Alors que la Genèse se termine avec un récit d’exil à l’autre terme du récit de la création, le livre de l’Exode se présente comme récit de libération de cet exil, récit d’un exode dont le maître d’œuvre est Dieu, appelant pour cela Moïse – au ch. 3. Fin du monde de la captivité, de l’exiguïté (Mitsraïm). Promesse de liberté… Apparaît un Dieu qui rejoint le peuple, qui est avec le peuple au cœur de sa détresse, qui promet qu’il sera avec lui au cœur de l’épreuve – pour le conduire à la vie nouvelle, cachée en Lui. Cette présence inconditionnelle est révélée avec son Nom…
Ainsi dans le commentaire de Rachi :
« La montagne de ha-Eloqim. Le texte [Exode 3, 1] anticipe sur l’avenir (Deutéronome 22).
Dans une flamme (belavath) de feu. Dans le cœur (lév) du feu, comme dans : « au cœur du ciel » (Deutéronome 4, 11) ; « au cœur du chêne » (2 Samuel 18, 14).
Du milieu du buisson. Et non d’un autre arbre plus imposant, comme le suggère (Psaume 91, 15) : « Je suis avec lui dans la détresse [c’est-à-dire dans l’humiliation] » (Midrach tan‘houma 14).
Car j’ai su ses douleurs. Comme dans : « Eloqim sut » (supra 2, 25). C’est-à-dire : Car j’ai appliqué mon cœur à comprendre et à connaître ses souffrances. Je ne me suis pas caché les yeux, je ne me suis pas bouché les oreilles pour ne pas entendre leur cri.
Et maintenant, va, et je t’enverrai vers Pharaon. Et si tu m’objectes : « A quoi cela servira-t-il ? »… Et fais sortir mon peuple – Les paroles que tu prononceras produiront leur effet, et tu les feras sortir de là.
Qui suis-je. Quelle importance possédé-je, pour parler aux rois ?
Et que que je fasse sortir les fils d’Israël. Et même si je possédais de l’importance, en quoi Israël a-t-il mérité que Tu accomplisses pour lui un miracle et que je les fasse sortir de l’Égypte ?
Il dit : Parce que je serai avec toi. Il commence par répondre à la première question, puis à la seconde : « Pour ce que tu as dit : “ Qui suis-je, pour que j’aille chez Pharaon ?”, ce n’est pas de toi qu’il s’agit, mais de moi : “Parce que je serai avec toi”, et “ceci”, à savoir l’apparition à laquelle tu as assisté au buisson, “te sera le signe que c’est moi qui t’ai envoyé” que tu mèneras à bien la mission que je te confie. De même que tu as vu le buisson exécuter sans se consumer la mission que je lui ai confiée, de même rempliras-tu ma mission sans dommage pour toi. Quant à ta seconde question : “En quoi Israël a-t-il mérité de pouvoir sortir d’Égypte ?”, cette sortie a pour moi une grande importance, car ils recevront la Tora sur cette montagne trois mois après leur sortie d’Égypte ». Autre explication de : « parce que je serai avec toi, et ceci…” : « Ce fait même » que tu réussiras ta mission “sera pour toi le signe” annonciateur [de l’accomplissement] d’une autre promesse. Car je te promets que, lorsque tu les auras fait sortir d’Égypte, “vous adorerez Eloqim sur cette montagne-ci” et y recevrez la Tora. Voilà le mérite que possède Israël. » Nous trouvons un autre exemple du même style dans : « Et ceci “sera pour toi le signe” que vous mangerez cette année le regain… » (Ésaïe 37, 30), à savoir que la chute de Sénnachérib sera pour toi le signe [de l’accomplissement] d’une autre promesse : votre terre, actuellement stérile et improductive, j’en bénirai le regain.
Je serai qui serai. Moi qui suis avec eux dans la détresse présente, je serai avec eux dans leur asservissement par d’autres empires. Mochè a dit à Hachem : « Maître de l’univers ! Pourquoi faut-il que je leur parle d’une autre souffrance ? Ils ont bien assez de celle-ci ! » Hachem a répondu : « Tu as raison ! “Ainsi parleras-tu aux enfants d’Israël… « Je serai » [sans : « qui serai », allusion à leurs souffrances futures] m’a envoyé auprès de vous ” » (Berakhoth 9b).
Cela est mon Nom pour toujours (le‘olam). Le mot le‘olam [= pour toujours] est écrit sans la lettre waw, pour qu’on puisse le lire : le‘além [« tel est mon Nom destiné à être “caché” »], à ne pas prononcer comme il est écrit (Pessa‘him 50a ; Chemoth raba). »
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Cf. Maimonide, Guide des Égarés I, 63 : « […] "Et s’ils me disent: Quel est son nom, que leur dirai-je ?" (Exode 3, 13). Jusqu'où cette question, anticipée par Moïse, était-elle appropriée, et jusqu'où était-il justifié de chercher à se préparer à la réponse ? Moïse avait raison de dire : "Mais voici, ils ne me croiront pas, car ils diront: Le Seigneur ne t'est pas apparu" (ibid., 1) ; car n'importe quel homme réclamant l'autorité d'un prophète doit s'attendre à rencontrer une telle objection tant qu'il n'a pas donné une preuve de sa mission. Encore une fois, si la question, à première vue, se rapportait seulement au nom, comme une simple expression des lèvres, le dilemme suivant se présenterait : soit les Israélites connaissaient le nom, soit ils ne l'avaient jamais entendu : si le nom leur était connu, ils n'y percevraient aucun argument en faveur de la mission de Moïse, sa connaissance et leur connaissance du nom divin étant les mêmes. Si, d'autre part, ils ne l'avaient jamais entendu mentionné, et si la connaissance de celle-ci devait prouver la mission de Moïse, quelle preuve auraient-ils que c'était vraiment le nom de Dieu ? De plus, après que Dieu eut fait connaître ce nom à Moïse et lui eut dit : "Va rassembler les anciens d'Israël... et ils écouteront ta voix" (ibid., 16-18) […]. La question "Quel est Son nom" signifie "Qui est cet Être qui, d'après ta croyance, t'a envoyé ?" La phrase, "Quel est son nom" […] veut dire, quelle idée doit être exprimée par le nom ? […] - Le nom Shadday signifie "celui qui suffit" ; c'est-à-dire qu'il n'a besoin d'aucun autre être pour effectuer l'existence de ce qu'il a créé, ou sa conservation: Son existence est suffisante pour cela. D'une manière similaire, le nom Hasin implique "force" […]. Il en va de même pour le «roc», qui est un homonyme […]. Il est donc clair que tous ces noms de Dieu sont des appellatifs, ou sont appliqués à Dieu par voie d'homonymie […], la seule exception étant le Tétragrammaton, le Shem ha-meforash (le nomen proprium de Dieu), qui n'est pas un appellatif ; il ne dénote aucun attribut de Dieu et n'implique rien sauf Son existence. L'existence absolue inclut l'idée de l'éternité, c'est-à-dire la nécessité de l'existence. »
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Rachi :
« Ils écouteront ta voix. Dès lors que tu leur tiendras ce langage : « Je me suis souvenu de vous » [du verset 16, comportant la répétition (« souvenir, je me suis souvenu »)]. Car ils savent que c’est par ce signe, qui remonte à l’époque de Jacob et de Joseph, qu’ils seront délivrés (Chemoth raba). Jacob leur avait fait dire : « Eloqim vous visitera et vous fera monter de ce pays » (Genèse 50, 24), et Joseph leur avait dit : « Eloqim manifester se manifestera, et vous ferez monter mes ossements d’ici ! » (Gn 50, 25).
Le roi d’Égypte ne vous donnera pas la permission d’aller. Si je ne lui montre pas « une main forte », c’est-à-dire : aussi longtemps que je ne lui aurai pas fait connaître ma main puissante, il ne vous permettra pas de partir.
Il ne vous donnera pas. Comme le rend le Targoum Onqelos : « il ne laissera pas », comme dans : « c’est pourquoi je ne t’ai pas laissé approcher d’elle » (Genèse 20, 6) ; « mais Eloqim n’a pas permis qu’il me fît du tort » (Genèse 31, 7). Le verbe « donner », dans ces exemples, signifie : « procurer la possibilité ». Selon d’autres commentateurs, l’expression : « et pas d’une main forte » signifie : « ce n’est pas parce que Sa main est puissante ». Car dès que « j’aurai étendu ma main et frappé l’Égypte… après cela on vous renverra ». Le Targoum Onqelos le rend aussi par : « et non pas parce que Sa force est puissante ». Cette explication m’a été donnée par rabi Ya‘aqov fils de rabi Mena‘hem. »
S’annonce la fin de l’épreuve, la fin de la détresse, par la présence de celui qui est et qui sera (avec toi).
RP
Textes de fin du monde
Église protestante unie de France / Poitiers
Étude biblique 2017-2018
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30
3) 12 & 14 décembre - Sortir d’Égypte – Genèse 50, 15-21 / Exode 3 (PDF ici)
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