mardi 2 juin 2020

Laissez la vanité à l’idole



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Marc 12, 13-17
13 Ils envoient auprès de Jésus quelques Pharisiens et quelques Hérodiens pour le prendre au piège en le faisant parler.
14 Ils viennent lui dire : « Maître, nous savons que tu es franc et que tu ne te laisses pas influencer par qui que ce soit : tu ne tiens pas compte de la condition des gens, mais tu enseignes les chemins de Dieu selon la vérité. Est-il permis, oui ou non, de payer le tribut à César ? Devons-nous payer ou ne pas payer ? »
15 Mais lui, connaissant leur hypocrisie, leur dit : « Pourquoi me tendez-vous un piège ? Apportez-moi une pièce d’argent, que je voie ! »
16 Ils en apportèrent une. Jésus leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » Ils lui répondirent : « De César. »
17 Jésus leur dit : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Et ils restaient à son propos dans un grand étonnement.

*


Que de succès la formule de Jésus « rendez à César… » n’a-t-elle pas eu ! Dernier usage connu en date : on en a fait depuis 1905, la racine de la laïcité et de la séparation des Églises et de l’État, certes bienvenue… Sauf que ce n’est pas le propos de Jésus — qui disait cela bien avant 1905 et les autres lois de séparation modernes. Ou alors le christianisme historique est un peu long à la détente !

Le texte annonce la couleur : il s’agit d’un piège… On envoie auprès de Jésus des pharisiens et des hérodiens. Étrange attelage. Les pharisiens, comme les disciples de Jésus, perçoivent les hérodiens comme les tristes pantins des Romains.

Le piège consiste à amener Jésus — soit à dire devant les hérodiens, qui s’empresseront de faire leur rapport aux autorités, qu’il se veut le porte-parole d’un royaume souverain, Israël, et qu’il n’est évidemment pas comme Hérode, à la solde de Rome ; — soit à se défiler et se discréditer auprès des siens en prônant la soumission symbolique à Rome par l’impôt ! Auquel cas, c’est parmi les pharisiens que certains se chargeront de colporter la nouvelle.

C’est pourquoi la réponse de Jésus ne signifie pas ce qu’on a pris l’habitude d’en faire : une réponse qui serait au fond hérodienne, légitimant l’Empire romain. N’a-t-on pas, en effet, fait professer à Jésus une théorie du double pouvoir : le temporel à César, le spirituel aux représentants attitrés de Dieu…

Une telle lecture de ce texte revient — s’en rend-on compte ? — à dire qu’on aurait réussi à montrer aux pharisiens et aux disciples de Jésus qu’il est au fond au service — conscient ou pas — du pouvoir romain. Or ce n’est manifestement pas ce que pharisiens et hérodiens ont compris.

Quand Jésus dit « rendez à César ce qui est à César », il parle de la vanité de ce qu’il s’agit de lui rendre. Sur la pièce est une idole, César figure cette idole — Jésus et ses interlocuteurs ne peuvent que s’y accorder sans peine. Que les affaires d’idoles restent donc des affaires d’idolâtres : laissez leur cela. Pas de quoi satisfaire les hérodiens, traités implicitement de païens.

Quant aux pharisiens, la teneur de la seconde proposition ne leur échappe pas. « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu » n’est aucunement parallèle à « rendez à César ce qui est à César ». Comme si Dieu et César étaient chacun à la tête de deux banques fonctionnant en parallèle, comme les euros qui reçoivent les symboles souverains de chaque État européen.

Les pharisiens ne s’y sont bien sûr pas trompés. Dieu est au-delà de César, infiniment au-delà, et tout lui appartient, César y compris… Quand César n’est plus d’actualité, mais que Mammon, l’argent devenu idole, la vraie idole derrière tous les César, l’est plus que jamais, ce texte vient nous enseigner de rendre à Dieu ce qui est à Dieu en laissant les idoles à leur vanité pour vivre dès à présent une autre réalité, celle du Règne de Dieu, qui n’est pas de ce monde.


RP, 02.06.2020
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