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Jean 6, 52-59
52 Sur quoi, ils se mirent à discuter violemment entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
53 Jésus leur dit alors : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas en vous la vie.
54 Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
55 Car ma chair est vraie nourriture, et mon sang vraie boisson.
56 Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.
57 Et comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera vivra par moi.
58 Tel est le pain qui est descendu du ciel : il est bien différent de celui que vos pères ont mangé ; ils sont morts, eux, mais celui qui mangera du pain que voici vivra pour l’éternité. »
59 Tels furent les enseignements de Jésus, dans la synagogue, à Capharnaüm.
*
Propos troublant que le propos de Jésus. On comprend la question qu’il suscite : « comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Au fond que veut dire Jésus ? Cela s’inscrit dans le discours de ce chapitre ; ça en est le point culminant.
Le propos de tout le discours est le suivant : nourrissons-nous notre vrai désir ? — le connaissons-nous, même : — le désir de Dieu ? C’est la question que nous pose ce texte… En termes apparemment outranciers, certes. En fait en termes qui rendent la question incontournable.
Voilà donc les auditeurs de Jésus entre le pain abondant de la veille, dont ils veulent bien remplir à nouveau leur ventre et le pain spirituel qui les renvoie au passé religieux, au temps du désert, au temps glorieux de la religion des ancêtres.
Mais si c’était aujourd’hui qu’ils avaient faim, aujourd’hui que l’on a faim ? Une faim que l’on ignore, une faim que l‘on n’a pas conçue. Et qui pourtant tenaille. Telle est la question de ce texte, la question qu’il nous pose aujourd’hui. Oui, nous aussi, nous aimerions bien n’avoir plus le souci du pain du lendemain.
Et puisqu’on réfère au désert, au pain mangé au désert, la manne, n’est-ce pas une histoire de cailles que tout cela ? Lorsque le peuple au désert voulait plus que ce pain, de la viande, et qu’il recevait des cailles jusqu’à satiété, jusqu’au dégoût… Faudra-t-il encore du dégoût pour que l’on comprenne ? Alors, si c’est du dégoût qu’il vous faut… « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » !
Vouloir des signes, encore et toujours. Comme si nous n’en avions pas assez vu ! Mais qu’avons-nous vu, me direz-vous ? Qu’est ce que les yeux qui ne sont pas ceux de la foi ont vu d’autre que du passé ? Notre Dieu produit-il autre chose que du passé ? Hier, avec les concombres d’Égypte, hier encore, la veille, avec la multiplication des pains, nous ne sommes pas morts de faim…
Et pourtant, aujourd’hui même, nous avons le vrai signe : au cœur de notre manque, cette certitude intimement enfouie que celui-ci a les paroles de la vie éternelle. Et, signe puissant s’il en est, il donne sa chair pour la vie du monde ; en d’autres termes, il se dépouille de sa vie… Et il nous appelle à recevoir ce dépouillement, « manger sa chair ». C’est-à-dire recevoir de son dépouillement la parole, la promesse de notre propre dépouillement — « et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »
RP, 01.05.2020
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