(Introduction)
Né le 10 juillet 1509 à Noyon (cf. http://www.calvin09.org/FR/calvin-bio/ — Georg Plasger/reformed-online.de), Jean Calvin (Cauvin) est fils du notaire du chapitre de la cathédrale de la ville, un laïc au milieu du clergé. Sa mère, que Calvin perd à l’âge de six ans, lui laisse le souvenir d’une femme de piété simple. Il se souvient notamment de l’avoir accompagnée dans ses visites de reliques. Dès l’âge de 12 ans, Jean Calvin reçoit sa première prébende, une partie du bénéfice d’une charge de curé. Jusqu’en 1523, Calvin fréquente l’école de sa cité natale. À 14 ans, ses parents l’envoient à Paris, au Collège de la Marche.
À partir de 1524 il étudie au Collège de Montaigu, un fief de l’orthodoxie d’alors, à peu près à la même époque que le fondateur des jésuites Ignace de Loyola. Il y apprend la théologie catholique, au travers des sentences de Pierre Lombard (1100 - env. 1160) et des Pères de l’Église, notamment d’Augustin. On ignore si Calvin connaît déjà des écrits de Luther, mais il n’adhère pas encore à la Réforme. Il est alors un humaniste revendiquant sans doute comme ses pairs une réforme, mais pas dans le sens luthérien.
En 1531, son père étant gravement malade, il se rend à Noyon pour rester auprès de lui pendant ses dernières heures. Les querelles entre le chapitre de la cathédrale et le père de Calvin s’étaient amplifiés et avaient eu pour conséquence son excommunication, en 1529, ce qui lui pesait beaucoup.
Après la mort de son père, Calvin va à Paris et se consacre à des études littéraires, en plus de ses études de droit. En hiver 1531/32, il rédige un commentaire du traité De la clémence — De clementia — de Sénèque. Ce qui lui assure une certaine notoriété, en faisant un des humanistes influents d’alors ; et explique peut-être en partie sa… clémence quant à la vie de la cité (réelle malgré la légende). Ensuite, il termine ses études de droit à Orléans à nouveau.
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Quant à savoir à quel moment il adhère à la Réforme, Calvin dit avoir vécu une « conversion subite » (dont il ne donne pas la date) — « subita conversio », selon ses termes dans son Commentaire des Psaumes de 1557 :
« Au début, j’étais si fidèle à l’idolâtrie papiste qu’il était difficile de me libérer d’une boue si profonde. Puis, par une conversion subite, Dieu apprivoisa mon cœur et le rendit docile, bien qu’à l’âge que j’avais, il fût déjà très endurci face à ces choses. Ayant donc reçu la connaissance de la vraie piété, je fus toute de suite enflammé d’un si grand désir d’en user que je n'abandonnais pas entièrement les autres études mais travaillais beaucoup moins intensément. »
On sait que le 4 mai 1534, il se rend à Noyon et renonce au bénéfice de ses prébendes, signe qu’une rupture a eu lieu d’avec l’institution catholique romaine.
En 1533 Calvin avait participé, pense-t-on en général, mais sans certitude, à la rédaction du d’un discours empreint de théologie réformatrice : celui du médecin Nicolas Cop, recteur de l’université de Paris à laquelle Calvin est inscrit — discours de début de semestre, prononcé le 1er novembre 1533. C’est une interprétation des louanges du Sermon sur la montagne, représentant un éloge de l’Évangile. Cop affirme ainsi son appartenance à la Réforme. Cop est alors accusé d’hérésie et doit quitter Paris pour vivre dans sa ville natale, Bâle. Calvin se réfugie près d'Angoulême, puis à Nérac auprès de Marguerite de Navarre.
En octobre 1534 a lieu à Paris « l’affaire des placards » : des écrits contre la messe affichés en divers lieux. Les « luthériens », comme on appelle les partisans de la Réforme, sont accusés. Calvin, confessant déjà publiquement sa foi, doit donc quitter Paris. Il cherche un séjour calme pour poursuivre ses études. Il se retire à Ferrare, Strasbourg et Bâle.
Bâle, où il termine, en août 1535 la rédaction d’un catéchisme pour les croyants réformés francophones, qui sera édité en mars 1536. Outre la rédaction de ce catéchisme, dédié à François Ier, intitulé « Institutio christianae religionis » (Institution de la religion chrétienne — qui retravaillé et amplifié au long de sa vie, sera son ouvrage majeur), il continue à étudier la Bible, apprend l’hébreu, lit les œuvres de Luther, de Melanchthon et de Martin Bucer, le réformateur de Strasbourg…
En avril 1536, immédiatement après la parution de l’Institution de la religion chrétienne, Calvin se rend à Paris y rencontrer ses frères et sœurs. Ensuite, il souhaite aller à Strasbourg. Mais il ne peut pas emprunter le chemin direct parce qu’une nouvelle guerre a éclaté entre le roi de France François Ier et l’empereur Charles Quint. Ainsi, il est contraint de faire le voyage par Lyon et Genève, ce qui aura des conséquences considérables.
Je le cite : « Le chemin le plus court pour aller à Strasbourg, ville dans laquelle je voulais me retirer à l’époque, était fermé par la guerre. C’est pourquoi je pensais être seulement de passage ici à Genève et n’y rester qu’une nuit. À Genève, la papauté avait été abolie peu avant par l’honnête homme que j’ai mentionné auparavant [Farel] et par le maître des arts Pierre Viret. Mais les choses n’avaient pas évolué comme prévu et il existait des querelles et des clivages dangereux entre les habitants de la ville. À l’époque, un homme m’a reconnu... [du Tillet] et a appris ma présence aux autres. Par la suite, Farel (enthousiaste à l’idée de faire la promotion de l’Évangile) a fait tous ses efforts pour me retenir. Ayant entendu que je voulais demeurer libre pour mes études privées et compris qu’il ne pouvait rien obtenir par les supplications, il est allé jusqu’à me maudire : Dieu devait condamner mon calme et mes études si je me retirais dans une telle situation critique au lieu de proposer mon aide et mon soutien. Ces mots m’ont fait peur et m’ont bouleversé au point que j’ai renoncé au voyage prévu. Mais, conscient de mes peurs et de ma crainte, je ne voulais à aucun prix être obligé d’occuper un ministère déterminé. » (J. Calvin, Préface au commentaire des Psaumes.)
Calvin reste à Genève (1536), non pas comme prêtre ou prédicateur attitré mais comme « lecteur des Saintes Écritures de l’Église de Genève. » Mais bientôt, il est invité à prêcher et à contribuer à la formation de l’Église.
Calvin et Farel seront relevés de leurs fonctions et devront quitter la ville deux ans après, l’opposition étant majoritaire depuis les élections de 1538. On va jusqu’à faire mine de soupçonner Calvin de nier la nature divine de Jésus-Christ — accusations qui n’ont pu que jouer un rôle, plus tard, en 1553, dans l’acceptation par Calvin — qui pèse encore contre lui — de la condamnation de Servet, anti-trinitaire, par le magistrat de la ville.
Chassé de Genève par un conseil qui était allé jusqu’à interdire à Calvin et Farel de prêcher le dimanche de Pâques, Calvin souhaite retourner à Bâle pour y poursuivre ses études… et se retrouve à Strasbourg, pressé par le réformateur de la ville, Martin Bucer, qui insiste jusqu’à ce que Calvin accepte de devenir le pasteur de la paroisse des réfugiés français, à laquelle il donne le modèle strasbourgeois, qui marquera sa conception de l’Église.
À Strasbourg Calvin épouse Idelette de Bure, veuve d’un ex-anabaptiste devenu un de ses amis. Plus tard, à Genève, elle lui donnera un fils, Jacques, mort en bas âge. Idelette mourra quelques années après, en 1549.
… Puisque Calvin a été rappelé à Genève. Durant son séjour à Strasbourg la situation avait évolué à Genève de façon négative. Après le départ de Farel et de Calvin, le désordre règne dans l’Église genevoise. La ville de Berne essaie de prendre le contrôle de Genève. Un conflit s’annonce. Les adeptes de la Réforme réussissent à convaincre une partie des opposants que le retour de Calvin à Genève est indispensable pour rétablir l’ordre. Le 20 octobre 1540, une légation de Genève arrive à Strasbourg pour demander à Calvin de revenir à Genève. Il hésite et refuse. Farel aussi tente de le convaincre, sans succès. Et Bucer aimerait le garder à Strasbourg. Les tentatives de faire venir Calvin à Genève durent plus de six mois avant que qu’il accepte enfin de s’y rendre pour quelques semaines (1541).
Le même processus que la première fois s’est répété quand il a été rappelé à Genève (cf. Alain Perrot, Le visage humain de Jean Calvin, L & F 1986, p. 64) : « Ma timidité me présentait beaucoup de raisons pour m'excuser pour ne point reprendre de nouveau sur mettre sur mes épaules un fardeau si pesant, mais à la fin le regard de mon devoir (...) me fit consentir à retourner vers le troupeau d'avec lequel j'avais été comme arraché ; ce que je fis avec tristesse, larmes, grand trouble et détresse, comme Dieu m'en est très bon témoin (...). Maintenant si je voulais raconter les divers combats par lesquels le Seigneur m'a exercé depuis ce temps-là (...) ce serait une longue histoire. »
Longue histoire dont il donne ce raccourci : « Bref, cependant que j'avais toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m'a tellement promené et fait tournoyé par divers changements, que toutefois il ne m'a jamais laissé de repos en lieu quelconque, jusqu'à ce que malgré mon naturel il m'a produit en lumière, et fait venir en jeu, comme on dit. »
Calvin parle souvent de sa « timidité » et de sa pusillanimité ; il ne se sentait pas du tout fait pour être mis en avant, encore moins pour la bagarre ou le commandement. Et pourtant Farel saisit qu'il était l'homme de la situation pour Genève.
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Contre l’ignorance et le libertinage, il va mener patiemment, par sa parole, œuvre de salut public, dans une société malade de la prostitution, la pauvreté, le chômage, et de ses riches.
… Selon Pierre Janton qui résume ainsi l’apport de Calvin à son époque : « Il nous donne un bel exemple car quand on voit l’œuvre qu’il a réalisée à Genève pour le bienfait de cette cité et en dépit de tous ceux qui avaient intérêt à maintenir la cité à la fois dans l’ignorance et dans le libertinage, quand on voit l’œuvre et le courage dont il a fait preuve, on ne peut qu’admirer cet homme-là, car on a beaucoup critiqué son rigorisme moral mais c’était une œuvre de salut public, c’était une société malade de la prostitution, de la pauvreté, du chômage, et malade de ses riches car ceux qui s’opposaient à Calvin c’étaient des gens qui voulaient continuer à bénéficier des avantages financiers qui ruinaient la cité et à qui Calvin et ses amis ont fini par "faire rendre gorge" ».
École obligatoire, hôpitaux, ou, parmi les effets de la réforme des mœurs, lutte contre l’alcoolisme ou l’addiction aux jeux qui font des ravages dans des sociétés en proie à la misère. Choses qui entrent en compte dans ce qu’on a appelé son « rigorisme », comme aussi sa dénonciation des violences conjugales : à une époque où « charbonnier est maître chez soi », on ne voit pas d’un très bon œil que l’on conteste la pratique de ceux qui battent leur femme…
La réforme de l’Église est au cœur de la réforme de la société, puisque c’est le seul moyen dont dispose Calvin, qui n’a jamais été membre des conseils de direction de la ville. Le catéchisme joue un rôle non négligeable, ainsi que la fondation, en 1559, d’une Académie, avec trois chaires : grec, hébreu et philosophie. L’Église est organisée selon un système représentatif, le consistoire, équivalent, mutatis mutandis, du conseil presbytéral actuel, composé de laïcs et de pasteurs. L’Église selon Calvin, reprenant le modèle de Strasbourg : une Église non-hiérarchique dotée de quatre ministères : pasteurs, docteurs, diacres, anciens.
Il meurt le 27 mai 1564, après une vie brève, marquée par beaucoup de travail. Outre quatre prédications hebdomadaires, d’une heure chacune, une correspondance abondante, de nombreux écrits, traités et commentaires…
« J’ai eu beaucoup de faiblesses que vous avez dû supporter et au fond, même tout ce que j’ai fait ne vaut rien. Les hommes mauvais vont sûrement exploiter ces paroles. Mais je répète que tout ce que j’ai fait ne vaut rien et que je suis une créature misérable. Mais je peux néanmoins dire de moi que j’ai voulu faire le bien, que mes fautes m’ont toujours déplu et que la crainte de Dieu a pris racine dans mon cœur. Vous pouvez confirmer que je me suis toujours efforcé de faire le bien. C’est pourquoi je vous prie de me pardonner le mal. Mais s’il y a également eu quelque chose de bien, alors prenez-le en exemple et faites la même chose ! »
R.P., rencontre organisée par l'Académie d'Arles, 18 octobre 2009
Cf. :
Calvin au-delà des caricatures
Calvin et les manuels scolaires…
Calvin et la Loi de la liberté
La résurrection du Christ
Une Alliance qui ne peut être rompue
Année Calvin. Un cheminement intéressant...
Pourquoi Calvin aujourd’hui ?
Obsession Calvin
Heureuse de voir qu'il y a une petite justice sur terre par ce bel hommage. On le savait qu'il n'était pas parfait mais "que celui qui n'a jamais péché, lui jette la première pierre"...Ce n'est pas de moi!
RépondreSupprimerMerci, chère 'Anonyme'. On en est bien là...
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