dimanche 28 juin 2020

"Qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé"


Prédication in extenso
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2 Rois 4, 8-16 ; Psaume 89 ; Romains 6, 3-11 ; Matthieu 10, 37-42

2 Rois 4, 8-16
8 Il advint un jour qu’Élisée passa à Shounem. Il y avait là une femme de condition, qui le pressa de prendre un repas chez elle. Depuis lors, chaque fois qu’il passait, il s’y rendait pour prendre un repas.
9 La femme dit à son mari : « Je sais que cet homme qui vient toujours chez nous est un saint homme de Dieu.
10 Construisons donc sur la terrasse une petite chambre ; nous y mettrons pour lui un lit, une table, un siège et une lampe ; quand il viendra chez nous, il pourra s’y retirer. »
11 Un jour, Élisée vint chez eux ; il se retira dans la chambre haute et y coucha.
12 Il dit à son serviteur Guéhazi : « Appelle cette Shounamite ! » Il l’appela et elle se tint devant le serviteur.
13 Élisée dit à son serviteur : « Dis-lui : Tu nous as témoigné toutes ces marques de respect. Que faire pour toi ? Faut-il parler en ta faveur au roi ou au chef de l’armée ? » Elle répondit : « Je vis tranquille au milieu des miens. »
14 Il dit : « Mais que faire pour elle ? » Guéhazi répondit : « Hélas ! Elle n’a pas de fils, et son mari est âgé. »
15 Il dit : « Appelle-la ! » Il l’appela et elle se tint à l’entrée.
16 Il dit : « A la même époque, l’an prochain, tu serreras un fils dans tes bras. » Elle dit : « Non, mon seigneur, homme de Dieu, ne dis pas de mensonge à ta servante. »

Matthieu 10, 37-42
37 « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi.
38 Qui ne se charge pas de sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi.
39 Qui aura assuré sa vie la perdra et qui perdra sa vie à cause de moi l’assurera.
40 « Qui vous accueille m’accueille moi-même, et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé.
41 Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète, et qui accueille un juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste.
42 Quiconque donnera à boire, ne serait-ce qu’un verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense. »

*



Qu’a fait cette femme, accueillant le prophète Élisée ? Elle a accueilli, à travers son prophète, Celui qui l’a envoyé. Pour cela, elle s’est montrée non-propriétaire de ses propres biens, y renonçant sans même qu’elle le sache, devinant sans le savoir la Source éternelle de ses biens — Source dont parle le prophète.

Un renoncement qui s’illustre dans le fait que le texte biblique ne la nomme même pas, non plus que son mari (tout ce que l’on sait, c’est qu’ils sont de Shounem). « Qui perdra sa vie à cause de moi », dit Jésus, en qui se manifeste la Source éternelle de tout bien, « qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera ». C’est là la « récompense » dont il parle : trouver la vie.

Terme étrange que ce mot « récompense », qui (sachant le mot choisi par Jésus : salaire, rémunération) pourrait paraître dire qu’il s’agit d’acheter un bénéfice, ou au moins d’être payé en retour pour une œuvre. Or c’est précisément cela, un bénéfice en retour, à quoi a renoncé la femme et son mari accueillant Élisée — qui lui propose : « “Faut-il parler en ta faveur au roi ou au chef de l’armée ?” Elle répondit : “Je vis tranquille au milieu des miens.” » (2 R 4, 13). Bref : « Je ne veux rien, je n’ai besoin de rien ».

Renoncer pour trouver la vie. Trouver la vie : c’est le signe qu’elle va recevoir, à travers un don qu’elle n’a pas demandé, fruit de la bénédiction de son couple qu’elle reçoit d’Élisée, écho à la Genèse : « Dieu les bénit en disant : soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1, 28) — « À la même époque, l’an prochain, tu serreras un fils dans tes bras » (2 R 4, 16). Ce qui va advenir (v. 17) — et malgré le fait qu’elle n’a rien demandé, et malgré ses doutes sérieux (v. 16b). C’est un signe que nous donne le récit, bénédiction concrète pour la femme, signe pour nous tous .

Signe seulement, via une parole performative du prophète, c’est-à-dire parole qui produit ce qu’elle dit, mais pas phénomène automatique et nécessaire, genre ce qu’on désigne en général comme « magique », sans quoi le signe serait vide, et se résumerait à une forme de rémunération ! Or il s'agit d’un signe de réception de la vie — « qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera ».

*

Renoncer à tout ce qui nous est cher… « Qui aime père et mère, ou fils et fille plus que moi n’est pas digne de moi. » De quoi s'agit-il ? De renoncer, à tout, jusqu’à soi-même, et ceux qui nous sont chers, pour fonder de vraies relations. En refondant les relations. Selon un renoncement qui permet de pardonner enfin, et de vivre côte à côte dans la liberté. La Shunamite n’obtient son enfant, ne trouve son enfant, que d’avoir renoncé ! Et pour cela d’avoir accueilli le Dieu que nul n’a jamais vu en accueillant celui qui lui en a porté la parole.

Alors, un monde nouveau, prémisse des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, peut advenir, un monde de relations humaines basées sur un dialogue reconnaissant que l'autre, fût-il notre enfant, notre père ou notre mère, n’est ni une reproduction de nous-mêmes, ni l’anti-image qu’il nous faudrait fuir ; qu’il est lui aussi un être à l'image de Dieu manifestée en Christ : « qui vous reçoit me reçoit, qui me reçoit reçoit celui qui m'a envoyé » (v. 40).


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