mardi 28 janvier 2020

"Ils nous ont témoigné une humanité peu ordinaire"



Actes 27, 18 - 28, 10 ; Psaume 107, 8-9.19-22.28-32 ; Marc 16, 14-20

Actes 27, 18 - 28, 10
(Ch. 27) 18 Le lendemain, comme nous étions toujours violemment secoués par la tempête, on jetait du fret
19 et, le troisième jour, de leurs propres mains les matelots ont affalé le gréement.
20 Ni le soleil ni les étoiles ne se montraient depuis plusieurs jours ; la tempête, d’une violence peu commune, demeurait dangereuse : tout espoir d’être sauvés nous échappait désormais.
21 On n’avait plus rien mangé depuis longtemps quand Paul, debout au milieu d’eux, leur a dit : « Vous voyez, mes amis, il aurait fallu suivre mon conseil, ne pas quitter la Crète et faire ainsi l’économie de ces dommages et de ces pertes.
22 Mais, à présent, je vous invite à garder courage : car aucun d’entre vous n’y laissera la vie ; seul le bateau sera perdu.
23 Cette nuit même, en effet, un ange du Dieu auquel j’appartiens et que je sers s’est présenté à moi
24 et m’a dit : “Sois sans crainte, Paul ; il faut que tu comparaisses devant l’empereur et Dieu t’accorde aussi la vie de tous tes compagnons de traversée !”
25 Courage donc, mes amis ! Je fais confiance à Dieu : il en sera comme il m’a dit.
26 Nous devons échouer sur une île. »
27 C’était la quatorzième nuit que nous dérivions sur l’Adriatique ; vers minuit, les marins ont pressenti l’approche d’une terre.
28 Jetant alors la sonde, ils ont trouvé vingt brasses [une brasse = 1,85 mètre ; soit 37 mètres de profondeur] ; à quelque distance, ils l’ont jetée encore une fois et en ont trouvé quinze [soit env. dix mètres de moins].
29 Dans la crainte que nous ne soyons peut-être drossés [entraînés] sur des récifs, ils ont alors mouillé quatre ancres à l’arrière et souhaité vivement l’arrivée du jour.
30 Mais, comme les marins, sous prétexte de s’embosser [s’attacher] sur les ancres de l’avant, cherchaient à s’enfuir du bateau et mettaient le canot à la mer,
31 Paul a dit au centurion et aux soldats : « Si ces hommes ne restent pas à bord, vous, vous ne pourrez pas être sauvés. »
32 Les soldats ont alors coupé les filins du canot et l’ont laissé partir.
33 En attendant le jour, Paul a engagé tout le monde à prendre de la nourriture : « C’est aujourd’hui le quatorzième jour que vous passez dans l’expectative sans manger, et vous ne prenez toujours rien.
34 Je vous engage donc à reprendre de la nourriture, car il y va de votre salut. Encore une fois, aucun d’entre vous ne perdra un cheveu de sa tête. »
35 Sur ces mots, il a pris du pain, a rendu grâce à Dieu en présence de tous, l’a rompu et s’est mis à manger.
36 Tous alors, reprenant courage, se sont alimentés à leur tour.
37 Au total, nous étions deux cent soixante-seize personnes à bord.
38 Une fois rassasiés, on a allégé le bateau en jetant le blé à la mer.
39 Une fois le jour venu, les marins ne reconnaissaient pas la terre, mais ils distinguaient une baie avec une plage et ils avaient l’intention, si c’était possible, d’y échouer le bateau.
40 Ils ont alors filé les ancres par le bout, les abandonnant à la mer, tandis qu’ils larguaient les avirons de queue ; puis, hissant au vent la civadière [voile carrée à l’avant du navire], ils ont mis le cap sur la plage.
41 Mais ils ont touché un banc de sable et y ont échoué le vaisseau ; la proue, enfoncée, est restée prise, tandis que la poupe se disloquait sous les coups de mer.
42 Les soldats ont eu alors l’idée de tuer les prisonniers, de peur qu’il ne s’en échappe à la nage.
43 Mais le centurion, décidé à sauver Paul, les a empêchés d’exécuter leur projet ; il a ordonné à ceux qui savaient nager de sauter à l’eau les premiers et de gagner la terre.
44 Les autres le feraient soit sur des planches soit sur des épaves du bateau. Et c’est ainsi que tous se sont retrouvés à terre, sains et saufs.

(Ch. 28) 1 Une fois hors de danger, nous avons appris que l’île s’appelait Malte.
2 Les autochtones nous ont témoigné une humanité peu ordinaire. Allumant en effet un grand feu, ils nous en ont tous fait approcher, car la pluie s’était mise à tomber, et il faisait froid.
3 Paul avait ramassé une brassée de bois mort et la jetait dans le feu, lorsque la chaleur en a fait sortir une vipère qui s’accrocha à sa main.
4 A la vue de cet animal qui pendait à sa main, les autochtones se disaient les uns aux autres : « Cet homme est certainement un assassin ; il a bien échappé à la mer, mais la justice divine ne lui permet pas de vivre. »
5 Paul, en réalité, a secoué la bête dans le feu sans ressentir le moindre mal.
6 Eux s’attendaient à le voir enfler, ou tomber raide mort ; mais, après une longue attente, ils ont constaté qu’il ne lui arrivait rien d’anormal. Changeant alors d’avis, ils répétaient : « C’est un dieu ! »
7 Il y avait, dans les environs, des terres qui appartenaient au premier magistrat de l’île, nommé Publius. Il nous a accueillis et hébergés amicalement pendant trois jours.
8 Son père se trouvait alors alité, en proie aux fièvres et à la dysenterie. Paul s’est rendu à son chevet et, par la prière et l’imposition des mains, il l’a guéri.
9 Par la suite, tous les autres habitants de l’île qui étaient malades venaient le trouver, et ils étaient guéris à leur tour.
10 Ils nous ont donné de multiples marques d’honneur et, quand nous avons pris la mer, ils avaient pourvu à nos besoins.

Marc 16, 14-20
14 Ensuite, il se manifesta aux Onze, alors qu’ils étaient à table, et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur, parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité.
15 Et il leur dit : « Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création.
16 Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné.
17 Signes, en revanche, [des envoyés] pour ceux qui auront cru, ces [signes des envoyés les] accompagneront en mon nom : [les envoyés] chasseront les démons, ils parleront des langues nouvelles,
18 ils prendront dans leurs mains des serpents, et s’ils boivent quelque poison mortel, cela ne leur fera aucun mal ; ils imposeront les mains à des malades, et ceux-ci seront guéris. »
19 Donc le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu.
20 Quant à eux, ils partirent prêcher partout : le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.

*

« Ils nous ont témoigné une humanité peu ordinaire » (Ac 28, 2). Ce sont les mots qu’ont retenus nos frères et sœurs maltais préparant cette célébration œcuménique 2020. « Ils », à savoir, dans le texte, « les autochtones », maltais du 1er siècle donc, accueillant avec une humanité rare des naufragés échoués sur leur terre. Comment ne pas penser, avec nos frères et sœurs maltais, à notre actualité méditerranéenne, avec ses réfugiés, naufragés s’échouant sur les côtes européennes ? Or, ce que nous enseignent les textes que nous avons entendus c’est que nous, humanité, serons sauvés tous ensemble, ou condamnés tous ensemble…

Le texte des Actes des Apôtres nous fait toucher du doigt que l’accueil, avec cette humanité peu ordinaire qu’ont montrée les Maltais, est un bénéfice… pour ceux qui accueillent ! Cela a été un bénéfice pour les Maltais du premier siècle ! Chose que l’on ne sait pas à l’avance, comme les Maltais des Actes des Apôtres ne l’ont d’abord pas su. On ne sait pas par où Dieu nous fait advenir ses dons… L’Épître aux Hébreux le dit ainsi : « certains ont logé des anges sans le savoir » (Hé 13, 2). En écho, le constat des Maltais à propos de Paul en Ac 28, 6 : « c’est un dieu », selon leur vocabulaire propre, c’est-à-dire ; en termes bibliques, un ange, messager de Dieu ! Cela après qu’ils eussent pensé — Ac 28, 4-6 : « Cet homme est certainement un assassin… » Accueille-t-on, avec humanité, une menace, comme le disent certains, comme la menace d’une vipère que l’on réchauffe en son sein, ou accueille-t-on sans le savoir notre salut ? — porté alors par Paul, considéré d’abord comme « un assassin », suite à ce signe néfaste : une vipère.

*

« La chaleur [du feu préparé par les Maltais] en a fait sortir une vipère qui s’accrocha à [la] main [de Paul]. À la vue de cet animal qui pendait à sa main, les autochtones se disaient les uns aux autres : "Cet homme est certainement un assassin ; il a bien échappé à la mer, mais la justice divine ne lui permet pas de vivre." » (Ac 28, 3-4). Mais non ! La vipère ne lui fait aucun mal. C’est donc plutôt « un dieu », un ange. Ce qui se confirme par les guérisons qu’il opère (Ac 28, 3-9) — où, nous, lecteurs de la Bible, retrouvons les signes accompagnant les Apôtres selon Marc (16, 20) : « le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient » — selon la promesse de Jésus (Mc 16, 17-18), dont il convient de la lire comme faisant suite à l’annonce (au verset qui précède, v. 16) de la menace d’une condamnation, pour la renverser : « en revanche, signes pour ceux qui auront cru, ces [signes des envoyés les] accompagneront en mon nom : [les envoyés] chasseront les démons, ils parleront des langues nouvelles, ils prendront dans leurs mains des serpents, et s’ils boivent quelque poison mortel, cela ne leur fera aucun mal ; ils imposeront les mains à des malades, et ceux-ci seront guéris. »

Ce sont bien les envoyés, ici Paul, qui opèrent les signes, pas les Maltais, qui eux, en sont bénéficiaires (« signes pour ceux qui auront cru », rapporte Marc 16, 17-18).

En parallèle, comme après coup, l’Épître aux Hébreux rappelle, au passé (ch. 2, 3b-4) : « […] un pareil salut, qui commença à être annoncé par le Seigneur, puis fut confirmé pour nous par ceux qui l’avaient entendu, et fut appuyé aussi du témoignage de Dieu par des signes et des prodiges, des miracles de toute sorte, et par des dons de l’Esprit Saint répartis selon sa volonté » — où l’on retrouve notre « finale longue » de Marc, ch. 16, 19-20 : « le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils partirent prêcher partout : le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient. »

Bref, on a affaire à des signes de la fin (i.e. eschatologiques). Des signes de ce que le Royaume qui s’est approché en Jésus s’est approché de nous par la Parole de ses envoyés : des signes miraculeux accompagnent dans la Bible les temps où le Royaume s’approche. Ils n’adviennent qu’en ces temps-là, depuis Moïse et les Prophètes : lors du don de la Loi (signes opérés par Moïse et ses successeurs), au temps des Prophètes bibliques (Élie, puis Élisée), lors de la venue du Règne de Dieu en Jésus (par Jésus, puis les Apôtres).

Signes du Royaume. Ce qui se confirme par le texte des Actes des Apôtres que nous avons entendu — où nous est montré un Paul devenu quasi « capitaine » du navire dans la tempête pour le conduire à bon port ! Dans l’espérance du Royaume promis.

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Vous êtes-vous posé la question ? Actes ch. 27 à 28 : Où est passé le capitaine ? C’est Paul, prisonnier, captif de l’armée romaine, qui prend les commandes ! Cf. ch. 27, 9-12 : « […] il devenait désormais dangereux de naviguer, puisque le Jeûne [Yom Kippour — septembre : Paul est juif et Actes un texte juif] était déjà passé. Paul a voulu donner son avis : "Mes amis, leur a-t-il dit, j’estime que la navigation va entraîner des dommages et des pertes notables non seulement pour la cargaison et le bateau, mais aussi pour nos personnes." Le centurion néanmoins se fiait davantage au capitaine et au subrécargue [i.e. l’agent de l’affréteur du navire] qu’aux avertissements de Paul [et on peut le comprendre ! Paul, un prisonnier : de quoi se mêle-t-il ?!]. Comme le port, en outre, se prêtait mal à l’hivernage, la majorité a été d’avis de reprendre la mer ».

Et voilà que plus loin, dans le texte que nous avons entendu, c’est carrément le prisonnier qui prend les commandes. Annonce d’un monde nouveau et pas prise de pouvoir — Paul reste un prisonnier !

Ac 28 v. 20 : « la tempête, d’une violence peu commune, demeurait dangereuse : tout espoir d’être sauvés nous échappait désormais ». (Et on peut penser à d’autres tempêtes, comme la menace écologique actuelle, en lien avec la crise entraînant des guerres et des réfugiés.)

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Cf. Mc 16, 16 : « qui croira […] sera sauvé, qui ne croira pas sera condamné ». Croire ce que l’on n’a pas vu, mais que d’autres ont vu (Mc 16, 14). Aujourd’hui croire aussi par la Parole qui nous vient par l’autre Église, par les autres Églises. Au-delà de chacun, cela concerne toute la création (v. 15) — pour les deux aspects : être sauvé ou être condamné ! Cela se confirme par la précision du texte mentionnant le baptême : « qui croira et sera baptisé sera sauvé, qui ne croira pas sera condamné ». La précision concernant le baptême, « et sera baptisé », indique une participation : être baptisé signifie participer à un corps, et en l’occurrence, pour une mission, si ce corps est l’Église, puisque le mot traduit dans la Bible grecque l’hébreu Qahal, signifiant « appelée », appelée pour une mission concernant toute la création (v. 15) — menacée d’être condamnée, mais appelée à être sauvée. Dans Actes 28 : « aucun d’entre vous n’y laissera la vie ; seul le bateau sera perdu » (ch. 28 v. 22). Condamnés ou sauvés tous ensemble, pour traverser la même tempête, dans le même bateau provisoire. Rassasiés par un même pain rompu, comme au jour de la Pâque, pour la traversée de la mer au jour de l’Exode, la traversée de la mort au jour de la croix : Paul « prit du pain, rendit grâce à Dieu en présence de tous, le rompit et se mit à manger. Tous alors, reprenant courage, s’alimentèrent à leur tour » (ch. 28 v. 35-36).

Tous dans le même bateau, Actes 28, 30-32 : « comme les marins, sous prétexte de s’embosser [s’attacher] sur les ancres de l’avant, cherchaient à s’enfuir du bateau et mettaient le canot à la mer [i.e. pour se sauver seuls !], Paul a dit au centurion et aux soldats : "Si ces hommes ne restent pas à bord, vous, vous ne pourrez pas être sauvés. Les soldats ont alors coupé les filins du canot et l’ont laissé partir." » Écho à nouveau dans l’Épître aux Hébreux (ch. 12 v. 14) : « sans la sanctification, nul ne verra le Seigneur » — la sanctification des uns vaut ici pour tous : sans elle, personne ne verra le Seigneur…

Plus loin, au livre des Actes, ch. 28 v. 41-44 : « tandis que la poupe se disloquait sous les coups de mer, les soldats ont eu alors l’idée de tuer les prisonniers, de peur qu’il ne s’en échappe à la nage. Mais le centurion, décidé à sauver Paul, les a empêchés d’exécuter leur projet ; il a ordonné à ceux qui savaient nager de sauter à l’eau les premiers et de gagner la terre. Les autres le feraient soit sur des planches soit sur des épaves du bateau. Et c’est ainsi que tous se sont retrouvés à terre, sains et saufs. » — Saufs ! Sauvés ! Tous… Telle est la promesse qui nous est renouvelée dans les textes que nous avons lus, et les signes qui nous y sont relatés : nous n’échapperons à la menace qui pèse sur nous tous ; nous ne traverserons l’épreuve qui nous concerne tous que par la confiance en la Parole qui peut nous sauver, et cela concrètement, via les signes que nous en ont donnée les premiers témoins du Christ, et nous ne recevrons ce salut que tous ensemble, comme témoins ensemble et œcuméniques, pour le bénéfice de tous.


RP, Châtellerault, Semaine de l’Unité, 20 janvier 2020



Samuel Barber - Adagio for Strings | Leonard Bernstein / New York Philharmonic


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