Texte original en anglais ICI.

(Un autre dicours (1) ICI ; un autre discours (2) ICI)
Traduction française du texte d'Ahmed Al-Khalidi ICI. Cf. texte ci-dessous :
« Je me trouve profondément perplexe face à un certain phénomène occidental : ces militants écologistes, défenseurs des droits humains et soi-disant progressistes qui finissent, d’une manière ou d’une autre, par reprendre les arguments du Hamas.
Qu’est-ce qui alimente une telle contradiction ? Comment des personnes qui se battent pour « sauver la planète » trouvent-elles un confort moral à soutenir un mouvement qui glorifie la violence, opprime les femmes, persécute les minorités et sacrifie l’avenir de ses propres enfants ?
Regardons au-delà de la politique et explorons le schéma mental qui se cache derrière.
1. Le besoin d’une histoire simple du « bien contre le mal »
Ces militants pensent souvent en catégories morales binaires : victime contre oppresseur, colonisé contre colonisateur. Cela simplifie un monde chaotique en une carte morale claire – une illusion rassurante qui leur donne l’impression de « savoir qui sont les méchants ». Dans cette histoire, les Palestiniens endossent automatiquement le rôle de la victime ; le Hamas devient donc « la résistance », et non un régime tyrannique. Ils n’ont pas besoin de faits, seulement d’une clarté morale – même si elle est fausse.
2. Projection de la culpabilité et quête de rédemption
Les sociétés occidentales portent un lourd héritage : colonialisme, racisme, destruction de l’environnement. Soutenir une cause perçue comme « anti-impérialiste » devient alors un rituel de purification psychologique. Ils se voient comme des alliés des opprimés, mais en réalité, ils ne nous aident pas : ils cherchent à se laver la conscience.
3. L’attrait pour l’intensité émotionnelle
Des mouvements comme le Hamas instrumentalisent les émotions : douleur, colère, sacrifice, « résistance ». Pour des jeunes militants élevés dans un confort numérique, cette intensité paraît authentique. Ils recherchent une lutte morale comme d’autres recherchent l’aventure. Ils confondent destruction et profondeur.
4. Narcissisme moral
Il ne s’agit pas de vérité, mais de se sentir vertueux. Beaucoup de militants occidentaux sont mus moins par la compassion que par le besoin d’être perçus comme compatissants. La cause palestinienne devient une scène de théâtre pour leur image de soi : ils pleurent Gaza en ligne, mais ne se demandent jamais comment le Hamas traite les Palestiniens à l’intérieur de Gaza.
5. Dissonance cognitive et empathie sélective
Pour préserver leur vision du monde, ils doivent filtrer la réalité : ignorer que le Hamas exécute les dissidents, réduit les femmes au silence, détourne l’aide humanitaire ou construit des tunnels sous les écoles. Ils ne peuvent pas tenir ensemble deux vérités : que les Palestiniens souffrent et que le Hamas est leur principal bourreau. Alors ils effacent une vérité pour conserver le confort d’une morale simplifiée.
6. Le culte de la « résistance »
Le militantisme climatique répète : « Agis maintenant ou nous mourrons tous. » La propagande du Hamas reprend la même urgence émotionnelle : « Résiste ou sois effacé. » Elle exploite le même carburant psychologique : panique, sentiment d’urgence, identité. À ceci près que l’un combat pour préserver la vie ; l’autre la glorifie dans la mort.
Quand je vois ces militants défiler avec des slogans qui défendent le Hamas, je n’y vois pas de la solidarité, mais une confusion psychologique déguisée en morale. Ils ne comprennent pas notre réalité. Ils projettent leurs fantasmes de rébellion sur notre tragédie, et ce faisant, ils deviennent les instruments utiles des forces mêmes qui nous oppriment. S’ils se souciaient vraiment des Palestiniens, ils se tiendraient aux côtés de ceux d’entre nous qui rejettent le Hamas, rejettent le culte de la mort, et rêvent d’un avenir à construire – pas à brûler. »
La rigueur du texte d’Ahmed Al-Khalidi est sidérante. Plus que l’analyse politique, le diagnostic clinique, presque psychanalytique, s’impose en effet. Notre idéalisme occidental nous aveugle.
RépondreSupprimerC’est ce que Arendt appelle, je crois, « la fuite devant la pensée ». L’incapacité à soutenir la tension entre le bien et le mal lorsqu’ils coexistent dans le réel. Franz Fanon avait déjà montré comment la mauvaise conscience coloniale pouvait engendrer des postures inversées où l’excès de compassion devient une forme de refoulement. On le voit sur les bancs de notre Assemblée Nationale : les partisans du Hamas cherchent dans la radicalité politique une forme de profondeur existentielle. Ils donnent l’impression que ce n’est pas tant la cause à laquelle ils adhèrent qui compte que le sentiment d’être ‘juste’. Voir Raymond Aron qui parle de « l’idéalisme sans lucidité ». La pensée se ferme. La compassion est critère de vérité. Alors on glorifie la résistance surtout lorsqu’elle devient oppression. La force est fascinante même pour ceux qu’elle écrasera un jour. L’essentiel n’est pas de comprendre la complexité d’un drame, mais de se sentir appartenir à ce que j’appelle le collectif du bien. Appartenir avant d’être juste. L’affichage de la vertu (militantisme pseudo-moral) l’emporte sur la lucidité politique. Quitte à sacraliser la mort ! Éthique dégradée due à un trouble de la conscience morale. Et à l’inculture. Qu’ils lisent l’Homme révolté de Camus. Lui qui refuse les utopies de la pureté ! De toute façon nous avons presque tous perdu le sens du tragique, de la responsabilité tragique : fatalement toujours lucide, jamais achevée, non rédemptrice. « Morale d’esclave » ? Décidément, je deviens très pessimiste ! A noter que le portrait affiché à la fin de la version anglaise de l’article sur X résume tout cela de manière… obsédante.