Offrande unique du Fils : ch. 10, 1-39
Hébreux 10, 1-18
Les cultes sont du temps, l’éternité est de l’éternité. Les rites, tous les rites, sont symboliques. Il s’agit d’en venir au cœur de la réalité, qui n’est pas soumise aux fluctuations du temps. À nouveau, la « suppression du premier culte » ne consiste pas à un remplacement par un autre rituel ! — mais à l’ouverture sur l’éternité céleste, sur la réalité dont tout rite est le symbole.
Selon l’auteur, c’est au cœur de la réalité que le Christ a conduit. C’est le sens de la citation de la Bible (prise dans les Psaumes et Jérémie) : « tu n’as pas voulu de sacrifice ou d’offrande, tu m’as façonné un corps ». Sacrifice et offrande ont valeur symbolique. Le Christ préexistant revêtant le corps que Dieu lui « a façonné », y dévoile la réalité éternelle. Il y dévoile ce que les sacrifices et rites symbolisent et ne font que symboliser, avant comme après sa venue.
Tel n’est pas le cœur du rite. Le cœur de la signification du rite est dans ce que le Christ accomplit et manifeste. « Par une offrande unique, en effet, il a mené pour toujours à l’accomplissement ceux qu’il sanctifie ». Il n’y a d’entrée dans la présence de Dieu que par le don total : là se réalise le projet de l’Alliance. C’est là ce que le Christ seul a accompli, et que dès lors il a accompli pour nous. Plus d’offrande pour le péché quand on accède à la réalité céleste, qui est au-delà du péché. Pâque définitive où se dévoile la vérité de l’Alliance et de sa promesse. On retrouve les prophètes : Jérémie, cité, Ézéchiel aussi (ch. 37). On entre dans le domaine central de l’Alliance, au cœur où elle se scelle : dans l’intériorité, en deçà du rite : la Loi inscrite dans les cœurs. Cela ne dispense pas du rite, de ses symboles. Mais cela les met à leur place : pour nous, pour notre enseignement, et non pas pour Dieu ! Le rite a fonction pédagogique, avant comme après la venue du Christ.
La vérité de l’Alliance elle, se scelle dans les cœurs et les pensées.
Allons un pas plus loin, pour percevoir plus précisément quel est le bouleversement qu’initie Jésus en matière de sacrifice qui met fin au cycle du péché et de la culpabilité. Je m’en référerai à ce qu’a écrit René Girard sur le sacrifice en rapport avec le mimétisme (l’imitation les uns des autres) et à son lien avec la violence, et le péché et la culpabilité qu'il nourrit.
Si deux individus désirent la même chose, dit René Girard, il y en aura bientôt un troisième, un quatrième. Le processus fait facilement boule de neige. Il suffit d’observer la naissance d’une querelle chez des enfants au sujet d’une queue de cerise, ou d’un jouet publicitaire dans une boîte de lessive, par exemple. Il suffit qu’il y en ait un pour deux, et que l’un des deux l’ait trouvé intéressant pour que s’amorce une querelle. Qu’est-ce d’autre que le fait d’être plusieurs à le convoiter tel métal jaune — ce désir partagé qui lui donne tant de valeur ? Et on reconnaît là le point de départ de toute querelle, ce que René Girard appelle le « mimétisme », l’imitation les uns des autres dans le désir — ce qui fait que le fautif n’est pas celui qui commence (en fait on ne sait jamais qui c’est), mais celui et ceux qui continuent.
L’objet de la querelle est vite oublié, tandis que les rivalités se propagent, et le conflit se transforme en antagonisme généralisé : le chaos, « la guerre de tous contre tous » (ce que Girard appelle la «crise mimétique») — fruit du péché, qui nous poursuit ensuite par la culpabilité.
Comment cette crise peut-elle se résoudre, comment la paix peut-elle revenir ? Ici, les hommes ont trouvé « l’idée » d’un « bouc émissaire » (le terme fait référence à l’animal expulsé au désert chargé symboliquement des fautes du peuple selon la Bible).
Où on retrouve bien sûr, l’idée de sacrifice. C’est ainsi, précisément, qu’au paroxysme de la crise de tous contre tous peut intervenir ce «mécanisme salvateur» du groupe : le tous contre tous violent peut se transformer en un tous contre un (ou une minorité), qui n’a d’ailleurs même pas de rapport avec le problème de départ ! Si le report sur un «bouc émissaire» ne se déclenche pas, c’est la destruction du groupe. Pourquoi « mécanisme » ? C’est que sa mise en marche ne dépend de personne mais découle du phénomène lui-même.
Plus les rivalités pour le même objet s’exaspèrent, plus les rivaux tendent à oublier ce qui en fut l’origine, plus ils sont fascinés les uns par les autres. À ce stade de fascination haineuse la sélection d’antagonistes va se faire de plus en plus instable, changeante, et c’est là qu’il se pourra qu’un individu (ou une minorité) polarise l’appétit de violence.
Que cette polarisation s’amorce, et par un effet boule de neige, elle s’emballe : la communauté tout entière (unanime !) se trouve alors rassemblée contre un individu unique (ou une minorité).
Ainsi la violence à son paroxysme aura tendance à se focaliser sur une victime et l’unanimité à se faire contre elle. L’élimination de la victime fait tomber brutalement l’appétit de violence dont chacun était possédé l’instant d’avant et laisse le groupe subitement apaisé et hébété. La victime gît devant le groupe, apparaissant tout à la fois comme l’origine de la crise et la responsable de ce miracle de la paix retrouvée – par une sorte de « plus jamais ça ». Elle devient sacrée, c’est-à-dire porteuse du pouvoir prodigieux de déchaîner la crise comme de ramener la paix. C’est la genèse du religieux selon Girard, du sacrifice rituel comme répétition de l’événement violent fondateur.
Mais l’illégitimité de cette violence va déboucher sur une sorte de réhabilitation des victimes. Pour un « plus jamais ça ».
« Plus jamais ça » ! Eh bien c’est précisément ce cycle infernal vers un «plus jamais ça» que les sacrifices rituels mettent entre parenthèse tandis que Jésus y met fin en ne s’y prêtant pas, en ne répliquant pas, en mourant, donc.
Une seule solution contre le cycle sans fin de la violence : le pardon, déjà dans nos relations quotidiennes. Ce qui suppose l’acceptation de la violence contre soi — pour la stopper. Jésus acceptant la croix : c’est là sa mission. Peu dans l’histoire ont compris cela, même après Jésus.
Jésus est venu pour mettre fin à un cycle infernal qui est tout simplement ce qui empêche l’avènement du Royaume : il est venu stopper le cycle de la violence qui empêche la venue du Royaume.
Il se fait lui-même, qui est innocent, la victime qui met fin aux sacrifices par lesquels on détournait provisoirement la violence. Voilà ce que dit, en ses termes à elle, l’Épître aux Hébreux.
Hébreux 10, 19-31
Résistance à la tentation de tout abandonner quand apparemment, non seulement le salut promis par Jésus n’apparaît pas de façon ostensible, mais quand par-dessus le marché, tout semble au contraire partir à vau l’eau. La menace romaine sur le Temple, la persécution…
Alors face à la tentation de l’apostasie (c’est bien ainsi que l’auteur l’interprète), les arguments classiques reprennent du service. Arguments des plus sévères : du jugement à la Loi de Moïse sur la lapidation ! « Quelqu’un viole-t-il la loi de Moïse? Sans pitié, sur la déposition de deux ou trois témoins, c’est pour lui la mort » ! Qu’on se rassure, la menace est livresque.
La tradition rabbinique nous permet de savoir que les lapidations envisagées par la Torah n’ont pas à être appliquées ! Elles ont valeur pédagogique : dire la gravité de la faute, mettre en garde contre le péril que fait courir à la société de tels dérapages. C’est dans cette tradition que Jésus s’inscrit en dénonçant la proposition de lapidation de la femme adultère (Jean 8). Et il le fait avec les mêmes arguments que les rabbins talmudiques. « Pour qui se prend le lapidateur, au fond non moins suspect que sa victime, pour la mettre à mort ? » Et Jésus, qui lui, est présenté comme le saint par excellence, de conclure en disant à la femme : « moi non plus, je ne te condamne pas, va et ne pèche plus ».
On est dans ce genre de menace pédagogique contre la gravité de tout abandonner, au moment où de plus, la victoire est à portée de main, au cœur même de la menace romaine. Malgré la menace le Christ a triomphé et apporté le salut définitif. Quelle stupidité que d’abandonner l’espérance et sa parole proclamée dans les assemblées (avec en grec un mot qui parle de « Synagogues ») que certains sont tentés d’abandonner !
Hébreux 10, 32-39
L’exhortation à la persévérance s’appuyant sur l’appel à l’endurance, sur le rappel des combats passés et l’inopportunité de perdre leur bénéfice, n’est pas sans péril par rapport au fondement du salut : « Mon juste par la foi vivra » — citation d’Habacuc 2, 4.
Telle est la nuance que l’auteur de l’Épître apporte lui-même à son propos antécédent, expliquant en ces termes ce qu’il a voulu dire à travers ses menaces d’un côté et sa mise en exergue de la récompense à saisir de l’autre : nous sommes hommes et femmes « de foi pour le salut de nos âmes ».
C’est cette foi, seul fondement du salut, qu’il s’agit de ne pas abandonner. (Il n’a pas voulu dire à travers l’alternance de menaces et de promesses de victoire proche qu’il s’agirait de mesurer les acquis précédents de la foi.) C’est bien le fondement qu’il s’agit de ne pas lâcher, la foi. Il s’agit de ne pas faire défection par rapport à la foi qui tient à portée, déjà là, le triomphe espéré…
RP
Une lecture de l’Épître aux Hébreux
Étude biblique 2013-2014
Église protestante unie de France / Poitiers
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
6) Mardi 11 & jeudi 13 mars 2014
V. Offrande unique du Fils : 10,1-39. (PDF).
Hébreux 10, 1-18
1 Ne possédant que l’esquisse des biens à venir et non l’expression même des réalités, la loi est à jamais incapable, malgré les sacrifices, toujours les mêmes, offerts chaque année indéfiniment, de mener à l’accomplissement ceux qui viennent y prendre part.
2 Sinon, n’aurait-on pas cessé de les offrir pour la simple raison que, purifiés une bonne fois, ceux qui rendent ainsi leur culte n’auraient plus eu conscience d’aucun péché?
3 Mais, en fait, par ces sacrifices, on remet les péchés en mémoire chaque année.
4 Car il est impossible que du sang de taureaux et de boucs enlève les péchés.
5 Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit: De sacrifice et d’offrande, tu n’as pas voulu, mais tu m’as façonné un corps.
6 Holocaustes et sacrifices pour le péché ne t’ont pas plu.
7 Alors j’ai dit: Me voici, car c’est bien de moi qu’il est écrit dans le rouleau du livre: Je suis venu, ô Dieu, pour faire ta volonté.
8 Il déclare tout d’abord: Sacrifices, offrandes, holocaustes, sacrifices pour le péché, tu n’en as pas voulu, ils ne t’ont pas plu. Il s’agit là, notons-le, des offrandes prescrites par la loi.
9 Il dit alors: Voici, je suis venu pour faire ta volonté. Il supprime le premier culte pour établir le second.
10 C’est dans cette volonté que nous avons été sanctifiés par l’offrande du corps de Jésus Christ, faite une fois pour toutes.
11 Et tandis que chaque prêtre se tient chaque jour debout pour remplir ses fonctions et offre fréquemment les mêmes sacrifices, qui sont à jamais incapables d’enlever les péchés,
12 lui, par contre, après avoir offert pour les péchés un sacrifice unique, siège pour toujours à la droite de Dieu
13 et il attend désormais que ses ennemis en soient réduits à lui servir de marchepied.
14 Par une offrande unique, en effet, il a mené pour toujours à l’accomplissement ceux qu’il sanctifie.
15 C’est ce que l’Esprit Saint nous atteste, lui aussi. Car après avoir dit:
16 Voici l’alliance par laquelle je m’allierai avec eux après ces jours-là, le Seigneur a déclaré: En donnant mes lois, c’est dans leurs cœurs et dans leur pensée que je les inscrirai,
17 et de leurs péchés et de leurs iniquités je ne me souviendrai plus.
18 Or, là où il y a eu pardon, on ne fait plus d’offrande pour le péché.
Les cultes sont du temps, l’éternité est de l’éternité. Les rites, tous les rites, sont symboliques. Il s’agit d’en venir au cœur de la réalité, qui n’est pas soumise aux fluctuations du temps. À nouveau, la « suppression du premier culte » ne consiste pas à un remplacement par un autre rituel ! — mais à l’ouverture sur l’éternité céleste, sur la réalité dont tout rite est le symbole.
Selon l’auteur, c’est au cœur de la réalité que le Christ a conduit. C’est le sens de la citation de la Bible (prise dans les Psaumes et Jérémie) : « tu n’as pas voulu de sacrifice ou d’offrande, tu m’as façonné un corps ». Sacrifice et offrande ont valeur symbolique. Le Christ préexistant revêtant le corps que Dieu lui « a façonné », y dévoile la réalité éternelle. Il y dévoile ce que les sacrifices et rites symbolisent et ne font que symboliser, avant comme après sa venue.
Tel n’est pas le cœur du rite. Le cœur de la signification du rite est dans ce que le Christ accomplit et manifeste. « Par une offrande unique, en effet, il a mené pour toujours à l’accomplissement ceux qu’il sanctifie ». Il n’y a d’entrée dans la présence de Dieu que par le don total : là se réalise le projet de l’Alliance. C’est là ce que le Christ seul a accompli, et que dès lors il a accompli pour nous. Plus d’offrande pour le péché quand on accède à la réalité céleste, qui est au-delà du péché. Pâque définitive où se dévoile la vérité de l’Alliance et de sa promesse. On retrouve les prophètes : Jérémie, cité, Ézéchiel aussi (ch. 37). On entre dans le domaine central de l’Alliance, au cœur où elle se scelle : dans l’intériorité, en deçà du rite : la Loi inscrite dans les cœurs. Cela ne dispense pas du rite, de ses symboles. Mais cela les met à leur place : pour nous, pour notre enseignement, et non pas pour Dieu ! Le rite a fonction pédagogique, avant comme après la venue du Christ.
La vérité de l’Alliance elle, se scelle dans les cœurs et les pensées.
*
Allons un pas plus loin, pour percevoir plus précisément quel est le bouleversement qu’initie Jésus en matière de sacrifice qui met fin au cycle du péché et de la culpabilité. Je m’en référerai à ce qu’a écrit René Girard sur le sacrifice en rapport avec le mimétisme (l’imitation les uns des autres) et à son lien avec la violence, et le péché et la culpabilité qu'il nourrit.
Si deux individus désirent la même chose, dit René Girard, il y en aura bientôt un troisième, un quatrième. Le processus fait facilement boule de neige. Il suffit d’observer la naissance d’une querelle chez des enfants au sujet d’une queue de cerise, ou d’un jouet publicitaire dans une boîte de lessive, par exemple. Il suffit qu’il y en ait un pour deux, et que l’un des deux l’ait trouvé intéressant pour que s’amorce une querelle. Qu’est-ce d’autre que le fait d’être plusieurs à le convoiter tel métal jaune — ce désir partagé qui lui donne tant de valeur ? Et on reconnaît là le point de départ de toute querelle, ce que René Girard appelle le « mimétisme », l’imitation les uns des autres dans le désir — ce qui fait que le fautif n’est pas celui qui commence (en fait on ne sait jamais qui c’est), mais celui et ceux qui continuent.
L’objet de la querelle est vite oublié, tandis que les rivalités se propagent, et le conflit se transforme en antagonisme généralisé : le chaos, « la guerre de tous contre tous » (ce que Girard appelle la «crise mimétique») — fruit du péché, qui nous poursuit ensuite par la culpabilité.
Comment cette crise peut-elle se résoudre, comment la paix peut-elle revenir ? Ici, les hommes ont trouvé « l’idée » d’un « bouc émissaire » (le terme fait référence à l’animal expulsé au désert chargé symboliquement des fautes du peuple selon la Bible).
Où on retrouve bien sûr, l’idée de sacrifice. C’est ainsi, précisément, qu’au paroxysme de la crise de tous contre tous peut intervenir ce «mécanisme salvateur» du groupe : le tous contre tous violent peut se transformer en un tous contre un (ou une minorité), qui n’a d’ailleurs même pas de rapport avec le problème de départ ! Si le report sur un «bouc émissaire» ne se déclenche pas, c’est la destruction du groupe. Pourquoi « mécanisme » ? C’est que sa mise en marche ne dépend de personne mais découle du phénomène lui-même.
Plus les rivalités pour le même objet s’exaspèrent, plus les rivaux tendent à oublier ce qui en fut l’origine, plus ils sont fascinés les uns par les autres. À ce stade de fascination haineuse la sélection d’antagonistes va se faire de plus en plus instable, changeante, et c’est là qu’il se pourra qu’un individu (ou une minorité) polarise l’appétit de violence.
Que cette polarisation s’amorce, et par un effet boule de neige, elle s’emballe : la communauté tout entière (unanime !) se trouve alors rassemblée contre un individu unique (ou une minorité).
Ainsi la violence à son paroxysme aura tendance à se focaliser sur une victime et l’unanimité à se faire contre elle. L’élimination de la victime fait tomber brutalement l’appétit de violence dont chacun était possédé l’instant d’avant et laisse le groupe subitement apaisé et hébété. La victime gît devant le groupe, apparaissant tout à la fois comme l’origine de la crise et la responsable de ce miracle de la paix retrouvée – par une sorte de « plus jamais ça ». Elle devient sacrée, c’est-à-dire porteuse du pouvoir prodigieux de déchaîner la crise comme de ramener la paix. C’est la genèse du religieux selon Girard, du sacrifice rituel comme répétition de l’événement violent fondateur.
Mais l’illégitimité de cette violence va déboucher sur une sorte de réhabilitation des victimes. Pour un « plus jamais ça ».
« Plus jamais ça » ! Eh bien c’est précisément ce cycle infernal vers un «plus jamais ça» que les sacrifices rituels mettent entre parenthèse tandis que Jésus y met fin en ne s’y prêtant pas, en ne répliquant pas, en mourant, donc.
Une seule solution contre le cycle sans fin de la violence : le pardon, déjà dans nos relations quotidiennes. Ce qui suppose l’acceptation de la violence contre soi — pour la stopper. Jésus acceptant la croix : c’est là sa mission. Peu dans l’histoire ont compris cela, même après Jésus.
Jésus est venu pour mettre fin à un cycle infernal qui est tout simplement ce qui empêche l’avènement du Royaume : il est venu stopper le cycle de la violence qui empêche la venue du Royaume.
Il se fait lui-même, qui est innocent, la victime qui met fin aux sacrifices par lesquels on détournait provisoirement la violence. Voilà ce que dit, en ses termes à elle, l’Épître aux Hébreux.
*
Hébreux 10, 19-31
19 Nous avons ainsi, frères, pleine assurance d’accéder au sanctuaire par le sang de Jésus.
20 Nous avons là une voie nouvelle et vivante, qu’il a inaugurée à travers le voile, c’est-à-dire par son humanité.
21 Et nous avons un prêtre éminent établi sur la maison de Dieu.
22 Approchons-nous donc avec un cœur droit et dans la plénitude de la foi, le cœur purifié de toute faute de conscience et le corps lavé d’une eau pure;
23 sans fléchir, continuons à affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis.
24 Veillons les uns sur les autres, pour nous exciter à la charité et aux œuvres bonnes.
25 Ne désertons pas nos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude, mais encourageons-nous et cela d’autant plus que vous voyez s’approcher le Jour.
26 Car si nous péchons délibérément après avoir reçu la pleine connaissance de la vérité, il ne reste plus pour les péchés aucun sacrifice,
27 mais seulement une attente terrible du jugement et l’ardeur d’un feu qui doit dévorer les rebelles.
28 Quelqu’un viole-t-il la loi de Moïse? Sans pitié, sur la déposition de deux ou trois témoins, c’est pour lui la mort.
29 Quelle peine plus sévère encore ne méritera-t-il pas, vous le pensez, celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, qui aura profané le sang de l’alliance dans lequel il a été sanctifié, et qui aura outragé l’Esprit de la grâce?
30 Nous le connaissons, en effet, celui qui a dit: A moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai! Et encore: Le Seigneur jugera son peuple.
31 Il est terrible de tomber aux mains du Dieu vivant.
Résistance à la tentation de tout abandonner quand apparemment, non seulement le salut promis par Jésus n’apparaît pas de façon ostensible, mais quand par-dessus le marché, tout semble au contraire partir à vau l’eau. La menace romaine sur le Temple, la persécution…
Alors face à la tentation de l’apostasie (c’est bien ainsi que l’auteur l’interprète), les arguments classiques reprennent du service. Arguments des plus sévères : du jugement à la Loi de Moïse sur la lapidation ! « Quelqu’un viole-t-il la loi de Moïse? Sans pitié, sur la déposition de deux ou trois témoins, c’est pour lui la mort » ! Qu’on se rassure, la menace est livresque.
La tradition rabbinique nous permet de savoir que les lapidations envisagées par la Torah n’ont pas à être appliquées ! Elles ont valeur pédagogique : dire la gravité de la faute, mettre en garde contre le péril que fait courir à la société de tels dérapages. C’est dans cette tradition que Jésus s’inscrit en dénonçant la proposition de lapidation de la femme adultère (Jean 8). Et il le fait avec les mêmes arguments que les rabbins talmudiques. « Pour qui se prend le lapidateur, au fond non moins suspect que sa victime, pour la mettre à mort ? » Et Jésus, qui lui, est présenté comme le saint par excellence, de conclure en disant à la femme : « moi non plus, je ne te condamne pas, va et ne pèche plus ».
On est dans ce genre de menace pédagogique contre la gravité de tout abandonner, au moment où de plus, la victoire est à portée de main, au cœur même de la menace romaine. Malgré la menace le Christ a triomphé et apporté le salut définitif. Quelle stupidité que d’abandonner l’espérance et sa parole proclamée dans les assemblées (avec en grec un mot qui parle de « Synagogues ») que certains sont tentés d’abandonner !
Hébreux 10, 32-39
32 Mais souvenez-vous de vos débuts: à peine aviez-vous reçu la lumière que vous avez enduré un lourd et douloureux combat,
33 ici, donnés en spectacle sous les injures et les persécutions; là, devenus solidaires de ceux qui subissaient de tels traitements.
34 Et, en effet, vous avez pris part à la souffrance des prisonniers et vous avez accepté avec joie la spoliation de vos biens, vous sachant en possession d’une fortune meilleure et durable.
35 Ne perdez pas votre assurance, elle obtient une grande récompense.
36 C’est d’endurance, en effet, que vous avez besoin, pour accomplir la volonté de Dieu et obtenir ainsi la réalisation de la promesse.
37 Car encore si peu, si peu de temps, et celui qui vient sera là, il ne tardera pas.
38 Mon juste par la foi vivra, mais s’il fait défection, mon âme ne trouve plus de satisfaction en lui.
39 Nous, nous ne sommes pas hommes à faire défection pour notre perte, mais hommes de foi pour le salut de nos âmes.
L’exhortation à la persévérance s’appuyant sur l’appel à l’endurance, sur le rappel des combats passés et l’inopportunité de perdre leur bénéfice, n’est pas sans péril par rapport au fondement du salut : « Mon juste par la foi vivra » — citation d’Habacuc 2, 4.
Telle est la nuance que l’auteur de l’Épître apporte lui-même à son propos antécédent, expliquant en ces termes ce qu’il a voulu dire à travers ses menaces d’un côté et sa mise en exergue de la récompense à saisir de l’autre : nous sommes hommes et femmes « de foi pour le salut de nos âmes ».
C’est cette foi, seul fondement du salut, qu’il s’agit de ne pas abandonner. (Il n’a pas voulu dire à travers l’alternance de menaces et de promesses de victoire proche qu’il s’agirait de mesurer les acquis précédents de la foi.) C’est bien le fondement qu’il s’agit de ne pas lâcher, la foi. Il s’agit de ne pas faire défection par rapport à la foi qui tient à portée, déjà là, le triomphe espéré…
RP
Une lecture de l’Épître aux Hébreux
Étude biblique 2013-2014
Église protestante unie de France / Poitiers
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
6) Mardi 11 & jeudi 13 mars 2014
V. Offrande unique du Fils : 10,1-39. (PDF).
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