jeudi 1 juillet 2010

Le Qohéleth — "Don de Dieu"




Quelques leitmotiv connus du livre de l'Ecclésiaste sont, par exemple, le fameux «vanité des vanités» — évoquant une insoutenable légèreté selon le mot hébreu rendu par «vanité», à savoir «souffle fragile», «buée», «vapeur» — ; ou encore la formule «rien de nouveau sous le soleil», indiquant que c'est bien «sous le soleil» — c'est-à-dire dans le provisoire dont il n'y a rien de très considérable à espérer — que se déroule le trajet vaporeux qui est le nôtre.

Y a-t-il là de quoi désespérer, sachant que «le plus heureux est encore celui qui n'a jamais vu le jour» (Ecc 4, 3) ? Ou y a-t-il là là motif à s'abîmer dans un «à quoi bon» ou autre repli contemplatif vers les origines, vers le non-né ?

Eh bien, non, si l'on s'en tient à cet autre leitmotiv du livre ! — : l'invite à l'être humain de «jouir du bien-être au milieu de tout le travail qu’il fait sous le soleil, pendant le nombre des jours de vie que Dieu lui a donnés» (Ecc 5, 18), chose humble reprise à l'envi et reçue invariablement comme «don de Dieu»... Dieu qui ouvre à la disposition de recevoir ce qu'il offre à cette sagesse humble...

Puisque tout s'évapore en ce temps bref, «sous le soleil», qui seul nous est donné, puisqu'il n'y a rien de tout ce qui se fait sous le soleil «au séjour des morts où tu vas» (Ecc 9, 10), alors fais-le (ibid.).

C'est là le travail à accomplir, «fais ce que tu trouves à faire» — et à en cueillir le fruit (sans quoi le travail est plutôt malédiction !), fruit du plaisir de l'œuvre, et de son humble produit.


Petit tour dans ce propos du livre :

Ecclésiaste 1:2 Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité.

1:5 Le soleil se lève, le soleil se couche ; il soupire après le lieu d’où il se lève de nouveau.
1:9 Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.

11:7 La lumière est douce, et il est agréable aux yeux de voir le soleil.
12:1 (12:3) Mais souviens-toi de ton créateur pendant les jours de ta jeunesse, avant que les jours mauvais arrivent et que les années s’approchent où tu diras : Je n’y prends point de plaisir ;
12:2 (12:4) avant que s’obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles, et que les nuages reviennent après la pluie.

12:8 (12:10) Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, tout est vanité.

2:24 Il n’y a de bonheur pour l’homme qu’à manger et à boire, et à faire jouir son âme du bien-être, au milieu de son travail ; mais j’ai vu que cela aussi vient de la main de Dieu.
3:13 mais que, si un homme mange et boit et jouit du bien-être au milieu de tout son travail, c’est là un don de Dieu.
5:18 (5:17) Voici ce que j’ai vu : c’est pour l’homme une chose bonne et belle de manger et de boire, et de jouir du bien-être au milieu de tout le travail qu’il fait sous le soleil, pendant le nombre des jours de vie que Dieu lui a donnés ; car c’est là sa part.
5:19 (5:18) Mais, si Dieu a donné à un homme des richesses et des biens, s’il l’a rendu maître d’en manger, d’en prendre sa part, et de se réjouir au milieu de son travail, c’est là un don de Dieu.
6:7 Tout le travail de l’homme est pour sa bouche, et cependant ses désirs ne sont jamais satisfaits.
8:15 J’ai donc loué la joie, parce qu’il n’y a de bonheur pour l’homme sous le soleil qu’à manger et à boire et à se réjouir ; c’est là ce qui doit l’accompagner au milieu de son travail, pendant les jours de vie que Dieu lui donne sous le soleil.
9:9 Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de ta vie de vanité, que Dieu t’a donnés sous le soleil, pendant tous les jours de ta vanité ; car c’est ta part dans la vie, au milieu de ton travail que tu fais sous le soleil.
9:10 Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le ; car il n’y a ni œuvre, ni pensée, ni science, ni sagesse, dans le séjour des morts, où tu vas.




Trois leitmotiv :

Vanité
1:14 J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent.
2:1 J’ai dit en mon cœur : Allons ! je t’éprouverai par la joie, et tu goûteras le bonheur. Et voici, c’est encore là une vanité.
2:11 Puis, j’ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et la peine que j’avais prise à les exécuter ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il n’y a aucun avantage à tirer de ce qu’on fait sous le soleil.
2:15 Et j’ai dit en mon cœur : J’aurai le même sort que l’insensé ; pourquoi donc ai-je été plus sage ? Et j’ai dit en mon cœur que c’est encore là une vanité.
2:17 Et j’ai haï la vie, car ce qui se fait sous le soleil m’a déplu, car tout est vanité et poursuite du vent.
2:19 Et qui sait s’il sera sage ou insensé ? Cependant il sera maître de tout mon travail, de tout le fruit de ma sagesse sous le soleil. C’est encore là une vanité.
2:21 Car tel homme a travaillé avec sagesse et science et avec succès, et il laisse le produit de son travail à un homme qui ne s’en est point occupé. C’est encore là une vanité et un grand mal.
2:23 Tous ses jours ne sont que douleur, et son partage n’est que chagrin ; même la nuit son cœur ne repose pas. C’est encore là une vanité.
Ecclésiaste 2:26 Car il donne à l’homme qui lui est agréable la sagesse, la science et la joie ; mais il donne au pécheur le soin de recueillir et d’amasser, afin de donner à celui qui est agréable à Dieu. C’est encore là une vanité et la poursuite du vent.
3:19 Car le sort des fils de l’homme et celui de la bête sont pour eux un même sort ; comme meurt l’un, ainsi meurt l’autre, ils ont tous un même souffle, et la supériorité de l’homme sur la bête est nulle ; car tout est vanité.
4:4 J’ai vu que tout travail et toute habileté dans le travail n’est que jalousie de l’homme à l’égard de son prochain. C’est encore là une vanité et la poursuite du vent.
4:7 J’ai considéré une autre vanité sous le soleil.
4:8 Tel homme est seul et sans personne qui lui tienne de près, il n’a ni fils ni frère, et pourtant son travail n’a point de fin et ses yeux ne sont jamais rassasiés de richesses. Pour qui donc est-ce que je travaille, et que je prive mon âme de jouissances ? C’est encore là une vanité et une chose mauvaise.
4:16 Il n’y avait point de fin à tout ce peuple, à tous ceux à la tête desquels il était. Et toutefois, ceux qui viendront après ne se réjouiront pas à son sujet. Car c’est encore là une vanité et la poursuite du vent.
5:10 (5:9) Celui qui aime l’argent n’est pas rassasié par l’argent, et celui qui aime les richesses n’en profite pas. C’est encore là une vanité.
6:2 Il y a tel homme à qui Dieu a donné des richesses, des biens, et de la gloire, et qui ne manque pour son âme de rien de ce qu’il désire, mais que Dieu ne laisse pas maître d’en jouir, car c’est un étranger qui en jouira. C’est là une vanité et un mal grave.
6:9 Ce que les yeux voient est préférable à l’agitation des désirs : c’est encore là une vanité et la poursuite du vent.
6:12 Car qui sait ce qui est bon pour l’homme dans la vie, pendant le nombre des jours de sa vie de vanité, qu’il passe comme une ombre ? Et qui peut dire à l’homme ce qui sera après lui sous le soleil ?
7:6 Car comme le bruit des épines sous la chaudière, ainsi est le rire des insensés. C’est encore là une vanité.
7:15 J’ai vu tout cela pendant les jours de ma vanité. Il y a tel juste qui périt dans sa justice, et il y a tel méchant qui prolonge son existence dans sa méchanceté.
8:10 Alors j’ai vu des méchants recevoir la sépulture et entrer dans leur repos, et ceux qui avaient agi avec droiture s’en aller loin du lieu saint et être oubliés dans la ville. C’est encore là une vanité.
8:14 Il est une vanité qui a lieu sur la terre : c’est qu’il y a des justes auxquels il arrive selon l’œuvre des méchants, et des méchants auxquels il arrive selon l’œuvre des justes. Je dis que c’est encore là une vanité.
9:9 Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de ta vie de vanité, que Dieu t’a donnés sous le soleil, pendant tous les jours de ta vanité ; car c’est ta part dans la vie, au milieu de ton travail que tu fais sous le soleil.
11:8 Si donc un homme vit beaucoup d’années, qu’il se réjouisse pendant toutes ces années, et qu’il pense aux jours de ténèbres qui seront nombreux ; tout ce qui arrivera est vanité.
11:10 (12:2) Bannis de ton cœur le chagrin, et éloigne le mal de ton corps ; car la jeunesse et l’aurore sont vanité.
12:8 (12:10) Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, tout est vanité.


Sous le soleil (exactement ?!)
1:3 Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ?
1:5 Le soleil se lève, le soleil se couche ; il soupire après le lieu d’où il se lève de nouveau.
1:9 Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
1:14 J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent.
2:11 Puis, j’ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et la peine que j’avais prise à les exécuter ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il n’y a aucun avantage à tirer de ce qu’on fait sous le soleil.
2:17 Et j’ai haï la vie, car ce qui se fait sous le soleil m’a déplu, car tout est vanité et poursuite du vent.
2:18 J’ai haï tout le travail que j’ai fait sous le soleil, et dont je dois laisser la jouissance à l’homme qui me succédera.
2:19 Et qui sait s’il sera sage ou insensé ? Cependant il sera maître de tout mon travail, de tout le fruit de ma sagesse sous le soleil. C’est encore là une vanité.
2:20 Et j’en suis venu à livrer mon cœur au désespoir, à cause de tout le travail que j’ai fait sous le soleil.
2:22 Que revient-il, en effet, à l’homme de tout son travail et de la préoccupation de son cœur, objet de ses fatigues sous le soleil ?
3:16 J’ai encore vu sous le soleil qu’au lieu établi pour juger il y a de la méchanceté, et qu’au lieu établi pour la justice il y a de la méchanceté.
4:1 J’ai considéré ensuite toutes les oppressions qui se commettent sous le soleil ; et voici, les opprimés sont dans les larmes, et personne qui les console ! ils sont en butte à la violence de leurs oppresseurs, et personne qui les console !
4:3 et plus heureux que les uns et les autres celui qui n’a point encore existé et qui n’a pas vu les mauvaises actions qui se commettent sous le soleil.
4:7 J’ai considéré une autre vanité sous le soleil.
4:15 J’ai vu tous les vivants qui marchent sous le soleil entourer l’enfant qui devait succéder au roi et régner à sa place.
5:13 (5:12) Il est un mal grave que j’ai vu sous le soleil : des richesses conservées, pour son malheur, par celui qui les possède.
5:18 (5:17) Voici ce que j’ai vu : c’est pour l’homme une chose bonne et belle de manger et de boire, et de jouir du bien-être au milieu de tout le travail qu’il fait sous le soleil, pendant le nombre des jours de vie que Dieu lui a donnés ; car c’est là sa part.
6:1 Il est un mal que j’ai vu sous le soleil, et qui est fréquent parmi les hommes.
6:5 il n’a point vu, il n’a point connu le soleil ; il a plus de repos que cet homme.
6:12 Car qui sait ce qui est bon pour l’homme dans la vie, pendant le nombre des jours de sa vie de vanité, qu’il passe comme une ombre ? Et qui peut dire à l’homme ce qui sera après lui sous le soleil ?
7:11 La sagesse vaut autant qu’un héritage, et même plus pour ceux qui voient le soleil.
8:9 J’ai vu tout cela, et j’ai appliqué mon cœur à tout ce qui se fait sous le soleil. Il y a un temps où l’homme domine sur l’homme pour le rendre malheureux.
8:15 J’ai donc loué la joie, parce qu’il n’y a de bonheur pour l’homme sous le soleil qu’à manger et à boire et à se réjouir ; c’est là ce qui doit l’accompagner au milieu de son travail, pendant les jours de vie que Dieu lui donne sous le soleil.
8:17 j’ai vu toute l’œuvre de Dieu, j’ai vu que l’homme ne peut pas trouver ce qui se fait sous le soleil ; il a beau se fatiguer à chercher, il ne trouve pas ; et même si le sage veut connaître, il ne peut pas trouver.
9:3 Ceci est un mal parmi tout ce qui se fait sous le soleil, c’est qu’il y a pour tous un même sort ; aussi le cœur des fils de l’homme est-il plein de méchanceté, et la folie est dans leur cœur pendant leur vie ; après quoi, ils vont chez les morts. Car, qui est excepté ?
9:6 Et leur amour, et leur haine, et leur envie, ont déjà péri ; et ils n’auront plus jamais aucune part à tout ce qui se fait sous le soleil.
9:9 Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de ta vie de vanité, que Dieu t’a donnés sous le soleil, pendant tous les jours de ta vanité ; car c’est ta part dans la vie, au milieu de ton travail que tu fais sous le soleil.
9:11 J’ai encore vu sous le soleil que la course n’est point aux agiles ni la guerre aux vaillants, ni le pain aux sages, ni la richesse aux intelligents, ni la faveur aux savants ; car tout dépend pour eux du temps et des circonstances.
9:13 J’ai aussi vu sous le soleil ce trait d’une sagesse qui m’a paru grande.
10:5 Il est un mal que j’ai vu sous le soleil, comme une erreur provenant de celui qui gouverne:
11:7 La lumière est douce, et il est agréable aux yeux de voir le soleil.
12:2 (12:4) avant que s’obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles, et que les nuages reviennent après la pluie.


Travail et fruit
2:10 Tout ce que mes yeux avaient désiré, je ne les en ai point privés ; je n’ai refusé à mon cœur aucune joie ; car mon cœur prenait plaisir à tout mon travail, et c’est la part qui m’en est revenue.
2:18 J’ai haï tout le travail que j’ai fait sous le soleil, et dont je dois laisser la jouissance à l’homme qui me succédera.
2:19 Et qui sait s’il sera sage ou insensé ? Cependant il sera maître de tout mon travail, de tout le fruit de ma sagesse sous le soleil. C’est encore là une vanité.
2:20 Et j’en suis venu à livrer mon cœur au désespoir, à cause de tout le travail que j’ai fait sous le soleil.
2:21 Car tel homme a travaillé avec sagesse et science et avec succès, et il laisse le produit de son travail à un homme qui ne s’en est point occupé. C’est encore là une vanité et un grand mal.
2:22 Que revient-il, en effet, à l’homme de tout son travail et de la préoccupation de son cœur, objet de ses fatigues sous le soleil ?
2:24 Il n’y a de bonheur pour l’homme qu’à manger et à boire, et à faire jouir son âme du bien-être, au milieu de son travail ; mais j’ai vu que cela aussi vient de la main de Dieu.
3:13 mais que, si un homme mange et boit et jouit du bien-être au milieu de tout son travail, c’est là un don de Dieu.
4:4 J’ai vu que tout travail et toute habileté dans le travail n’est que jalousie de l’homme à l’égard de son prochain. C’est encore là une vanité et la poursuite du vent.
4:6 Mieux vaut une main pleine avec repos, que les deux mains pleines avec travail et poursuite du vent.
4:8 Tel homme est seul et sans personne qui lui tienne de près, il n’a ni fils ni frère, et pourtant son travail n’a point de fin et ses yeux ne sont jamais rassasiés de richesses. Pour qui donc est-ce que je travaille, et que je prive mon âme de jouissances ? C’est encore là une vanité et une chose mauvaise.
4:9 Deux valent mieux qu’un, parce qu’ils retirent un bon salaire de leur travail.
5:15 (5:14) Comme il est sorti du ventre de sa mère, il s’en retourne nu ainsi qu’il était venu, et pour son travail n’emporte rien qu’il puisse prendre dans sa main.
5:18 (5:17) Voici ce que j’ai vu : c’est pour l’homme une chose bonne et belle de manger et de boire, et de jouir du bien-être au milieu de tout le travail qu’il fait sous le soleil, pendant le nombre des jours de vie que Dieu lui a donnés ; car c’est là sa part.
5:19 (5:18) Mais, si Dieu a donné à un homme des richesses et des biens, s’il l’a rendu maître d’en manger, d’en prendre sa part, et de se réjouir au milieu de son travail, c’est là un don de Dieu.
6:7 Tout le travail de l’homme est pour sa bouche, et cependant ses désirs ne sont jamais satisfaits.
8:15 J’ai donc loué la joie, parce qu’il n’y a de bonheur pour l’homme sous le soleil qu’à manger et à boire et à se réjouir ; c’est là ce qui doit l’accompagner au milieu de son travail, pendant les jours de vie que Dieu lui donne sous le soleil.
9:9 Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de ta vie de vanité, que Dieu t’a donnés sous le soleil, pendant tous les jours de ta vanité ; car c’est ta part dans la vie, au milieu de ton travail que tu fais sous le soleil.
10:15 Le travail de l’insensé le fatigue, parce qu’il ne sait pas aller à la ville.


Tel est le « don de Dieu »...





vendredi 28 mai 2010

Anges et espaces stellaires



(Pour les éléments "factuels" "ufologiques" et l'hypothèse exobiologique, cf. Wikipédia et les liens.)

*

Des ovnis aux anges en passant par le paradoxe de Fermi...

Le 24 juin 1947, Kenneth Arnold, un pilote privé américain, rapporta avoir vu neuf objets volants inhabituels près du Mont Rainier dans l'Etat de Washington alors qu'il effectuait un vol de reconnaissance à bord de son appareil à la recherche d'un avion militaire manquant. Il décrivit les objets comme «brillants», et leur vol comme «irrégulier» avec une «extraordinaire vitesse». C'est cette histoire, largement diffusée par l'Associated Press, qui est à l'origine du lancement de la controverse sur les « soucoupes volantes » (en anglais flying saucers) devenues par la suite des ovnis (objets volants non identifiés).

C'est au cours d'un entretien avec la presse qu'un détail aurait été introduit qui aurait conduit à l'invention de l'expression « flying saucer ». Arnold, décrivant son observation aux journalistes, leur dit notamment que les objets volaient de façon irrégulière, « comme une soucoupe qui ricocherait sur l'eau ». C'est à la suite de la parution des articles le lendemain dans la presse et des commentaires faits à la radio que les expressions « soucoupe volante » et « disque volant » seront inventées par les journalistes, bien que cette description se référât au déplacement des objets plutôt qu'à leur forme. Dans la semaine qui suivit, des centaines d'observations similaires seront rapportées par des témoins qui reprendront ces termes pour les désigner. Arnold se plaignit à de nombreuses reprises d'avoir été cité de façon inexacte, maintenant que les objets avaient la forme d'un demi cercle à l'avant et étaient triangulaires à l'arrière. Il précisera aussi par la suite que l'un d'eux ressemblait à un « boomerang » ou un « croissant »...

Deuxième moment important, « l'affaire Roswell » (Roswell Incident), qui désigne le crash d'un objet non identifié aux États-Unis près de Roswell (Nouveau-Mexique) en juillet 1947. Cet événement est considéré par certains ufologues et une partie des conspirationnistes comme la plus extraordinaire rencontre rapprochée avec des extraterrestres au XXe siècle et par d'autres comme un mythe moderne.

Deux courants de pensées s'affrontent concernant la nature réelle de cet incident : les sceptiques et le gouvernement des États-Unis d'un côté et les partisans de l'hypothèse extraterrestre de l'autre. Le gouvernement explique l'incident par le crash d'un ballon-sonde top-secret Mogul tandis que les partisans de la thèse extra-terrestre soutiennent que l'épave retrouvée est celle d'un ovni extra-terrestre, récupérée et dissimulée par les militaires. Les partisans de l'hypothèse extraterrestre (H.E.T.) expliquent en effet certaines manifestations d'ovni par des visites extraterrestres (la communauté scientifique parle de Phénomène aérospatial non identifié ou « PAN »).

L'incident de Roswell a depuis évolué en phénomène de culture populaire hyper-médiatisé, devenant l'une des manifestations supposées extra-terrestres les plus célèbres...

En 1993, un producteur londonien, Ray Santilli, prétend posséder le film d'une autopsie d'un extraterrestre qui aurait survécu au crash. Le 26 mars 1995, une dépêche de l'AFP évoque un film qui aurait été « tourné il y a près de 50 ans » et montrant l'autopsie d'un extraterrestre après l'accident d'une soucoupe volante. L'affaire de Roswell revient à la une des médias.

Bien plus tard, le 7 avril 2007, la Warner Bros sortira un reportage décrivant « l'histoire d'une fausse autopsie ». Les effets spéciaux auraient été réalisés par le même spécialiste, John Humphreys qui, selon le reportage, avait créé douze ans plus tôt des créatures en latex remplies d'organes de mouton. Mais les convictions des convaincus resteront inébranlables.

Entre temps, le samedi 26 juin 1995, le film entier a été diffusé en France par TF1, dans une émission animée par Jacques Pradel. Le docteur Patrick Braun, chirurgien international à Paris, déclarait que selon lui l'autopsie est bien réalisée sur un corps véritable qui n'est pas non plus le corps d'un être humain malformé. Le docteur Braun et un expert judiciaire en odontologie légale et anthropologie médico-légale, le docteur Josiane Pujol, considèrent qu'aucune pathologie connue de la médecine ne peut expliquer la structure organique du corps autopsié dans le film.

Les incidents et rencontres se sont depuis longtemps multipliés, désormais classifiés en différents types de rencontres.

On va voir qu'on a là un aboutissement d'un processus remontant à la disparition... « officielle » des anges.

Cf. C.-G. Jung, Un mythe moderne. Des "Signes du ciel" (Folio essais) :
En entreprenant l'étude psychologique des soucoupes volantes, C. G. Jung refuse de se prononcer sur le problème de la matérialité physique des faits et il étudie pour l'essentiel les soucoupes volantes, que l'on prétend avoir « vues », comme si on les avait « rêvées ». Il ne s'attache que secondairement au problème de leur réalité externe. Même si elles revêtaient une réalité physique, support du phénomène psychologique, C. G. Jung montre que, dans le sens le plus large, ce dernier est le fruit de la fonction imaginaire inconsciente. Le lecteur découvrira comment le phénomène et l'imagerie des soucoupes volantes expriment, de façon totalement inattendue, l'inadéquation de l'homme moderne à lui-même et au monde, la détresse qui en résulte, une mise en forme balbutiante - grâce à un langage puisé dans l'actualité - de ce qui l'agite, et aussi une tentative de conciliation de ses forces contraires. C. G. Jung inscrit - au-delà de son enquête - la somme de son savoir, de sa réflexion, de son intuition sur le monde et son avenir. Il y dégage pour nous, à l'occasion d'un phénomène contemporain insolite, en une manière d'étude de psychologie appliquée, les leçons de sa science et aussi de sa vie. Le Mythe moderne de C. G. Jung montre un point de jonction entre deux infinis, l'infini du monde extérieur et l'infini qui sommeille en tout homme.

Quant à l'hypothèse de vie extraterrestre matérielle, pour en rester pour l'instant à cette approche, et à l'hypothèse de civilisations extraterrestres, elle trouve un appui très fort dans la statistique. Cf. « l'équation de Drake »...

L'équation proposée par Frank Drake en 1961 est une célèbre proposition mathématique concernant les sciences telles que l'exobiologie, la futurobiologie, l'astrosociologie, ainsi que le projet SETI (search for extraterrestrial intelligence). Formulée ainsi :

N = R x fp x ne x fl x fi x fc x L

N est le nombre de civilisations extraterrestres dans notre galaxie avec lesquelles nous pourrions entrer en contact,
R : le nombre d'étoiles naissantes chaque année dans la Voie Lactée ;
FP : fraction de ces étoiles qui possèdent un système planétaire ;
NE : nombre moyen de planètes similaires à la Terre (aptes à abriter une forme de vie) ;
FL : nombre de planètes habitables sur lesquelles une forme de vie a pu évoluer ;
FI : taux des planètes où une évolution biologique produit effectivement une forme de vie intelligente ;
FC : taux de ces formes de vie intelligentes capables de communiquer à travers l'Univers ;
L : durée de vie moyenne d'une civilisation capable de communiquer à travers l'Univers (exprimée en années).

Cette équation tente d'estimer le nombre potentiel de civilisations extraterrestres dans notre galaxie avec qui nous pourrions entrer en contact. Le principal objet l'équation est de donner le nombre probable de ces civilisations.

Bref, dans cette perspective, est posée la probabilité de l'existence de civilisations extraterrestres.

*

La même hypothèse statistique semble poser ipso facto la probabilité que quelques-unes au moins de ces civilisations ont dû accéder jusqu'à nous.

Où on en vient au paradoxe de Enrico Fermi :

En 1950, Enrico Fermi propose l'hypothèse d'une civilisation extraterrestre dotée de moyens techniques raisonnables, à la portée de la civilisation humaine de l'époque (Fermi étant le père de l'énergie nucléaire civile) : voyage intersidéral à une vitesse nettement inférieure à la vitesse de la lumière et colonisation d'une nouvelle planète pour la transformer en nouvelle base de départ, chaque cycle prenant quelques centaines ou milliers d'années et permettant d'avancer, par bonds successifs, plus loin dans l'espace de quelques dizaines d'années-lumière.

Sachant que la Voie lactée fait environ 50 000 années-lumière de rayon, une vitesse globale du front de colonisation de 1% de la vitesse de la lumière suffit à la coloniser entièrement en quelques millions d'années, ce qui est très peu par rapport à l'âge de la galaxie et au temps qu'il a fallu à la vie terrestre pour évoluer jusqu'à la civilisation humaine actuelle. Si les extraterrestres existent (L'équation de Drake tente de quantifier leur nombre en faisant intervenir de nombreuses variables par ailleurs toutes inconnues sauf une), la logique serait donc que ce phénomène s'est déjà produit, et même éventuellement plusieurs fois. Le paradoxe, c'est que nous n'en observons aucune trace.

Enrico Fermi demande : « si les extraterrestres existent, mais où sont-ils donc ? ». Pourquoi n'avons-nous vu aucune trace d'une vie intelligente extraterrestre, par exemple des sondes, des vaisseaux ou des transmissions radios ?

Les réponses proposées à ce paradoxe sont nombreuses.

1ère réponse : les civilisations (ou les entités) extra-terrestres n'existent pas.

La probabilité qu'une forme de vie avancée puisse se développer ailleurs dans l'univers serait beaucoup plus faible qu'estimée initialement. Ce pourrait être parce que les facteurs permettant de développer la vie sont très nombreux (partant de la présence des éléments chimiques structurant la vie et d'une source d'énergie allant jusqu'à la présence d'une planète géante telle que Jupiter aspirant les astéroïdes qui, autrement, détruiraient trop rapidement la vie en train de se former, ou celle de la Lune empêchant l'orbite de la Terre d'être instable...). Ce pourrait être aussi parce que, même ces facteurs réunis, les probabilités que les éléments chimiques se combinent pour former de la matière vivante sont si faibles que cet événement ne s'est produit qu'une fois dans toute l'histoire de l'univers, c'est, entre autres, pour tenter de trancher cette question que l'on recherche activement des traces de vie sur Mars et que l'on envisage d'en faire autant sur Europe (satellite de Jupiter), seul autre corps du système solaire, en dehors de la Terre, à posséder de l'eau liquide (avec très probablement aussi Encelade, un satellite de Saturne).

Le principe anthropique semble conforter cet argument : pourquoi observerions-nous un univers de cette taille si la vie avait pu apparaître dans un univers plus petit et donc (sans doute) moins improbable ? Objection possible : notre présence n'arrête pas pour autant l'actuelle expansion de l'Univers. Que pourrait penser une possible civilisation (ne connaissant pas notre existence) dans 4 milliards d'années dans un univers encore plus grand ? Les hommes n'étant plus vivants tomberaient sûrement dans l'anonymat, ce qui pose bien sûr un problème pour les religions anthropocentristes. Réponse possible : l'univers serait plus étendu, mais pas plus grand au sens où il ne contiendrait pas plus de matière après son expansion qu'avant, et donc pas plus de probabilité de donner la vie (voire moins en raison de la réduction du nombre d'étoiles par épuisement de l'hydrogène et de l'extinction des plus anciennes).

Et si l'on peut admettre des vies extraterrestres, la vie n'évolue pas nécessairement vers l'intelligence. Ici la leçon est prise de notre première expérience de conquérants d'outre-terres, l'expérience coloniale et son catastrophique ethnocentrisme des conquérants, qui, étendu la la dimension de l'univers, devient anthropocentrisme.

L'anthropocentrisme humain tend à considérer le processus évolutif comme un processus linéaire amenant inexorablement vers sa niche écologique : une forme de vie intelligente (et d'autres ajouteront « qui peut vivre en harmonie sans vouloir s'entre-tuer »). L'intelligence fait partie des nombreux mécanismes d'adaptation permettant à des espèces de survivre, mais n'est pas pour autant le seul. Les cafards, les rats, les fourmis, les bactéries peuvent survivre dans de bien pires conditions. L'intelligence nous a bien réussi sur notre planète, qui possédait ses conditions spécifiques, mais chaque planète pouvant héberger la vie peut fort bien avoir des espèces dominantes ayant suivi d'autres voies ; d'ailleurs, même sur Terre, les dinosaures ont dominé pendant pratiquement 200 millions d'années sans évoluer vers une espèce capable de développer une civilisation technique.

Et puis, l'avènement d'une intelligence technicienne est-elle le débouché inéluctable de l'intelligence ? La série de coïncidences politico-religieuses qui, de la fin du Moyen-Âge à la Renaissance et aux Lumières, utilisant des observations comme celles de Galilée, ont conduit au développement des synthèses philosophiques nouvelles qui ont permis par la suite les développements techniques actuels, est tout sauf inéluctable !

Sans compter la question de savoir si l'intelligence technicienne est le summum de l'intelligence !

Avec cela, il ne faut pas oublier que la vie intelligente, et notamment technicienne, semble vouée à l'autodestruction avant d'essaimer.

Il y a au moins trois raisons qui peuvent soutenir cette hypothèse.

La première est que l'intelligence animale et humaine telle qu'on l'observe est directement liée à l'agressivité (cf. René Girard), et qu'elle en rend les effets de plus en plus graves. À l'extrême, elle peut s'auto-exterminer, et avec elle une bonne partie des formes vivantes de la planète. C'est le scénario brutal.

La seconde est que la vie animale est régulée et motivée par des systèmes émotionnels (douleur, angoisse, plaisir, etc.), que l'intelligence permet de modifier, court-circuiter. Si on donne à un rat la possibilité d'auto-stimuler ses centres nerveux associés au plaisir, il le fait, et il en meurt. Les drogués donnent un autre exemple similaire, et la façon dont les émotions naturellement associées à la reproduction (plaisir sexuel, émotions familiales) sont maintenant court-circuitées et obtenues sans reproduction (avec chute de la natalité sous le seuil de maintien de la population, dès que les techniques adéquates sont disponibles) est également très éclairante. Inversement, l'intelligence peut donner une angoisse existentielle face à une réalité vertigineuse, conduisant au suicide individuel. La perspective de voir une espèce intelligente disparaître « de bonheur » ou « d'angoisse » n'a rien d'inimaginable. C'est le scénario de la disparition en douceur.

La troisième est que sur le chemin des avancées technologiques menant à l'essaimage, il s'en trouve au moins une qui soit incontournable mais mène immanquablement à la perte. Par exemple une dont toute expérimentation a un résultat cataclysmique (vitrification de la planète), ou une très utilisée mais aux effets délétères découverts trop tard (endommagement irréversible de l'environnement ou de l'espèce). Dans ce cas nous serions voués nous aussi à provoquer notre perte.

Dans tous les cas, la vie intelligente peut disparaître avant de se diffuser ou de laisser des traces visibles. Sans aller jusqu'à l'extinction, elle peut aussi se retrouver suffisamment rare pour que chaque individu ait déjà assez à faire pour découvrir seulement la planète, et pour que les ressources importantes nécessaires à un voyage ou un signal spatial ne soient plus disponibles.

Admettons à présent que l'on parvienne à dépasser ces hypothèses pessimistes... Et que des civilisations extra-terrestres existent.

Admettons dans un second temps que soient dépassées les difficultés et obstacles à une rencontre, comme la durée requise (et les embranchements philosophiques) pour que puisse se développer une civilisation technicienne ; ou comme les limitations dues à la physique : pensons par exemple au fait qu'il se peut que l'expansion de l'univers jointe à des questions de lenteur de la lumière et de bilan énergétique interdise de façon durable des voyages suivis à l'extérieur d'un système solaire. La récente découverte (1998) d'une accélération de l'expansion de l'univers donne un poids nouveau à cette hypothèse.

Admettons aussi que soient dépassées les difficultés voulant que les civilisations extraterrestres soient différentes de nous à un point où nous n'aurions pas la possibilité de communiquer. Parmi les raisons possibles à une telle impossibilité, on peut citer :

– des différences considérables d'échelle, y compris par exemple d'échelle de temps ;
– des différences dans la façon de penser, à un point rendant toute communication non seulement inintéressante pour les deux parties mais également structurellement impossible (par exemple, il nous serait extrêmement difficile de communiquer avec une intelligence collective telle qu'une fourmilière) ;
– une différence fondamentale d'essence, etc.

Ces difficultés dépassées, on en vient alors aisément à la fonction angélique des extraterrestres. L'hypothèse est en coïncidence avec les bouleversements cosmologiques mettant en question la fonction des anges (dieux, Intelligences célestes, etc.) qu'on avait liée à la cosmologie. Moment caractéristique : le moment lunette de Galilée / 1609-1610. Moments moins marquants mais similaires : l'atomisme de Démocrite et des épicuriens ou l'univers de Giordano Bruno... Bref les anges ébranlés voient leur existence hypothéquée en faveur de l'hypothèse extra-terrestre.

On sait que de nombreux cultes des extraterrestres se sont développés, proposant une relecture des textes sacrés. Où la rejonction de l'angélologie s'inverse ! - : « Ce ne sont pas les extraterrestres qui remplacent les anges, mais les anges étaient des extraterrestres que notre avancée technologique relative nous permet désormais de reconnaître comme tels ! »

On retrouve alors toutes les catégories d'anges de l'ancienne angélologie, depuis ceux des anges – ceux que l'angélologie d'un Denys l'Aréopagite, par ex., situe au somment de la hiérarchie angélique – qui ne s'occupent pas de nous, jusqu'à ceux qui nous guident, nous surveillent et nous protègent, et nous protègent même de nous-mêmes.

*

Cette nouvelle perspective angélologique se pose en des termes regroupant, et souvent opposant, les différents degrés de la hiérarchie angélique. Depuis l'idée que les extraterrestres ne nous ont jamais visités pour différentes raisons, jusqu'à la certitude, qui est celle de David Vincent, « qu'ils sont déjà parmi nous », soit comme êtres bienveillants soit comme êtres malveillants. Ces hypothèses souvent perçues comme contradictoires en ufologie, ou en « exobiologie », ne le sont nullement en angéloglogie. Il suffit de lire les différentes hypothèses exobiologiques comme correspondant, non pas à diverses hypothèses angélologiques, mais à divers degrés de la hiérarchie angélique.

On peut ainsi parcourir les différentes hypothèses comme autant de degrés descendants des différents ordres angéliques,

1er ordre angélique. Les Séraphins, les Chérubins, les Trônes : ordre d'anges essentiellement tournés vers Dieu – qui, donc ne s'occupent pas particulièrement de nous, Choses formulées, en perspective ufologique/exobiologique, dans les termes suivants :

Les civilisations extra-terrestres existent, ont développé la technologie pour nous visiter, mais ne l'ont pas fait. Ici, on est est dans la proximité du pôle supérieur de la hiérarchie angélique – avec comme formule : «la preuve qu'il y a des êtres intelligents ailleurs que sur Terre est qu'ils n'ont jamais essayé de nous contacter.» (Bill Watterson dans Calvin et Hobbes)

On peut considérer que, soit par hasard, soit pour des raisons éthiques, aucune des civilisations qui seraient apparues n'aurait souhaité s'étendre partout dans la galaxie, laissant à de nouvelles formes de vie le temps de se développer.

Ils peuvent également estimer que la probabilité d'une autre vie intelligente sur une autre planète est faible et ne nécessite pas une recherche sur le long terme.

Enfin, l'application du paradoxe de l'abondance, si leur société se trouvait avoir résolu la question du besoin et si leur psychisme avait une similitude avec le nôtre, peut avoir créé chez eux une importante passivité en éliminant toute recherche intellectuelle. Les éventuels extraterrestres pourraient donc fort bien adopter une attitude de cocooning faisant qu'ils se passent très bien de nous et des complications d'un voyage pour venir nous voir.

Le débat sur notre propre Terre concernant l'exploration spatiale (coûts importants, retombées hypothétiques…) reflète déjà cette préoccupation.

Le 2e ordre angélique fait intermédiaire entre le premier, voué en son sommet à la contemplation de Dieu, et le troisième, chargé de surveiller, guider, assister les hommes. Chez Denys, l'ordre intermédiaire est celui qui regroupe les Dominations, les Autorités, les Puissances – intermédiaire, donc.

Le 3e ordre angélique concerne les anges qui s'occupent de nous : les Principautés, les Archanges, les Anges. Ici on recoupe l'hypothèse des extraterrestres nous visitant :

Les civilisations extra-terrestres existent et nous ont visités, mais ne signalent pas leur présence :

D'éventuels extraterrestres, même s’ils sont passés sur la planète, ne lui ont peut-être pas trouvé d'intérêt, et ont continué leur chemin (ou se sont abstenus de toute visite, compte tenu des informations collectées par leurs capteurs). Une civilisation capable de se déplacer entre systèmes solaires de la galaxie ne doit pas avoir de difficultés à s'approvisionner dans des endroits plus riches ou plus pratiques pour elle, ou tout simplement pour synthétiser la matière utile (au lieu de la transporter d'une planète à une autre, au prix d'efforts et surtout d'un délai exorbitant). Tout ce que nous aurions une chance de voir serait de temps à autres quelques routards galactiques égarés.

Même s'ils se sont aperçus de notre présence les extraterrestres n'ont peut-être pas plus de choses à nous dire que nous n'en avons à dire aux chimpanzés ou aux fourmis. Pire : ils pourraient nous juger impossibles à éduquer et ne pas souhaiter perdre leur temps avec nous.

On peut imaginer enfin que les extraterrestres, s'ils sont passés, l'ont fait il y a trop longtemps pour nous, avant notre apparition (Hypothèse du rendez-vous manqué).

Des extraterrestres existeraient bien et s'intéresseraient à notre espèce :
Ils pourraient le faire de la même façon que nous nous intéressons aux animaux dans des réserves naturelles, par curiosité scientifique et en cherchant à interagir le moins possible avec eux. Les animaux d'un parc naturel ne savent jamais qu'ils sont dans un parc naturel. Et nous ne consacrons pas de ressources à essayer d'enseigner les équations différentielles à des bonobos sauvages, nous préférons les laisser vivre de façon traditionnelle.

L'hypothèse du zoo pourrait aussi n'être qu'une première étape dans le cadre d'une hypothèse plus globale d'un apartheid cosmique. Au lieu de laisser les primates vivre de façon traditionnelle, l’homme lui-même pourrait aussi choisir demain de les guider ainsi dans une évolution contrôlée destinée à faire naître une nouvelle espèce intelligente semblable à l’espèce humaine, dans des réserves terrestres, ou mieux encore, extraterrestres. S'il était seul dans l’univers, la vie intelligente serait ainsi mieux préservée, et l’homme ferait déjà par là œuvre utile. Les moyens dont il dispose actuellement lui permettraient cette entreprise. Sans parler des retombées technologiques considérables de la terraformation d’une planète, les connaissances pouvant être acquises en cette occasion dans le seul domaine des sciences de la vie (conscience, connaissance du cerveau, etc.) pourraient prochainement inciter l’homme à se lancer dans un tel projet cosmique.

Des ET beaucoup plus avancés pourraient avoir fait ce choix de nous guider du primate vers l'homme, intervenant par exemple avec des masques humains, par le biais des religions ("apparitions, miracles"), et par des moyens scientifiques et technologiques de télésurveillance et de contrôle que nous commençons à maîtriser. Cette assistance discrète en apartheid cosmique nous aurait permis de nous éveiller à la conscience sans nous transformer en « robots » par une présence trop dominante. Eux-mêmes issus d'une telle évolution, ils auraient formé une civilisation avant l'homme et seraient entre temps devenus des êtres artificiels. « Parents ou tuteurs cosmiques » de l’homme, ils attendraient naturellement de lui qu'il devienne à son tour "parent ou tuteur cosmique" en hominisant lui aussi d'autres primates. Nous leur apporterions par là la preuve d'une conscience réelle acquise et de la réussite de leur propre expérience d’hominisation de notre espèce. S’ils devaient se dévoiler, ils ne le feraient jamais avant une claire démonstration de l’homme à vouloir perpétuer la vie et l'intelligence. Cette hypothèse est apparentée à celle de la fiction La Sentinelle / 2001, l'odyssée de l'espace.

Cette hypothèse relève plus du réalisme fantastique à la mode dans les années 1960 que d'une véritable supposition scientifique : des extraterrestres existeraient, et auraient entrepris de nous aider discrètement à trouver notre propre voie ainsi qu'à nous corriger de nos éventuels dysfonctionnements. Nous sommes là à la limite des points de vue scientifique et religieux. L'idée a néanmoins été exploitée par la science-fiction via divers médias populaires (romans, films, BD,…). Hergé lui fait un clin d'œil par exemple sous les traits de Jacques Bergier dans Vol 714 pour Sydney.

Les ovnis seraient donc une manifestation de ces visites...

Et l'hypothèse extraterrestre est en effet aujourd'hui l'explication du phénomène ovni privilégiée par la majorité des ufologues, contrairement à la communauté scientifique qui privilégie à l'inverse le modèle sociopsychologique du phénomène ovni. Pour les ufologues, le paradoxe repose sur le rejet du phénomène ovni comme manifestation des extraterrestres. Le rejet peut provenir d'une discordance entre la prédiction de ce que serait la manifestation d'une civilisation extraterrestre et le comportement des ovnis qui ne manifestent pas une volonté de prise de contact. Il faudrait donc, selon ces ufologues, commencer par s'interroger sur la validité de nos attentes sur la forme que devrait prendre la manifestation d'une civilisation extraterrestre visitant la terre.

Si nous ne comprenons pas comment les voyages interstellaires sont possibles, la source d'énergie très puissante dont semble disposer les ovnis ainsi que nombre d'autres capacités affichées par ces engins, ne serait-il pas normal que cette incompréhension s'étende à la logique de leurs manifestations ? Ainsi, toujours selon les ufologues, le raisonnement qui présente la discordance entre le comportement des ovnis et ce qu'on attendrait d'une manifestation extraterrestre ne peut être un argument pour rejeter le phénomène ovni comme possible manifestation des extraterrestres. On peut néanmoins se demander si cette tout-puissance ne rapproche pas plutôt la croyance dans l'hypothèse extraterrestre d'un phénomène religieux. Le mouvement sceptique contemporain dit par exemple ironiquement à ce propos (Michael Shermer) : toute civilisation extraterrestre ayant une avance technologique infiniment supérieure à la nôtre ne peut pas être distinguée de Dieu.

… On le voit, on n'est pas loin de l'ange comme manifestation de l'ultime...




jeudi 20 mai 2010

Le Qohéleth — Et Dieu dans tout ça ?




Ecclésiaste 1:13 : J’ai appliqué mon cœur à rechercher et à sonder par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux : c’est là une occupation pénible, à laquelle Dieu soumet les fils de l’homme.


(c) Ponts Formation Edition

On a parlé (la dernière fois) de la sagesse comme d'un entre-deux. Approche plutôt classique, donc, correspondant assez bien à ce qui est appelé parfois « juste milieu ».

La vérité est ailleurs... en Dieu. Reste à approcher la façon dont on entend cela... (Ci-dessous, les versets du Qohéleth où apparaît le mot "Dieu" - "Elohim" : le tétragramme n'apparaît pas.)

Dieu est-il une sorte de théière céleste ?

« Si je suggérais qu'entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du Soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire pour peu que j'aie pris la précaution de préciser que la théière est trop petite pour être détectée par nos plus puissants télescopes. Mais si j'affirmais que, comme ma proposition ne peut être réfutée, il n'est pas tolérable pour la raison humaine d'en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé. Cependant, si l'existence de cette théière était décrite dans d'anciens livres, enseignée comme une vérité sacrée tous les dimanches et inculquée aux enfants à l'école, alors toute hésitation à croire en son existence deviendrait un signe d'excentricité et vaudrait au sceptique les soins d'un psychiatre à une époque éclairée ou de l'Inquisition en des temps plus anciens. » (Bertrand Russell, Is There a God? — cité par Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, éd, Robert Laffont, 2008, p. 60-61.)

Dieu comme super-créature ! Problème : les choses ne se posent pas en ces termes.

Sauf à donner raison à Woody Allen, disant : «Non seulement Dieu n’existe pas mais en plus il est impossible de trouver un plombier le dimanche.»

La mise en question de Dieu comme super-théière céleste ou comme plombier du dimanche est déjà le fait de l'Ecclésiaste.


On a déjà vu que pour l'Ecclésiaste, la référence à Dieu n'a pas de rapport avec un prolongement post-mortem de l'existence. Ni n'est propre à fonder une religion foisonnante ou ostentatoire, que ce soit en termes de sacrifices ou d'explications (ne pas se hâter d'exprimer une parole devant Dieu, écouter plutôt qu'offrir le sacrifice des insensés, etc. Cf. ch. 5).

Voilà qui donne une orientation sur ce qui se dévoile à la lecture du texte : « Dieu » désigne le fondement de ce qui nous advient comme ne dépendant, ultimement, pas de nous.

Une connaissance propre à fonder le bonheur, puisque c'est de cela qu'il s'agit...


Ecclésiaste 2 :

2:24 Il n’y a de bonheur pour l’homme qu’à manger et à boire, et à faire jouir son âme du bien-être, au milieu de son travail ; mais j’ai vu que cela aussi vient de la main de Dieu.

2:26 Car il donne à l’homme qui lui est agréable la sagesse, la science et la joie ; mais il donne au pécheur le soin de recueillir et d’amasser, afin de donner à celui qui est agréable à Dieu. C’est encore là une vanité et la poursuite du vent.


« Dieu » désigne alors le fait que ce qui nous advient ne trouve pas sa source ultime en nous, non seulement quant à la matérialité, « le manger et le boire », mais aussi quant à la faculté et à la disposition d'en jouir...

C'est là un « don de Dieu »... Où Dieu apparaît aussi comme Père (cf. Matthieu 5-7 et les oiseaux du ciel, les bons et les méchants : « votre Père céleste les nourrit »).


Ecclésiaste 3 :

3:10 J’ai vu à quelle occupation Dieu soumet les fils de l’homme.
3:11 Il fait toute chose bonne en son temps ; même il a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité, bien que l’homme ne puisse pas saisir l’œuvre que Dieu fait, du commencement jusqu’à la fin.

3:13 si un homme mange et boit et jouit du bien-être au milieu de tout son travail, c’est là un don de Dieu.
3:14 J’ai reconnu que tout ce que Dieu fait durera toujours, qu’il n’y a rien à y ajouter et rien à en retrancher, et que Dieu agit ainsi afin qu’on le craigne.
3:15 Ce qui est a déjà été, et ce qui sera a déjà été, et Dieu ramène ce qui est passé.

3:17 J’ai dit en mon cœur : Dieu jugera le juste et le méchant ; car il y a là un temps pour toute chose et pour toute œuvre.
3:18 J’ai dit en mon cœur, au sujet des fils de l’homme, que Dieu les éprouverait, et qu’eux-mêmes verraient qu’ils ne sont que des bêtes.


Le fait que tout soit don de Dieu invite à « la crainte », qui est en son versant négatif, l'admission de la possibilité que ce qui est don ne soit pas, ou n'ait pas été octroyé — et en son versant positif, la reconnaissance, tout simplement, la reconnaissance de ce que matérialité comme condition du bonheur, jusqu'à la disposition pour le recevoir, ne viennent, ultimement, pas de nous.

Et là, cela compris, le bonheur est déjà là, comme reconnaissance et fruit de la reconnaissance !

Il s'agit de l'étonnement reconnaissant, jusqu'à l'émerveillement de l'événement unique de la venue de l'être sous le soleil, de la venue d'une pensée sous le soleil, fût-elle un éclair dans une nuit infinie — et sachant en outre qu'elle est aussi tissée de douleur. Le moment unique de la percée de l'être sous la soleil, moment de vanité, n'en est pas moins l'occasion de tout bonheur, source de toute reconnaissance à Dieu qui l'a fait advenir comme don.

Reconnaissance !

C'est là le culte de Dieu tel qu'il est requis !


Ecclésiaste 5 :

5:1 (4–17) Prends garde à ton pied, lorsque tu entres dans la maison de Dieu ; approche-toi pour écouter, plutôt que pour offrir le sacrifice des insensés, car ils ne savent pas qu’ils font mal.
5:2 (5–1) Ne te presse pas d’ouvrir la bouche, et que ton cœur ne se hâte pas d’exprimer une parole devant Dieu ; car Dieu est au ciel, et toi sur la terre : que tes paroles soient donc peu nombreuses.

5:4 (5–3) Lorsque tu as fait un vœu à Dieu, ne tarde pas à l’accomplir, car il n’aime pas les insensés : accomplis le vœu que tu as fait.

5:6 (5–5) Ne permets pas à ta bouche de faire pécher ta chair, et ne dis pas en présence de l’envoyé que c’est une inadvertance. Pourquoi Dieu s’irriterait-il de tes paroles, et détruirait-il l’ouvrage de tes mains ?
5:7 (5–6) Car, s’il y a des vanités dans la multitude des songes, il y en a aussi dans beaucoup de paroles ; c’est pourquoi, crains Dieu.

5:18 (5–17) Voici ce que j’ai vu : c’est pour l’homme une chose bonne et belle de manger et de boire, et de jouir du bien-être au milieu de tout le travail qu’il fait sous le soleil, pendant le nombre des jours de vie que Dieu lui a donnés ; car c’est là sa part.
5:19 (5–18) Mais, si Dieu a donné à un homme des richesses et des biens, s’il l’a rendu maître d’en manger, d’en prendre sa part, et de se réjouir au milieu de son travail, c’est là un don de Dieu.
5:20 (5–19) Car il ne se souviendra pas beaucoup des jours de sa vie, parce que Dieu répand la joie dans son cœur.


Voilà qui rejoint, et précède Nietzsche :

«… Si notre âme a, comme une corde, une seule fois tressailli et résonné de bonheur […,] l'éternité tout entière était, dans cet instant unique de notre acquiescement, saluée, rachetée, justifiée et affirmée.» (Nietzsche, La Volonté de puissance, § 1032.)


Avec chez l'Ecclésiaste, cette conscience permanente de la condition qui permet en tout temps la perception de ce rachat : la conscience du don de Dieu


Ecclésiaste 6:2 : Il y a tel homme à qui Dieu a donné des richesses, des biens, et de la gloire, et qui ne manque pour son âme de rien de ce qu’il désire, mais que Dieu ne laisse pas maître d’en jouir, car c’est un étranger qui en jouira. C’est là une vanité et un mal grave.

« Correctif » de cette vanité, qui reste vanité quoiqu'il en soit : la conscience du don de Dieu, à savoir « la crainte de Dieu ».


Ecclésiaste 7 :

7:13 Regarde l’œuvre de Dieu : qui pourra redresser ce qu’il a courbé ?
7:14 Au jour du bonheur, sois heureux, et au jour du malheur, réfléchis : Dieu a fait l’un comme l’autre, afin que l’homme ne découvre en rien ce qui sera après lui.

7:18 Il est bon que tu retiennes ceci, et que tu ne négliges point cela ; car celui qui craint Dieu échappe à toutes ces choses.
7:26 Et j’ai trouvé plus amère que la mort la femme dont le cœur est un piège et un filet, et dont les mains sont des liens ; celui qui est agréable à Dieu lui échappe, mais le pécheur est pris par elle.


Cf. Cioran : «On rencontre la Subtilité :
chez les théologiens […] ;
chez les oisifs […] ;
chez les persécutés […] ;
chez les femmes. Condamnées à la pudeur, elles doivent camoufler leurs désirs, et mentir : le mensonge est une forme de talent, alors que le respect de la "vérité" va de pair avec la grossièreté et la lourdeur.[…]» (Syllogismes de l'amertume, p.760, in Œuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)

Ecclésiaste 7:29 : « voici ce que j’ai trouvé, c’est que Dieu a fait les hommes droits ; mais ils ont cherché beaucoup de détours. »


Ecclésiaste 8 & 9 :

8:2 Je te dis : Observe les ordres du roi, et cela à cause du serment fait à Dieu.

8:12 Cependant, quoique le pécheur fasse cent fois le mal et qu’il y persévère longtemps, je sais aussi que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, parce qu’ils ont de la crainte devant lui.
8:13 Mais le bonheur n’est pas pour le méchant, et il ne prolongera point ses jours, pas plus que l’ombre, parce qu’il n’a pas de la crainte devant Dieu.

8:15 J’ai donc loué la joie, parce qu’il n’y a de bonheur pour l’homme sous le soleil qu’à manger et à boire et à se réjouir ; c’est là ce qui doit l’accompagner au milieu de son travail, pendant les jours de vie que Dieu lui donne sous le soleil.

8:17 j’ai vu toute l’œuvre de Dieu, j’ai vu que l’homme ne peut pas trouver ce qui se fait sous le soleil ; il a beau se fatiguer à chercher, il ne trouve pas ; et même si le sage veut connaître, il ne peut pas trouver.


9:1 Oui, j’ai appliqué mon cœur à tout cela, j’ai fait de tout cela l’objet de mon examen, et j’ai vu que les justes et les sages, et leurs travaux, sont dans la main de Dieu, et l’amour aussi bien que la haine ; les hommes ne savent rien : tout est devant eux.

9:7 Va, mange avec joie ton pain, et bois gaiement ton vin ; car dès longtemps Dieu prend plaisir à ce que tu fais.

9:9 Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de ta vie de vanité, que Dieu t’a donnés sous le soleil, pendant tous les jours de ta vanité ; car c’est ta part dans la vie, au milieu de ton travail que tu fais sous le soleil.



Ecclésiaste 11 :

11:5 Comme tu ne sais pas quel est le chemin du vent, ni comment se forment les os dans le ventre de la femme enceinte, tu ne connais pas non plus l’œuvre de Dieu qui fait tout.

11:9 (12–1) Jeune homme, réjouis-toi dans ta jeunesse, livre ton cœur à la joie pendant les jours de ta jeunesse, marche dans les voies de ton cœur et selon les regards de tes yeux ; et sache que pour tout cela Dieu t’appellera en jugement.


« Sache que pour tout cela Dieu t’appellera en jugement » : pas de « mais » (« mais sache » ?!) en hébreu ! Le jugement n'est pas tant le prix de la joie que la mesure de la joie que l'on a reçue ! C'est aujourd'hui qu'il s'agit de cueillir la joie avant que ne tombe le jour où la matérialité, les conditions ou les dispositions ne sont plus là pour l'accueillir !... « Au jour où tremblent les gardiens de la maison, où se courbent les hommes vigoureux, où s'arrêtent celles qui meulent, trop peu nombreuses, où perdent leur éclat celles qui regardent par la fenêtre »... (ch, 12, v. 3 sq.)...

"C'est une sale histoire de vieillir et je vous conseille de l'éviter si vous pouvez ! Vieillir ne présente aucun avantage. On ne devient pas plus sage, mais on a mal au dos, on ne voit plus très bien, on a besoin d’un appareil auditif pour entendre. Je vous déconseille de vieillir." (Woody Allen, Cannes, mai 2010.)


Ecclésiaste 12 :

12:7 (12–9) avant que la poussière retourne à la terre, comme elle y était, et que l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné.

12:13 (12–15) Écoutons la fin du discours: Crains Dieu et observe ses commandements. C’est là ce que doit faire tout homme.
12:14 (12–16) Car Dieu amènera toute œuvre en jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal.






samedi 8 mai 2010

Questions de solidarité



Confrontés à la misère que nos villes ne parviennent plus à cacher, on comprend vite, pour peu qu’on la prenne au sérieux — pour ne pas parler de ses victimes les plus touchées — que ce n’est pas juste de quelques euros, ni de nourriture, vêtements, abri, ou visite qu’il est question.

Le développement d’un des propos fondateurs des organismes chrétiens de solidarité, le fameux propos de Jésus en Matthieu 25, 35-36, le laisse bien apparaître : « j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi. »

On passe d’un besoin élémentaire : un sandwich (« j’ai eu faim »), à des zones plus inquiétantes encore — la maladie ou la prison : « vous êtes venus à moi » — visite dont le moment de la séparation laissera un goût inévitable de reviens-y ! Bref, on ne pourra pas en rester à des gestes de solidarité sans lendemain, on n’en sortira pas indemne.

On sait bien qu’à ce point perce cette réflexion : « même si certes, je dois en prendre ma part, je ne peux toutefois pas porter toute la misère du monde ». Et alors ces paroles de Jésus semblent devenir tout sauf libératrices.

Mes euros, mon sandwich et mes heures de visites n’ont rien résolu au fond — et quand on sait que ce qui est en jeu dans le « c’est à moi que vous l’avez fait » est l’établissement de chacun en sa dignité infinie… Quand on sait que c’est de cette dignité-là qu’il est question, non seulement mon sandwich et mes heures de visite n’ont évidemment rien résolu (ce qui ne les rend pas facultatifs) mais ils ont, plutôt, creusé une vaste question !

Car le terme des choses, pour autrui et pour moi, n’est pas dans mes soins et ma sollicitude, sous peine d’en faire un fardeau — cf. la deuxième partie du texte de Matthieu : « ce que vous n’avez pas fait, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » ! Ces paroles portent aussi (avec ce qu’elles exigent) la marque de l’impossibilité de leur réel accomplissement. C’est ici qu’il faut d’abord parvenir, sous peine de s’échouer à la bonne conscience de qui penserait avoir assez fait ; ou au contraire de ployer sous le fardeau.

Si on a constaté ces impasses, le propos de Jésus a accompli un de ses offices : nous conduire au sens de la gratuité (en termes théologiques, la grâce).

Mais quand on en est là, on n’a pas résolu la question sociale sur laquelle débouche aussi ce dont il est question dans ce texte. Car avec son exigence de dignité, ce texte a creusé un abîme, et posé l’espérance d’un autre monde ! Il a alors posé des exigences qui requerront une Cité nouvelle et déjà, en signe pour les premiers disciples recueillant ces paroles de Jésus, dans les espaces de l’Empire romain. Une espérance qui est une des racines lointaines de notre bien imparfaite société.

Parce que l’exigence de dignité rend évidemment insuffisants dons et visites, vont naître ce que seront nos hôpitaux, notre sécurité sociale, mais aussi nos écoles laïques, gratuites et obligatoires, etc.

On sait que de l’organisation de la mise en œuvre de l’attention au prochain sont nées des institutions, jusqu’à l’école pour tous et la sécurité sociale, qui aujourd’hui semblent commencer parfois à ne plus fournir, bien que désormais inscrites dans les Déclarations des Droits de l’homme…

Quand ces acquis sociaux commencent à ne plus fournir, quand l’État est tenté de se désengager de ce que les Droits de l’homme ont mis sous sa responsabilité, c’est que les choses sont allées trop loin dans le délitement.

Et « trop loin », c’est par exemple les « Restaurants du Cœur » ! « Trop loin » c’est toutes les structures locales de solidarité face aux « nouveaux pauvres » ! Autant d’associations issues, on le sait, de l’émergence des « nouveaux pauvres ». Face auxquels les structures d’État ne fournissaient déjà plus ! Les choses sont déjà allées à un point sans doute inimaginable quelques décennies en arrière, on l’oublie trop.

Signe — que les « Restaurants du Cœur » et autres ONG de plus en plus sollicitées —, signe d’un manque croissant de la société, d’un déficit social, d’un déficit d’État ! C’est-à-dire : mauvais signe !

Pour revenir à Matthieu 25, qu’est ce que la dignité cachée en Christ sous le visage de chacun, et des plus pauvres, au jour où la défaillance de nos sociétés à promouvoir les conditions de cette dignité est voilée par les organismes associatifs de solidarité — qui portent en eux rien moins que le constat d’une défaillance générale, bien plus considérable.

Le texte de Matthieu nous dit alors qu’il ne saurait être question de nous installer dans nos organisations de la solidarité face à la pauvreté ! Si, certes, « vous aurez toujours les pauvres avec vous », ce dont il s’agit, c’est quand même d’une dignité perdue. C’est cela qu’il s’agit de ne pas perdre de vue, pour ne pas en venir à trouver normale la catastrophe sanitaire vers laquelle on glisse insensiblement.

Voilà qui revient à pointer un problème qui est celui de la Cité / polis — question politique, donc, d’organisation sociale, de répartition des biens — cela dit au risque d’avoir l’air d’enfoncer des portes ouvertes. Mais quand les associations ne fournissent plus à tenter de pallier un déficit social qui ne fait que croître, et dont elles ne sont pas censées avoir la charge !, elles sont devenues, par le fait même un signal d’alerte, un feu clignotant ; un signe prophétique pointant un manque. Serions-nous alors à une sorte de croisée des chemins ?



vendredi 30 avril 2010

"Couple désire bénédiction"


«Couple désire bénédiction». Tel est le titre du dossier du numéro 350 d’Échanges (magazine de l’Église réformée de France en PACCA, mai 2010).

Voilà un dossier qui, s’interrogeant sur la possibilité de bénir religieusement des couples non-mariés, «pacsés» (ou pas, éventuellement), tend, tout bien pesé, à n’opposer que peu de réserves à une telle option : peut-on refuser de «dire du bien», selon l’étymologie de «bénir» ?

Une option et une ouverture qui me laissent bien perplexe : qu’implique la mise en balance de cette «ouverture» et du «légalisme» (avec ce que ce qualificatif peut avoir de péjoratif) qui consiste à s’en tenir à la loi républicaine — laquelle prévoit de sanctionner tout ministre du culte qui procèderait à des «cérémonies religieuses de mariage sans que lui ait été justifié l'acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil» (Code pénal, article 433-21) ? La sanction pour le ministre du culte procédant «de manière habituelle» à des cérémonies nuptiales hors mariage civil étant «de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende» (Code pénal, ibid.), a-t-on alors dans le dossier d’Échanges une invite, contre le «légalisme», à jouer les «martyrs» ? Et pour quelle cause ?

De telles cérémonies, qu’on les appelle «mariages religieux» ici, «bénédictions nuptiales» là, «rites traditionnels» ailleurs, de telles cérémonies qui se passeraient, jusqu'à nouvel ordre législatif, du préalable «passage à la mairie» se poseraient au bout du compte d’une façon ou d’une autre comme autant d’alternatives au mariage civil. Ce qui, dans le contexte actuel, revient tout simplement à ouvrir un boulevard aux intégrismes — et cela, oh comble, au nom d’une volonté libérale !… —, que ces «ouvertures libérales» consistent à se passer carrément de tout acte civil, ou même qu’elles ne consistent qu’à «bénir les pacs» !

Se passer du mariage civil avant de donner une bénédiction nuptiale revient, en avalisant ipso facto une union qui n’a pas été préalablement reconnue comme mariage par la société commune, à faire fi de l’acquis du processus historique libérateur débouchant sur la mise en place d’un état civil qui en soit vraiment un ; en remplacement de la pratique antérieure, quand le culte officiel chargé de l’état «civil» était reconnu de facto comme «plus égal» que les autres. L’état civil, et donc le mariage civil, du fait même de sa rigueur «légaliste», a voulu mettre tous (quel que soit leur culte ou leur absence de culte) sur le même plan.


Et voilà qu’il y aurait un «signe d’ouverture» à contourner cet acquis à l’occasion de la loi prévoyant un assouplissement des exigences et donc des garanties de l’union matrimoniale, à savoir le pacs.

«Signe d’ouverture», certes… en faveur des intégristes !…

En premier lieu en faveur des intégristes catholiques entendant déjà brandir le sérieux de leur rite comme alternative, ou complément indispensable au rite civil, complément par lequel seul le mariage deviendrait complet. Merveilleux cadeau aux intégristes catholiques qui n’ont jamais pleinement accepté le mariage civil — à l’opposé du protestantisme qui l’a toujours reconnu comme étant le mariage plénier.

Un tel «signe» relativisant le seul mariage reconnu jusque là par le protestantisme, le mariage civil, a aussi tout pour favoriser les intégristes islamistes, lesquels tiennent à la possibilité de la répudiation, pour laquelle le pacs offre tout de même d’autres ouvertures que le mariage proprement dit, qui induit, en cas de divorce, une plus nette garantie des droits que celle qu’offre la rupture d’un pacs.

Plus que cela, l’ouverture, au nom du refus du «légalisme», vers une bénédiction de tout couple la désirant (puisqu’on ne saurait refuser de «dire du bien») peut aisément s’étendre à des unions pas forcément monogames ! Ici le mariage civil (ou le pacs) devient l’élément légal (facultatif) pouvant concerner une seule conjointe, les observances religieuses et autres bénédictions selon des pratiques intégristes islamistes autorisant pleinement la polygamie (et la répudiation) étant, aux yeux de leurs tenants, le rite essentiel, prendrait-il le titre de «bénédiction». Un rite qui prétend ne contredire nullement la loi républicaine — se contentant de la contourner !

Ainsi, a-t-on récemment entendu clamer : «à ce que je sache, les maîtresses ne sont pas interdites en France, ni par l'islam. Peut-être par le christianisme, mais pas en France». On reconnaît les termes, d’actualité récente, posés cyniquement par le mari d’une seule femme et de plusieurs «maîtresses», ou épouses «traditionnelles» mais non «civiles», toutes en niqab.

Où les «généreux» «messages d’accueil» et «signes ouverture» vers le dépassement du «légalisme» qui respecte scrupuleusement le mariage civil, deviennent autant de signaux vers une régression des droits acquis difficilement au temps des obligations rituelles de l’Ancien Régime.

*

Annexe : la Constitution de l'Eglise Protestante Unie de France sur la bénédiction nuptiale :

Article 34 – Bénédiction d’un couple à l’occasion de son mariage

§ 1 – Entretiens préparatoires
Au cours d’au moins un entretien préparatoire, le pasteur ou le titulaire d’un mandat rappelle aux époux la signification et l’importance de la célébration civile du mariage et approfondit avec eux le sens de la bénédiction de Dieu qu’ils demandent.

§ 2 – Bénédiction
La bénédiction d’un couple à l’occasion de son mariage a lieu au cours d’un culte public, célébré habituellement dans un lieu de culte. L’annonce en est faite au cours d’un culte paroissial précédant la bénédiction nuptiale.

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Règlement d’application de l’article 34

A – Mariage civil
La bénédiction d’un couple à l’occasion de son mariage ne peut être donnée que si les époux produisent un certificat de mariage délivré par l’autorité civile.

B – Interrogations sur la bénédiction
Si, après avoir rencontré les intéressés, le pasteur, ou le titulaire d’un mandat, demeure hésitant sur la réponse à donner à une demande de bénédiction d’un couple à l’occasion de son mariage, il est invité à demander l’avis de l’instance compétente.

C – La bénédiction d’un couple à l’occasion de son mariage peut avoir lieu lorsque l’un au moins des conjoints se déclare chrétien ou s’engage dans la préparation de son baptême.
Si l’un des conjoints, de confession chrétienne, n’est pas protestant, il est possible qu’un ministre de l’Église du conjoint non protestant participe à la célébration. Dans ce cas, les engagements sont pris devant l’officiant de l’Église d’accueil.
Un mariage civil ne peut recevoir une bénédiction religieuse que dans une seule Église.
La présence d’au moins deux témoins est requise.


lundi 19 avril 2010

Le Qohéleth — la sagesse est-elle bien sage ?



Le Qohéleth — et ‘le sage’
La sagesse est-elle bien sage ? Ou : est-ce bien raisonnable ?


I. Une activité futile et douloureuse

Ec 1, 13-18
13 J’ai appliqué mon cœur à rechercher et à sonder par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux : c’est là une occupation pénible, à laquelle Dieu soumet les fils de l’homme.
14 J'ai vu toutes les œuvres qui se font sous le soleil : tout n'est que futilité et poursuite du vent.
15 Ce qui est courbé ne peut être redressé, ce qui manque ne peut être compté.
16 J’ai dit en mon cœur : Voici, j’ai grandi et surpassé en sagesse tous ceux qui ont dominé avant moi sur Jérusalem, et mon cœur a vu beaucoup de sagesse et de science.
17 J’ai appliqué mon cœur à connaître la sagesse, et à connaître la sottise et la folie ; j’ai compris que cela aussi c’est la poursuite du vent.
18 Car avec beaucoup de sagesse on a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science augmente sa douleur.


Le constat du Qohéleth pose la question : est-ce qu'il est bien raisonnable d'opter pour la sagesse ? Ah quoi bon s'infliger ce qui semble n'apporter que fatigue, « occupation pénible », avec comme « bénéfice », chagrin et douleur à proportion de la science acquise !


Resterait à opter pour la voie du désespoir joyeux...


II. Avantages de la folie ?

Ec 2, 3 & 9-26
3 Je résolus en mon cœur de livrer ma chair au vin, tandis que mon cœur me conduirait avec sagesse, et de m’attacher à la folie jusqu’à ce que je visse ce qu’il est bon pour les fils de l’homme de faire sous les cieux pendant le nombre des jours de leur vie. […]

9 Je suis devenu grand, j'ai surpassé tous ceux qui étaient avant moi à Jérusalem,
et ma sagesse demeurait avec moi.
10 Tout ce que mes yeux ont réclamé, je ne les en ai pas privés ; je n'ai refusé aucune joie à mon cœur ; car mon cœur se réjouissait de tout mon travail ; c'est la part qui m'est revenue de tout ce travail.
11 Et moi, je me suis retourné vers toutes les choses que mes mains avaient faites, le travail pour lequel j'avais tant peiné : tout n'est que futilité et poursuite du vent, il n'en résulte aucun avantage sous le soleil.
12 Et moi, je me suis retourné pour voir la sagesse, la démence et la folie. — En effet, que fera celui qui succédera au roi ? Ce qu'on a déjà fait.
13 Et moi, j'ai vu ceci : l'avantage de la sagesse l'emporte sur celui de la folie, comme l'avantage de la lumière sur celui des ténèbres ;
14 le sage a des yeux pour voir, mais l'homme stupide marche dans les ténèbres. Pourtant je sais, moi, qu'un même sort les attend tous les deux.
15 Je me suis dit : Le sort de l'homme stupide m'attend, moi aussi ; pourquoi aurai-je alors montré, moi, davantage de sagesse ? Et je me suis dit que c'est là encore une futilité.
16 Car le sage ne laisse pas de souvenir pour toujours, pas plus que l'homme stupide ; à mesure que les jours passent, tout est oublié. Le sage meurt bel et bien comme l'homme stupide !
17 J'ai donc détesté la vie, car pour moi l'œuvre qui se fait sous le soleil est mauvaise, puisque tout n'est que futilité et poursuite du vent.
18 J'ai détesté tout le travail que j'ai fait sous le soleil, et que je dois laisser à celui qui me succédera.
19 Qui sait s'il sera sage ou fou ? Pourtant, il aura pouvoir sur tout le travail que j'ai fait avec sagesse sous le soleil ! C'est encore là une futilité.
20 J'en suis venu à me décourager de tout le travail que j'avais fait sous le soleil.
21 Y a-t-il quelqu'un qui a travaillé avec sagesse, connaissance et succès, voilà que sa part est donnée à quelqu'un qui n'y a pas travaillé. C'est encore là une futilité et un grand mal.
22 En effet, que revient-il à l'être humain de tout le travail et de la préoccupation qu'il s'est donnés sous le soleil ?
23 Tous ses jours ne sont que tourments, ses occupations contrariétés ; même la nuit son cœur n'a pas de repos. C'est encore là une futilité.
24 Il n'y a de bon pour l'être humain que de manger, de boire et de voir le bonheur dans son travail ; moi, je l'ai vu, cela vient de Dieu.
25 Qui donc peut manger et éprouver du plaisir, en dehors de moi ?
26 Car à celui qui lui est agréable, il donne la sagesse, la connaissance et la joie ; mais au pécheur il donne pour occupation de recueillir et d'amasser, afin de donner à celui qui est agréable à Dieu. Ce n'est encore là que futilité et poursuite du vent.


Voilà donc qu'il n'y a pas grand chose au bout de la folie !... Où se pose à nouveau la question, qui va conduire l'Ecclésiaste à peser la sagesse sous les angles divers de son apport, et du bénéfice partagé, et donc politique, notamment (mais aussi concernant le couple – Ec 9, 9). Où l'on retrouve un classique : la fonction de la sagesse et de sa recherche, de sa fréquentation, de son amitié, bref de la philosophie n'est pas celle d'une fin en soi, mais d'un retour vers la Cité, pour un bien partagé, et non pour la tentante fuite au désert.


III. Avantages de la sagesse ?

Ec 4, 13 Mieux vaut un enfant pauvre et sage qu’un roi vieux et insensé qui ne sait plus écouter les avis...

Ec 6, 8 Quel avantage le sage a-t-il sur l'insensé ? quel avantage a le malheureux qui sait se conduire en présence des vivants ?

Ec 7, 4-25
4 Le cœur des sages est dans la maison de deuil ; le cœur des gens stupides dans la maison de joie.
5 Mieux vaut écouter les reproches d'un sage qu'être homme à écouter la chanson des gens stupides.
6 Comme les épines qui crépitent sous la marmite, tel est le rire des gens stupides. C'est encore là une futilité.
7 L'oppression fait du sage un fou ; les cadeaux font perdre la raison.
8 Mieux vaut la fin d'une chose que son commencement ; mieux vaut un esprit patient qu'un esprit hautain.
9 Ne te presse pas d'être contrarié dans ton esprit, car c'est sur le sein des gens stupides que repose la contrariété.
10 Ne dis pas : « Pourquoi les jours passés étaient-ils meilleurs que ceux-ci ? » Car ce n'est pas la sagesse qui te ferait poser cette question.
11 La sagesse vaut un patrimoine, elle est un avantage pour ceux qui voient le soleil.
12 Car à l'ombre de la sagesse on est comme à l'ombre de l'argent ; l'avantage de la connaissance, c'est que la sagesse assure la vie des sages.
13 Regarde l'œuvre de Dieu : qui pourra redresser ce qu'il a courbé ?
14 Au jour du bonheur, sois heureux, et au jour du malheur, regarde : Dieu a fait l'un exactement comme l'autre, de telle sorte que l'être humain ne trouve rien de son avenir.
15 J'ai vu tout cela pendant mes jours futiles. Il y a tel juste qui disparaît par sa justice, et tel méchant qui prolonge son existence par sa méchanceté.
16 Ne sois pas juste à l'excès et ne te montre pas trop sage : pourquoi te détruirais-tu ?
17 Ne sois pas méchant à l'excès, ne sois pas fou : pourquoi mourrais-tu avant ton temps ?
18 Il est bon que tu retiennes ceci sans laisser échapper cela ; car celui qui craint Dieu trouve une issue en toutes situations.
19 La sagesse rend le sage plus fort que dix gouverneurs dans une ville.
20 Il n'y a pas sur la terre de juste qui fasse le bien sans pécher.
21 Ne prête pas attention à toutes les paroles qu'on dit, de peur que tu n'entendes ton serviteur te maudire ;
22 car tu sais bien que tu en as toi-même maudit d'autres.
23 Tout cela, je l'ai mis à l'épreuve par la sagesse. J'ai dit : « J'aurai de la sagesse », mais elle reste loin de moi.
24 Lointain est ce qui est ; profond, profond ; qui peut le trouver ?
25 Je me suis appliqué à savoir, à explorer et à chercher la sagesse et la raison, à savoir que la méchanceté est stupide, et la folie démente.


Le bénéfice est mince, apparemment, mais suffisant pour faire pencher la balance...


IV. Tant qu'à faire...

Ec 8, 1-8 & 16-17
1 Qui est comme le sage ? Qui sait interpréter les choses ? La sagesse de l'homme fait briller son visage, et la sévérité de son visage se dissipe.
2 Je dis : Observe les ordres du roi, et cela à cause du serment de Dieu.
3 Ne te presse pas de t'éloigner de lui et ne persiste pas dans une mauvaise cause ; car il fait tout ce qui lui plaît.
4 Quoi que dise le roi, il est le maître ; qui donc lui dira : « Que fais-tu ? »
5 Celui qui observe le commandement ne connaîtra rien de mauvais ; le cœur sage connaîtra le temps et le jugement.
6 Car il y a pour chaque chose un temps et un jugement ; le mal de l'être humain est grave pour lui.
7 En effet, il ne sait pas ce qui sera ; qui pourrait lui dire comment cela sera ?
8 Personne n'est maître du souffle, pour le retenir ; nul n'a de pouvoir sur le jour de la mort.

16 Lorsque j'ai appliqué mon cœur à connaître la sagesse et à considérer les choses qui se passent sur la terre, – car les yeux de l'homme ne goûtent le sommeil ni jour ni nuit.
17 j’ai vu toute l’œuvre de Dieu, j’ai vu que l’homme ne peut pas trouver ce qui se fait sous le soleil ; il a beau se fatiguer à chercher, il ne trouve pas ; et même si le sage veut connaître, il ne peut pas trouver.

Ec 9, 1 & 10-18
1 Oui, j’ai appliqué mon cœur à tout cela, j’ai fait de tout cela l’objet de mon examen, et j’ai vu que les justes et les sages, et leurs travaux, sont dans la main de Dieu, et l’amour aussi bien que la haine ; les hommes ne savent rien : tout est devant eux.

10 Tout ce que ta main trouve à faire, avec ta force, fais-le ; car il n'y a ni activité, ni raison, ni connaissance, ni sagesse dans le séjour des morts, où tu vas.
11 J'ai encore vu sous le soleil que la course n'appartient pas aux rapides, ni la guerre aux vaillants, ni le pain aux sages, ni la richesse aux intelligents, ni la faveur à ceux qui savent, car tous sont à la merci des temps et des circonstances.
12 L'être humain ne connaît pas plus son temps que les poissons qui sont pris au filet, pour leur malheur, ou que les oiseaux qui sont pris au piège ; comme eux, les humains sont attrapés à l'heure néfaste qui s'abat sur eux à l'improviste.
13 J'ai aussi vu sous le soleil cet exemple de sagesse qui m'a paru remarquable :
14 Il y avait une petite ville, avec peu d'hommes ; un roi puissant vint contre elle, l'investit et bâtit contre elle de grands ouvrages de siège.
15 Il se trouvait là un homme pauvre et sage qui délivra la ville par sa sagesse. Et personne ne s'est souvenu de cet homme pauvre.
16 J'ai dit : Mieux vaut la sagesse que la vaillance. Cependant la sagesse du pauvre est méprisée, et ses paroles ne sont pas écoutées.
17 Les paroles des sages, écoutées dans le calme, valent mieux que les cris de celui qui gouverne parmi les gens stupides.
18 Mieux vaut la sagesse que des armes de combat ; un seul pécheur anéantit beaucoup de bien.


Où l'on peut en venir au constat que le bénéfice n'est pas si mince que cela. Et qu'il n'est pas où l'on croit...


V. Des clous !...

Ec 10, 1 & 10-12
1 Les mouches mortes infectent et font fermenter l’huile du parfumeur ; un peu de folie l’emporte sur la sagesse et sur la gloire.

10 S’il a émoussé le fer, et s’il n’en a pas aiguisé le tranchant, il devra redoubler de force ; mais la sagesse a l’avantage du succès.
12 Les paroles de la bouche du sage sont pleines de grâce ; mais les lèvres de l’insensé causent sa perte.

Ec 12, 11 Les paroles des sages sont comme des aiguillons ; et, rassemblées en un recueil, elles sont comme des clous plantés, données par un seul maître.


*

Excursus : Sacrée mémoire...

Un leit motive du livre l'Ecclésiaste : "Rien de nouveau sous le soleil"... D'où : aujourd'hui ce n'est pas mieux qu'avant ; et demain non plus, probablement...

Alors, du coup, "les jours passés étaient-ils meilleurs ?" (Ec 7, 10)

Cette question n'est pas de la sagesse" répond l'Ecclésiaste (ibid.)... Ce qui d'ailleurs n'est pas une réponse... à ce qui n'est pas une question qui vaille une réponse...

"Pourquoi les jours passés étaient-ils meilleurs ?" demande l'interlocuteur rhétorique. Mais qui sait s'ils l'étaient ? Et de toute façon, qu'importe ! Il n'y a pas d'avenir dans le passé... Ni d'aujourd'hui dans l'hier ! Nous ne sommes au présent qu'en vis-à-vis, un vis-à-vis qui nous situe non seulement en rapport avec notre histoire, qui est notre relecture d'aujourd'hui de notre passé, mais avec tout ce qui nous fait autre et nous est autre — sous peine de ne s'offrir, comme identité, que la projection de soi-même (individuel ou collectif, national, ecclésial ou autre) vers une totalité imaginée, en forme de paradis perdu et/ou de sein maternel. Une telle projection n'est au fond qu'une façon d'idole, quand nous ne saurions être détenteurs de notre identité, quand notre identité est forcément fonction de l'autre... Tandis que l'idole est substitution à l'Autre.

"Il a mis dans le cœur de l'homme la pensée de l'éternité" (Ec 3, 11) — ce à quoi fait écho : "Votre vie [/ identité] est cachée avec le Christ en Dieu" (Colossiens 3, 3).

Le repérage de l'idole est fonction de l'attribution de caractères absolus, incontournables, intemporels, à telle ou telle idée : cela peut s'étendre, de nos jours, d'un lieu commun (faux comme un lieu commun) tel que "on ne peut rien contre le marché" (marché devenu par conséquent idole) à de supposés "caractères identitaires immuables" d'un peuple ou d'un groupe ("avant c'était mieux, c'était nous immuables"). Dans tous les cas, ces cas-là aujourd'hui ou d'autres en d'autres temps (par ex. : "les lendemains qui chantent"), on est devant l'attribution de caractères "divins" et face à la perte du vis-à-vis de l'autre, dont l'expression biblique remarquable, concrète et quotidienne est dans le vis-à-vis homme-femme (selon telle lecture de la Genèse) — "vois les jours de ta vie avec la femme que tu aimes" (Ec 9, 9).

Or, si l'insoluble n'est donc jamais fatal dans le vis-à-vis homme-femme où se signifie au plus concret "l'altérité de l'autre", il doit pouvoir ne pas l'être à un plan où la distance relative est nettement moins impliquante : le "vivre ensemble" social. Le repli identitaire qui marque le temps ("avant c'était mieux") en nostalgie d'une éternité qui n'est pas sienne, a des fondements bien plus profonds que ses symptômes (un symptôme marquant aujourd'hui est, en politique, la prégnance de l'extrême droite et de ses nostalgies imaginaires) — qui devraient permettre de regarder les choses en face. Jusqu'alors, tel symptôme n'a servi que d'exutoire, de dérivatif, de paille pour ne pas percevoir la poutre : d'où sans doute sa "banalisation" et donc sa récurrence renforcée inéluctable. Où il s'agirait d'user de vigilance pour percevoir enfin qu'il y a là d'abord symptôme. Mais ça risque d'être compliqué quand on a tant de peine à ne pas recevoir notre identité d'une mythologie "historienne" rescapée des "avant c'était mieux" pour sombrer dans les nostalgies coloniales, impériales, "grandeur passée" et "anti-repentance"... – "Ne dis pas : 'Pourquoi les jours passés étaient-ils meilleurs que ceux-ci ?' Car ce n'est pas la sagesse qui te ferait poser cette question" (Ec 7, 10)...

Une façon redoutable d'user de la mémoire quand sa fonction, et les détails du passé auxquels elle s'attache, son humilité, sont d'une épaisseur tellement plus évidemment fondatrice, d'un fondement de l'ordre du religieux (au double sens étymologique de "relire" et "relier") du fait même de son humilité qui nous rend contemporains de sa valeur d'éternité. (Kierkegaard parlait du Christ nous devenant contemporain.) La mémoire, faite d'humilité et chargée d'éternité, est, peut-être pour cela-même, à mille lieues du poids de l'idole, n'ayant rien à imposer...

"J’ai vu toute l’œuvre de Dieu, j’ai vu que l’homme ne peut pas trouver ce qui se fait sous le soleil" (Ec 8, 17). "Ne te montre pas trop sage : pourquoi te détruirais-tu ?" (Ec 7, 16)...

"Avec beaucoup de sagesse on a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science augmente sa douleur" (Ec 1, 18) ; c’est là une occupation pénible, à laquelle Dieu soumet les fils de l’homme" (Ec 1, 13).

Monument mémorial à Antibes*

Mais la question, qui ne relève pas de la sagesse, qu'a posée l'interlocuteur rhétorique de l'Ecclésiaste, c'est plus exactement : "pourquoi les jours passés étaient-ils meilleurs ?" (Ec 7, 10)

J'ai dans un premier temps fait abstraction du "pourquoi ?". Mais l'Ecclésiaste, qui n' a pas répondu, n'a donc pas répondu non plus : "ils n'étaient pas meilleurs" ! Il a bien laissé le "pourquoi ?" en suspend...

"J'ai été roi à Jérusalem", a dit l'Ecclésiaste (1, 12).

Face aux "c'était mieux avant" qui ne relèvent pas de la sagesse, il y a aussi la tentation de leur "substitution" à de redoutables "c'est mieux après"...

En guise d'exemple et d'illustration : quand le sacré d'après se substitue au sacré d'avant...

Le sacré, que l'idole investit, dépasse le religieux, y compris en ce qu'il n'a plus cette certaine dimension relative du religieux : relier, ou relire, c'est forcément relatif à quelque chose, ce qui offre donc la possibilité d'une prise de distance, que ne permet pas forcément le sacré (qui, lui, occasionne le "c'était mieux avant", parlant des jours de l'événement fondateur). Au point qu'on pourrait dire que le sacré c'est aussi le religieux, mais qui n'est plus conscient de l'être !

Les sociétés humaines s'organisant autour d'un sacré, même non-dit (surtout non-dit), y fondent le critère du rejet de leurs hérésies (les cathares ont disparu, mais on leur a trouvé bien des successeurs) et de leurs sacrilèges... "Dis-moi ce qui t'insupporte irrémédiablement, et je te dirai quel est ton totem" : aux caricatures de Mahomet répondent les caricatures de... la Shoah ! Où Ahmadinejad pointe le sacré européen contemporain : un sacré "négatif", en forme de "plus jamais ça" (avant était-il vraiment mieux ? Une question qui décidément n'est pas de la sagesse !), un "plus jamais ça" fondateur des repères actuels, à commencer par la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948. L'attitude d'Ahmadinejad montre que l'universalité de ce fondement universel tend à se relativiser... tandis que le "plus jamais ça" se fragilise jusqu'en Europe d'où il a émergé.

Voilà qui hypothèque lourdement l'idée d'une communauté internationale, quand en outre le sacré universaliste des Droits de l'Homme sert trop souvent d'alibi à des violences dont les fondements en Droits de l'Homme ne leurrent personne ! Et pourtant le recours au "plus jamais ça" est plus que jamais urgent : où il est donc paradoxalement périlleux de le reléguer dans la sphère mythique du sacré, sachant qu’en présence du sacré, on ne dialogue pas, on vénère. Et où parallèlement il est urgent de reconnaître comme patrimoine commun tous les domaines de la culture humaine.

Et là, en regard du "plus jamais ça" de la Shoah, il faut être prudent quant à la nature de son rapport avec les débouchés actuels, proche-orientaux notamment, et particulièrement quant au conflit israëlo-palestinien (que vise évidemment la "désacralisation" façon Ahmadinejad). Si il est troublant de voir qu'une ou deux générations après la Shoah, la déshumanisation parvienne à creuser son chemin jusque chez les héritiers des victimes, la mémoire de la Shoah comme "plus jamais ça" joue un autre rôle, comme fantôme et menace. Là, on se trouve à un carrefour entre théologie et idéologie (et à un carrefour des basculements dans la négation de l'autre, de bonne foi — ou pas) :

Le dialogue judéo-chrétien issu du "plus jamais ça" a permis de déceler qu'une des racines débouchant sur la Shoah est ce qu'on appelle la "théologie de la substitution", qui a dominé dans le christianisme depuis plus d'un millénaire (si ce n'est presque deux). L'idée on le sait, est en gros que la religion la plus récente se substitue à celle qui précède (qui dès lors, à terme, n'a logiquement plus lieu d'être), reléguée dans le passé. Une idéologie de la non-reconnaissance (et la sagesse requiert la reconnaissance : "nous sommes des nains montés sur des épaules de géants" – cit. Bernard de Chartres, 1130-1160).

L'abandon de la théologie de la substitution est au cœur du dialogue judéo-chrétien contemporain — abandon dont un précurseur est Calvin (qui souligne qu'il ne saurait y avoir substitution car Dieu ne renie pas ses propres engagements : l'Alliance avec Israël est toujours valide). Mais jusque là, elle a fait des ravages. Non seulement dans le monde religieux : on la retrouve, outre le christianisme, dans l'islam, où elle consiste à penser que l'islam abolit les religions antérieures - qui subsistent donc provisoirement, sous une protection précaire (le statut de dhimmis), équivalent de la protection avignonnaise des "juifs du pape". L'idée est d'une autre façon derrière la persécution des hérétiques (relégués eux, non pas dans le passé, mais dans le sacrilège déstructurateur : figure type, les cathares). Les deux notions (hérésie et "protection") se rejoindront en France catholique d'Ancien régime avec l'Édit de Nantes "protégeant" les hérétiques protestants, un Édit voué à... être révoqué par Louis XIV au prétexte qu'"il n'y a quasiment plus de protestants".

L'idée de substitution est reprise aussi en dehors des cercles religieux, quand les Lumières censées dissiper les ténèbres, vouent donc logiquement aux ténèbres les tenants de pensées qui n'entrent pas dans la marche du progrès de "la" Civilisation. Voltaire, au-delà de sa bénéfique militance pour la tolérance, est à ce point remarquable (mais, homme de son temps sans plus, il n'est pas le seul), méprisant à l'égard des juifs comme à l'égard des autres "races inférieures" ("nègres, Indiens", etc.). À ce point, on a quitté la théologie de la substitution, et on est entré dans une sorte d'idéologie de la substitution, en marche vers sa justification "scientifique" racialiste, puis raciste, qui viendra appuyer les projets coloniaux jusque dans la bouche de Jules Ferry, mais aussi de Victor Hugo, et jusque (atténué) chez Jaurès et Blum : le devoir des "races supérieures" d'éclairer "les races inférieures"...
Avec le point-limite de leur "infériorité" et de leur "non-perfectibilité", qui débouche sur des massacres de masse et des génocides : premier génocide du XXe siècle (reconnu depuis 2004), le génocide des Hereros de la colonie allemande de Namibie. Un temps gouverneur de la colonie, Heinrich Goering, père de l'autre. Le parallèle avec le vocabulaire employé ensuite en Allemagne est frappant.

Derrière tout ça, l'idée substitutionniste à la sauce racialo-darwinienne (où Darwin ne reconnaîtrait sûrement pas ses petits !) : les "races supérieures" vouées à se substituer aux "races inférieures", par extermination éventuellement. On est au fondement de l'idée qui débouche sur la Shoah. Aimé Césaire a un passage remarquable à ce sujet dans son "Discours sur le colonialisme".

Or le judaïsme est au fait (et pour cause) de ces potentialités catastrophiques du substitutionnisme. Et voilà qu'il retrouve dans les discours religieux intégristes (qu'ils soient chrétiens ou musulmans : Hamas) cette thématique de la substitution... Où la crainte de la Shoah a aussi pour effets pervers des espèces d'insupportables retours de colère mus par... la peur et sa "prévention". Redoutable imbroglio, d'autant plus en imbroglio que par dessus le marché, Theodor Herzl (1860-1904), initiateur du projet envisageant un futur État d'Israël, vivait à l'époque coloniale, et qu'il a l'impression que les terres "non-civilisées", c'est-à-dire non-occidentalisées, sont vierges...

C'est le paradoxe d'Israël, dont la légitimité est indubitable au regard d'une mémoire issue d'une liturgie séculaire incontournable ("l'an prochain à Jérusalem", au cœur du rite juif, quelque interprétation que cela prenne), face (malgré Herzl) à une autre mémoire tout aussi incontournable. Or aussi mythiques soient les fondements mémoriaux, ils sont incontournables une fois adoptés...

Je me souviens de la solution (rétroactive) que rêvait il y a trois ou quatre un vieil homme tunisien musulman de notre groupe de dialogue inter-religieux d'Antibes (depuis il est décédé) : il aurait fallu que les Arabes gèrent l'arrivée des juifs dans la perspective de l'hospitalité arabe, dans la perspective du don : utopique, incontestablement, mais il faudra bien en passer par là : quelque chose de l'ordre de la reconnaissance réciproque de la légitimité de chaque mémoire, dans un don réciproque, et dans l'abandon de tout substitutionnisme dans un sens (celui de la théorie de la terre vierge) ou dans l'autre (celui du peuple relégué dans le passé des successions des religions / ou pire, des "races")... Nous voilà face au choc de deux "c'était mieux avant" entremêlés de "c'est – ou ce sera – mieux après".

Là à nouveau la parole autre que porte la révélation biblique, et dont témoigne tout peuple qui s'en réclame, à commencer par son premier peuple-témoin, Israël, l'appelle à redire sans cesse qu'il n'y a de rencontre de nous-mêmes que dans le vis-à-vis de l'autre...

Tandis que cette figure symbole de la parole liturgique "l'an prochain à Jérusalem", ce "fils de David" (Ec 1, 1), tonne comme pour un avertissement de la Sagesse : "Moi, l’Ecclésiaste, j’ai été roi d’Israël à Jérusalem"... "Vois les jours de ta vie avec la femme que tu aimes" (Ec 9, 9). "Dieu a mis dans le cœur de l'homme la pensée de l'éternité" (Ec 3, 11)...