vendredi 6 avril 2018

Menace sur Jérusalem




Matthieu 24. « Soyez prêts dit Jésus à ses disciples, car le Fils de l'Homme viendra à l'heure où vous n'y penserez pas » (Mt 24, 44). Veillez, soyez prêts à ouvrir à votre Maître, qui viendra comme un voleur. Voilà qui est troublant : le Seigneur viendra comme un voleur, il viendra à l'heure où nous n'y penserons pas.

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Ces paroles de Jésus rapportées par Matthieu prennent place à la fin de la prophétie qu'il donne à ses disciples en réponse à leur question sur le temps de la fin de Jérusalem, et de façon concomitante, sur le signe de son avènement.

Jésus vient d'annoncer une suite d'événements terribles, avec à leur terme la ruine de Jérusalem et la profanation du Temple. On sait qu'il en a été comme Jésus l'annonçait, avec au comble la profanation du Temple, lors de l'attaque de Jérusalem, qui aura lieu en 70. La génération à laquelle il s'adressait n'est point passée qu'elle n'ait vu cela ; une détresse incomparable : Jésus discernait bien la menace — … sans que pour autant il n'en connaisse le jour (ou la nuit), ni la saison (v. 36).

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Car la prophétie n'est point prédiction, elle est plutôt lecture inspirée du temps et des événements — et par là peut éventuellement être annonce. Mais elle se rapporte à des données. Rappelons quelques unes de ces données : après une brève période d'indépendance au temps des Maccabées, la région est sous domination romaine depuis 63 av. J.C. La Judée a cessé d'être un royaume juif depuis la mort d'Hérode le Grand, en 4 av. J.C. Si son fils Archélaüs hérite la Judée, il n'a pas le titre royal, et lorsque César Auguste le dépose, en 6 ap. J.C., il nomme a sa place un procurateur romain. À l'époque où Jésus donne cette prophétie, le procurateur de Judée est le fameux Ponce-Pilate, qui quelques heures plus tard participera au jeu des dirigeants de la région (avec le grand prêtre et Hérode Antipas, tétrarque de Galilée) refusant à tour de rôle leur responsabilité dans le procès de Jésus.

C'est dans ce contexte, souveraineté en peau de chagrin, que Jésus prophétise. Il invite à la lucidité sur la continuation probable de l'évolution de la situation, jusqu'à la ruine de Jérusalem. Le prophète, inspiré, lit le sens de ce qui advient inévitablement, de ce qui advient en fonction de ce sens même : Dieu est las de notre état (Mt 23, 37-39). L'épée de Damoclès ne tardera plus à tomber comme l'évolution de la situation n'en laisse que peu de doutes.

Et voilà que les responsables de la nation — Jésus en pleure — refusent cette nouvelle « main tendue de Dieu » (Mt 23, 37), sûrs de leur bonne relation avec lui ! Voilà qui ressemble fort au récit du déluge dans la Genèse (Mt 24, 36 sq.).

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Les disciples ne peuvent pas ne pas savoir que la détresse qui menace va les affecter aussi — peut-être personnellement — et de toute façon au plus profond de leur amour pour ceux de leurs proches et amis qui préfèrent nourrir leur optimisme comme au temps de Noé plutôt que de fuir vers les montagnes qui entourent Jérusalem, comme y invite Jésus.

Car c'est concrètement de cette façon qu'ils pourront éventuellement éviter le massacre dont Jésus les avertit qu'il sera bientôt perpétré par les Romains. C'est là précisément que doit prendre place la vigilance à laquelle Jésus appelle. Comme aux jours de Noé : que ceux qui écoutent le prophète de malheur se mettent à l'abri de l'inévitable. Ceux qui ont la bonne idée de célébrer leurs mariage sous un ciel d'orage risquent de se mouiller,… dans les eaux du déluge les emportant ; ou de subir les coups des légionnaires frappant au hasard : l'un des deux hommes dans le champ, l'une des deux femmes à la meule, seront pris par leurs bourreaux. Aussi (cf. v. 17-18), que celui qui est au champ ne rentre pas dans Jérusalem, mais fuie, et que celui ou celle qui, dans Jérusalem, est sur le toit de sa maison, c'est-à-dire sur la terrasse, cherche à s'y cacher plutôt que de descendre se faire prendre dans la violence des troupes romaines.

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On le voit donc : avertissement très concret face à une menace très concrète. Avec un encouragement vigoureux à tenir ferme, fondés en l'inespéré. Mais ces menaces concrètes, historiquement situées, ont une portée beaucoup plus large. La détresse et la douleur sont le fait de tout un chacun, de façon plus ou moins prégnante, plus ou moins atroce, en cette vie de pèlerins. Et ses effets sont d'autant moins destructeurs qu'on a vécu dans la conscience de notre exil. Quel n'est pas le choc de celui qui ignore avec superbe le malheur qui ne cesse de l'entourer, au jour où il le frappe ! C'est lui aussi, chacun donc, que Jésus invite à ouvrir les yeux sur le fait incontournable de sa non-éternité. Non pas pour le plaisir de jouer les rabat-joie, mais pour nous éviter de trop douloureuses désillusions et nous inviter à bâtir une espérance contre toutes les espérances.

Alors seulement s'ouvre une possibilité de vivre, dans la conscience de leur vanité — et dans la reconnaissance —, les joies d'un quotidien fragile et en passe de se faner.

Dans un temps de détresse, recevoir les délicates fleurs du quotidien et des fêtes du temps, comme autant de signes du jour éternel de la Présence du Christ — dans la certitude que le Temple éternel, le corps du Christ ressuscité, prend place au milieu des humains dans la Jérusalem qui vient.

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Car c'est dans le cadre de la menace concrète que Jésus enseigne ses disciples à percevoir, du cœur de la douleur, le signe de l'inespéré, le signe de sa venue en gloire ; et enseigne parallèlement aux optimistes, aux adeptes du « tout va bien » — du moins à ceux qui voudraient bien entendre sa voix à travers les musiques de leurs fêtes, — que les temps ne sont pas précisément à la fête, pas plus qu’aux jours de Noé.

« Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés » (Mt 5, 4). Cette consolation est, dans la perception de l'inespéré, le signe de la délivrance, au point que la détresse elle-même en devient signe de délivrance, comme les pousses du figuier sont le signe de l'été qui vient (selon cette autre image que donne Jésus dans cette même prophétie).

La menace qu’annonce Jésus sur ceux qui rient n'est pas pour autant un encouragement au ressentiment de ceux qui, pleurant, croiraient devoir espérer une contrepartie céleste de ce qui ne serait que leurs frustrations. Il s’agit, à l’inverse du ressentiment, de reconnaissance. Jésus invite ses disciples, au contraire du ressentiment, à se placer dans l’espérance de l'inespéré, même, et particulièrement, au cœur de la détresse qui menace.


RP
Textes de fin du monde

Église protestante unie de France / Poitiers
Étude biblique 2017-2018
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
7) 10 & 12 avril — Menace sur Jérusalem – Matthieu 24-25, 13


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