mercredi 31 décembre 2025
Un texte du Moyen Âge, le Livre des deux principes
(Cf. le FB de Michel Jas…)
Passée sous silence par le courant assez minoritaire mais très en vogue dit “déconstructiviste” (Théry, Trivellone ou Fossier), la question de la théologie de l'hérésie est pourtant LA question décisive. Comment parler d’un mouvement religieux médiéval sans s'interroger sur sa théologie ?
Parlant théologie, voilà un gros morceau qu'ignore ledit courant “déconstructiviste” : le Livre des deux principes (traité latin du XIIIe s., Liber de duobus principiis, de la Bibliothèque Nationale de Florence). Il s’agit d’un livre assez complet et long rassemblant plusieurs pans de théologie hérétique (dualiste) de haut vol…
Le dualisme de l’hérésie est perceptible par ailleurs dans nombre de traités catholiques désignant les cathares ou “Albigeois”, ou simplement “hérétiques” — désignés comme tels dans les registres de l’Inquisition du Languedoc. Le dualisme des hérétiques est manifeste quand les accusés peuvent prendre du temps pour exprimer devant l'Inquisition leurs dogmes ou croyances (si le dualisme est moins susceptible d'être attibué aux hérétiques dans les registres où les questionnaires sont stéréotypés, fonctionnant selon des “grilles” d’interrogation, il est bien apparent dans les registres les plus complets comme celui de Jacques Fournier).
Dans le Livre des deux principes, au titre éloquent, le dualisme est clairement développé et expliqué par un nombre considérable de citations bibliques (Ancien et Nouveau Testaments). Or, il ne peut s’agir d’une manipulation catholique (un faux) :
— Sans compter que les théologiens catholiques romains ont eu du mal à répondre aux hérétiques, au point que pour ce faire ils ont dû changer de théologie, avec les franciscains d’un côté, et surtout, un peu plus tard, avec l’aristotélisme de Thomas d’Aquin (cf. Roland Poupin, La papauté les cathares et Thomas d’Aquin. Cf. ici)…
— Sans compter ce fait là, il est d’autres difficultés pour les tenants du “déconstructivisme” auxquelles ils ne répondent pas : par exemple le fait que le même manuscrit du Livre des deux principes contient, toujours en latin, le rituel cathare du consolamentum qui est clairement parallèle au rituel occitan / consolament, qui accompagne le Nouveau Testament cathare de Lyon…
— On a aussi un traité théologique parallèle audit livre italien des Deux Principes, en latin lui aussi, mais concernant le pays d’Oc, intitulé par la critique “Traité anonyme”, de fin-XIIe (ou au plus tard début XIIIe), conservé pour réfutation dans un traité polémique intitulé Contra Manicheos, dans lequel les hérétiques “manichéens” sont aussi appelés “cathares”, en regard de leur théologie évidemment dualiste (mais le mot “dualiste” sera inventé au XVIIe s. par Pierre Bayle : aux XIIe et XIIIe s., on dit donc “manichéens”, ou “cathares”).
Pour la pluralité des sources théologiques médiévales cathares, cf. ici.
René Nelli et Anne Brenon ne se sont donc pas trompés dans l’édition de Écritures cathares (cf. sa réédition en 1995, puis Les cathares, Enseignement, liturgie, spiritualité, l’apport des manuscrits originaux, de Anne Brenon, éd. Ampelos, 2022)
Thème(s) :
cathares
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