dimanche 14 octobre 2012

"Credo"



« Credo » — « Je crois », prononcé comme foi de l’Église : « nous croyons »…

Verbe initial de deux textes :

Le Symbole des Apôtres, qui aurait été transmis directement par les Apôtres — d’où le nom de ce Credo littéralement tissé de citation du témoignage des Apôtres : le Nouveau Testament… La critique tente de retracer ses origines. On a une allusion dès le IIe siècle chez Ignace d’Antioche. Tertullien (IIe-IIIe) en fait des citations sous une autre forme que celle qui est connue. Sa forme finale, latine, correspondrait à la confession baptismale du sud de la Gaule du Ve siècle, pouvant s’originer à Rome dès le IIe siècle.

Le symbole de Nicée-Constantinople, élaboré, dans un premier temps, au cours du Ier concile de Nicée, en 325, réuni par l'empereur Constantin Ier. Ce concile qui rassemble des représentants des courants du christianisme de toute l’Oikouménè réussit à mettre en place de façon quasi-unanime un socle commun de croyance, exprimé en peu de mots.
Le Symbole est complété en 381 par le premier concile de Constantinople, d'où le nom fréquemment donné de « Symbole de Nicée-Constantinople », qui développe les passages relatifs à l’Incarnation et à l’Esprit–Saint et parle de l’Église et du monde à venir.
Le texte original est grec. En Occident, on a rajouté dans la version latine le mot Filioque à la procession du Saint-Esprit (« il procède du Père et du Fils »). C'est la raison officielle du schisme de 1054 entre Rome et Constantinople, les orthodoxes refusant cet ajout.


Deux « symboles » trinitaires…
Le mot « symbole » est issu d’un terme grec ancien signifiant « mettre ensemble », « joindre », « expliquer »… Un symbole était au sens propre et originel un tesson de poterie cassé en deux morceaux et partagé entre deux contractants. Deux morceaux d'un objet brisé, de sorte que leur réunion, par un assemblage parfait, constituait une preuve de leur origine commune et donc un signe de reconnaissance très sûr.
Au figuré, le symbole devient l’emboîtement entre le signifiant (les mots du texte) et le signifié (ce à quoi les mots renvoient).
« Symboles » trinitaires : deux textes ternaires, parlant d’un foi trinitaire…

*

« Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Matthieu 28, 19).

Tout commence par la résurrection. Fondement de la foi chrétienne. Et le Ressuscité envoie ses disciples par cette parole.

Parole au départ de l’envoi des disciples aux nations par le Ressuscité, c’est là le programme du christianisme. Parole ternaire, trinitaire, qui caractérise la foi chrétienne et fonde son contenu.

Parole initiale, et confession de foi d’entrée dans la vie chrétienne ; parole fondement d’une autre foi en train de naître. Les confessions de foi chrétiennes ultérieures en sont autant de développements circonstanciés ; méditatifs, et apologétiques.

Acte de foi d’un devenir disciples ; disciples d’une foi à trois termes ; c‘est là ce qui frappe d’emblée à la considération des Credos chrétiens. Un triple « credo » : foi en Dieu Père, et Fils, et Esprit Saint.

« Credo ». Spécificité de l’initialité chrétienne. Fondée sur la foi à la résurrection de Jésus.

Le judaïsme, qui est le premier vis-à-vis face auquel le christianisme est une autre foi, se signifie par un appel : « sh’ma », « écoute » Israël.

L’islam, issu aussi en grande partie de la tradition juive puis chrétienne, se pose comme un témoignage : la « shahada » : « je témoigne ». Affirmation de l’Unicité de Dieu.

Le bouddhisme, autre religion universelle avec le christianisme et l’islam s’édifie sur une connaissance, une prise de conscience, celle des quatre vérités (impermanence / "souffrances", cause des "souffrances", cessation des "souffrances", chemin de sa cessation).

Etc.

Le christianisme se spécifie par ce qu’il affirme d’emblée se recevoir dans la foi : « credo ». Adhésion personnelle à une foi commune, et foi autre que toutes les fois. Adhésion par laquelle un peuple se constitue, se spécifie ; une autre foi s’est fait jour dans la résurrection du Christ.

Autre foi en vis-à-vis de son premier fondement, Israël — et, puisqu’il s’agit d’un envoi vers les (autres) nations, autre foi, bientôt, en vis-à-vis aussi de leurs traditions diverses.

« Credo » prononcé dans les langues des nations, le latin après le grec,… et puis toutes les autres langues.

Foi commune, qui peut se dire au pluriel, « nous croyons », et qui se reçoit au singulier, le singulier des nations ou des individus qui les composent : « je crois », « credo ».

Parole issue du Ressuscité, et donnée par là-même comme ternaire. Par sa Résurrection, Jésus est proclamé Fils de Dieu, le Père ; établi Fils de Dieu, selon l’Esprit Saint (Ro 1, 4).

Dieu, Père du Fils selon l’Esprit Saint. Le « credo » se reçoit comme foi dans son entièreté. Le Père y est en premier lieu Père de Jésus-Christ, le Ressuscité, selon l’Esprit Saint.

On ne coupe pas le Credo en tranches, serait-ce en trois tranches ! Encore moins en quatre tranches, l’Église formant un quatrième terme ! Et à, plus forte raison en petites tranches correspondant à chacun de ses mots. La composition en est minutieusement articulée, complète, tissée de références bibliques imbriquées. Chaque note en est un lieu d’accentuation et pas une entité indépendante.

Au jour où le credo n’a pas toujours bonne presse, il n’est pas inutile de considérer que c’est en soi un texte apologétique, qui défend une foi et qui vaut d’être défendu aujourd’hui encore.

Il défend cette foi parce que foi autre, en décalage. Et suspecte pour cela, hier comme aujourd’hui. On est toujours, aujourd’hui comme hier, tenté d’en arrondir les angles, d’en brader donc, éventuellement, tel article jugé choquant, daté, théologiquement douteux.

C’est pourtant une telle méthodologie qu’il convient d’éviter, si on veut entrer dans cette foi autre.

Il convient de poser d’emblée un acte d’humilité vis-à-vis du Credo, comme dire « credo » est un acte d’humilité. Acte d’humilité aussi à l’égard de ceux qui ont construit réflexions et dogmatiques — autant d’œuvres apologétiques, fussent-elles maladroites — à travers le temps et à partir de cette parole de foi.

Humilité aussi à l’égard des traditions qui ne l’ont pas faite sienne, cette autre foi. L’apologétique est, comme son nom l’indique, acte d’humilité : « apologeo », « je m’excuse ».

Entrer dans cette autre foi est aussi s’inscrire dans une tradition, autre, mais développée parmi et à côté de tant d’autres. Humilité encore.

Humilité en outre, du fait de la conscience de ce que cette autre foi pose un changement de registre inaccessible à « l’homme naturel » ; accès à la présence du Ressuscité.

On connaît l’histoire des deux rabbins s’interrogeant sur l’existence de Dieu et concluant par la négative. Sur quoi l’un d’eux se recouvre de son talith et commence ses prières ! L’autre lui signalant sa surprise compte tenu de l’aboutissement de leur discussion, le premier répond : « qu’est-ce que ça change ? »

Tel peut être le type d’humilité requise face au Credo. On n’a pas forcément pénétré tous les chemins sur lesquels il conduit, on est éventuellement troublé par des inductions qui semblent devenues incongrues. L’humilité reste de mise. On est dans une relation de foi ; qui n’exclut pas que l’on pose toutes les interrogations qu’ont posées les rabbins en restant dans l’humilité de la foi donnée.


R.P.
Une lecture protestante des Credo.

Église réformée de Poitiers.
Catéchisme pour adultes.
2012-2013.
Chaque 3e mardi du mois à 20 h 30.
1) 16 octobre 2012 — Introduction : « Credo »


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