L'Exode d’Israël s'ancre et débouche sur une conception inédite des relations avec le divin : le divin est irreprésentable (cf. Ex 3), sans garant humain de sa présence (il la garantit lui-même ! « Je serai ») comme l'est alors le monarque ; le monarque n’est donc pas non plus source de la loi, ni les dieux représentés.
Voilà donc dès lors une loi, exprimée dans la Torah, qui n'a pas d'auteur qui en serait le garant connu, qui serait donc potentiellement ou actuellement supérieur à la loi. Moïse n'est pas donné comme un nouveau Pharaon ou un nouvel Hammourabi. La loi dont il témoigne ne procède pas de lui ni de dieux représentables : il est lui-même soumis à la loi ! Cela restera vrai même après l'institution de la monarchie, avec la dynastie davidique qui se caractérise par l'exigence de soumission du roi à la loi.
C'est à cette tradition que, bien plus tard, se référeront les révolutionnaires puritains anglais posant la supériorité de la loi par rapport à tous : personnes privées, rois, et même Églises ; la loi reçue dans une convention (Covenant) de tous, en analogie avec la loi biblique. C'est, mutatis mutandis, ce modèle que reprendront les révolutions américaine et française. Pour la révolution américaine, voir aussi l’anticipation décrite par Jean Baubérot (« Les protestants ont-ils inventé la laïcité ? », L’Obs, oct. 2017) dès les années 1630 au Rhode Island fondé par le pasteur baptiste Roger Williams.
En commun, un « plus jamais ça » – plus jamais l’esclavage dont libère « celui qui est et sera » –, que l'on retrouve en arrière-plan dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (« Être suprême »), ou plus tard dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Plus jamais l'esclavage, plus jamais l’arbitraire absolutiste, plus jamais les idéologies comme le racisme… Les rédacteurs des textes modernes sont conscients de cet enracinement (des droits « tenus pour acquis » – Déclaration d’Indépendance américaine, 1776) : la liberté est donnée après la captivité ou l'oppression quelle qu'elle soit. Elle met fin à une situation devenue insupportable, l’esclavage, l'oppression, l'arbitraire. La loi qui accompagne l’acquisition de la liberté a pour fonction d’éviter au peuple de retomber dans l’esclavage ou toute autre situation catastrophique. La liberté est garantie par le fait que la loi est donnée comme n’ayant pas d’auteur qui puisse en réclamer la paternité, pas de pouvoir qui en serait la source, comme celui qui s’est avéré esclavagiste.
Le peuple français de l'Ancien Régime connaissait une situation d’oppression et d’arbitraire sous une royauté absolue. En 1789, la situation devient insupportable. Un sursaut y met fin. Pour garantir la liberté reçue, une loi est proclamée, un fondement, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Proclamée « sous les auspices de l’Être suprême », elle est présentée sur l’image de tables semblables à celles qui représentent le Décalogue. Ce n’est pas par hasard : don de liberté, suivi d’une loi pour que l’acquis ne se perde pas. Là encore « sous les auspices de l’Être suprême », contre tout arbitraire comme celui auquel on vient d’échapper, celui d’une monarchie absolue.
Au XXe siècle, l’Europe, et, à travers elle, le monde, ont failli s’autodétruire. On a tenté d’exterminer des populations – principalement les juifs, et d'autres. Le chaos semble avoir atteint un point de non-retour. Mais comme dans un sursaut, le monde reçoit à nouveau la liberté. Une loi est proclamée, une nouvelle Déclaration de droits humains, universelle – c’est à dire valable pour tous les êtres humains. Même modèle que dans les deux cas précédents : chaos – libération – loi. Avec des éléments nouveaux soulignés face à de nouvelles menaces.
RP
Les choses de la fin
Église protestante unie de France / Poitiers
Catéchisme pour adultes 2017-2018
Chaque 3e mardi du mois à 14 h 30
& chaque jeudi qui suit le 3e mardi à 20 h 30
3) 19 & 21 décembre — Esclavage et promesse de liberté (PDF ici)
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