samedi 1 avril 2023

Violence et guerres




Violence et guerres : la Bible, l'Histoire et nous… Nos études bibliques nous conduisent cette année à des moments bibliques de violence, ouvrant la question : est-ce une bonne chose que cette Création, celle de l’homme en particulier ? — l’homme dont Dieu s’est repenti de l’avoir créé (Gn 6, 6) ! Au plus aigu, cet atroce épisode relaté en Juges 19 — une femme dont on ne sait pas le nom violée à mort collectivement avant d’être démembrée. Ce récit ancien qui résonne tant avec notre actualité nous pose cruellement la question : cette Création valait-elle le coup ?

Aux origines, avant l’humain : « Que la lumière soit ! Et la lumière fut… Jour Un » (Gn 1, 3). Un débat a existé chez les maîtres du judaïsme pour savoir si le premier moment de la Création est au v. 2 de Genèse 1, ou au verset 3 : « Que la lumière soit ! »… le v. 2, le tohu-bohu, étant alors le substrat posé par Dieu, relevant donc déjà de sa Création, en vue de la Création.

Un substrat qui pourrait résonner, lui, pour un moderne, avec les 13, 8 milliards d’années depuis le Big bang et avec un univers observable qui compte quelques 2 000 milliards de galaxies de centaines de milliards d'étoiles. Notre seule galaxie, la Voie lactée, une seule de ces 2 000 milliards de galaxies, ayant une extension de l’ordre de 100 000 années-lumière, on perçoit les étoiles lointaines de notre seule galaxie comme elles étaient il y a 100 000 ans. Une parmi les centaines de milliards d’étoiles de cette galaxie parmi 2 000 milliards d’autres, le soleil est l’étoile autour de laquelle tourne la terre.

Voilà qui met les choses en perspective, et qui semble bien vertigineux ! On pourrait se dire que tout ça est le fait du hasard, que la vie terrestre est un mini-bouillon de culture hasardeux… débouchant sur une civilisation humaine.

Une tradition du judaïsme envisage qu’avant d’en venir à la Création que nous connaissons, Dieu aurait fait une série d’essais finalement non concluants. Parmi ces essais, certains modernes placent par exemple les dinosaures… On pourrait y voir aussi les 13, 8 milliards d’années de l’univers !… Avec « en amont » en quelque sorte, tous les possibles jamais advenus. La théologie médiévale affirmait que Dieu connaît de toute éternité tous les possibles, même ceux qui ne sont jamais advenus et ceux qui n’adviendront jamais… Et, donc, de toute éternité, il sait aussi l’horreur des violences rapportées par la Bible, l’actualité, ou l’Histoire…

Le vertige d’un univers immense et chaotique, l’absurde d’un monde trop souvent chargé de violences, causées par les hommes, ou par des hasards naturels, comme le tremblement de terre en Turquie et en Syrie vient de nous le rappeler, nous mettent décidément devant la lancinante question : cela valait-il le coup ?

Si Dieu connaît tous les possibles, quid de ce monde ? Que fait-il ? Où est-il ? Existe-t-il comme source du bien, finalement ? La mystique juive envisage l’idée qu’il s’est retiré pour que le monde soit. Avec tout le risque de l’infiltration du mal qui est dans ce retrait. Sa connaissance de tous les possibles aurait donc jugé que quelque chose de l’ordre de la beauté et de la lumière valait que ce risque soit pris… Retiré mais présent…

Où est-il alors ? On connaît la remarque d’Élie Wiesel à Auschwitz : il est avec cet adolescent pendu par les nazis… Écho au serviteur souffrant du livre d’Ésaïe et, pour les chrétiens, à sa présence dans le Crucifié ; et — peut-être est-ce le message silencieux de Juges 19 —, ce Dieu dont on ne saurait prononcer le Nom au-dessus de tout nom est dans la souffrance de la femme anonyme… Dieu rachetant en pleurant, en s’identifiant à elle, ce monde dont il a jugé que sa possibilité était préférable aux ténèbres du non-être. Ce monde de douleur appelé encore aujourd’hui à une vie par laquelle un seul instant de lumière est chargé de la possibilité d’un Oui quand même… « Choisis la vie » (Deut 30, 9).

RP

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