mardi 4 février 2020

« À toi, mon Dieu, mon cœur monte… »




Psaume 25 (TOB)
1  De David.
SEIGNEUR, je suis tendu vers toi.
2  Mon Dieu, je compte sur toi ; ne me déçois pas ! Que mes ennemis ne triomphent pas de moi !
3  Aucun de ceux qui t’attendent n’est déçu, mais ils sont déçus, les traîtres avec leurs mains vides.
4  Fais-moi connaître tes chemins, SEIGNEUR ; enseigne-moi tes routes.
5  Fais-moi cheminer vers ta vérité et enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve. Je t’attends tous les jours.
6  SEIGNEUR, pense à la tendresse et à la fidélité que tu as montrées depuis toujours !
7  Ne te souviens pas des péchés de ma jeunesse ni de mes révoltes ; Souviens-toi de moi selon ta bienveillance, À cause de ta bonté, SEIGNEUR.
8  Le SEIGNEUR est si bon et si droit qu’il montre le chemin aux pécheurs.
9  Il fait cheminer les humbles vers la justice et enseigne aux humbles son chemin.
10  Toutes les routes du SEIGNEUR sont fidélité et vérité, pour ceux qui observent les clauses de son alliance.
11  Pour l’honneur de ton nom, SEIGNEUR, pardonne ma faute qui est si grande !
12  Un homme craint-il le SEIGNEUR ? Celui-ci lui montre quel chemin choisir.
13  Il passe des nuits heureuses, et sa postérité possédera la terre.
14  Le SEIGNEUR se confie à ceux qui le craignent, en leur faisant connaître son alliance.
15  J’ai toujours les yeux sur le SEIGNEUR, car Il dégage mes pieds du filet.
16  Tourne-toi vers moi ; aie pitié, car je suis seul et humilié.
17  Mes angoisses m’envahissent ; dégage-moi de mes tourments !
18  Vois ma misère et ma peine, enlève tous mes péchés !
19  Vois mes ennemis si nombreux, leur haine et leur violence.
20  Garde-moi en vie et délivre-moi ! J’ai fait de toi mon refuge, ne me déçois pas !
21  Intégrité et droiture me préservent, car je t’attends.
22  O Dieu, rachète Israël ! Délivre-le de toutes ses angoisses !

*

Que dit ce Psaume 25 en son premier sens ? Que dit-il dans le contexte proposé au premier verset ? — Que le roi David est entouré de traîtres. C’est un peu le destin normal d’un chef politique.

Face à cela, ce qui peut faire la faiblesse du roi attaqué, ce sont ses fautes éventuelles. Que font ses ennemis ? Ils lui lâchent au train une troupe de paparazzis ou autres fouilleurs d’arrière-boutiques pour le discréditer. Quel homme en position de pouvoir ne connaît pas cela ?

Or le roi sera d’autant plus accessible à ses ennemis, à ceux qui le trahissent, qu’ils auront « du grain à moudre » comme on dit — fût-ce un tissu de faussetés. Comme c’est le cas dans le Ps 25.

Mais, et c’est là la leçon importante du Psaume, quand les accusations sont fausses, que fait David ? Il demande à Dieu de le pardonner ! Non pas pour les péchés qu’il n’a pas commis, et dont on l’accuse à tort pour mieux l’abattre, pour mieux de trahir ; mais pour ce qu’il est un homme en proie à la faiblesse : si on l’accuse à tort, il ne prétend pas pour autant être l’agneau qui vient de naître. Il n’en sait que mieux le danger auquel il est exposé. Et il ne présume pas de ses forces propres.

Il ne s’appuie donc pas sur son innocence, pourtant réelle en l’espèce, mais sur la fidélité de Dieu, qui s’est allié avec lui, et dont il n’a pas trahi l’alliance, contrairement à ses ennemis tapis dans l’ombre pour l’abattre.

Et quelle est cette alliance ? L’alliance royale bien sûr — il y fait allusion —, selon laquelle son trône subsistera parce que Dieu en est garant. Mais aussi l’alliance qui nous concerne tous, scellée avec Abraham, l’Alliance de la foi, de la fidélité de Dieu qui ne laisse pas tomber celui qui compte sur lui, et de la confiance qu’on peut lui faire.

*

Voilà qui vaut pour chacun de nous : je suis d’autant plus faible que je suis loin de Dieu. Ce qui fait de moi la proie de toutes les attaques. Derrière les ennemis de David, on peut imaginer tout ce qui peut nous séparer de Dieu — autant de figures, comme les ennemis de David, de celui que le Nouveau Testament appelle l’ « ennemi de nos âmes ».

Alors la prière, le Psaume, commence par : « à toi mon Dieu, mon cœur monte » et termine par : « délivre-moi, ne me déçois pas », avant la louange finale : Dieu a exaucé cette prière.

Auprès de Dieu est la vie : monter vers Dieu est recevoir la vie, loin de lui, sont tous dangers. En moi je suis faible, susceptible de chuter, de me laisser abattre par mes ennemis, mon ennemi. Et cela je le reconnais : combien de fois m’est-il arrivé de succomber, et de devenir ainsi la proie de ceux qui veulent me séparer de Dieu, rompre l’Alliance.

Alors, « pardonne les péchés de ma jeunesse » — c’est-à-dire éventuellement ceux d’hier matin. Et garde-moi de présumer de mes forces, et de croire que je puisse me mettre moi-même à l’abri. Dès aujourd’hui je me place devant toi tel que je suis.

Et, « montre-moi, Seigneur la route, qui seule conduit à toi. »

Nous voilà donc entre l’élévation vers Dieu — et l’éloignement de Dieu, qui conduit à la faute, et nous laisse en proie à tous les dangers, et à toutes les attaques injustes de l’ennemi qui veut nous abattre, et qui peut être parfois tout à fait personnalisé — voir les exemples mentionnés d’entrée : les gens en vue s’exposent aux attaques, mais pas eux seuls. La haine gratuite, ça existe ! Et rappelons-nous que nous sommes porteurs d’une parole qui dérange, et vaut persécution. Rappelez-vous : « heureux serez-vous lorsqu’on dire de vous toute sorte de mal à cause moi ».

Face à cela est la montée de notre cœur vers Dieu, qui est notre seul abri.

Et déjà ce seul tournement vers Dieu, cette conversion, est le salut, l’entrée sur le chemin de vérité et de vie, quels que soient les dangers, risques, les tentations, etc.

*

Et à ce point le Psaume a été lu dans l’histoire de l’Église comme parlant du Christ.

« Fais-moi connaître tes chemins, Seigneur ; enseigne-moi tes routes. Fais-moi cheminer vers ta vérité et enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve. Je t’attends tous les jours. » (v. 4-5)

Cf. Jean 14, 4-6 : « "Quant au lieu où je vais, vous en savez le chemin." Thomas lui dit: "Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment en connaîtrions-nous le chemin?" Jésus lui dit: "Je suis le chemin et la vérité et la vie. Nul ne va au Père si ce n’est par moi." »

Les Psaumes ont été lus dans l’histoire de l’Église comme parlant du Christ en ce sens que Jésus s’est identifié aux pécheurs.

Il a fait siennes nos prières, en faisant sienne notre humanité. Le juste, parole éternelle qui ne passe pas, est devenu l’un de nous, un homme mortel. Selon les termes de l’Épître aux Hébreux (4:15) : « Nous n’avons pas, en effet, un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses ; il a été éprouvé en tous points à notre ressemblance, mais sans pécher. »

Cela au point de faire siennes nos prières, nos Psaumes tout humains, à un point qui nous choque lorsque dans les Psaumes où nous croyons reconnaître le Christ — on en arrive à des confessions de péché et des demandes de pardon. Mais ce n’est plus le Christ cela, pensons-nous naturellement !

Eh bien en un sens, si, c’est lui. Non pas qu’il aurait péché lui-même ! — mais qu’il a fait siennes les conséquences de nos fautes. Et que donc, il confesse notre faute, nos fautes, en solidarité avec nous.

Il a fait siennes toutes nos limites, jusqu’aux ressentiments exprimés dans les Psaumes. Il a aussi fait sienne jusqu’à notre mortalité. Il a fait siens nos deuils : il a pleuré la mort de Lazare. Il a fait sienne notre humanité au sens le plus précis. Comme nous, il est devenu un individu, cet individu, appartenant à ce moment de l’histoire — né sous César Auguste, crucifié sous Ponce Pilate — ; appartenant à ce peuple, le peuple juif, préparé comme peuple de l’Alliance et donc peuple premier de Dieu. Cela aussi Jésus le fait sien jusqu’au bout ! Par exemple dans l’histoire de la femme syro-phénicienne. Et bien, c’est comme cela, qu’il nous sauve. Celui qui est la parole éternelle, qui a fondé le monde et connaît tous les méandres de nos vies a emprunté un chemin, celui de l’Alliance qui va d’Abraham au Royaume. Et il contraint cette femme à le confesser en ses termes à elle, parlant pour sa part de miettes, comme il nous y contraint tous.

Comme il le dit d’une autre façon à une autre femme, la Samaritaine, en devenant cet homme, membre du peuple juif d’où vient le salut pour tous les hommes de tous les peuples. Héritier de l’Alliance royale scellée avec David : nous venons de le lire : « ses enfants après lui auront la terre en partage ». Et ses enfants, particulièrement, en cet enfant particulier qui est le chemin, le Christ. « Montre-moi, Seigneur, la route qui seule conduit à Toi » priait le Psaume de David.

Il est entré en nos chemins pour devenir notre chemin, chemin de vérité en qui seul est la vie. Faisant dès lors de la prière du Psaume celle de notre salut. Une prière où il est aussi question de miettes. Miettes en effet que ma justice : on m’accuse à tort, certes, prie le Psalmiste ; cela dit, mon salut n’est pas dans ma justice, mais dans la fidélité de Dieu à son Alliance. Ma justice n’est rien, elle n’est certes que miette, petit commencement.

L’ennemi est celui qui voudrait me déstabiliser à cause de cela et me séparer de mon seul soutien, de ma seule assurance : Dieu m’a rejoint dans mon chemin, et m’a ainsi montré le chemin, la vérité et la vie : Dieu venu tout petit dans nos petits cheminements. Alors « à toi mon Dieu mon cœur monte ! »




Psaume 25, traduction Clément Marot 1543, adaptée par Marc-François Gonin (éd. Vida 1998) :

I
1 À Toi, mon Dieu, mon cœur monte,
2 En Toi mon espoir est mis ;
Dois-je tomber dans la honte
Au gré de mes ennemis,
3 Jamais on n'est confondu
Quand sur Toi l'on se repose ;
Mais le méchant est perdu,
Car c'est à Dieu qu'il s'oppose.

II
4 Montre-moi, Seigneur, la route
Qui seule conduit à Toi ;
Fais-moi dépasser le doute,
Et progresser dans la foi.
5 Car enfin j’ai reconnu
Ta vérité évidente ;
En Toi, Dieu de mon salut
Est chaque jour mon attente.

III
6 Seigneur si fidèle, pense
Que tu montras en tout temps
La miséricorde immense
À laquelle je m’attends.
7 Mets loin de ton souvenir
Les péchés de ma jeunesse,
Et daigne encor me bénir,
Seigneur, selon ta promesse.

IV
8 Dieu, très juste et véritable,
Est aussi plein de pitié ;
Il ramène le coupable
Sur le bon et droit sentier.
9 Il prend le pauvre homme en main,
Vers la justice il l'oriente.
Il enseigne son chemin
À l'âme pauvre et souffrante.

V
10 Fidélité, bienveillance
Sont les sentiers du Seigneur
Pour qui garde l'alliance
En fidèle adorateur.
11 Hélas, Seigneur Dieu parfait,
Pour l'amour de ton Nom même,
Pardonne-moi mon forfait
Car c'est une faute extrême.


VI
12 Est-il quelqu'un à vrai dire
Cherchant Dieu sincèrement ?
L’Éternel pour le conduire
Parle au cœur du vrai croyant.
13 Il peut reposer la nuit
La paix est son héritage
Et ses enfants après lui.
Auront la terre en partage,

VII
14 Dieu révèle ses pensées
À ceux qui l’aiment vraiment ;
Il les leur fait voir tracées
Au long se son testament.
15 Quant à moi tous mes regards
Se dirigent vers sa face,
Il me sauve sans retard
Du filet où l’on m’enlace.

VIII
16 Jette enfin sur moi la vue,
Je suis seul et humilié ;
Que ta pitié soit émue,
Les hommes sont sans pitié.
17 Hélas, je sens empirer
De jour en jour ma détresse.
Seigneur, viens me délivrer
De ce fardeau qui m'oppresse.

IX
18 Fais sur moi briller ta face,
Vois ma peine et mon souci.
J'ai péché! Seigneur, efface
Tout le mal que j'ai commis.
19 Vois les ennemis qui sont
Contre nous en si grand nombre ;
Tu sais la haine qu'ils ont,
Combien l'avenir est sombre !

X
20 Préserve de toute embûche
Ma vie, et délivre-moi
De peur que je ne trébuche.
Alors que j'espère en Toi.
21 Que la simple intégrité
Qui convient aux tiens me serve.
22 Sauve Israël ; ta bonté
Seule, ô Seigneur, le conserve.


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