« Je crois [...] la résurrection de la chair et la vie éternelle. »
« Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. »
Résurrection — resurrectio (de resurgere) en latin, anastasis en grec — signifie littéralement « relèvement » (et donc, ici, relèvement d’entre les morts).
Si la notion relève, dans les Credo, de la foi, et de la foi en Christ ressuscité, elle correspond aussi, en soi, à un héritage philosophique, qui précède l’événement du dimanche de Pâques — c’est ce que souligne 1 Corinthiens 15 : « si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n'est pas ressuscité » (v. 17).
Un héritage reçu déjà auparavant par les pharisiens, et connu en Perse. C’est toute la question de la destinée humaine, et via l’homme qui conçoit cette notion, de la destinée de Création, qui est posée. L’intuition de l’éternité qui habite l’être humain passager (intuition « mise par Dieu dans le cœur de l’homme » — Ecc 3, 11) débouche sur des réflexions diverses, depuis celle de la mortalité en dépit de cette intuition (Ecc 9, 10), jusqu’à la conception de l’immortalité de l’âme (développée rationnellement par Platon). La notion de résurrection, qui ne reçoit, en général, pas l’aval des Grecs du premier siècle, admet que l’âme a pour fonction d’animer un corps, qui est pleinement constitutif de l’être humain : l’intuition de l’éternité concerne l’humain en son entier.
Les textes du Nouveau Testament mentionnant les apparitions du Ressuscité appuient cette approche là : le Christ ressuscité est doté de chair et d’os ! Ainsi là où le Symbole de Nicée-Constantinople parle de résurrection des morts, attend la résurrection des morts, le Symbole des Apôtres parle, lui, de résurrection de la chair, croit la résurrection de la chair — c’est-à-dire qu’il insiste sur l’idée que l’être humain est assumé en son entier dans l’éternité.
Dans l’Évangile selon Jean : « "Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d’être incrédule et deviens un homme de foi." Thomas lui répondit : "Mon Seigneur et mon Dieu." » (Jean 20, 27-28)
Dans le même ordre d’idées, dans l’Évangile selon Luc, Jésus s’adresse aux disciples de la sorte (Luc 24, 39) : « Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai. » Étrange invite que cette invite de Jésus… Scandale pour la raison que cette résurrection de la chair que Jésus signe ici dans son corps ressuscité : « un esprit n’a ni chair ni os ». Scandale pour la raison. D’où la tentation de « spiritualiser » tout cela… et de professer la résurrection, mais pas vraiment « de la chair » !
C’est contre cela qu’en Jean, Jésus invite Thomas à toucher ses plaies. Et il y invite aussi les douze et avec eux, par leur intermédiaire, tous ceux qui viendront ensuite, nous : heureux ceux qui n’ont pas vu comme Thomas, et qui ont cru, pourtant. Ici, on passe de la réflexion philosophique à la foi — « résurrection de la chair ». Car, quel est l’enjeu ? L’enjeu est rien moins que le sens — éternel ! — de notre vie, de notre vie « terrestre ».
Notre vie ne se réalise, ne se concrétise, que dans notre histoire, dans nos rencontres, dans la trivialité du quotidien, bref, dans la chair ! Et c’est cela qui est racheté, radicalement et éternellement racheté au dimanche de Pâques. Le rachat dont il est question n’est pas l’accès à un statut d’esprit évanescent. C’est bien tout ce qui constitue notre être, notre histoire, l’expérience de nos rencontres et donc de nos sens, de notre chair, qui est racheté. Notre histoire qui a fait de nous, qui fait de nous, qui fera de nous, ce que nous sommes, cette réalité de nos vies uniques devant Dieu. C’est l’extraordinaire nouvelle qui nous est donnée par le Ressuscité : lui aussi, Fils éternel de Dieu, advient à l’éternité qui est la sienne par le chemin de son histoire dans la chair : ses plaies elles-mêmes, qui ont marqué sa chair, sont constitutives de son être !
… Signe que tous nos instants, ceux de Thomas, des Apôtres, les nôtres, chacun de nos moments uniques dans l’éternité, est porteur de notre propre vocation à l’éternité !… à la « vie éternelle » (Symbole de Apôtres — vitam aeternam), ou « vie des siècles » (Nicée-Constantinople — vitam ventúri saeculi / ζωὴν τοῦ μέλλοντος αἰῶνος).
On retrouve ici la notion de « siècles », ou « mondes » que l’on a vue en parlant de la création du monde — selon la configuration antique du monde — que l’on retrouve dans le grec de la louange finale du Notre Père : « aux siècles des siècles » « aïonia ») : c’est le même mot que « siècle / monde (à venir) » employé dans le Symbole de Nicée-Constantinople. C’est aussi le mot qui traduit le terme hébreu « ‘olam » qui l’on trouve dans Ecclésiaste 3, 11, et que l’on rend souvent par « éternité » — ainsi dans « la vie éternelle ».
Un vocabulaire qui, compte tenu de la vision du monde qu’il suppose (« monde étagé » en plusieurs niveaux, ou « cieux ») parle d’une vie, la nôtre, dotée d’une richesse spirituelle, vie éternelle que l’Évangile de Jean appelle parfois simplement « La Vie ». Confesser la vie éternelle suppose donc affirmer que la vie dont il est question dans les textes bibliques ne se limite pas à sa dimension biologique, ni même culturelle, mais que ces dimensions-là trouvent leur sens et leur plénitude dans une dimension qui les dépasse, comme un autre niveau d’être, « siècle », « monde », « ciel » qui dès maintenant, et sans limitation de temps, pas même par la mort, investi notre être entier :
« Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jean 11, 25-26).
« Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu » (Colossiens 3, 3).
R.P.
Une lecture protestante des Credo.
Église réformée de Poitiers.
Catéchisme pour adultes.
2012-2013.
Chaque 3e mardi du mois à 20 h 30.
8) 18 juin 2013 — Résurrection & vie éternelle
« Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. »
*
Résurrection — resurrectio (de resurgere) en latin, anastasis en grec — signifie littéralement « relèvement » (et donc, ici, relèvement d’entre les morts).
Si la notion relève, dans les Credo, de la foi, et de la foi en Christ ressuscité, elle correspond aussi, en soi, à un héritage philosophique, qui précède l’événement du dimanche de Pâques — c’est ce que souligne 1 Corinthiens 15 : « si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n'est pas ressuscité » (v. 17).
Un héritage reçu déjà auparavant par les pharisiens, et connu en Perse. C’est toute la question de la destinée humaine, et via l’homme qui conçoit cette notion, de la destinée de Création, qui est posée. L’intuition de l’éternité qui habite l’être humain passager (intuition « mise par Dieu dans le cœur de l’homme » — Ecc 3, 11) débouche sur des réflexions diverses, depuis celle de la mortalité en dépit de cette intuition (Ecc 9, 10), jusqu’à la conception de l’immortalité de l’âme (développée rationnellement par Platon). La notion de résurrection, qui ne reçoit, en général, pas l’aval des Grecs du premier siècle, admet que l’âme a pour fonction d’animer un corps, qui est pleinement constitutif de l’être humain : l’intuition de l’éternité concerne l’humain en son entier.
Les textes du Nouveau Testament mentionnant les apparitions du Ressuscité appuient cette approche là : le Christ ressuscité est doté de chair et d’os ! Ainsi là où le Symbole de Nicée-Constantinople parle de résurrection des morts, attend la résurrection des morts, le Symbole des Apôtres parle, lui, de résurrection de la chair, croit la résurrection de la chair — c’est-à-dire qu’il insiste sur l’idée que l’être humain est assumé en son entier dans l’éternité.
*
Dans l’Évangile selon Jean : « "Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d’être incrédule et deviens un homme de foi." Thomas lui répondit : "Mon Seigneur et mon Dieu." » (Jean 20, 27-28)
Dans le même ordre d’idées, dans l’Évangile selon Luc, Jésus s’adresse aux disciples de la sorte (Luc 24, 39) : « Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai. » Étrange invite que cette invite de Jésus… Scandale pour la raison que cette résurrection de la chair que Jésus signe ici dans son corps ressuscité : « un esprit n’a ni chair ni os ». Scandale pour la raison. D’où la tentation de « spiritualiser » tout cela… et de professer la résurrection, mais pas vraiment « de la chair » !
C’est contre cela qu’en Jean, Jésus invite Thomas à toucher ses plaies. Et il y invite aussi les douze et avec eux, par leur intermédiaire, tous ceux qui viendront ensuite, nous : heureux ceux qui n’ont pas vu comme Thomas, et qui ont cru, pourtant. Ici, on passe de la réflexion philosophique à la foi — « résurrection de la chair ». Car, quel est l’enjeu ? L’enjeu est rien moins que le sens — éternel ! — de notre vie, de notre vie « terrestre ».
Notre vie ne se réalise, ne se concrétise, que dans notre histoire, dans nos rencontres, dans la trivialité du quotidien, bref, dans la chair ! Et c’est cela qui est racheté, radicalement et éternellement racheté au dimanche de Pâques. Le rachat dont il est question n’est pas l’accès à un statut d’esprit évanescent. C’est bien tout ce qui constitue notre être, notre histoire, l’expérience de nos rencontres et donc de nos sens, de notre chair, qui est racheté. Notre histoire qui a fait de nous, qui fait de nous, qui fera de nous, ce que nous sommes, cette réalité de nos vies uniques devant Dieu. C’est l’extraordinaire nouvelle qui nous est donnée par le Ressuscité : lui aussi, Fils éternel de Dieu, advient à l’éternité qui est la sienne par le chemin de son histoire dans la chair : ses plaies elles-mêmes, qui ont marqué sa chair, sont constitutives de son être !
… Signe que tous nos instants, ceux de Thomas, des Apôtres, les nôtres, chacun de nos moments uniques dans l’éternité, est porteur de notre propre vocation à l’éternité !… à la « vie éternelle » (Symbole de Apôtres — vitam aeternam), ou « vie des siècles » (Nicée-Constantinople — vitam ventúri saeculi / ζωὴν τοῦ μέλλοντος αἰῶνος).
On retrouve ici la notion de « siècles », ou « mondes » que l’on a vue en parlant de la création du monde — selon la configuration antique du monde — que l’on retrouve dans le grec de la louange finale du Notre Père : « aux siècles des siècles » « aïonia ») : c’est le même mot que « siècle / monde (à venir) » employé dans le Symbole de Nicée-Constantinople. C’est aussi le mot qui traduit le terme hébreu « ‘olam » qui l’on trouve dans Ecclésiaste 3, 11, et que l’on rend souvent par « éternité » — ainsi dans « la vie éternelle ».
Un vocabulaire qui, compte tenu de la vision du monde qu’il suppose (« monde étagé » en plusieurs niveaux, ou « cieux ») parle d’une vie, la nôtre, dotée d’une richesse spirituelle, vie éternelle que l’Évangile de Jean appelle parfois simplement « La Vie ». Confesser la vie éternelle suppose donc affirmer que la vie dont il est question dans les textes bibliques ne se limite pas à sa dimension biologique, ni même culturelle, mais que ces dimensions-là trouvent leur sens et leur plénitude dans une dimension qui les dépasse, comme un autre niveau d’être, « siècle », « monde », « ciel » qui dès maintenant, et sans limitation de temps, pas même par la mort, investi notre être entier :
« Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jean 11, 25-26).
« Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu » (Colossiens 3, 3).
R.P.
Une lecture protestante des Credo.
Église réformée de Poitiers.
Catéchisme pour adultes.
2012-2013.
Chaque 3e mardi du mois à 20 h 30.
8) 18 juin 2013 — Résurrection & vie éternelle
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire