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jeudi 1 juin 2023

Apocalypse / violences, fléaux, quelle espérance finale ?…




« Notre anxiété fait écho à celle du Voyant [de l'Apocalypse] dont nous sommes plus près que ne le furent nos devanciers, y compris ceux qui écrivirent sur lui, singulièrement l'auteur des Origines du christianisme [Renan], lequel eut l'imprudence d'affirmer : "Nous savons que la fin du monde n'est pas aussi proche que le croyaient les illuminés du premier siècle, et que cette fin ne sera pas une catastrophe subite. Elle aura lieu par le froid dans des milliers de siècles…" L'Évangéliste demi-lettré a vu plus loin que son savant commen­tateur, inféodé aux superstitions modernes. Point faut s'en étonner : à mesure que nous remontons vers la haute antiquité, nous rencontrons des inquiétudes semblables aux nôtres. La philosophie, à ses débuts, eut, mieux que le pressentiment, l'intuition exacte de l'achèvement, de l'expiration du devenir. »
(Emil Cioran, Écartèlement, Gallimard, 1979, p. 60-61)


Apocalypse 6
‭Je regardai, quand l’agneau ouvrit un des sept sceaux, et j’entendis l’un des quatre êtres vivants qui disait comme d’une voix de tonnerre : Viens.‭
‭Je regardai, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait avait un arc ; une couronne lui fut donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre.‭
‭Quand il ouvrit le second sceau, j’entendis le second être vivant qui disait : Viens.‭
‭Et il sortit un autre cheval, roux. Celui qui le montait reçut le pouvoir d’enlever la paix de la terre, afin que les hommes s’égorgeassent les uns les autres ; et une grande épée lui fut donnée.‭
‭Quand il ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième être vivant qui disait : Viens. Je regardai, et voici, parut un cheval noir. Celui qui le montait tenait une balance dans sa main.‭
‭Et j’entendis au milieu des quatre êtres vivants une voix qui disait : Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures d’orge pour un denier ; mais ne fais point de mal à l’huile et au vin.‭
‭Quand il ouvrit le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième être vivant qui disait : Viens.‭
‭Je regardai, et voici, parut un cheval d’une couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la mort, et le séjour des morts l’accompagnait. Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la terre, pour faire périr les hommes par l’épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre.‭
‭Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et à cause du témoignage qu’ils avaient rendu.‭
‭Ils crièrent d’une voix forte, en disant : Jusques à quand, Maître saint et véritable, tardes-tu à juger, et à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ?‭
‭Une robe blanche fut donnée à chacun d’eux ; et il leur fut dit de se tenir en repos quelque temps encore, jusqu’à ce que fût complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux.‭
‭Je regardai, quand il ouvrit le sixième sceau ; et il y eut un grand tremblement de terre, le soleil devint noir comme un sac de crin, la lune entière devint comme du sang,‭
‭et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme lorsqu’un figuier secoué par un vent violent jette ses figues vertes.‭
‭Le ciel se retira comme un livre qu’on roule ; et toutes les montagnes et les îles furent remuées de leurs places.‭
‭Les rois de la terre, les grands, les chefs militaires, les riches, les puissants, tous les esclaves et les hommes libres, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des montagnes.‭
‭Et ils disaient aux montagnes et aux rochers : Tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l’agneau ;‭
‭car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister ?

*

Dies Irae (en français : Jour de colère), célèbre poème apocalyptique écrit en langue latine (XIIe - XIIIe s.) sur le thème du Jugement Dernier — rattaché au texte liturgique de la messe de Requiem :


Jour de colère, ce jour-là
réduira le monde en poussière,
David l’atteste, et la Sibylle.
Quelle terreur nous saisira,
lorsque le juge apparaîtra
pour tout scruter avec rigueur !
L’étrange son de la trompette,
se répandant sur les tombeaux,
nous jettera au pied du trône.
La Mort, surprise, et la nature,
verront se lever tous les hommes,
pour comparaître face au Juge.
Le livre alors sera produit,
où tous nos actes seront inscrits ;
tout d’après lui sera jugé.
Lorsque le Juge siégera,
tous les secrets apparaîtront,
rien ne restera impuni.
Dans ma misère, alors, que dire ?
Quel protecteur vais-je implorer,
quand le juste est à peine sûr ?
Roi de majesté redoutable,
qui sauves les élus par grâce,
sauve-moi donc, source d’amour.
Rappelle-toi, Jésus très bon,
c’est pour moi que tu es venu,
ne me perds pas en ce jour-là.
À me chercher tu as peiné,
Par ta Passion tu m’as sauvé,

qu’un tel labeur ne soit pas vain !
Tu serais juste en condamnant,
mais accorde-moi ton pardon
avant que j’aie à rendre compte.
Vois, je gémis comme un coupable
et le péché rougit mon front ;
mon Dieu, pardonne à qui t’implore.
Tu as absout Marie de Magdala
et exaucé le malfaiteur sur sa croix ;
tu m’as aussi donné espoir.
Mes prières ne sont pas dignes,
mais toi, si bon, fais par pitié,
que j’évite le tourment.
Parmi tes brebis place-moi,
me gardant des boucs
et m’élevant à ta droite.
Si les méchants, couverts de honte,
sont voués au tourment,
appelle-moi en bénédiction.
En m’inclinant je te supplie,
le cœur broyé comme la cendre :
prends soin de mes derniers moments.
Jour de larmes que ce jour là,
où surgira de la poussière
le pécheur, pour être jugé !
Daigne, mon Dieu, lui pardonner.
Bon Jésus, notre Seigneur,
accorde-leur le repos.
Amen.





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Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023

Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous



Église protestante unie de France / 2022-2023
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)
Apocalypse / temps des nations, violences, fléaux (Apocalypse 6), quelle espérance finale ?…
Poitiers : 6 juin ; Châtellerault : 27 juin


mardi 2 mai 2023

Actes 27 / Vers l’Empire romain converti




Voir ICI les questions proposées par Patricia.


Pour introduction, lire Actes des Apôtres, ch. 27…


Actes 27… Au cœur d'une violente tempête, où est passé le capitaine ? C’est Paul, prisonnier, captif de l’armée romaine, qui prend les commandes !

Le livre des Actes des Apôtres parle d’un commencement de la mission, d'un envoi des Apôtres comme « témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1, 8).‭ Le livre se termine à Rome, où l’Apôtre Paul est conduit en bateau comme prisonnier. Un bateau pris dans une tempête (ch. 27), où l’Apôtre se retrouve en position de quasi-capitaine ! maîtrisant les flots déchaînés, nourrissant les passagers et l’équipage avant de les amener à terre sains et saufs. Étrange préfiguration d'un monde romain en perdition conduit par les témoins du Christ. On est quelques siècles avant la conversion de l’Empire romain au christianisme (313), Nouveau départ de l'extension vers les extrémités de la terre de ce qui deviendra la Chrétienté, via croisades, expansion et colonies… Une extension pour un indubitable adoucissement du monde — via des violences inouïes et des humiliations à l’opposé du message du Christ, qui ont accompagné cette extension. Cf. la légende du Grand Inquisiteur de Fiodor Dostoïevski in Les frères Karamazov

Actes 27, 9-12 : « […] il devenait désormais dangereux de naviguer, puisque le Jeûne [Yom Kippour — septembre : Paul est juif et Actes un texte juif] était déjà passé. Paul a voulu donner son avis : "Mes amis, leur a-t-il dit, j’estime que la navigation va entraîner des dommages et des pertes notables non seulement pour la cargaison et le bateau, mais aussi pour nos personnes." Le centurion néanmoins se fiait davantage au capitaine et au subrécargue [i.e. l’agent de l’affréteur du navire] qu’aux avertissements de Paul [et on peut le comprendre ! Paul, un prisonnier : de quoi se mêle-t-il ?!]. Comme le port, en outre, se prêtait mal à l’hivernage, la majorité a été d’avis de reprendre la mer ».

Et voilà que plus loin, dans le texte que nous avons entendu, c’est carrément le prisonnier qui prend les commandes. Annonce d’un monde nouveau et pas prise de pouvoir — Paul reste un prisonnier, qui annonce : « aucun d’entre vous n’y laissera la vie ; seul le bateau sera perdu » (ch. 27 v. 22). Condamnés ou sauvés tous ensemble, pour traverser la même tempête, dans le même bateau provisoire. Rassasiés par un même pain rompu, comme au jour de la Pâque, pour la traversée de la mer au jour de l’Exode, la traversée de la mort au jour de la croix : Paul « prit du pain, rendit grâce à Dieu en présence de tous, le rompit et se mit à manger. Tous alors, reprenant courage, s’alimentèrent à leur tour » (ch. 27 v. 35-36).

Tous dans le même bateau, Actes 27, 30-32 : « comme les marins, sous prétexte de s’embosser [s’attacher] sur les ancres de l’avant, cherchaient à s’enfuir du bateau et mettaient le canot à la mer [i.e. pour se sauver seuls !], Paul a dit au centurion et aux soldats : "Si ces hommes ne restent pas à bord, vous, vous ne pourrez pas être sauvés. Les soldats ont alors coupé les filins du canot et l’ont laissé partir." » Écho à nouveau dans l’Épître aux Hébreux (ch. 12 v. 14) : « sans la sanctification, nul ne verra le Seigneur » — la sanctification des uns vaut ici pour tous : sans elle, personne ne verra le Seigneur…

Plus loin, au livre des Actes, ch. 27 v. 41-44 : « tandis que la poupe se disloquait sous les coups de mer, les soldats ont eu alors l’idée de tuer les prisonniers, de peur qu’il ne s’en échappe à la nage. Mais le centurion, décidé à sauver Paul, les a empêchés d’exécuter leur projet ; il a ordonné à ceux qui savaient nager de sauter à l’eau les premiers et de gagner la terre. Les autres le feraient soit sur des planches soit sur des épaves du bateau. Et c’est ainsi que tous se sont retrouvés à terre, sains et saufs. » — Saufs ! Sauvés ! Tous…

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Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023

Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous



Église protestante unie de France / 2022-2023
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)
Actes / Mission -> vers l’Empire romain converti -> Chrétienté, croisades, expansion et colonies.
Poitiers : 9 mai ; Châtellerault : 23 mai


mardi 11 avril 2023

Luc 21 et parallèles / l’Empire romain ennemi – an 70




Pour introduction, lire Luc 21…

« Lorsque vous verrez Jérusalem investie par des armées, sachez alors que sa désolation est proche… En ces jours-là il y aura une grande détresse dans le pays, et de la colère contre ce peuple » (Luc 21, 20 & 23).

Voilà qui renvoie à des perspectives bien sombres, celles qu’annonçait la prophétie de Sophonie, ch. 1, v. 15 : « Jour de colère que ce jour, jour de détresse et d’angoisse, jour de désastre et de désolation, jour de ténèbres et d’obscurité, jour de nuée et de sombres nuages ». La suite ICI…

Perspective tragique pour laquelle Jésus pleure (Luc 19, 41).

« Les hommes rendront l’âme de terreur dans l’attente de ce qui surviendra pour la terre ; car les puissances des cieux seront ébranlées.‭ Alors on verra le Fils de l’homme venant sur une nuée avec puissance et une grande gloire.‭ » (Luc 21, 26-27)

Quelques jours après, propos de Jésus : ‭« Désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu.‭ » (Luc 22, 69). Propos qui servira de prétexte à sa condamnation : « Alors ils dirent : Qu’avons-nous encore besoin de témoignage ? Nous l’avons entendu nous-mêmes de sa bouche » (Luc 22, 71). À suivre ICI…

*

Contre la violence guerrière et persécutrice, le prophète Zacharie appelait à percevoir l’intervention divine — « ni par la puissance ni par la force, mais par mon Esprit, dit le Seigneur des armées » (Za 4, 6). Voir ICI…

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« Quand ces choses commenceront à arriver, redressez-vous et levez vos têtes, parce que votre délivrance approche »‭ (Luc 21, 28).





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Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023

Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous



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(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)
Luc 21 et parallèles / l’Empire romain ennemi – an 70
Poitiers : 11 avril ; Châtellerault : 25 avril


samedi 1 avril 2023

Violence et guerres




Violence et guerres : la Bible, l'Histoire et nous… Nos études bibliques nous conduisent cette année à des moments bibliques de violence, ouvrant la question : est-ce une bonne chose que cette Création, celle de l’homme en particulier ? — l’homme dont Dieu s’est repenti de l’avoir créé (Gn 6, 6) ! Au plus aigu, cet atroce épisode relaté en Juges 19 — une femme dont on ne sait pas le nom violée à mort collectivement avant d’être démembrée. Ce récit ancien qui résonne tant avec notre actualité nous pose cruellement la question : cette Création valait-elle le coup ?

Aux origines, avant l’humain : « Que la lumière soit ! Et la lumière fut… Jour Un » (Gn 1, 3). Un débat a existé chez les maîtres du judaïsme pour savoir si le premier moment de la Création est au v. 2 de Genèse 1, ou au verset 3 : « Que la lumière soit ! »… le v. 2, le tohu-bohu, étant alors le substrat posé par Dieu, relevant donc déjà de sa Création, en vue de la Création.

Un substrat qui pourrait résonner, lui, pour un moderne, avec les 13, 8 milliards d’années depuis le Big bang et avec un univers observable qui compte quelques 2 000 milliards de galaxies de centaines de milliards d'étoiles. Notre seule galaxie, la Voie lactée, une seule de ces 2 000 milliards de galaxies, ayant une extension de l’ordre de 100 000 années-lumière, on perçoit les étoiles lointaines de notre seule galaxie comme elles étaient il y a 100 000 ans. Une parmi les centaines de milliards d’étoiles de cette galaxie parmi 2 000 milliards d’autres, le soleil est l’étoile autour de laquelle tourne la terre.

Voilà qui met les choses en perspective, et qui semble bien vertigineux ! On pourrait se dire que tout ça est le fait du hasard, que la vie terrestre est un mini-bouillon de culture hasardeux… débouchant sur une civilisation humaine.

Une tradition du judaïsme envisage qu’avant d’en venir à la Création que nous connaissons, Dieu aurait fait une série d’essais finalement non concluants. Parmi ces essais, certains modernes placent par exemple les dinosaures… On pourrait y voir aussi les 13, 8 milliards d’années de l’univers !… Avec « en amont » en quelque sorte, tous les possibles jamais advenus. La théologie médiévale affirmait que Dieu connaît de toute éternité tous les possibles, même ceux qui ne sont jamais advenus et ceux qui n’adviendront jamais… Et, donc, de toute éternité, il sait aussi l’horreur des violences rapportées par la Bible, l’actualité, ou l’Histoire…

Le vertige d’un univers immense et chaotique, l’absurde d’un monde trop souvent chargé de violences, causées par les hommes, ou par des hasards naturels, comme le tremblement de terre en Turquie et en Syrie vient de nous le rappeler, nous mettent décidément devant la lancinante question : cela valait-il le coup ?

Si Dieu connaît tous les possibles, quid de ce monde ? Que fait-il ? Où est-il ? Existe-t-il comme source du bien, finalement ? La mystique juive envisage l’idée qu’il s’est retiré pour que le monde soit. Avec tout le risque de l’infiltration du mal qui est dans ce retrait. Sa connaissance de tous les possibles aurait donc jugé que quelque chose de l’ordre de la beauté et de la lumière valait que ce risque soit pris… Retiré mais présent…

Où est-il alors ? On connaît la remarque d’Élie Wiesel à Auschwitz : il est avec cet adolescent pendu par les nazis… Écho au serviteur souffrant du livre d’Ésaïe et, pour les chrétiens, à sa présence dans le Crucifié ; et — peut-être est-ce le message silencieux de Juges 19 —, ce Dieu dont on ne saurait prononcer le Nom au-dessus de tout nom est dans la souffrance de la femme anonyme… Dieu rachetant en pleurant, en s’identifiant à elle, ce monde dont il a jugé que sa possibilité était préférable aux ténèbres du non-être. Ce monde de douleur appelé encore aujourd’hui à une vie par laquelle un seul instant de lumière est chargé de la possibilité d’un Oui quand même… « Choisis la vie » (Deut 30, 9).

RP

dimanche 12 mars 2023

Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel / Assyrie, Babylone, empires et exils




Au terme d'un parcours qui commence aux deux premiers livres de la section des Prophètes de Bible hébraïque, Josué et Juges, que l'on a considérés précédemment ; après l'instauration de la royauté, puis la division en deux royaumes — et après le déroulement de ce qui s'avère finalement un échec, les deux royaumes prennent fin par l'exil : sous le pouvoir assyrien en 722 av JC pour Samarie, capitale du royaume du Nord (Israël / Ephraïm), et, pour le Royaume du Sud, Juda, avec Jérusalem pour capitale, sous le pouvoir babylonien — selon la tradition juive le 9 du mois d'Av 586 av. JC.


Cf. le document préparatoire proposé par Patricia Verissimo Sacilotto — (clic sur l'image) :



Cf. aussi, proposition d'interprétation en regard de la relecture par le livre de Daniel (ch. 9) :

Soixante-dix années sabbatiques, années de repos de la terre surexploitée, n’ont pas été respectées. L’exil correspond au temps qu’il faut pour rendre à la terre son dû, le temps de repos qui lui a manqué. Soixante-dix ans. Soit, puisque les années sabbatiques intervenaient tous les sept ans, les années sabbatiques d’une période de 490 ans… La suite ICI.


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Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023

Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous



Église protestante unie de France / 2022-2023
(Poitiers, 5 rue des Écossais / Châtellerault, 1 rue Adrienne Duchemin)
Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)
Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel / Assyrie, Babylone, empires et exils (cf. Daniel 9) Poitiers : 14 mars ; Châtellerault : 28 mars


dimanche 19 février 2023

Juges / de l'espérance au chaos - dépeçage et guerre civile




Au terme du livre des Juges, allant de l'espérance conçue lors de l'entrée en Terre promise au choas inouï sur lequel débouche cette espérance échouée, ce récit, au ch. 19, moment culminant du pire parmi le pire d'une société détructurée : un viol collectif jusqu'à la mort d'une victime anonyme, débouchant via son démembrement sur une guerre civile vengeresse, vengeance que ce ch. 19 nous donne à comprendre ! Quasi extermination de la tribu des coupables, moment sans issue du lite motive "en ce temps-là, il n'y avait pas de roi en Israël, chacun faisait ce qu'il voulait", ouvrant vers le pis-aller de l'instauration de la monarchie au livre suivant (1 Samuel).

Pour travail préparatoire, cf. parmi les textes d'introduction proposés par Patricia Verissimo Sacilotto (qui présente l'étude biblique de ce mois), le livre de Corinne Lanoir, Femmes fatales, filles rebelles : figures féminines dans le livre des Juges, Labor et Fides, 2005.


Voir aussi, texte suggéré par J.-P. Sanfourche :

Sébastien Doane, "Gang bang et démembrement. Quatre lectures de Juges 19", Science et Esprit, 66/2 (2014)


Voir aussi ICI :

Écho au serviteur souffrant du livre d’Ésaïe et, pour les chrétiens, à la présence du Dieu invisible dans le Crucifié ; — peut-être est-ce le message silencieux de Juges 19 — : ce Dieu dont on ne saurait prononcer le Nom au-dessus de tout nom est dans la souffrance de la femme anonyme… Dieu rachetant en pleurant, en s’identifiant à elle, ce monde dont il a jugé que sa possibilité était préférable aux ténèbres du non-être. (-> Suite)…


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Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous



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Poitiers : à 14h 30 et à 18h 30 le 2e mardi du mois (sauf décembre et février et/ou indications autres)
Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)
Juges / de l'espérance au chaos (cf. ch. 19-20 - dépeçage et guerre civile). Vers la royauté : désordre quand même (cf. 2 Samuel 24 / 1 Chroniques 21 – David - le guerrier et la peste)


samedi 14 janvier 2023

"Josué / la conquête : épopée et relectures"




Pour travail préparatoire, Josué 1 et Deutéronome 7, 1-5

Cf., proposé par Patricia Verissimo Sacilotto (qui présente l'étude biblique de ce mois) :

Par rapport au thème de la guerre :

Thomas Römer, « La guerre dans la Bible hébraïque, entre histoire et fiction », in J. Baechler (ed.), Guerre et religion (L'Homme et la Guerre), Paris, Hermann, 2015, pp. 31-39.

Il y a aussi, par exemples, des livres comme :
La Bible et l'invention de l'histoire de Mario Liverani (Gallimard, coll. "Folio Histoire") - voir le chap. XIV "Rapatriés et étrangers. L'invention de la conquête" notamment les points 3 et 7 ou bien Le peuple élu et les autres. L'Ancien Testament entre exclusion et ouverture de Thomas Römer (Éditions du Moulin), entre autres.

Cf. aussi, proposé par J.P. Sanfourche :

Thomas Römer, « Discours bibliques sur la violence ».


Sur Deutéronome 7, 1-5, voir ICI :

Après la libération éclatante de l’Exode et après 40 ans d’errance au désert, va commencer une conquête fondatrice, où comme pour la douleur d'une naissance, celle d’un peuple va se faire dans la violence, qui alors fait suite à la violence de la sortie du pays de l’esclavage. Il n’est dans le temps aucun peuple marquant l’histoire qui ne soit né dans la douleur, la violence et le sang. Chose atroce, mais hélas, plutôt constante. Or, même cela, selon la relecture que fait le livre de Josué après le Deutéronome, n'échappe pas à Dieu… (-> Suite)…



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Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous



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Châtellerault : à 17h 00 le 4e mardi du mois (sauf indications autres)
4) Josué / la conquête : épopée et relectures (cf. Josué 1 / Deut 7, 1-5) Poitiers : 10 janvier 2023 ; Châtellerault : 24 janvier 2023


lundi 12 décembre 2022

Préalable et brève synthèse des études bibliques (fin 2022)




Sur Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous


Au cœur de ce qui se déploie dans la Bible hébraïque, la Révélation de l’Exode, celle d’une libération fondée sur un Nom donné comme imprononçable, fonde une transcendance absolue du fait même de cette imprononçabilité (transcendance absolue, à savoir — vocabulaire de V. Jankélévitch : “ce qui passe la pensée et nous surpasse”, à la différence de la transcendance relative, qui peut être universelle, mais comme clef de voûte du monde auquel elle n’est pas étrangère). De la Bible hébraïque relisant l'événement qu'elle donne comme fondateur, moment nodal de la Tora : l’Exode, à ses autres relectures, celle du monde hellénistique puis du monde chrétien, tout un cheminement dont un point d’orgue moderne mènera au XIXe siècle, où est forgé le terme "monothéisme” au sens où on l’entend aujourd’hui : à savoir concept d’un Dieu unique universel. Comme pour nombre d’autres concepts développés au XIXe s., cela se fait sur la base d’un tournant historique remontant au XVIIe s., où apparaît aussi, sous la plume du philosophe anglais Henry More, le mot “monothéisme”, mais en un sens très différent, voire opposé au sens reçu depuis le XIXe s. Pour More, il s’agit d’affirmer que le christianisme, étant trinitaire, n’est donc pas monothéiste, mais est universaliste contrairement au judaïsme, “monothéiste”, c’est-à-dire pour lui tenant de ce qu’on appelle aujourd'hui “monolâtrie”. More entendait donner un vis-à-vis au terme “polythéisme”, qui remonte, lui, à haute époque, forgé par Philon d’Alexandrie (Ier s. ap. JC) pour dire la différence entre monde gréco-romain, adorant plusieurs dieux, et monde juif en adorant un seul, monolâtre, donc — ce Dieu des juifs, seul adoré, correspondant pour l’hellénisme à la divinité universelle des philosophes.

Le tournant du XVIIe s., débouchant sur la vision du monde dont nous héritons, mise en place pour l’essentiel au XIXe siècle, est consécutif au moment Galilée, Galilée qui, bénéficiant le premier de la lunette astronomique, va voir bouleverser la vision séculaire de l’univers. La lunette de Galilée lui fait constater, début XVIIe s., en 1609, la disparition de “l’éther”, qui était réputé jusque là être la matière lumineuse des planètes visibles à l’oeil nu, comme cinquième essence — quintessence —, au delà des quatre autres que sont la terre, l’eau, l’air et le feu qui composent le monde sublunaire (en dessous de la Lune). La lunette astronomique fait apparaître au regard de Galilée que la matière des planètes n’est pas l’éther, mais quelque chose de similaire à la matière sublunaire. Radical bouleversement du monde, qui va obliger la philosophie à repenser l’univers. Le premier à poser systématiquement cette refondation est Descartes, qui emprunte la formule par laquelle saint Augustin répondait à ses doutes : “je pense donc je suis” (cogito ergo sum). Mais de facto, au sens où la reprend Descartes, cette formule ancienne date pourtant du XVIIe s. Jamais auparavant elle n’avait servi à fonder le monde, comme c’est le cas depuis Descartes. Le sujet devient le fondement alternatif de l'univers dont la structure, classique depuis au moins Aristote (IVe s. av. JC), vient de s’effondrer sous le regard de Galilée. Dorénavant, le sujet rationnel est au fondement de la lecture du monde, bientôt en vis-à-vis de son expérience de la nature (i.e. l’”empirisme” proposé par l’anglais Francis Bacon — XVIe-XVIIe s.). La synthèse entre le rationalisme de Descartes et l’empirisme trouve son point d’orgue au XIXe s., avec les philosophes Kant et Hegel. En théologie ce tournant philosophique trouve son équivalent entre le cartésien critique Spinoza (critique de ce que le philosophe Wolff appellera le ”dualisme” de Descartes, dualisme de l'âme et du corps, que refuse Spinoza) et la critique du XIXe s. Spinoza donne le premier temps, avec son Traité théologico-politique (XVIIe s.), d’une proposition de relecture de la Bible, relecture post-galiléenne. Sur cette base, apparaît au XIXe s., dans l’héritage de Hegel, le développement d’une critique biblique voyant dans la Bible un processus évolutif débouchant sur le “monothéisme”, mot qui en ce sens précis remonte à ce même XIXe s., à savoir le concept d'un Dieu unique universel. Le XXe s. et le XXIe s. s'inscrivent dans cette tradition, donnant la naissance du “monothéisme” (en ce sens récent) entre le Ve s. av. JC (Römer) et le IIe s. av. JC (Barc).

Rappelons que la Bible hébraique telle qu’elle se donne elle-même, date de bien avant le XIXe s. (et d’avant le XVIIe s.) ! L’a priori derrière le livre de l’Exode tel qu’il se donne dans la Bible hébraïque est proposé dans la Révélation du Nom en Exode 3, c’est-à-dire donné comme remontant, selon les chiffres bibliques, au XIIIe s. av. JC environ. Alors, dans la Révélation du Nom comme imprononçable, est donnée la transcendance absolue de ce Nom libérateur. Une libération qui ne se fait pas sans son refus, porté dans le texte biblique par le Pharaon, refus source de violence contre l'avènement d’un monde fondé sur des préceptes qui n’ont pas d’auteur humain, violence à laquelle les opprimés répondent dans un premier temps par la violence, présente dans le temps et l’histoire, mais refusée dans l'au-delà du temps.

Dans la même Tora qui révèle le Nom divin comme inaccessible à nos concepts, les origines de la violence sont données dès les débuts de son premier livre, le livre des commencements, la Genèse (traduction grecque de l’hébreu “au commencement”) — en l’occurrence en son ch. 4, dans le récit du meurtre d’Abel par Caïn. Selon Philon d’Alexandrie, suivi par l'Épître aux Hébreux (11, 4), la frustration de Caïn vient de sa perception de sa non-spontanéité dans son offrande donnée seulement “après quelques jours” (v. 3). La remarque n'intervient pas pour l’offrande d’Abel, marque de spontanéité (“par la foi” dit l'Épître aux Hébreux). Perception donc d’un non-agrément de son offrande par Caïn, commencement d’un processus de frustration qui débouchera sur le meurtre d’Abel — qui passe par une oblitération de la Parole originée dans l’oblitération de la subjectivité de sa mère Ève par Adam, qui débouche sur un vis-à-vis exclusif de celle-ci avec Caïn, possédé par elle, selon le sens du nom Caïn. (Cf. Les développements de Marie Balmary et ceux de René Girard.) Origine d’une violence liée à une oblitération de la parole et un sentiment de devoir être privilégié, propriétaire des bénéfices reçus…

Cela vaut dans le même livre de la Genèse pour les femmes, perçues, dans un cadre patriarcal, comme à disposition, comme vouées à être propriétés. A priori dramatique, qui trouve un moment culminant dans le viol de Dina, fille de Jacob, par le fils d’un roi local, Sichem. Revendiquant ensuite sa passion amoureuse, Sichem entend voir confirmer son désir via un mariage… Dina n’a pas la parole. On ne peut que penser à la sidération de celle que l’on n’entend pas, et qui devient simple objet de négociation pour une alliance qui s’avère impossible et qui, avant même d’avoir lieu, est rompue dans la violence… Débouché inéluctable, compensation et fruit de l'empathie de ses frères (même père-même mère) pour Dina.

Violence qui sera plus tard celle par laquelle passera la sortie de l’esclavage, de tout esclavage, avant de se poursuivre dans d’autres épidodes, des prophètes de la Bible hébraïque (cf. janvier à mars) au Nouveau Testament (avril à juin), et aux libérations modernes (au fur et à mesure)… Révolutions, puritaines puis française, avec Déclaration de Droits universels, “sous les auspices de l’Être suprême” (1789), au nom de la dignité inaliénable de tout être humain (Déclaration de 1948), le tout ayant passé, ou devant encore passer, par l'abolition de l’esclavage et la reconnaissance de l’égalité des femmes et des hommes…


RP, 12.12.22 (format imprimable)


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Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023

Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous



Église protestante unie de France / 2022-2023
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jeudi 17 novembre 2022

Exode / esclavage et libération




Exode / esclavage et libération (cf. Exode 15) / Châtellerault : 22 novembre ; Poitiers : 6 décembre

Exode 15
1 Alors, avec les fils d’Israël, Moïse chanta ce cantique au SEIGNEUR. Ils dirent‭ : «‭ Je veux chanter le SEIGNEUR, il a fait un coup d’éclat. Cheval et cavalier, en mer il les jeta.
2 Ma force et mon chant, c’est le SEIGNEUR. Il a été pour moi le salut. C’est lui mon Dieu, je le louerai‭ ; le Dieu de mon père, je l’exalterai.
3 Le SEIGNEUR est un guerrier. Le SEIGNEUR, c’est son nom.‭ »
(TOB) — Cf. la suite du ch. 15…

«‭ Le Saint béni soit-Il, ne se réjouit pas de la chute du méchant. […] Les anges de Service voulurent entonner un chant (au passage de la mer Rouge) mais le Saint béni soit-Il leur dit‭ : “Mes créatures se noient dans la mer et vous voulez chanter devant Moi ?”‭ » (Meguila 10b)

*

Raphaël Draï, La Sortie d'Egypte‭ : L'invention de la liberté, Fayard 1986. 4e de couv. extrait‭ :

« Il y a près de trente-cinq siècles, les Bnei Israël, sous la conduite de Moïse, sortaient d'Egypte.

On s'accorde, depuis lors, à faire de cette sortie un des événements fondateurs de l'histoire de l'humanité. Mais a-t-on jamais, au-delà des interprétations avancées (apparition d'un peuple dans l'histoire, invention du monothéisme, etc.), véritablement perçu la dimension essentielle de l'événement : l'invention de la liberté ?

Contraignant Pharaon à leur ouvrir les portes pour qu'ils quittent l'Egypte, les Juifs, par ce mouvement sans précédent, rejettent pour la première fois l'ordre esclavagiste qui semblait pourtant inscrit dans la nature des choses ; ils proclament la primauté de l'Etat de droit sur l'arbitraire idolatrique ; ils récusent, en offrant une alternative politique et religieuse, la cosmocratie pharaonique dans son principe et ses mythologies extrémistes ; ils dénoncent la folie de l'exercice absolu du pouvoir qui peut se porter jusqu'au génocide. […] »


(Cf. ici : R. Draï, Sortir - complètement - d'Egypte ; et ici : extraits de : R. Draï, La Sortie d'Egypte‭ : L'invention de la liberté ; proposés par Jean-Paul Sanfourche. Voir aussi l'article de Sonia Sarah Lipsyc, Des femmes de l'Exode à l’éveil féministe au regard de la tradition juive.)

*

Liliane Crété, Les puritains, Quel héritage aujourd'hui ? Olivétan 2012. 4e de couv. extrait :

« En France, le terme puritain est employé régulièrement pour dénigrer tout ce qui est anglo-saxon, anglophone ou américain. Au début du XXe siècle aussi, il était de bon ton d’associer le puritanisme à tout ce qui n’allait pas en Amérique. Les Français ont suivi le mouvement en confondant le puritain d’hier avec le capitaliste avide et le moraliste évangélique d’aujourd’hui.

Mais qui connaît la véritable identité des puritains ? Hérauts de la démocratie ? Rabat-joie ? Assoiffés de vérité évangélique ? Un modèle social voué au seul travail, bannissant les plaisirs, accompagné d’un projet politique théocratique ? […]

Le puritanisme est fortement marqué par son époque. Parce que les puritains se sont assigné la tâche de purifier non seulement l'Église, mais tous les rouages de la société […]. C’est seulement en les replaçant dans le temps et l’espace qui furent les leurs, que l’on peut comprendre leur mentalité, leur comportement et leurs motivations. […] »


*

Dans l'Angleterre du XVIIe siècle, où les puritains remettent en question un système où une Église et un pouvoir qui y est lié font clef de voûte de la Cité et posent comme alternative la supériorité de la loi, et sur les princes et sur les Églises. De façon équivalente, en France, sous l'Ancien Régime, une religion majoritaire faisait clef de voûte de la cité : le protestantisme minoritaire y a connu plus d'un siècle de clandestinité (de la révocation, en 1685, de l’Édit de tolérance dit Édit de Nantes, à un nouvel Édit de tolérance en 1687). Le judaïsme était toléré, au prix de vexations diverses. Le protestantisme et le judaïsme portent en France l'héritage historique de minorités persécutées ou ghettoïsées.

Les choses changent lors de la Révolution française, où les représentants de la minorité protestante vont réclamer pour le protestantisme et pour le judaïsme, plus que la tolérance, la liberté.

Député à l'Assemblée constituante de 1789, le pasteur Rabaut Saint-Étienne sera le porte-parole de cette revendication. Rabaut Saint-Étienne a joué un rôle significatif dans l'adoption de l'article X de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (qui est en arrière-plan de l'article XVIII de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948) dans la forme qui est la sienne : « nul de doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». L'incise « même religieuses » est due au pasteur Rabaut Saint-Étienne : nous voulons la liberté et pas seulement la tolérance.

L’articulation entre tolérance et liberté, qui ne relève pas d'une majorité qui octroierait cette tolérance à des minorités, apparaît dans la la fin de l'article X : « pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ».

La minorité protestante, sortant alors de la clandestinité et de la persécution, se reconnaît ainsi dans une revendication de liberté, et pas seulement de tolérance, qui vaut pour toutes les autres minorités (comme en 1789 pour les juifs) – selon la lecture que les protestants persécutés faisaient des textes de la Bible hébraïque rappelant l'exigence de respect de la dignité de quiconque : « car toi aussi tu as été étranger au pays de l'esclavage » (texte classique – Deutéronome 10, 19).

*

Une question de vocabulaire

La visée ouverte par la Tora va au-delà d'un simple déplacement géographique, elle libère de l'esclavage, de tous les esclavages, faisant sortir de Mitsraïm (l'exiguïté) celui, celle, qui reçoit la libération. La Tora de la sortie de la captivité fait de l'humain un célébrant du Nom au-delà de tout nom, le Nom qui le rachète comme il rachète toute la nature qu’il révèle ainsi comme sa Création… Égypte incluse. Car le mot Égypte n'est pas le mot Mitsraïm, exiguïté, mais est la transcription, à l'époque hellénistique, soit à partir du IIIe s. av. JC, du mot égyptien pour Memphis : "tabernacle / demeure de l'âme (le ka) de Ptah" (à savoir le Créateur). Ce n’est pas d'Égypte (le mot Égypte est donc positif), mais de Mitsraïm (exiguïté), que sort le peuple captif.

À l'époque que donne la Bible pour l’Exode, l’Égypte ne s'appelle pas non plus elle-même Mitsraïm, mais (entre autres) Kemet, ici aussi un nom positif, qui désigne la noirceur de sa terre fertile et/ou de la peau de ses habitants comme peuple solaire. Quel pays s’auto-désignerait comme pays de l’exiguïté, ou de l’esclavage ? C’est bien de Mitsraïm, de l’enfermement, de l’exiguïté, qu’est libéré le peuple réduit en esclavage et pas d’une zone géopolitique qui s’appelera plus tard Égypte. Sans compter qu’à l’époque donnée par la Bible pour l’Exode, la terre de Canaan, où demeureront les Hébreux, est elle-même dans la zone géopolitique des Pharaons. En ce sens aussi, le peuple ne sort pas d’Égypte, mais de Mitsraïm, de l’esclavage.

Or, grecque, la Bible des LXX a traduit Mitsraïm par Égypte, mot conservé ensuite par toutes les traductions, oubliant le sens respectif de chacun de ces mots, tabernacle de l’âme du Créateur dans un cas, pays de l’esclavage, de l’enfermement, dans l’autre. Où l’Égypte, belle expression, devient terme négatif. Sachant qu’une grande partie des juifs de l'époque hellénistique sont des Égyptiens, participant de la vocation universaliste hellénistique, et y trouvant son fondement dans la Révélation de l’Exode, se glisse une ambivalence avec l’ambivalence que reçoit le terme Égypte. Ambivalence qui a pu être notée par les autres Égyptiens, non-juifs, jusqu’à ceux qui ont pu y trouver un prétexte pour le premier pogrom anti-juif connu des historiens, fait d’une population égyptienne d’avant le christianisme, dans la première moitié du Ier siècle de l'ère chrétienne.

À la même époque, un Philon d'Alexandrie travaille à une philosophie universaliste, selon une exégèse biblique nourrie de la pensée des grands philosophes grecs, exégèse qui nourrira ensuite l’exégèse chrétienne, de l'Antiquité au Moyen ge. Cela n'est peut-être pas non plus sans lien avec la perception positive de l'Égypte à l'occasion de la redécouverte depuis la Renaissance de textes comme ceux de la tradition hermétiste, perception positive s'appuyant sur Actes 7, 22 (‭"Moïse instruit dans toute la sagesse des Égyptiens").

Importance d'être conscient de tout cela, quand on utilise invariablement le beau mot d’Égypte pour évoquer les situations d’enfermement dont libère le Nom dont personne n’est maître. Pourquoi ne pas faire l’effort de traduire le Mitsraïm biblique par “pays de l’esclavage”, ou, mieux peut-être, “lieux de l’esclavage” ? Sachant que le mot de Mitsraïm a vocation de signifier la libération universelle promise par le Dieu libérateur de toute sa Création… Où l’ambivalence d’un mot reçoit le côté positif de l’ambivalence : « L’Éternel, le maître de l’univers, les bénira en disant : “Bénis soient l’Égypte [Mitsraïm], mon peuple, l’Assyrie, que j’ai créée de mes mains, et Israël, mon héritage !” » (Ésaïe 19, 25)


Roland Poupin, Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023

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lundi 24 octobre 2022

Genèse 34 / Dina, ses frères et Sichem




Genèse 34 / Dina, ses frères et Sichem / Châtellerault : 25 octobre / Poitiers 8 novembre 2022


Genèse 34
1 Dina, la fille que Léa avait donnée à Jacob, sortait pour retrouver les filles du pays. 2 Sichem, fils de Hamor le Hivvite, chef du pays, la vit, l’enleva, coucha avec elle et la viola. 3 Il s’attacha de tout son être à Dina, la fille de Jacob, il se prit d’amour pour la jeune fille et regagna sa confiance. 4 Sichem s’adressa à son père Hamor et lui dit : « Prends-moi cette enfant pour femme. » (TOB) — Voir la suite du ch. 34…


Manon Garcia, La conversation des sexes, philosophie du consentement, Climats Flammarion 2021, p. 74-75 : « Agir moralement implique ainsi deux devoirs différents : un devoir négatif de ne pas utiliser les autres comme des moyens et un devoir positif de les traiter comme des fins, c'est-à-dire de les reconnaître comme étant ce que Kant appelle des fins en soi [“Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais seulement comme un moyen." - Kant]. Dans le cadre d'une réflexion sur la sexualité, comme l'ont montré divers articles de philosophie féministe, ce devoir négatif peut être compris comme un devoir de ne pas traiter les autres seulement comme des objets servant à la satisfaction de notre désir ou de notre plaisir. […] l'aspect positif de la formule d'humanité demande non seulement d'agir en fonction de maximes que les autres peuvent partager, mais aussi selon des maximes dont le but est de poursuivre les fins des autres. La formule d'humanité requiert d'avoir pour les autres du respect et de l'amour. Il faut à la fois respecter leurs fins propres et les aimer pour les aider à poursuivre ces fins. Ce devoir positif est donc très exigeant [Suite…]

Vanessa Springora, Le Consentement, Grasset, 2020, p. 167 : « Une violence physique laisse un souvenir contre lequel se révolter. C’est atroce, mais solide. L'abus sexuel, au contraire, se présente de façon insidieuse et détournée, sans qu'on en ait clairement conscience. On ne parle d'ailleurs jamais d' "abus sexuel" entre adultes. D'abus de "faiblesse", oui, envers une personne âgée, par exemple, un personne dite vulnérable. La vulnérabilité, c'est précisément cet infime interstice par lequel des profils psychologiques tels que celui de G. peuvent s'immiscer. C'est l'élément qui rend la notion de consentement si tangente. Très souvent, dans les cas d'abus sexuels ou d'abus de faiblesse, on retrouve un même déni de la réalité : le refus de se considérer comme une victime. [Suite…]

Manon Garcia, op. cit, p. 106-107, citant Muriel Fabre-Magnan : « "Une vision bien éthérée de l'être humain, considéré comme omniscient et surtout transparent à lui-même, c'est-à-dire bien sûr sans inconscient" : le consentement, comme le principe d'autonomie de la volonté sur lequel il se fonde, implique un sujet rationnel, volontaire et non vulnérable, un sujet conscient à chaque instant de sa volonté et de ce qui la fonde. Or la psychanalyse, par exemple (mais plus largement les sciences sociales dans leur ensemble), met en doute la validité d'une telle représentation de la personne en agent libre, rationnel et volontaire. » [Suite…]

Cf. aussi…


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mardi 13 septembre 2022

Genèse 3-6 / fratricide et corruption




Genèse 3-6 / fratricide et corruption (Gn 4 – Caïn et Abel) / Châtellerault : 20 septembre / Poitiers 11 octobre 2022


Hébreux 11, 4 : “‭C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn ; c’est par elle qu’il fut déclaré juste, Dieu approuvant ses offrandes ; et c’est par elle qu’il parle encore, quoique mort.‭”

Philon d'Alexandrie Cinzia Arruzza : « [On trouve chez Philon d'Alexandrie] l'élaboration de la notion du péché de superbe [orgueil] en tant qu'amour de soi, opposé à l'amour de Dieu, par exemple dans De Sacrificiis Abelis et Caini, 52, 2-57 et dans Quod deterius potiori insidiari soleat, 32, 4-6, où le péché de superbe explique la conduite de Caïn. Celui-ci représente en fait l'amour de soi, la paresse et la négligence dans la reconnaissance envers Dieu : en remerciant Dieu pour les fruits de son travail seulement “après quelques jours” [v. 3] et non pas “tout de suite”, il refuse de reconnaître le rapport de dépendance qui le lie à Dieu, il ne reconnaît pas les fruits de son travail en tant que don du Créateur. Cette forme de superbe, qui, comme le refus de l'invitation au banquet de noces, consiste dans le fait de privilégier sa propre individualité et son autosuffisance par rapport à la dépendance envers le Créateur, peut être associée aussi à la nature de la chute des créatures rationnelles chez Origène. Pourtant, c'est dans la négligence qu'il faut chercher la source de cette superbe, qui en est de quelque façon l'effet. »
(Cinzia Arruzza, “Le refus du bonheur : négligence et chute dans la pensée d'Origène”, p. 268, in Revue de Théologie et de Philosophie, 141 (2009), p. 261-272)


René Girard

Dans Des choses cachées depuis la fondation du monde, René Girard révèle que son point d’arrivée, la lecture des textes bibliques, les premiers textes religieux où les victimes émissaires sont innocentées, est la source de la théorie mimétique. [...] il suffit de lire la Bible, livre plein de bruit et de fureur, où la violence est omniprésente, mais qui prend ses distances avec les sacrifices et, surtout, révèle le mécanisme du bouc émissaire.
Il suffit de comparer deux mythes semblables, celui du meurtre d’Abel par Caïn et celui de Remus par Romulus : dans les deux cas, le meurtre est « fondateur ». Dans le mythe romain, Remus est coupable, il est tué parce qu’il a été transgresseur en dépassant la limite inscrite par son frère sur le sol. [...] Dans la légende biblique, Dieu s’adresse à Caïn et l’accuse d’avoir tué Abel : « Le sang de ton frère crie du sol vers moi. » Le dieu ne naît donc pas ici du lynchage fondateur. A la différence du mythe, la Bible accuse la violence des hommes et révèle l'innocence de la victime.
[…] Le véritable sujet des mythes n’est pas un héros, mais des frères ennemis (la réciprocité violente des doubles) provoquant le phénomène du bouc émissaire, qui résout la crise. Or, la vérité biblique, en révélant l’innocence des victimes émissaires, dérègle le « mécanisme victimaire » et l’empêche de fonctionner. On ne peut avoir des « boucs émissaires » et s’en servir que si l’on ignore qu’on les a.


Marie Balmary

Extrait de : Marie Balmary, “La GPA devant la Bible”, in Martine Segalen, Nicole Athea, dir., Les marchés de la maternité, Odile Jacob 2021 :

Dans bien des traductions de la Bible [on lit] (Genèse 3, 16) : « Tu enfanteras dans la douleur ». Phrase lourde de conséquences pour d'innombrables générations de femmes. Un mot essentiel a tout simplement disparu dans plusieurs traductions tant juives que chrétiennes, et dans toutes les langues que j'ai pu examiner. D'autres versions ont du moins gardé le même nombre de mots : « Tu enfanteras dans la douleur des fils. » Même quand le mot « fils » n'a pas été purement et simplement supprimé, il n'est pas certain qu'il soit entendu à la hauteur de l'importance qu'il a ici. La phrase mérite qu'on s'y arrête. Elle apparaît comme une des conséquences de la transgression de l'interdit divin, au jardin d'Éden. […] Mot à mot, je lis dans le texte hébreu : Dans la peine et le chagrin, tu enfanteras des fils. La traduction « douleur » est contestable. Car le mot etsev (« chagrin », « peine ») et ses dérivés sont employés aussi pour l'homme. Il ne peut donc s'agir des souffrances de l'accouchement… [Suite…]
[…]
Et l'homme connut Ève sa femme ; et elle conçut, et enfanta Caïn ; et elle dit : J'ai acquis (qaniti) un homme avec l'Éternel (YHWH).
Pas besoin d'être psychanalyste pour entendre les erreurs d'Ève. Sa parole inverse la mise au monde, annule la naissance ; par la parole, elle reprend l'enfant en elle : « J'ai acquis un homme ». Pas un enfant, non : un homme. Pas avec le père de l'enfant - Adam n'est pas nommé -, mais avec Dieu. Le mot « fils » n'apparaît pas. L'enfant est inclus dans le verbe de sa mère à la première personne (qaniti, j'ai acquis »). Et cette possession est son nom même : Caïn (qayin). Comment pourrait-il un jour parler en son propre nom pour signer son offrande, par exemple, ce qu'effectivement il ne pourra faire ? Que fait Dieu dans la phrase d'Ève ? Il n'est pas le sujet d'un verbe, il n'est pas reconnu, il est utilisé. Il a servi à ce qu'elle forme/possède/acquière cet « homme ». Le seul sujet, c'est elle. Dieu : un donneur, un père porteur ?
[64] Le mot fils n'apparaît ni pour Caïn ni pour Abel. Qu'ils ne soient pas « fils » fera qu'ils ne pourront être frères. Ni filiation ni fraternité : reste un meurtrier et un mort. Chagrin. [Suite…]

(Marie Balmary, “La GPA devant la Bible” (extrait), in Les marchés de la maternité, p. 62-65) [Suite…]


Roland Poupin, Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023

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1) Genèse 3-6 / fratricide et corruption (Gn 4 – Caïn et Abel) / Châtellerault : 20 septembre / Poitiers 11 octobre 2022 - version imprimable