jeudi 11 juin 2020

Quiconque se met en colère contre son frère



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Matthieu 5, 20-26
20 Car je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens, non, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux.
21 « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre ; celui qui commettra un meurtre en répondra au tribunal.
22 Et moi, je vous le dis : quiconque se met en colère contre son frère en répondra au tribunal ; celui qui dira à son frère : “Imbécile” sera justiciable du Sanhédrin ; celui qui dira : “Fou” sera passible de la géhenne de feu.
23 Quand donc tu vas présenter ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi,
24 laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande.
25 Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire, tant que tu es encore en chemin avec lui, de peur que cet adversaire ne te livre au juge, le juge au gendarme, et que tu ne sois jeté en prison.
26 En vérité, je te le déclare : tu n’en sortiras pas tant que tu n’auras pas payé jusqu’au dernier centime.

*


En regardant notre texte de près, il est facile de voir que Jésus ne remet pas en cause la Torah, mais certaines interprétations accommodantes qui en sont faites, pour une justice qui reste théorique même chez ses meilleurs auditeurs — « si votre justice ne surpasse pas » un comportement théorique, n’entrant jamais dans les faits…

Ce en quoi Jésus est en parfait accord avec l’enseignement juif. Opposer les deux Testaments est erroné. La Loi se trouve aussi dans le Nouveau Testament, elle y est la même que celle de la Bible hébraïque.

C'est une prise à la légère de l’enseignement biblique que Jésus dénonce, prise à la légère qui conduit, ici via la colère, aux pires dérives, jusqu'au mépris de l'humain à l'image de Dieu que l'on ne reconnaît plus comme tel, estimant dès lors que les insultes, signes de ce mépris, ne comptent pas. Ignorant que cela peut déboucher sur le meurtre.

Voilà qui, à nouveau, nous conduit au cœur de l’actualité. « Le racisme, écrit Romain Gary, c’est quand ça ne compte pas. Quand ils ne comptent pas. Quand on peut faire n’importe quoi avec eux, ça ne compte pas, parce qu’ils ne sont pas comme nous. Tu comprends ? Ils ne sont pas des nôtres. On peut s’en servir sans déchoir. On ne perd pas sa dignité, son “honneur”. Ils sont tellement différents de nous qu’il n’y a pas à se gêner, il ne peut y avoir… il ne peut y avoir jugement voilà. On peut leur faire faire n’importe quelle besogne parce que de toute façon, le jugement qu’ils portent sur nous, ça n’existe pas, ça ne peut pas salir… C’est ça, le racisme. » Romain Gary écrit cela en 1975.

L'actualité nous plonge hélas dans ce à quoi conduit le refus de cet enseignement biblique parlant des racines du meurtre qui plongent dans la colère et fructifient en haine. Alors, nous dit Jésus, les rites religieux-mêmes — « ton offrande » — n’ont pas de sens si réconciliation et pardon ne sont pas passés. Laisse-là ton offrande. Ici aussi on retrouve l’enseignement juif prônant la même chose pour le jour du pardon, Yom Kippour.

Laisse-là ton offrande destinée pourtant à Dieu, laisse ta Bible exhibée, ou ton chapelet brandi, et obtiens le pardon, car l’impunité pour tes exactions finira pas cesser. Non seulement le tourment intérieur te guette — « la géhenne » — mais la venue d’une vraie justice — « le Sanhédrin » — : déjà s’approche le Règne de Dieu, règne de paix, de justice et de fraternité.


RP, 11.06.2020
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