I. Jésus priant les Psaumes récapitule l'humanité devant Dieu et ipso facto pose Israël peuple des Psaumes comme archétype de l’humanité réconciliée.
Le Christ priant les Psaumes nous rejoint au point que, lui qui n'a pas commis de péché, Paul en dira qu' « il a été fait péché pour nous » (1 Corinthiens 5, 21) ! Il nous rejoint jusqu'en ce que nous — voire nos prières — avons de plus trouble, il se repent de nos péchés ! Il se solidarise avec nous à ce point !
Voilà qui nous dit pourquoi des prières comme les Psaumes, emplies de paroles de repentance, sont vraiment et sérieusement les prières de Jésus : avec les Psaumes, Jésus, qui n'a jamais commis le péché, se repent sérieusement en solidarité avec nous : il a pris nos péchés à ce point-là !
II. Le Christ devient ainsi pour nous l'expression, le « visage » de Dieu comme Dieu personnel.
Hébreux 1 :
1 Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu, 2 en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils qu'il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé les mondes. 3 Ce Fils est resplendissement de sa gloire et expression de son être et il porte l'univers par la puissance de sa parole. Après avoir accompli la purification des péchés, il s'est assis à la droite de la Majesté dans les hauteurs, 4 devenu d'autant supérieur aux anges qu'il a hérité d'un nom bien différent du leur.
5 Auquel des anges, en effet, a-t-il jamais dit :
Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré ? (Ps 2, 7)
et encore :
Moi, je serai pour lui un père et lui sera pour moi un fils ? (2 S 7, 14 ; 1 Ch 7, 13 //)
6 Par contre, lorsqu'il introduit le premier-né dans le monde, il dit :
Et que se prosternent devant lui tous les anges de Dieu. (LXX : Ps 96, 7 — cf. Ps 97, 7)
7 Pour les anges, il a cette parole :
Celui qui fait de ses anges des esprits et de ses serviteurs une flamme de feu. (Ps 104, 4 — LXX 103, 4)
8 Mais pour le Fils, celle-ci :
Ton trône, Dieu, est établi à tout jamais ! Et : Le sceptre de la droiture est sceptre de ton règne. (Ps 45, 6 — LXX 44, 7)
9 Tu aimas la justice et détestas l'iniquité, c'est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu te donna l'onction d'une huile d'allégresse, de préférence à tes compagnons. (Ps 45, 7 — LXX 44, 8)
10 Et encore :
C'est toi qui, aux origines, Seigneur, fondas la terre, et les cieux sont l'œuvre de tes mains.
11 Eux périront, mais toi, tu demeures.Oui, tous comme un vêtement vieilliront
12 et comme on fait d'un manteau, tu les enrouleras, comme un vêtement, oui, ils seront changés, mais toi, tu es le même et tes années ne tourneront pas court. (Ps 102, 25-27 — LXX 101, 25-27)
13 Et auquel des anges a-t-il jamais dit :
Siège à ma droite, de tes ennemis, je vais faire ton marchepied ?" (Ps 110, 1 — LXX 109, 1)
De même dans les évangiles, citant le Psaume 110, v. 1. Marc 12, 36 :
Le Seigneur a dit à mon Seigneur Siège à ma droite, de tes ennemis, je vais faire ton marchepied.
Que dire d’un Dieu infini — et qui pourtant existe ?!
La théologie classique posait le questionnement de son propre discours. Son discours théologique s'articulait en termes de théologie affirmative d'une part et de théologie négative (ou "apophatique") d'autre part. La théologie affirmative, donnait une série de propositions sur Dieu, le dotait d'attributs (Dieu est sage, fort, miséricordieux, etc.). Ce faisant, la théologie mettait aussi en question ses propres affirmations, elle s'obligeait à se déposséder — voire contre ses propres tendances — de ses propres affirmations. C'était le moment négatif de sa parole sur le divin. Chacune de ses affirmations n'avait de sens qu'en relation avec la négation qui l'accompagnait (que veut-on dire quand on dit que Dieu est sage, fort, miséricordieux ? Quel sens ont de telles affirmations ?).
Ce questionnement qui vaut depuis l’Antiquité est très connu chez le moine du VIe siècle Denys l’Aréopagite ; il se retrouve dans la mystique de l’islam comme du Moyen Âge chrétien, et s’enracine dans la tradition juive. Dieu personnel et Dieu caché :
Ibn ‘Arabi (soufi musulman du XIIe-XIIe siècle), selon Henry Corbin, dans Le paradoxe du monothéisme : Sa pensée « est axée sur cette différenciation entre l’Absolu indéterminé et inconnaissable, l’Absconditum, et […] le seigneur personnel, le Deus revelatus, le seul dont l’homme puisse parler, parce qu’il en est le terme corrélatif. »
Ou, toujours selon Corbin, Maître Eckhart (dominicain du XIVe siècle) : « Pour un Maître Eckhart, la Deitas transcende le Dieu personnel, et c’est celui-ci qu’il faut dépasser, parce qu’il est corrélatif de l’âme humaine, du monde, de la créature. […] L’âme eckhartienne cherche donc à… s’échapper à elle-même pour se plonger dans l’abîme de la divinité, un Abgrund dont par essence elle ne pourra jamais atteindre le fond. »
Cf. Matthieu 18, 10-11 : « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits ; car je vous dis que leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux. Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu. »
Cf. M.-A. Ouaknin, Tsimtsoum – Introduction à la méditation hébraïque : « Tsimtsoum signifie originellement « concentration » ou « contraction ». Dans le langage cabaliste, il est mieux traduit par « retrait » ou « rétraction ». Rabbi Isaac Louria [XVIe siècle] se posa les questions suivantes : Comment peut-il y avoir un monde si Dieu est partout ? Si Dieu est « tout en tout », comment peut-il y avoir des choses qui ne soient pas Dieu ? Comment Dieu peut-il créer le monde, s’il n’y a pas de néant ? Rabbi Isaac Louria répondit en formulant la théorie du Tsimtsoum ou « retrait ». Selon cette théorie, le premier acte du Créateur ne fut pas de se révéler lui-même à quelque chose d’extérieur. Loin d’être un mouvement sur le dehors ou une sortie de son identité cachée, la première étape fut un repli, un retrait ; Dieu « se retira de Lui-même en lui-même » et, par cet acte, abandonna au vide une place en son sein, créa un espace pour le monde à venir. (…) Dieu ne put se manifester que parce qu’au préalable il se retira. » (p. 32.)
On peut rappeler ici les paraboles évangéliques du maître absent (le Dieu caché) :
Marc 13, 34-36 : « 34 Il en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, laisse sa maison, remet l’autorité à ses serviteurs, indique à chacun sa tâche, et ordonne au portier de veiller. 35 Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin ; 36 craignez qu’il ne vous trouve endormis, à son arrivée soudaine. »
Autant de mises à distance qui renvoient au Dieu caché, inaccessible.
III. Or les Psaumes parlent aussi d’un Dieu personnel, on y prie un Dieu personnel, qui se dessine pour David comme « archétype » parfait (cf. Psaume 110, 1) de sa propre figure messianique, imparfaite, elle, à ses propres yeux — combien de fois ne se repend-il pas ?
Apparaît donc un figure archétypique, l’image éternelle et divine de lui-même, le Seigneur personnel de sa propre existence, et de là, de toute existence, l’Ange de l’Éternel, manifestation personnelle du Dieu qui est au-delà de toute compréhension. C’est là l’image éternelle de Dieu dont les premiers disciples du Ressuscité ont reconnu l’Incarnation et l’avènement en Jésus. D’où la lecture donnée par l’Épître aux Hébreux, qui permet de reprendre non seulement toutes les applications christologiques des Psaumes, — comme le Psaume 22 (entre autres) prononcé du haut de la croix —, mais d’autres textes prophétiques où Jésus ratifie lui-même cette lecture christologique.
Avec comme débouché une piété annoncée par ex. dans Actes 7, 55-59 : « Étienne, rempli du Saint-Esprit, et fixant les regards vers le ciel, vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. Et il dit : Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. […] Et ils lapidaient Étienne, qui priait et disait : Seigneur Jésus, reçois mon esprit ! »
On a là une prière à Jésus, où le « Dieu personnel » prend la figure concrète de celui qui est reçu comme son Incarnation, fondement des lectures christologiques des prières bibliques, notamment les Psaumes.
RP
Une prière qui engage
Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2013-2014
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
5) Mardi 18 & jeudi 20 février 2014 - Les prières bibliques et Jésus Christ (PDF)
Le Christ priant les Psaumes nous rejoint au point que, lui qui n'a pas commis de péché, Paul en dira qu' « il a été fait péché pour nous » (1 Corinthiens 5, 21) ! Il nous rejoint jusqu'en ce que nous — voire nos prières — avons de plus trouble, il se repent de nos péchés ! Il se solidarise avec nous à ce point !
Voilà qui nous dit pourquoi des prières comme les Psaumes, emplies de paroles de repentance, sont vraiment et sérieusement les prières de Jésus : avec les Psaumes, Jésus, qui n'a jamais commis le péché, se repent sérieusement en solidarité avec nous : il a pris nos péchés à ce point-là !
II. Le Christ devient ainsi pour nous l'expression, le « visage » de Dieu comme Dieu personnel.
Hébreux 1 :
1 Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu, 2 en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils qu'il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé les mondes. 3 Ce Fils est resplendissement de sa gloire et expression de son être et il porte l'univers par la puissance de sa parole. Après avoir accompli la purification des péchés, il s'est assis à la droite de la Majesté dans les hauteurs, 4 devenu d'autant supérieur aux anges qu'il a hérité d'un nom bien différent du leur.
5 Auquel des anges, en effet, a-t-il jamais dit :
Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré ? (Ps 2, 7)
et encore :
Moi, je serai pour lui un père et lui sera pour moi un fils ? (2 S 7, 14 ; 1 Ch 7, 13 //)
6 Par contre, lorsqu'il introduit le premier-né dans le monde, il dit :
Et que se prosternent devant lui tous les anges de Dieu. (LXX : Ps 96, 7 — cf. Ps 97, 7)
7 Pour les anges, il a cette parole :
Celui qui fait de ses anges des esprits et de ses serviteurs une flamme de feu. (Ps 104, 4 — LXX 103, 4)
8 Mais pour le Fils, celle-ci :
Ton trône, Dieu, est établi à tout jamais ! Et : Le sceptre de la droiture est sceptre de ton règne. (Ps 45, 6 — LXX 44, 7)
9 Tu aimas la justice et détestas l'iniquité, c'est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu te donna l'onction d'une huile d'allégresse, de préférence à tes compagnons. (Ps 45, 7 — LXX 44, 8)
10 Et encore :
C'est toi qui, aux origines, Seigneur, fondas la terre, et les cieux sont l'œuvre de tes mains.
11 Eux périront, mais toi, tu demeures.Oui, tous comme un vêtement vieilliront
12 et comme on fait d'un manteau, tu les enrouleras, comme un vêtement, oui, ils seront changés, mais toi, tu es le même et tes années ne tourneront pas court. (Ps 102, 25-27 — LXX 101, 25-27)
13 Et auquel des anges a-t-il jamais dit :
Siège à ma droite, de tes ennemis, je vais faire ton marchepied ?" (Ps 110, 1 — LXX 109, 1)
De même dans les évangiles, citant le Psaume 110, v. 1. Marc 12, 36 :
Le Seigneur a dit à mon Seigneur Siège à ma droite, de tes ennemis, je vais faire ton marchepied.
*
Que dire d’un Dieu infini — et qui pourtant existe ?!
La théologie classique posait le questionnement de son propre discours. Son discours théologique s'articulait en termes de théologie affirmative d'une part et de théologie négative (ou "apophatique") d'autre part. La théologie affirmative, donnait une série de propositions sur Dieu, le dotait d'attributs (Dieu est sage, fort, miséricordieux, etc.). Ce faisant, la théologie mettait aussi en question ses propres affirmations, elle s'obligeait à se déposséder — voire contre ses propres tendances — de ses propres affirmations. C'était le moment négatif de sa parole sur le divin. Chacune de ses affirmations n'avait de sens qu'en relation avec la négation qui l'accompagnait (que veut-on dire quand on dit que Dieu est sage, fort, miséricordieux ? Quel sens ont de telles affirmations ?).
Ce questionnement qui vaut depuis l’Antiquité est très connu chez le moine du VIe siècle Denys l’Aréopagite ; il se retrouve dans la mystique de l’islam comme du Moyen Âge chrétien, et s’enracine dans la tradition juive. Dieu personnel et Dieu caché :
Ibn ‘Arabi (soufi musulman du XIIe-XIIe siècle), selon Henry Corbin, dans Le paradoxe du monothéisme : Sa pensée « est axée sur cette différenciation entre l’Absolu indéterminé et inconnaissable, l’Absconditum, et […] le seigneur personnel, le Deus revelatus, le seul dont l’homme puisse parler, parce qu’il en est le terme corrélatif. »
Ou, toujours selon Corbin, Maître Eckhart (dominicain du XIVe siècle) : « Pour un Maître Eckhart, la Deitas transcende le Dieu personnel, et c’est celui-ci qu’il faut dépasser, parce qu’il est corrélatif de l’âme humaine, du monde, de la créature. […] L’âme eckhartienne cherche donc à… s’échapper à elle-même pour se plonger dans l’abîme de la divinité, un Abgrund dont par essence elle ne pourra jamais atteindre le fond. »
Cf. Matthieu 18, 10-11 : « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits ; car je vous dis que leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux. Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu. »
Cf. M.-A. Ouaknin, Tsimtsoum – Introduction à la méditation hébraïque : « Tsimtsoum signifie originellement « concentration » ou « contraction ». Dans le langage cabaliste, il est mieux traduit par « retrait » ou « rétraction ». Rabbi Isaac Louria [XVIe siècle] se posa les questions suivantes : Comment peut-il y avoir un monde si Dieu est partout ? Si Dieu est « tout en tout », comment peut-il y avoir des choses qui ne soient pas Dieu ? Comment Dieu peut-il créer le monde, s’il n’y a pas de néant ? Rabbi Isaac Louria répondit en formulant la théorie du Tsimtsoum ou « retrait ». Selon cette théorie, le premier acte du Créateur ne fut pas de se révéler lui-même à quelque chose d’extérieur. Loin d’être un mouvement sur le dehors ou une sortie de son identité cachée, la première étape fut un repli, un retrait ; Dieu « se retira de Lui-même en lui-même » et, par cet acte, abandonna au vide une place en son sein, créa un espace pour le monde à venir. (…) Dieu ne put se manifester que parce qu’au préalable il se retira. » (p. 32.)
On peut rappeler ici les paraboles évangéliques du maître absent (le Dieu caché) :
Marc 13, 34-36 : « 34 Il en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, laisse sa maison, remet l’autorité à ses serviteurs, indique à chacun sa tâche, et ordonne au portier de veiller. 35 Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin ; 36 craignez qu’il ne vous trouve endormis, à son arrivée soudaine. »
Autant de mises à distance qui renvoient au Dieu caché, inaccessible.
III. Or les Psaumes parlent aussi d’un Dieu personnel, on y prie un Dieu personnel, qui se dessine pour David comme « archétype » parfait (cf. Psaume 110, 1) de sa propre figure messianique, imparfaite, elle, à ses propres yeux — combien de fois ne se repend-il pas ?
Apparaît donc un figure archétypique, l’image éternelle et divine de lui-même, le Seigneur personnel de sa propre existence, et de là, de toute existence, l’Ange de l’Éternel, manifestation personnelle du Dieu qui est au-delà de toute compréhension. C’est là l’image éternelle de Dieu dont les premiers disciples du Ressuscité ont reconnu l’Incarnation et l’avènement en Jésus. D’où la lecture donnée par l’Épître aux Hébreux, qui permet de reprendre non seulement toutes les applications christologiques des Psaumes, — comme le Psaume 22 (entre autres) prononcé du haut de la croix —, mais d’autres textes prophétiques où Jésus ratifie lui-même cette lecture christologique.
Avec comme débouché une piété annoncée par ex. dans Actes 7, 55-59 : « Étienne, rempli du Saint-Esprit, et fixant les regards vers le ciel, vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. Et il dit : Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. […] Et ils lapidaient Étienne, qui priait et disait : Seigneur Jésus, reçois mon esprit ! »
On a là une prière à Jésus, où le « Dieu personnel » prend la figure concrète de celui qui est reçu comme son Incarnation, fondement des lectures christologiques des prières bibliques, notamment les Psaumes.
RP
Une prière qui engage
Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2013-2014
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
5) Mardi 18 & jeudi 20 février 2014 - Les prières bibliques et Jésus Christ (PDF)
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