mardi 13 septembre 2022

Genèse 3-6 / fratricide et corruption




Genèse 3-6 / fratricide et corruption (Gn 4 – Caïn et Abel) / Châtellerault : 20 septembre / Poitiers 11 octobre 2022


Hébreux 11, 4 : “‭C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn ; c’est par elle qu’il fut déclaré juste, Dieu approuvant ses offrandes ; et c’est par elle qu’il parle encore, quoique mort.‭”

Philon d'Alexandrie Cinzia Arruzza : « [On trouve chez Philon d'Alexandrie] l'élaboration de la notion du péché de superbe [orgueil] en tant qu'amour de soi, opposé à l'amour de Dieu, par exemple dans De Sacrificiis Abelis et Caini, 52, 2-57 et dans Quod deterius potiori insidiari soleat, 32, 4-6, où le péché de superbe explique la conduite de Caïn. Celui-ci représente en fait l'amour de soi, la paresse et la négligence dans la reconnaissance envers Dieu : en remerciant Dieu pour les fruits de son travail seulement “après quelques jours” [v. 3] et non pas “tout de suite”, il refuse de reconnaître le rapport de dépendance qui le lie à Dieu, il ne reconnaît pas les fruits de son travail en tant que don du Créateur. Cette forme de superbe, qui, comme le refus de l'invitation au banquet de noces, consiste dans le fait de privilégier sa propre individualité et son autosuffisance par rapport à la dépendance envers le Créateur, peut être associée aussi à la nature de la chute des créatures rationnelles chez Origène. Pourtant, c'est dans la négligence qu'il faut chercher la source de cette superbe, qui en est de quelque façon l'effet. »
(Cinzia Arruzza, “Le refus du bonheur : négligence et chute dans la pensée d'Origène”, p. 268, in Revue de Théologie et de Philosophie, 141 (2009), p. 261-272)


René Girard

Dans Des choses cachées depuis la fondation du monde, René Girard révèle que son point d’arrivée, la lecture des textes bibliques, les premiers textes religieux où les victimes émissaires sont innocentées, est la source de la théorie mimétique. [...] il suffit de lire la Bible, livre plein de bruit et de fureur, où la violence est omniprésente, mais qui prend ses distances avec les sacrifices et, surtout, révèle le mécanisme du bouc émissaire.
Il suffit de comparer deux mythes semblables, celui du meurtre d’Abel par Caïn et celui de Remus par Romulus : dans les deux cas, le meurtre est « fondateur ». Dans le mythe romain, Remus est coupable, il est tué parce qu’il a été transgresseur en dépassant la limite inscrite par son frère sur le sol. [...] Dans la légende biblique, Dieu s’adresse à Caïn et l’accuse d’avoir tué Abel : « Le sang de ton frère crie du sol vers moi. » Le dieu ne naît donc pas ici du lynchage fondateur. A la différence du mythe, la Bible accuse la violence des hommes et révèle l'innocence de la victime.
[…] Le véritable sujet des mythes n’est pas un héros, mais des frères ennemis (la réciprocité violente des doubles) provoquant le phénomène du bouc émissaire, qui résout la crise. Or, la vérité biblique, en révélant l’innocence des victimes émissaires, dérègle le « mécanisme victimaire » et l’empêche de fonctionner. On ne peut avoir des « boucs émissaires » et s’en servir que si l’on ignore qu’on les a.


Marie Balmary

Extrait de : Marie Balmary, “La GPA devant la Bible”, in Martine Segalen, Nicole Athea, dir., Les marchés de la maternité, Odile Jacob 2021 :

Dans bien des traductions de la Bible [on lit] (Genèse 3, 16) : « Tu enfanteras dans la douleur ». Phrase lourde de conséquences pour d'innombrables générations de femmes. Un mot essentiel a tout simplement disparu dans plusieurs traductions tant juives que chrétiennes, et dans toutes les langues que j'ai pu examiner. D'autres versions ont du moins gardé le même nombre de mots : « Tu enfanteras dans la douleur des fils. » Même quand le mot « fils » n'a pas été purement et simplement supprimé, il n'est pas certain qu'il soit entendu à la hauteur de l'importance qu'il a ici. La phrase mérite qu'on s'y arrête. Elle apparaît comme une des conséquences de la transgression de l'interdit divin, au jardin d'Éden. […] Mot à mot, je lis dans le texte hébreu : Dans la peine et le chagrin, tu enfanteras des fils. La traduction « douleur » est contestable. Car le mot etsev (« chagrin », « peine ») et ses dérivés sont employés aussi pour l'homme. Il ne peut donc s'agir des souffrances de l'accouchement… [Suite…]
[…]
Et l'homme connut Ève sa femme ; et elle conçut, et enfanta Caïn ; et elle dit : J'ai acquis (qaniti) un homme avec l'Éternel (YHWH).
Pas besoin d'être psychanalyste pour entendre les erreurs d'Ève. Sa parole inverse la mise au monde, annule la naissance ; par la parole, elle reprend l'enfant en elle : « J'ai acquis un homme ». Pas un enfant, non : un homme. Pas avec le père de l'enfant - Adam n'est pas nommé -, mais avec Dieu. Le mot « fils » n'apparaît pas. L'enfant est inclus dans le verbe de sa mère à la première personne (qaniti, j'ai acquis »). Et cette possession est son nom même : Caïn (qayin). Comment pourrait-il un jour parler en son propre nom pour signer son offrande, par exemple, ce qu'effectivement il ne pourra faire ? Que fait Dieu dans la phrase d'Ève ? Il n'est pas le sujet d'un verbe, il n'est pas reconnu, il est utilisé. Il a servi à ce qu'elle forme/possède/acquière cet « homme ». Le seul sujet, c'est elle. Dieu : un donneur, un père porteur ?
[64] Le mot fils n'apparaît ni pour Caïn ni pour Abel. Qu'ils ne soient pas « fils » fera qu'ils ne pourront être frères. Ni filiation ni fraternité : reste un meurtrier et un mort. Chagrin. [Suite…]

(Marie Balmary, “La GPA devant la Bible” (extrait), in Les marchés de la maternité, p. 62-65) [Suite…]


Roland Poupin, Étude biblique / catéchisme adultes 2022-2023

Violence et guerres : la Bible, l’Histoire et nous



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1) Genèse 3-6 / fratricide et corruption (Gn 4 – Caïn et Abel) / Châtellerault : 20 septembre / Poitiers 11 octobre 2022 - version imprimable


1 commentaire:


  1. Commentaire de Calvin.
    5. Mais pour Caïn et pour son offrande, il n'avait pas respecté . Il ne fait aucun doute que Caïn s'est conduit comme les hypocrites ont coutume de le faire; c'est-à-dire qu'il voulait apaiser Dieu, comme on s'acquitte d'une dette, par des sacrifices extérieurs, sans la moindre intention de se consacrer à Dieu. Mais c'est la vraie adoration, de s'offrir comme des sacrifices spirituels à Dieu. Quand Dieu voit une telle hypocrisie, combinée à une moquerie grossière et manifeste de lui-même; il n'est pas étonnant qu'il le déteste et qu'il soit incapable de le supporter; d'où il suit aussi qu'il rejette avec mépris les œuvres de ceux qui se retirent eux-mêmes de lui. Car c'est sa volonté, d'abord de nous consacrer à lui-même; il cherche alors nos œuvres en témoignage de notre obéissance à lui, mais seulement en second lieu. Il est à remarquer que toutes les imaginations par lesquelles les hommes se moquent de Dieu et d’eux-mêmes sont les fruits de l’incrédulité: à cela s’ajoute l’orgueil, car les incroyants, méprisant la grâce du Médiateur, se jettent sans crainte en présence de Dieu. Les Juifs s'imaginent bêtement que les oblations de Caïn étaient inacceptables, car il a fraudé Dieu des épis pleins et ne lui a offert que des épis stériles ou à moitié remplis. Le mal était plus profond et plus caché; à savoir cette impureté de cœur dont j'ai parlé; de même que, d'autre part, la forte odeur de graisse brûlante ne pouvait concilier la faveur divine aux sacrifices d'Abel; mais, pénétrés par la bonne odeur de la foi, ils avaient une odeur sucrée.

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