vendredi 9 mars 2018

Jean le Baptiste et l’annonce de la fin




Jean le Baptiste se réfère explicitement au message de ses prédécesseurs du temps de l'exil babylonien. La mission du Baptiste se situe, selon le prophète lui-même citant Ésaïe 40, en relation avec la consolation du peuple, puisque la voix dans le désert — à laquelle Jean Baptiste entend s'identifier — cette voix crie, selon Ésaïe 40, la consolation prochaine du peuple.

Matthieu 3, 1-3
1 En ces jours-là paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée :
2 « Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché ! »
3 C’est lui dont avait parlé le prophète Ésaïe quand il disait : « Une voix crie dans le désert : “Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.” »


Consolation, et pourtant il est essentiellement question dans la prédication du Baptiste, de repentir. Quel est donc le rapport entre repentir et consolation ? C'est que le repentir est d'abord le mouvement par lequel Dieu fait revenir le peuple, le mouvement par lequel la faveur de Dieu le fait revenir, techouva en hébreu. Car pour « repentir », on pourrait aussi traduire « retour ». Et historiquement, il s'agit fondamentalement du retour d'exil.

Mt 3, 4 : Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.

Le v. 4 fait référence à Élie (cf. 2 Rois, ch. 1). Les références bibliques abondent. Ésaïe, Élie, Ézéchiel… Cf. Ézéchiel, ch. 36, annonçant le retour du peuple exilé à Babylone. Ici, il est important de remarquer que la grâce de Dieu précède le retour du peuple. On y lit que c'est Dieu qui prend l'initiative : Dieu fait revenir le peuple d'exil en le purifiant par une « aspersion d'eau pure » et une effusion de son Esprit.

Mt 3, 5-12
5 Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui ;
6 ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés.
7 Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens venir à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ?
8 Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion ;
9 et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : “Nous avons pour père Abraham.” Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham.
10 Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu.
11 « Moi, je vous baptise dans l’eau en vue de la conversion ; mais celui qui vient après moi est plus fort que moi : je ne suis pas digne de lui ôter ses sandales ; lui, il vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
12 Il a sa pelle à vanner à la main, il va nettoyer son aire et recueillir son blé dans le grenier ; mais la balle, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »


On retrouve bien l'œuvre qu'entend accomplir Jean, relative au repentir et au baptême, ainsi que l'annonce que le prophète fait de l'œuvre immédiatement postérieure à la sienne, celle du Messie qui lui, dit-il, « baptisera d'Esprit saint ».

Dieu précède tout mouvement. Dieu est lui-même l'auteur du mouvement de retour, de repentir, dont le peuple serait autrement incapable. Le mouvement en question étant le repentir, il faut rappeler le sens profond de l'exil dont le peuple est appelé à revenir. Au-delà de sa dimension géographique, l'exil de Terre Sainte à la terre de Babylone — dont apparemment on aurait le pouvoir de revenir, le pouvoir de se déplacer et d'en prendre la décision, — au-delà de cet exil géographique, il est au fond question d'une dimension spirituelle : l'exil dans le péché et les malheurs de l'existence, que l'exil à Babylone ne fait que signifier et sceller dans la géographie — exil métaphysique dont, du coup, on n'a pas le pouvoir de revenir. Cela est souligné encore par le fait qu'au temps du Baptiste, l'exil babylonien a pris fin depuis longtemps. Certes au plan politique la liberté du peuple est bien compromise par la domination romaine : nul ne s'y trompe. Mais cette captivité ne s'exprime plus par une déportation, par un déplacement géographique. Aussi, plusieurs, dont Jean, ne cessent de rappeler que l'exil ou la captivité sont le signe d'un exil plus fondamental : l'exil dans le malheur, le péché et la culpabilité.

Si le peuple se retrouve en exil, même donc sans déplacement géographique, c'est, selon ce que disait le prophète Ésaïe, que la Terre Sainte, avec son Temple, signe de la présence de Dieu, le rejette, à cause de ses fautes : « ce sont vos péchés qui vous éloignent de moi » disait Dieu par Ésaïe (59, 2). C'est ainsi, qu'en son cœur spirituel, le retour géographique du peuple exilé, son exode, signifie un retour spirituel vers Dieu, un repentir. Déjà au temps de Moïse, l'exode d’Égypte était une montée vers Dieu. Il n'est pas indifférent que pour la tradition rabbinique, l’Égypte — ou plutôt Mitsraïm selon le terme hébraïque — est devenue l'expression-symbole pour le péché.

Or le temps définitif de ce retour d'exil, de cet exode hors du péché, est le temps du Messie, le temps du Royaume. C'est ce temps qu'annonce et prépare le Baptiste, et qu'accomplit Jésus dans la suite du texte. On remarque, pour se pencher sur ce point, que la prédication de Jean, promesse du Royaume, est accompagnée de menaces : la venue du Royaume est aussi le temps d'un jugement. Le Messie qui vient répand l'Esprit promis sur le peuple qu'il engrange dans les greniers du Royaume, mais aussi il brûle la paille devenue indésirable.

Le prophète se situe dans la perspective où chacun constate que la situation du peuple que Dieu est en train de racheter n'est pas brillante : cette situation étant celle de l'exil dans le péché, la douleur, la culpabilité. Et le rachat est sortie de cet exil. Si cette sortie est le fait de la seule faveur de Dieu, reçue dans la seule confiance en la promesse selon laquelle Dieu va remédier à cette situation, cette confiance, cette foi en la promesse, est fonction d'une conscience de la dimension tragique de la situation. La foi qui reçoit gratuitement la faveur de Dieu est recours face à la désespérance de la situation.

Et ainsi, elle est reconnaissance par le peuple de sa propre situation d'exil dans la culpabilité, et donc détournement de soi-même ; ou, en termes religieux, confession de péché et repentir/techouva. Ainsi le repentir n'est pas condition pour le salut qui viendrait s'ajouter à la foi qui reçoit seule cette grâce qui seule sauve, mais il est l'aspect négatif de cette foi, détournement de soi-même et de ses propres satisfactions immédiates et autres auto-justifications pour se tourner vers Dieu, dont la promesse de sa faveur est le seul recours.


RP
Textes de fin du monde

Église protestante unie de France / Poitiers
Étude biblique 2017-2018
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
6) 13 & 15 mars – Jean le Baptiste et l’annonce de la fin – Matthieu 3


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