dimanche 14 juin 2020

"Le pain vivant qui descend du ciel"


Culte et prédication in extenso
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Jean 6, 51-58 (et Deutéronome 8, 1-16 ; Psaume 147 ; 1 Corinthiens 10, 16-17)
51 « Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »
52 Sur quoi, les Judéens se mirent à discuter violemment entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
53 Jésus leur dit alors : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas en vous la vie.
54 Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
55 Car ma chair est vraie nourriture, et mon sang vraie boisson.
56 Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.
57 Et comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera vivra par moi.
58 Tel est le pain qui est descendu du ciel : il est bien différent de celui que vos pères ont mangé ; ils sont morts, eux, mais celui qui mangera du pain que voici vivra pour l’éternité. »

*



Propos troublant que le propos de Jésus. On comprend la question qu’il suscite : « comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Au fond que veut dire Jésus ? Cela s’inscrit bien sûr dans le discours donné au lendemain de la multiplication des pains de ce chapitre 6 de l’Évangile de Jean ; ça en est le point culminant. Notons que les Judéens qui « discutent violemment entre eux » (v. 52) sont disciples de Jésus, comme cela apparaît juste après (v. 60 et 66). À traduire donc par Judéens et non juifs, ce qu'ils sont tous : Jésus et tous ses disciples, qu'ils soient Galiléens ou Judéens, et quelle que soit la réaction à son enseignement de ceux qui sont parmi ses disciples.

En termes outranciers, qui entendent rendre le propos incontournable, Jésus nous renvoie chacun à nous-mêmes. De la manne des Pères aux pains multipliés de la veille, qui n’ont pas rassasié le cœur, un chemin de désert vers la délivrance, symbolisé aujourd’hui pour nous par le désert confiné de ces dernières semaines. Chemin au désert, manne et pains du désert, en route vers le Royaume espéré. Une histoire passée de combats héroïques — histoire inachevée… Est-on en effet parvenu au Royaume promis ?

L'actualité nous rappelle régulièrement que ce n'est pas le cas. Certes les bases théoriques de jours heureux et fraternels sont posées : le cœur de la Loi biblique, sur la justice et sur l'amour du prochain, qui s'exprime aujourd'hui dans les Déclarations de Droit qui en sont issues, et notamment les Déclarations américaines et françaises, Constitution, Déclaration de 1789, et leur extension universelle en 1948. Hélas comme au temps de l’Exode, ou au temps où Jésus est venu dans le monde, de nos jours aussi, cela reste théorique, comme vient de le montrer le meurtre de George Floyd.

La Parole de Dieu appelle à être vécue, à être mise en pratique, vécue dans la chair, incarnée. C'est ce que signifie le partage qui se dit dans la multiplication des pains, et aussi, pour nous, dans la sainte Cène, l’eucharistie, écho à une multiplication des pains présentée par Jésus comme « ma chair à manger ». C'est-à-dire Parole de Dieu partagée, qui ne nourrit que par sa mise en pratique, dans le concret de la chair ; comme aujourd’hui la leçon universaliste des Droits de l’Homme est à vivre dans la chair.

Nous en sommes tous là : quelque chose manque, quelque chose de l'ordre du concret, de la chair. Alors, au cœur de notre manque, Jésus nous dit qu'il donne sa chair pour la vie du monde ; en d’autres termes, il se dépouille de sa vie, s'identifie à toutes celles et ceux dont la vie est méprisée, volée par le mépris ; Jésus rejoint l'homme humilié, genou à terre, ployant sous la croix… Et il nous appelle à recevoir ce dépouillement, en termes de « manger sa chair ». Recevoir de son dépouillement, la parole, la promesse de notre propre dépouillement.

Alors prend place la promesse de la Résurrection, de nouveaux cieux et d'une nouvelle terre. Dans le signe d'un monde enfin fraternel, la résurrection prend place alors comme récapitulation dans le Christ de ce que nous sommes vraiment, de ce que nous désirons vraiment, l’ignorerions-nous. C’est là la vérité profonde de la parole où Jésus mène ses interlocuteurs, où Jésus nous mène : « Qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité ». C’est la parole par laquelle, mystérieusement, Jésus répond en vérité aujourd’hui à toutes nos demandes.


Culte et prédication in extenso
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