Semaine de prière pour l'Unité des chrétiens
Jean 15, 1-17
1 Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron.
2 Tout sarment qui, en moi, ne porte pas de fruit, il l’enlève, et tout sarment qui porte du fruit, il l’émonde, afin qu’il en porte davantage encore.
3 Déjà vous êtes émondés par la parole que je vous ai dite.
4 Demeurez en moi comme je demeure en vous ! De même que le sarment, s’il ne demeure sur la vigne, ne peut de lui-même porter du fruit, ainsi vous non plus si vous ne demeurez en moi.
5 Je suis la vigne, vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
6 Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, il se dessèche, puis on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent.
7 Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et cela vous arrivera.
8 Ce qui glorifie mon Père, c’est que vous portiez du fruit en abondance et que vous soyez pour moi des disciples.
9 Comme le Père m'a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. 10 Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour.
11 Je vous ai parlé ainsi pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète.
12 Voici mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés.
13 Personne n'a de plus grand amour que celui qui se défait de sa vie pour ses amis.
14 Vous, vous êtes mes amis si vous faites ce que, moi, je vous commande.
15 Je ne vous appelle plus esclaves, parce que l'esclave ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de mon Père.
16 Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et institués pour que, vous, vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure ; afin que le Père vous donne tout ce que vous lui demanderez en mon nom.
17 Ce que je vous commande, c'est que vous vous aimiez les uns les autres.
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Vigne et vigneron. C’est une image classique par laquelle les prophètes désignaient la relation de Dieu avec son peuple, qui était alors centrée sur le Temple de Jérusalem. On y montait régulièrement en pèlerinage. Au moment où l’Évangile situe cette conversation de Jésus et de ses disciples, on est en plein dans une de ces périodes de pèlerinage. Pèlerinage important, le plus important, celui de Pessah, la Pâque, par laquelle on commémore la libération de l’esclavage — de tous les esclavages, de tous nos esclavages.
Quant aux vignes, cela tombe donc à peu près en la période qui précède la Pâque. C’est-à-dire celle de la fin de la taille. La taille sur la fin, on brûle les sarments que l’on a coupés et qui ont séché, les premières pousses apparaissent. C’est là le décor qui entoure notre texte. Entre la vigne et Temple, le rapport est souligné en ce que sur les portes du Temple d’alors, le Temple d’Hérode, est sculpté un cep, justement, qui symbolise bien ce qu’il en est classiquement : Israël est la vigne, Dieu est le vigneron, leurs rapports se nouent au Temple. Ainsi quand Jésus leur dit : « Moi je suis la vraie vigne », les disciples ont tout lieu de comprendre qu’il s’agit d’une chose importante, en tout cas troublante, dont il parle.
Sachant que déjà en soi, avant même leur signification symbolique autour du Temple ou du corps de Jésus, le fruit de la vigne, le vin, et la vigne qui le porte sont dans la Bible signes de bénédiction. Cultiver sa vigne, en boire le vin, tel est, pour une bonne part, le bonheur, selon la Bible. Ainsi le dit l’Ecclésiaste : « Va, mange avec joie ton pain et bois de bon cœur ton vin, car déjà Dieu a agréé tes œuvres » (Ecc 9, 7).
Déjà ce qui porte du bon fruit est émondé, taillé. Le fruit sera bon, c'est sûr, parce que la sève du bon cep coule dans les sarments déjà émondés. Se profile le Temple éternel, bientôt donné dans le signe du Christ ressuscité.
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Où il est question de la relation des disciples avec lui comme étant d’un ordre similaire à celui de la sève passant de la vigne aux sarments…
Où la vigne devient le signe, carrefour de la rencontre entre Dieu et son peuple, signe de son amour, dont ceux que Jésus appelle ses amis sont appelés à vivre — et à le partager. Dieu recueille la joie en son peuple, Israël, bientôt élargi aux nations, comme le peuple trouve la joie en son Dieu, une joie comme celle que procure le fruit de la vigne qui coule en abondance.
« Que je chante pour mon ami le chant du bien-aimé et de sa vigne », dit le livre d’Ésaïe (ch. 5, v. 1) — auquel a fait écho l’Ecclésiaste.
Dans notre texte, cette rencontre de joie se donne en celui, Jésus, qui se présente comme le Cep, la vigne qui réjouit Dieu, et par laquelle Dieu réjouit les siens.
De lui s’écoule le vin nouveau promis, ce vin, l’amour de Dieu, vin nouveau plus ancien que le monde et qui nous est donné comme signe de son sang qui irrigue l’univers, et nous fait vivre — comme la sève coule du Cep dans les sarments, de sorte que nous portions nous-mêmes ce fruit qui réjouit Dieu dans l’Éternité. Chacune et chacun de nous, et aussi chacune de nos Églises, est comme un sarment de la vigne de Dieu.
Pour que la joie soit complète, « demeurez dans mon amour » comme « je demeure dans l’amour du Père » — par le don de l’Esprit saint, comme don d’une sève, vie du Père qui de moi coule en vous…
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« Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés ». L’amour de Jésus pour les siens est celui de Dieu à son égard. Comme la sève, don de Dieu, qui coule du cep dans les sarments et leur fait porter du fruit.
Là s'explique la profondeur de l'annonce : « je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu auprès de mon Père, je vous l'ai fait connaître. » Jésus s'est donné, a tout donné, allant au bout de l'amour et du don… — rappelez-vous : « tout ce que vous demanderez vous sera accordé. » Tout ! Il va jusqu’au bout de la réponse d'amour.
Nous sommes alors conduits au cœur du mystère de la création et s'explique ipso facto ce qu'il faut entendre par ce commandement paradoxal, lié à ce qu'aimer semble pourtant ne pas se commander : « ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. » Eh bien le don de Jésus fait entrer dans le mystère du don de Dieu produisant la création dans une souffrance mystérieuse, dévoilant son mystère comme celui de se donner. Et nous sommes invités à entrer dans ce mystère, pour une radicale conversion intérieure, retour intérieur, méditation de la beauté de l'acte créateur comme don — « quand tu pries entre dans la chambre de ton intimité » — pour y découvrir la sève de tout bon fruit. Aimer est la seule chose dont on ne puisse pas la faire en faisant semblant.
On peut accomplir tous les commandements et rites sans que notre cœur soit impliqué. Pour aimer, ce n'est pas possible : cela implique forcément tout l'être. D'où ce commandement d'imiter Dieu — « comme je vous ai aimés, c'est-à-dire comme le Père m'a aimé » — qui revient à un appel à plonger au cœur du mystère de Dieu, qui est le cœur de notre être : alors la vérité de l'amour en découle comme la sève coule du cep dans les sarments. « Demeurez dans mon amour et vous porterez du fruit en abondance. »
RP, Châtellerault, Semaine de l'Unité, 24.01.21
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