jeudi 24 février 2011

Paul. Le salut par la foi




Où l’on passe de l’impossibilité de se sauver soi-même en accédant, à la justice dessinée par la loi, à la justice « imputée », déclarative…

Captifs d’un temps corrompu, participants et acteurs d’un temps corrompu, un seul constat s’impose : aucun débouché que le constat de cette captivité jusque dans la prétention à la vérité.

Or là s’esquisse l’issue. Reconnaître, confesser l’inéluctabilité de cette captivité, reconnaître sa propre captivité au mensonge est un point d’ancrage de la vérité !

Or le Christ est mort à ce temps corrompu et injuste, injuste jusqu’en ses mots mensongers, et il a été relevé par sa résurrection pour la vie radicalement nouvelle, étant au-delà de la mort.

Un moment qui dévoile la justice de la foi : rien en moi qui ne relève de ce temps corrompu d’en deçà de la mort, il n’est de salut que dans la mort à ce temps, à ses prétentions et à ses mensonges, pour ne recevoir de salut que de Dieu seul — Romains 1, 17 : « le juste vivra par la foi » (Habacuc 2, 4).


Romains 3
4 […] que Dieu soit vrai et tout être humain menteur, ainsi qu'il est écrit :
Afin que tu sois trouvé juste dans tes paroles
et que tu triomphes dans ton procès.
10 Comme il est écrit :
Il n'y a pas de juste, pas même un seul.
11 Il n'y a pas d'homme sensé, pas un qui cherche Dieu.
12 Ils sont tous dévoyés, ensemble pervertis,
pas un qui fasse le bien, pas même un seul.
13 Leur gosier est un sépulcre béant ;
de leur langue ils sèment la tromperie ;
un venin d'aspic est sous leurs lèvres ;
14 leur bouche est pleine de malédictions et d'amertume ;
15 leurs pieds sont prompts à verser le sang ;
16 la ruine et le malheur sont sur leurs chemins ;
17 et le chemin de la paix, ils ne le connaissent pas.
18 Nulle crainte de Dieu devant leurs yeux !
19 Or, nous savons que tout ce que dit la loi, elle le dit à ceux qui sont sous la loi, afin que toute bouche soit fermée et que le monde entier soit reconnu coupable devant Dieu.
20 Voilà pourquoi personne ne sera justifié devant lui par les œuvres de la loi ; la loi, en effet, ne donne que la connaissance du péché.
21 Mais maintenant, indépendamment de la loi, la justice de Dieu a été manifestée ; la loi et les prophètes lui rendent témoignage.
22 C'est la justice de Dieu par la foi en/de Jésus Christ pour tous ceux qui croient, car il n'y a pas de différence :
23 tous ont péché, sont privés de la gloire de Dieu,
24 mais sont gratuitement justifiés par sa grâce, en vertu de la délivrance accomplie en Jésus Christ.
25 C'est lui que Dieu a destiné à servir d'expiation par son sang, par le moyen de la foi, pour montrer ce qu'était la justice, du fait qu'il avait laissé impunis les péchés d'autrefois,
26 au temps de sa patience. Il montre donc sa justice dans le temps présent, afin d'être juste et de justifier celui qui vit de la foi en Jésus.
27 Y a-t-il donc lieu de s'enorgueillir ? C'est exclu ! Au nom de quoi ? Des œuvres ? Nullement, mais au nom de la foi.
28 Nous estimons en effet que l'homme est justifié par la foi, indépendamment des œuvres de la loi.


Romains 4
13 En effet, ce n'est pas en vertu de la loi, mais en vertu de la justice de la foi que la promesse de recevoir le monde en héritage fut faite à Abraham ou à sa descendance.
14 Si les héritiers le sont en vertu de la loi, la foi n'a plus de sens et la promesse est annulée.
15 Car la loi produit la colère ; là où il n'y a pas de loi, il n'y a pas non plus de transgression.
16 Aussi est-ce par la foi qu'on devient héritier, afin que ce soit par grâce et que la promesse demeure valable pour toute la descendance d'Abraham, non seulement pour ceux qui se réclament de la loi, mais aussi pour ceux qui se réclament de la foi d'Abraham, notre père à tous.
17 En effet, il est écrit : J'ai fait de toi le père d'un grand nombre de peuples. Il est notre père devant celui en qui il a cru, le Dieu qui fait vivre les morts et appelle à l'existence ce qui n'existe pas.
18 Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi le père d'un grand nombre de peuples, selon la parole :Telle sera ta descendance.
19 Il ne faiblit pas dans la foi en considérant son corps — il était presque centenaire — et le sein maternel de Sara, l'un et l'autre atteints par la mort.
20 Devant la promesse divine, il ne succomba pas au doute, mais il fut fortifié par la foi et rendit gloire à Dieu,
21 pleinement convaincu que, ce qu'il a promis, Dieu a aussi la puissance de l'accomplir.
22 Voilà pourquoi cela lui fut compté comme justice.
23 Or, ce n'est pas pour lui seul qu'il est écrit : Cela lui fut compté,
24 mais pour nous aussi, nous à qui la foi sera comptée, puisque nous croyons en celui qui a ressuscité d'entre les morts Jésus notre Seigneur,
25 livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification.


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« Compté comme justice » : « Être justifié » ne signifie pas « être rendu juste », mais « être déclaré juste ». Luther et la Réforme parlaient ainsi de justification « forensique », « étrangère », « extérieure », de ce mot qui a donné en français « forain », c'est-à-dire, extérieur, étranger, quelqu'un qui est d'ailleurs. De même, la justification selon la Bible, expliquaient Luther et les Réformateurs, nous est étrangère, elle nous vient d'ailleurs. Nous ne sommes pas justes en nous-mêmes. Dieu nous déclare justes, par la grâce, c'est-à-dire gratuitement. Cette justice qui n'est pas nôtre, qui est celle du Christ seul, est donnée gratuitement à notre seule foi. Nous sommes donc déclarés justes, ce que nous ne sommes pas — et non pas rendus justes, ce qui serait désespérant, puisqu'il nous faudrait sans cesse mesurer notre justification à nos œuvres de justice pour savoir si nous sommes réellement justifiés. Nous sommes déclarés justes par la seule grâce de Dieu et nous recevons cela, cette grâce gratuite, par notre seule foi.

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Romains 7
14 Nous savons que la loi est spirituelle ; mais moi, je suis charnel, vendu comme esclave au péché.
15 Effectivement, je ne comprends rien à ce que je fais : ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais.
16 Or, si ce que je ne veux pas, je le fais, je suis d'accord avec la loi et reconnais qu'elle est bonne ;
17 ce n'est donc pas moi qui agis ainsi, mais le péché qui habite en moi.
18 Car je sais qu'en moi — je veux dire dans ma chair — le bien n'habite pas : vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir,
19 puisque le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais.
20 Or, si ce que je ne veux pas, je le fais, ce n'est pas moi qui agis, mais le péché qui habite en moi.
21 Moi qui veux faire le bien, je constate donc cette loi : c'est le mal qui est à ma portée.
22 Car je prends plaisir à la loi de Dieu, en tant qu'homme intérieur,
23 mais, dans mes membres, je découvre une autre loi qui combat contre la loi que ratifie mon intelligence ; elle fait de moi le prisonnier de la loi du péché qui est dans mes membres.
24 Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ?
25 Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ, notre Seigneur ! Me voilà donc à la fois assujetti par l'intelligence à la loi de Dieu et par la chair à la loi du péché.


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Captivité et délivrance — ou : Religion des œuvres face à religion de la foi seule, religion d’une illusoire capacité humaine à se rendre digne de la faveur de Dieu, ou au contraire de la stricte incapacité — et, au cœur de ce dilemne, religion du libre-arbitre ou religion du « serf-arbitre », selon l'expression que Luther empruntera au Contra Julianum d'Augustin (II, viii, 23).

La nature centrale de ce dilemne est ce que face à Luther, avait bien compris Erasme, qui par son De libero arbitrio entendait atteindre le cœur du paulinisme de Luther : l'affirmation de la « corruption totale » du sujet humain, qui le rend incapable de faire quoi que ce soit pour son salut. Luther ne s'y trompe d'ailleurs pas non plus, écrivant à Erasme au début de sa réponse, De servo arbitrio :

« Toi, au moins, tu ne me fatigues pas avec des chicanes à côté sur la papauté, le purgatoire, les indulgences, et autres niaiseries qui leur servent à me harceler. Seul, tu as saisi le nœud, tu as mordu à la gorge » (Luther, Du Serf-arbitre).

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De la captivité au péché au salut par la foi : Avant Luther, c’est Paul qui établissait la réalité de ce « serf-arbitre » — « captivité au péché » — pour affirmer la justification par la foi seule. L'idée selon laquelle nous aurions libre-arbitre pour succomber au mal ou accomplir le bien est sous-tendue par un optimisme — c'est cela que décèle Luther, — tel qu'il nous laisserait espérer en nous-mêmes, en une capacité qui serait nôtre et qui nous permettrait d'accomplir les bonnes œuvres par lesquelles on concevrait l'espérance de parvenir à se justifier devant Dieu. Mais la conscience de « captivité au péché » de notre mauvaise volonté, ne nous laisse d'espoir que dans la bonne nouvelle de la libération gratuite, indépendamment de tout mérite.



Paul (5) - Le salut par la foi
R.P., KT Adultes
Antibes 24.02.2011




jeudi 3 février 2011

« Si tout le monde est trop vite d'accord pour condamner un prévenu... »



« Si tout le monde est trop vite d'accord pour condamner un prévenu, alors mieux vaut le libérer, car tout jugement unanime est suspect » (Le Talmud).

Le cas de la Côte d’Ivoire — trois interrogations : Jean-Claude Guillebaud, Olympe Bhêly-Quenum, Gaston Kelman...

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« Quelque chose commence à se troubler dans le discours médiatique concernant la Côte d'Ivoire. Une interrogation se répand dans l'opinion : tout n'est peut-être pas aussi simple qu'on l'a cru dans cette affaire. Jusqu'alors, nous pensions [...] : vaincu par les urnes, désavoué par une majorité d'électeurs, condamné par la communauté internationale unanime, Laurent Gbagbo s'accrochait coupablement au pouvoir, au risque de provoquer un carnage dans le pays. [...]

La cause paraissait donc entendue. La France comme l'Amérique et l'ONU avaient d'ailleurs reconnu en Alassane Ouattara le vrai vainqueur du scrutin, c'est-à-dire le président légitime. Plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, du même avis, se disaient prêts à intervenir militairement pour chasser le mauvais perdant du pouvoir. Je dois dire que c'est justement cette unanimité qui, depuis le début, m'a dérangé. J'ai pensé à une sage tradition juive, citée par Emmanuel Levinas dans l'une de ses « Leçons talmudiques » : si tout le monde est trop vite d'accord pour condamner un prévenu, alors mieux vaut le libérer, car tout jugement unanime est suspect » (Jean-Claude Guillebaud, janvier 2011).

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« Jamais dans l'histoire des relations franco-africaines, une crise n'aura soulevé autant de parti pris médiatico-politique en France que celle que vit la Côte d'Ivoire depuis bientôt une dizaine d'années.
Aujourd'hui, comme hier en septembre 2002, lors du déclenchement d'une rébellion militaire ouvertement soutenue, voire totalement planifiée par un chef d'État voisin, Blaise Compaoré, et fait inédit en Afrique subsaharienne, coupant le pays en deux, l'opinion publique africaine et internationale s'est vue servir une interprétation unilatérale, voire tronquée, des événements.
Et pour couronner le tout, voire pour conforter le courant d'opinion, la position officielle française s'est réduite à accabler le chef de l'État ivoirien, Laurent Gbagbo, à voir en lui le seul responsable de la rébellion qui a provoqué la partition du pays, et aujourd'hui, de la crise post électorale. [...]

Jamais l'ONU n'a outrepassé de telle manière son mandat, y compris au Timor oriental, au Kosovo, en République démocratique du Congo, pour ne citer que ces exemples. Faisant fi des institutions d'un pays souverain, membre des Nations Unies depuis cinquante ans, et ne se donnant pas le temps de permettre à la Commission électorale de débattre des contestations soulevées au cours des délibérations, M. Choi [représentant du secrétaire général de l’Onu] a incontestablement cédé aux pressions de certains pays, dont et surtout la France [...].

La crise post électorale en Côte d'Ivoire illustre à l'évidence la perpétuation de la politique d'ingérence de la France en Afrique, qui tout en ne prenant plus les formes caricaturales d'actions militaires directes destinées à maintenir l'ordre intérieur au profit de « présidents amis », n'en aboutit pas moins aux mêmes résultats que naguère » (Olympe Bhêly-Quenum, janvier 2011, citant le professeur de Droit Albert Bourgi).

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« Le désarmement de la rébellion [était le] préalable indispensable à la tenue d’élections fiables. La communauté internationale n’en a cure et pilonne systématiquement le président ivoirien élu, le pressant d’organiser les élections dans des conditions dont on sait qu’elles conduiront inévitablement vers une impasse.

Les élections ont lieu. Au Nord, la rébellion est toujours armée. Le lendemain du deuxième tour – le 29 novembre 2010 – la presse, qu’on la dise favorable à un bord ou à un autre, est unanime pour souligner la baisse de la participation par rapport au premier tour. On parle de 70%. Le même jour, un communiqué de l’ONUCI – la représentation armée des Nations Unies en Côte d’Ivoire - fait état d’un taux de participation «avoisinant les 70%». Le jour après, miracle, le taux de participation fait un bond de sauteur à la perche et franchit la barre des 80%.

La «communauté internationale» et l’ONUCI valident, adoubent leur champion, le portent sur les fonts baptismaux de l’innommable et le couronnent nuitamment dans son quartier général de campagne, sous l’œil attendri des ambassadeurs de France et des USA. [...]

La presse tout entière, de la plus révolutionnaire à la plus révoltante, à l’exception notable du Gri-Gri international – si j’en oublie, mea culpa - , relaie à l’envie, le discours nauséeux des politiques aveugles et les pétitions impies – le Monde des idées - d’une intelligentsia borgne en cette occasion – elle ne l’a pas toujours été, Dieu merci – que signent, assourdis par le tintamarre ambiant, quelques Africains dont l’un d’eux m’avouera implicitement son erreur et rectifiera le tir avec une tribune intermédiaire. [...]

Communauté internationale et consorts, me direz-vous un jour de quel charme improbable, de quelle virginité soudaine, vous habillez Alassane Ouattara l’ancien Premier Ministre dont on peut dire sans méchanceté aucune qu’il incarne un passé bien peu démocratique dont furent d’ailleurs victimes des ivoiriens coupables d’opposition, et son âme damnée le rebelle Guillaume Soro, improbable faiseur de rois, qui promet des châtiments à tire-larigot ! Me direz-vous un jour ce que vous récompensez en eux - pour Salomé, fille d’Hérodiade, ce furent ses talents de danseuse - pour leur offrir sur un plateau comme jadis celle de Jean-Baptiste, la tête de la Côte d’Ivoire qui ne vous appartient pas ! Quels intérêts – permettez-moi une naïveté passagère, ponctuelle – vous poussent à la diabolisation subite d’un homme, Laurent Gbagbo, qui fut le seul leader ivoirien à mener une opposition impossible mais pacifique à Félix Houphouët-Boigny, à accepter la prison et l’exil, à briguer la magistrature suprême, à la gagner en venant de l’opposition, sans jamais avoir compromis son combat par l’acceptation d’un maroquin corrupteur. [...]

Qui pourrait comprendre qu’au lendemain de la célébration du cinquantenaire des indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique, ce continent soit encore regardé avec les yeux du documentaire récemment diffusé par France télévision sur la Françafrique, documentaire inattendument prophétique, qui annonçait la victoire de Ouattara –, les explications alambiquées du réalisateur n’y pourront rien – alors qu’il avait été produit des mois avant les élections ivoiriennes ? Qui peut accepter qu’un certain Monsieur Choi se comporte encore comme un commandant de cercle ? Nos enfants ne nous mépriseraient-il pas à juste titre s’ils savaient que nous étions restés muets devant le spectacle grotesque d’une furtive proclamation de la victoire d’un candidat par les ambassadeurs étrangers dans son Quartier Général » (Gaston Kelman, janvier 2011).