Psaume 95
1 Venez, chantons avec allégresse à l’Éternel ! Poussons des cris de joie vers le rocher de notre salut.
2 Allons au-devant de lui avec des louanges, Faisons retentir des cantiques en son honneur !
3 Car l’Éternel est un grand Dieu, Il est un grand roi au-dessus de tous les dieux.
4 Il tient dans sa main les profondeurs de la terre, Et les sommets des montagnes sont à lui.
5 La mer est à lui, c’est lui qui l’a faite ; La terre aussi, ses mains l’ont formée.
6 Venez, prosternons-nous avec humilité, Fléchissant le genou devant l’Éternel, notre créateur !
7 Car il est notre Dieu, Et nous sommes le peuple de son pâturage, Le troupeau que sa main conduit… Oh ! si vous pouviez écouter aujourd’hui sa voix !
8 N’endurcissez pas votre cœur, comme à Meriba, Comme à la journée de Massa, dans le désert,
9 Où vos pères me tentèrent, M’éprouvèrent, quoiqu’ils vissent mes œuvres.
10 Pendant quarante ans j’eus cette génération en dégoût, Et je dis : C’est un peuple dont le cœur est égaré ; Ils ne connaissent pas mes voies.
11 Aussi je jurai dans ma colère : Ils n’entreront pas dans mon repos !
Proverbes 6, 1-15
1 Mon fils, si tu as cautionné ton prochain, Si tu t’es engagé pour autrui,
2 Si tu es enlacé par les paroles de ta bouche, Si tu es pris par les paroles de ta bouche,
3 Fais donc ceci, mon fils, dégage-toi, Puisque tu es tombé au pouvoir de ton prochain ; Va, prosterne-toi, et fais des instances auprès de lui ;
4 Ne donne ni sommeil à tes yeux, Ni assoupissement à tes paupières ;
5 Dégage-toi comme la gazelle de la main du chasseur, Comme l’oiseau de la main de l’oiseleur.
6 Va vers la fourmi, paresseux ; Considère ses voies, et deviens sage.
7 Elle n’a ni chef, Ni inspecteur, ni maître ;
8 Elle prépare en été sa nourriture, Elle amasse pendant la moisson de quoi manger.
9 Paresseux, jusqu’à quand seras-tu couché ? Quand te lèveras-tu de ton sommeil ?
10 Un peu de sommeil, un peu d’assoupissement, Un peu croiser les mains pour dormir ! …
11 Et la pauvreté te surprendra, comme un rôdeur, Et la disette, comme un homme en armes.
12 L’homme pervers, l’homme inique, Marche la fausseté dans la bouche ;
13 Il cligne des yeux, parle du pied, Fait des signes avec les doigts ;
14 La perversité est dans son cœur, Il médite le mal en tout temps, Il excite des querelles.
15 Aussi sa ruine arrivera-t-elle subitement ; Il sera brisé tout d’un coup, et sans remède.
*
« Aujourd’hui si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs ». Parole centrale du Psaume 95 (7b-8a), reprise par l’Épître aux Hébreux, et qui nous conduit au mystère de la Sagesse…
Cette Sagesse mystérieuse et cachée qu'annonce le livre des Proverbes… « L’Éternel m’a engendrée, prémice de son activité, prélude à ses œuvres anciennes. J’ai été sacrée depuis toujours, dès les origines, dès les premiers temps de la terre. Quand les abîmes n’étaient pas, j’ai été enfantée, quand n’étaient pas les sources profondes des eaux » (Proverbes 8, 22-24). Écho au Psaume 95 : « Il tient dans sa main les profondeurs de la terre, Et les sommets des montagnes ».
Il faut bien une sagesse mystérieuse pour lire cela, pour lire cet univers, non seulement fascinant, mais effrayant, chargé de menaces et de douleurs. Pour approcher ce problème mystérieux, celui du mal dans l’univers donc, le judaïsme avance l’idée du tsimtsoum, en français « contraction », en l’occurrence contraction de Dieu mettant l’univers au monde : Dieu emplit tout en effet. Aussi, pour que quelque chose d’autre que lui puisse être, il faut que Dieu, dans sa Sagesse, fasse un espace en lui, se contracte, comme une femme en couches. Dès lors, le monde peut advenir, être créé, mais il l’est dans une absence de Dieu, retiré. Dans ce creux, ce vide, le mal aussi peut s’infiltrer, dès les origines des galaxies, en fusion nucléaire — tohu-bohu pour prendre le mot de la Genèse (ch. 1, v. 2).
Le mal moral en est comme l’écho, mais pas la source ! Dans la Genèse, le mal s’infiltre comme mensonge entre l’homme et la femme, pourtant séparés pour se rencontrer. Avant la séparation, l’interdit est donné. Une fois la séparation intervenue, ce mal venu d’on ne sait où, porté par la figure du serpent venu « des champs », trouve à s’infiltrer comme mal moral.
L’humain, en défaut de sagesse, est pénétré du mal, et pourtant son rôle est de « cultiver et garder le jardin » (Gn 2, 15). Voilà une nature, d’abord tohu-bohu, que l’humain est appelé à relire dans la Sagesse comme Création, voulue comme telle par le Dieu bon, dans ce jardin qu'est appelée à devenir notre toute petite planète. Appelée à devenir l'espace et le laboratoire d'une Création nouvelle et éternelle. Et voilà que l’homme, contre sa vocation, accentue le chaos, détruisant ce qui lui est confié, jusqu'au « temps de la destruction de ceux qui détruisent la terre » (Apocalypse 11, 18) ! Un monde, alors, à porter devant Dieu. Relire la nature selon la Sagesse, dans la prière, comme Création, comme promesse.
Relecture de la nature comme Création — postule Créateur, reçu dans la foi comme le Dieu bon… Dieu amour selon la 1ère épître de Jean (1 Jn 4, 8 & 16). « J’ai encore bien des choses à vous dire, disait Jésus, mais vous ne pouvez les porter maintenant ; lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. » (Jean 16, 12-13).
Telle est la Sagesse des Proverbes, chargée d’une profondeur qui va bien au-delà d’une première lecture, superficielle, qui pourrait sembler bien triviale.
Relire… Commençons par la troisième section (v. 12-15) de la série de versets qui nous est proposée pour ce jour, qui rejoint la question du mensonge infiltrant le jardin d’Éden. L’homme « pervers », ou « vaurien », selon les traductions du mot qui est en hébreu Bélial (i.e. « destruction ») est porteur du mensonge, de la ruse, de la dissimulation, avec pour propos la destruction, à l’inverse de la vocation humaine. Si la ruine l’atteint finalement, subitement, il n’en a pas moins pu faire jusque là beaucoup de dégâts.
Face à cela, compter sur la Sagesse mystérieuse, énoncée au livre des Proverbes, est le seul recours sûr. D’où les conseils de la première section (v. 1-5) de nos versets d’aujourd’hui, section qui évoque la prière de la veuve face au juge aux oreilles fermées qu’évoque l’Évangile de Luc. Veuve qui parvient pourtant à obtenir justice à force de la lui réclamer.
Quand l’humanité est égarée (et on peut se demander : quand ne l’est-elle pas ? « Tous sont égarés » dit le Psaume 14, « tous sont pervertis »), la Sagesse est de se dégager, comptant sur l’Esprit de Sagesse, et donc d’empathie et de fraternité, don de Dieu seul. Pour toi, œuvre à cela, patiemment comme la fourmi, selon la seconde section (v. 6-11).
Fourmi pouvant évoquer une célèbre fable d’Ésope (VIème siècle avant J.-C.), La cigale et la fourmi, et ce n’est pas par hasard. Ésope donne vraisemblablement la version grecque d’une parole, partagée aussi par la Bible, de sagesse universelle. Je cite Ésope :
Par une belle journée d’hiver,
Une Cigale rencontra une Fourmi,
Qui faisait sécher des grains au soleil.
« S’il te plaît, ma bonne Fourmi,
Aie pitié de moi, dit la Cigale,
Et donne-moi quelque chose à manger.
Je n’ai rien pris depuis longtemps. »
« Et comment en es-tu arrivé là ?, demanda la
Fourmi. Qu’as-tu donc fait tout l’été ? »
« Cet été, répondit la Cigale,
Avec la fierté de l’artiste dans la voix,
J’ai chanté continuellement. »
« Fort bien, lui rétorqua la Fourmi,
Alors cet hiver tu vas danser. »
Fable reprise en français, on le sait, par Jean de La Fontaine, dont j’ai trouvé sur Internet une version contemporaine…
La Cigale, s'étant déconfinée tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la 2e vague fut venue.
Pas un seul paquet
De Pâte ou de papier cul.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelques masques pour se protéger,
jusqu'à la fin de ce bordel.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant Noël, foi d'animal,
Intérêt principal.
Mais la fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
– Nuit et jour à tout venant, Je me collais, je sortais et me joignais aux foules.
– Vous vous colliez, sortiez et vous alliez dans des foules ?
J'en suis fort aise... Eh bien, toussez maintenant. »
*
Reste alors, la promesse qui est au cœur du Livre de Proverbes, celle la Sagesse mystérieuse, dont parle aussi le Psaume qui nous appelle à la prière à Celui qui…
« tient dans sa main les profondeurs de la terre, Et les sommets des montagnes.
La mer est à lui, c’est lui qui l’a faite ; La terre aussi, ses mains l’ont formée. […]
Aujourd’hui si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Psaume 95)
RP, 12/11/20, cp (virtuel), Poitiers
(PDF ICI)
(PDF ICI)
À propos de La Fontaine…
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