luc sont un peu à Jean ce que Genèse 2 est à Genèse 1 concernant la création de l’homme. Et ici les anges deviennent témoins. Ce qui se passe là leur est supérieur — « d’autant supérieur aux anges qu’il a hérité d’un nom plus excellent que le leur » (Hé 1, 4). Ici, c’est le principe de la création qui est déployé dans le temps : on est au cœur de l’enseignement de Noël…


R.P.
Une lecture protestante des Credo.

Église réformée de Poitiers.
Catéchisme pour adultes.
2012-2013.
Chaque 3e mardi du mois à 20 h 30.
3) 18 décembre 2012 — Noël


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